Intervention de Stéphane Ravier

Réunion du 25 mai 2021 à 14h30
Irresponsabilité pénale — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Stéphane RavierStéphane Ravier :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il y a de grands principes qui fondent notre droit et qui se confrontent : on ne soumet pas à un procès les individus n’étant pas en capacité de présenter personnellement leur défense ; on ne juge pas les fous. Cependant, on a le devoir de mettre hors d’état de nuire les individus dangereux et celui d’assurer aux parties civiles que justice soit faite quand le mal est fait.

L’irresponsabilité pénale ne doit être invoquée qu’en cas d’extrême nécessité, car la justice et la sécurité doivent être assurées. Mais depuis dix ans le nombre d’ordonnances d’irresponsabilité a fortement augmenté. Ce terme et, surtout, sa signification ne doivent pas être dévoyés. Or il semble que la culture de l’excuse soit aussi florissante que la culture du cannabis.

Je pense tout spécialement à la douleur de la famille de Sarah Halimi le 14 avril dernier, jour où les juges de la Cour de cassation ont confirmé que le meurtrier était pénalement irresponsable au moment des faits ; qu’il était en proie à une « bouffée délirante » lorsqu’il a tué sa voisine, après la consommation de stupéfiants.

Ce criminel ne sera pas jugé, car les juges ont estimé que fumer du cannabis en quantité et tuer une personne juive aux cris d’« Allah Akbar » n’était que la « bouffée délirante » passagère d’une personne tout à fait normale, refusant de voir qu’il était activement en proie à des bouffées islamistes, antisémites et criminelles.

Résultat : ni prison ni hôpital psychiatrique pour Kobili Traoré ; une bouffée de haine de plus dans la nature. Que se passera-t-il s’il récidive ?

Il y a la séparation des pouvoirs, mais nous sommes là aussi pour exprimer la colère d’une famille et de la famille nationale, pour faire en sorte que le code pénal et le code de procédure pénale ne légitiment pas la culture de l’excuse.

Abolir volontairement son discernement par la consommation volontaire de drogues, n’est-ce pas déjà avoir fauté ? La tolérance croissante de notre société face aux substances psychoactives et aux drogues nous expose à ces excès, à ces drames et à ces injustices.

Alors que le débat sur la légalisation du cannabis s’est invité au Parlement, au point que l’on a pu voir un député brandir un joint dans l’hémicycle du Palais-Bourbon – à croire qu’il venait d’en fumer un… –, les parlementaires doivent considérer l’expression de la responsabilité dans le droit en questionnant d’abord leur propre qualité de responsable politique.

Au-delà des évolutions législatives, il est bon que le sentiment d’injustice né de l’absence de procès et de jugement se fasse entendre par l’institution judiciaire elle-même : car c’est elle qui voit, entend, touche et doit comprendre le pays réel.

Il convient ensuite de donner aux juges, dans leur appréciation souveraine, les moyens financiers et humains nécessaires pour rendre la justice et mieux éclairer leur jugement.

Il y a une dernière condition pour que la justice soit rendue : son indépendance vis-à-vis du pouvoir politique, qui plus est lorsque le ministre de tutelle se vante d’être le ministre des délinquants !

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