Je remercie notre président d'avoir accepté ma proposition de vous auditionner, c'est l'occasion de vous dire tout notre soutien.
Depuis plusieurs années, le groupe d'amitié « France-Pakistan », que je préside, travaille intensément pour développer les relations entre les deux pays avec le Pakistan, avec cette ligne claire : nous pouvons aborder tous les sujets, sauf le nucléaire et l'armement - ce qui laisse suffisamment de thèmes à creuser. Ainsi, nous avons travaillé pour la révision de la cotation-risque du Pakistan, sur la mobilisation du secteur bancaire, nous avons encouragé le déplacement de groupes industriels français, ou encore un échange entre l'Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN) et son homologue pakistanais ; nous n'avons pas négligé l'aspect culturel, avec la présentation, au musée Guimet, d'un Bouddha sacré qui n'était jamais sorti de Lahore, occasion de vérifier que des spécialistes français connaissent très bien le Pakistan.
Or, la situation s'est considérablement compliquée ces derniers mois, nous déplorons une véritable régression par rapport à la reconstruction de meilleurs relations, que nous nous efforcions d'atteindre. Vous avez souligné la place que prend notre partenariat stratégique avec l'Inde, ce facteur n'est pas à négliger, mais nous devons également continuer d'affirmer que nous parlons avec tout le monde.
Nous avions fondé beaucoup d'espoir dans l'actuel Premier ministre, Imran Khan, mais il fait face à une aile islamiste très active et nous constatons, avec regret, que le Pakistan n'a toujours pas envoyé d'ambassadeur en France - le pays est représenté par un premier conseiller chargé d'affaire que nous devions recevoir cet après-midi, mais la réunion a été annulée.
En tout état de cause, nous devons veiller à la sécurité des Français et de nos intérêts, le Sénat y prendra sa part, et nous saluons les marques de soutien de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne.
Le débat sur la laïcité existe au Pakistan et il est clivant, je m'en suis aperçu lors d'une conférence de presse à Lahore : j'y expliquais la conception française du sécularisme, sa résonnance par exemple avec le kémalisme, et j'ai vu alors que ces notions faisaient débat parmi les Pakistanais, combien elles les divisaient ; aussi, je crois que l'anathème sur la France sert dans un débat intérieur très clivé, alors même que la Constitution pakistanaise, issue de la partition avec l'Inde, assure que la république pakistanaise est islamique mais qu'elle respecte les autres religions : cette ligne de crête est difficile à tenir.
Il y a, ensuite, une compétition pour savoir quel sera le premier pays musulman du monde : c'est aujourd'hui l'Indonésie, mais le Pakistan pourrait prendre la première place, avec une perspective de 320 millions d'habitants en 2050. Cette compétition est également idéologique, en particulier avec des pays comme l'Iran ou la Turquie, et notre pays en fait les frais. Lors des quatre voyages que j'ai faits au Pakistan, j'ai été très impressionné par la violence des manifestations et par les difficultés de faire prévaloir des relations raisonnables, alors que le pays est assurément une grande puissance.