La Chine est indéniablement le grand partenaire du Pakistan, les expressions locales en témoignent, parlant d'une « amitié profonde comme l'océan et dure comme l'acier ». Il faut comprendre la rivalité stratégique originelle du Pakistan et de l'Inde : la partition a laissé des traces très importante dans les deux pays, les Pakistanais lisent la politique extérieure indienne comme une série d'actions menaçant l'existence même du Pakistan, comme si l'Inde n'avait pas d'autre objectif que de dépecer le Pakistan : il y a eu les tentatives d'annexion d'une partie du Cachemire, il y a eu l'épisode du Bangladesh, devenu indépendant en 1971, il y a encore les accusations que l'Inde soutiendrait les mouvements indépendantistes, en particulier baloutches - l'irrédentisme portant sur quasiment la moitié du territoire pakistanais. Le Pakistan craint également la revendication d'un grand Pachtounistan, à partir de l'Afghanistan, qui réduirait encore le territoire pakistanais.
L'Inde représente donc une menace existentielle pour le Pakistan. En face, le Pakistan peut avoir le sentiment d'avoir perdu ses appuis, qui autrefois, dans le « pacte de Bagdad », s'étaient regroupés face à la menace soviétique. De fait, le Pakistan a perdu du soutien, en particulier dans la relation avec les États-Unis, ce qui peut lui faire regarder plus favorablement les propositions de la Chine, laquelle développe une stratégie mondiale passant par de nouvelles alliances, que des analystes regardent comme un nouveau multilatéralisme à la main de la Chine et concurrençant l'ONU. Cette perspective est importante pour le Pakistan, qui a perdu des soutiens occidentaux et qui se sent menacée par l'Inde. La diplomatie vaccinale de la Chine s'inscrit dans cet ensemble. Les investissements colossaux des nouvelles routes de la soie, dans les secteurs de l'énergie et des infrastructures, mais aussi l'annonce d'investissements massifs dans la santé et l'éducation, sont présentés comme une chance donnée au Pakistan de stimuler sa croissance et d'entrer dans la modernité. Le projet marque une pause, mais les Chinois sont là et le Pakistan est heureux de faire partie de cette stratégie, même s'il y a un coût - le piège de la dette, en particulier.
Le Cachemire est une question centrale. Une paix durable est souhaitable, des escarmouches peuvent avoir des conséquences graves ; le cessez-le-feu actuel semble tenir, ce n'est pas le premier mais c'est positif. Les Pakistanais donnent des signes qu'il y a du mouvement, on reconnait qu'il y a des contacts parallèles entre les deux pays, sachant que pour l'Inde aussi des questions sécuritaires se posent. Une paix durable est-elle possible ? Oui, à condition de négociations bilatérales très sérieuses et de bonne foi, alors qu'elles sont souvent un moyen de blâmer l'autre partie. Nous nous efforçons constamment de promouvoir cet objectif : nous avons organisé dans ce sens des conférences franco-allemandes pour montrer que des pays hier ennemis peuvent devenir amis.
La relation avec l'Afghanistan, ensuite, est très sensible. Le Pakistan se percevant très vite comme encerclé, il vise à ce que le pouvoir à Kaboul soit au minimum neutre. Les Pakistanais ont dit qu'ils ne croyaient pas à une solution militaire en Afghanistan et ils affirment avoir joué un rôle dans l'accord avec les Talibans - quelles que soient les arrière-pensées qu'on leur prête, on peut entendre qu'ils disent aller dans le bon sens. Quoiqu'il en soit, jamais les Pakistanais ne laisseront s'installer à Kaboul un pouvoir qui leur soit hostile et, dans la situation particulièrement dangereuse qui est celle de l'Afghanistan, le Pakistan est incontournable, ce d'autant qu'il demande à être associé - en particulier chaque fois que l'Inde est présente, c'est un jeu constant d'influence.
Je ne saurais vous répondre sur les problèmes posés à la sécurité intérieure par les mineurs isolés venus du Pakistan. Cependant, il est clair que les vidéos jouent un rôle dans la radicalisation et le passage à l'acte. Nous travaillons au quotidien avec les autorités pakistanaises sur les questions d'immigration, pour la vérification des papiers dans la procédure de visas et nous avons bien l'intention de poursuivre cette coopération. Cependant, pour les autorités pakistanaises, l'émigration est aussi une façon de traiter les problèmes de l'emploi, le roman de l'émigration heureuse en Occident pour y travailler est encore tout à fait actuel.