Intervention de Louis Schweitzer

Mission d'information Égalité des chances — Réunion du 26 mai 2021 à 16h45
Audition de M. Louis Schweitzer président du comité d'évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté

Louis Schweitzer :

Je voudrais reprendre brièvement en évoquant deux points.

Le premier est l'accompagnement. L'accompagnement des personnes aidées est un élément central de la stratégie de lutte contre la pauvreté. Et nous avons été très frappés de voir, en dialoguant avec les responsables des grandes organisations de lutte contre la pauvreté, avec le cinquième collège des personnes en situation de pauvreté du CNLE, qu'en fait, l'accompagnement faisait l'objet de jugements ambivalents. D'une part, accompagnement et contrôle étaient souvent associés, ce qui expliquait un recul ou un retrait vis-à-vis des personnes chargées de cet accompagnement. C'est évidemment le cas dans l'emploi. D'autre part, parce que l'accompagnement peut et doit être multidimensionnel. Il n'est pas seulement professionnel, tourné vers l'emploi, mais il est aussi tourné vers tous les aspects psychologiques associés à la pauvreté, à la situation familiale, etc. Le sujet de la qualification des accompagnateurs dans tous ces domaines se pose. C'est un des points que le comité suivra avec attention.

Je voudrais en venir à la situation des jeunes de 18 à 25 ans. En France, le revenu de solidarité active (RSA) n'est ouvert qu'aux jeunes ayant passé leur vingt-cinquième anniversaire. C'est une situation différente de celle qu'on trouve dans certains pays, qui ont institué de revenu de même type, et qui n'en ont pas écarté les jeunes adultes, de 18 à 25 ans. Les arguments contre l'extension du RSA aux 18-25 ans sont de deux natures : le premier est le coût de la mesure, évalué à 9 milliards d'euros en année pleine ; le second est la crainte que le fait qu'on accorde un revenu à des jeunes les détourne de rechercher un emploi.

Les études expérimentales faites dans des pays étrangers sur la question de savoir si un revenu minimum détourne de rechercher un emploi tendent plutôt à indiquer le contraire : elles n'ont pas d'effet négatif sur la recherche d'emploi, mais peuvent même avoir un effet positif parce qu'elles libèrent le jeune qui recherche un emploi. Mais il n'y a pas d'étude solide de ce type en France : nous avons désiré que la mise en oeuvre d'un tel revenu - que nous souhaitons - s'accompagne d'une étude expérimentale. Esther Duflo en a donné des méthodes. Des personnes compétentes en France peuvent faire de ce type d'évaluation en regardant ce qui se passe aux frontières des droits pour examiner si la mise en place des mesures nouvelles a ou n'a pas un effet sur la recherche d'emploi.

Le comité est allé plus loin, en proposant la mise en place d'un revenu pour les jeunes de 18 à 24 ans, mais en s'éloignant du RSA pur et simple. Nous avons proposé d'étendre à l'ensemble des jeunes un système similaire à celui des bourses. Pourquoi ? D'abord, parce que créer une distorsion entre les catégories de jeunes est moins justifié qu'à une époque où les étudiants représentaient une petite minorité d'une classe d'âge. Ce n'est plus le cas : désormais les étudiants représentent une proportion proche de la moitié d'une classe d'âge -, n'était pas justifié. Deuxièmement, le système des bourses prend en compte la capacité de bénéficier d'un soutien familial. Il nous paraît légitime de tenir compte de cette capacité de certaines familles à soutenir les jeunes, en particulier pour les plus jeunes d'entre eux. Éliminer le concept de solidarité familiale ne nous paraît ni justifié, ni souhaitable au niveau général.

Nous avons donc proposé la mise en place d'un système, dont on a défini les grands axes, qui s'inspire du système des bourses et qui consiste à donner un revenu calé au niveau maximum sur le RSA, mais qui tient compte de la capacité contributive ou de soutien familial quand il existe.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion