Nous nous sommes saisis de quelques articles seulement, sur les 218 que comptait ce texte à l'issue de son examen par l'Assemblée nationale. Il s'agit des articles 25, 25 bis, 30, 32, 35, 60 bis, 62 et 63.
Ces articles financiers concernent d'une part, sur le volet « se déplacer » le transport routier de marchandises et le transport aérien et d'autre part, sur le volet « se nourrir », une disposition sur le « chèque alimentation durable » et la perspective d'une taxation des engrais minéraux dans l'agriculture.
Les transports représentent 30 % des émissions carbone en 2019, dont 94 % est le fait du transport routier ; 24 % est le fait des poids lourds, 20 % des véhicules utilitaires légers, et 55 % relèvent des voitures particulières. En 2019, la France se situait au sixième rang européen pour l'émission moyenne des voitures neuves. En 2020, le parc de voitures particulières neuves ne compte néanmoins que 6 % de voitures électriques et 4 % de véhicules hybrides rechargeables contre 48 % de véhicules à essence et 31 % de motorisations diesel. Cependant, début 2021, la France se situe en cinquième position des pays européens avec la plus forte pénétration de véhicules électriques dans les ventes de voitures neuves. Quant à l'aviation civile, elle représente 4 % des émissions de CO2, ce qui est dans la moyenne mondiale.
Le cadre réglementaire est fixé par plusieurs normes européennes. Le règlement du 17 avril 2019 fixe des normes d'émissions de CO2 pour les voitures particulières neuves et les véhicules utilitaires légers (VUL), avec un objectif d'une baisse de 15 % des émissions des véhicules neufs d'ici 2025, de 37,5 % pour les voitures particulières d'ici 2030 et de 31 % pour les VUL. En décembre 2020, le Conseil européen a décidé de réduire les émissions de l'Union européenne de 55 % d'ici 2030 par rapport à 1990, contre 40 % auparavant, obligeant à revoir les objectifs de la réglementation européenne ; on pourrait passer à une réduction de 50 % pour les voitures particulières en 2030.
La directive « eurovignette » du 17 juin 1999 permet de couvrir les coûts d'usage du réseau par les poids lourds et d'internaliser le coût des externalités négatives. C'est le fondement juridique de la taxe LKW-Maut en Allemagne, de la vignette commune au Danemark, à la Suède, aux Pays-Bas et au Luxembourg, ou encore de la taxe d'aménagement du territoire en France sur le réseau autoroutier concédé.
Le secteur aérien participe au système communautaire d'échange de quotas d'émission (EU ETS) depuis 2012, mais il ne s'applique pas aux vols internationaux au départ ou à l'arrivée d'un aéroport situé dans des pays qui n'appartiennent pas à l'espace économique européen. Ce système repose sur des objectifs d'émissions établis au niveau européen puis distribués aux États membres responsables de leur attribution aux opérateurs de transport aérien. Une partie significative - 44 % en 2019 - des quotas d'émissions attribués au secteur aérien dans ce cadre sont gratuits : le secteur aérien européen s'acquitte globalement d'un prix du carbone qui ne représente qu'un peu plus de la moitié du prix fixé sur le marché d'échange des quotas d'émission.
En 2016, l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) a adopté le système Corsia (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation) qui devait être mis en oeuvre à compter de 2021 sur les vols internationaux, avec une compensation par les compagnies aériennes des émissions de leurs vols internationaux qui excèdent le niveau constaté en 2019 - sachant qu'à 5 euros la tonne de carbone sur le marché de la compensation, le signal prix est modeste. Compte tenu de la réduction du trafic et des émissions liée à la crise sanitaire, l'application effective du système ne sera pas immédiate.
La France dispose d'une fiscalité lourde qui couvre toutes les externalités négatives. Le Conseil général du développement durable (CGDD) considère que la taxe de l'aviation civile (TAC) et la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA) sont des taxes environnementales au sens de la nomenclature d'Eurostat, alors que la TSBA a été détournée de son objet initial, qui était de soutenir l'organisation de solidarité internationale Unitaid. S'y ajoute l'éco-contribution introduite par la loi de finances 2020.
Dans ce cadre, que propose ce projet de loi ? Essentiellement du programmatique, du déclaratif mais pas de normatif.
Il propose de compléter l'engagement, pris par la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM), d'une décarbonation complète du secteur des transports terrestres en 2050 par deux nouveaux objectifs intermédiaires : descendre à 5 % la part des voitures légères fortement émettrices dans les ventes de véhicules neufs en 2030 - l'objectif ne porte pas une interdiction de vente contraignante à cette date, ce qui est conforme au droit européen ; une fin de la vente des poids lourds thermiques en 2040.
Le texte fixe également cet objectif : « pour le gazole routier utilisé pour la propulsion des véhicules lourds de transports de marchandises, il sera procédé à une évolution de la fiscalité des carburants dans l'objectif d'atteindre un niveau équivalent au tarif normal d'accise sur le gazole », ce qui désigne la fin progressive du remboursement partiel du tarif de TICPE qui le porte à un montant réduit de 45,19 euros par hectolitre, au lieu de 59,4 euros pour le tarif de droit commun, pour un coût estimé à 1,3 milliard d'euros cette année ; dans la loi de finances pour 2020, il a déjà été décidé de relever ce tarif de 2 euros par hectolitre.
Le texte donne la possibilité aux régions d'expérimenter une contribution régionale sur le transport routier de marchandises, sur le modèle de celle instaurée pour la Collectivité européenne d'Alsace.
Pour l'aérien, l'État se donne pour objectif que le transport aérien « s'acquitte d'un prix du carbone suffisant à partir de 2025 », « au moins équivalent au prix moyen constaté sur le marché du carbone pertinent ».
Ces objectifs sont donc tout à fait déclaratifs, ils ne décident rien à proprement parler - ce qui est une bonne chose cependant, car ces objectifs ne sont pas du tout évalués.
Dans le secteur aérien, la déclaration s'accompagne de la demande de deux rapports : le premier sur le dispositif lui-même, le second sur l'accompagnement du secteur aérien par l'État dans sa stratégie de décarbonation. Or, l'aviation civile représente 4,3 % du PIB français et environ 320 000 emplois directs.
Même défaut d'étude d'impact sur la contribution régionale, l'évaluation est renvoyée à l'ordonnance. Cependant, le transfert du réseau n'étant pas encore effectif, la région lèverait un impôt sur un réseau routier qui ne lui appartient pas ; le système de contrôle n'est pas défini, pas plus que le partage de recettes pour le cas où un département entre dans le dispositif régional, ni encore la répartition du surcoût entre transporteurs et donneurs d'ordre - je suis personnellement favorable à ce que la contribution figure en pied de facture, pour que les transporteurs, petits et fragiles, ne soient pas victimes des négociations de prix avec les gros donneurs d'ordre et autres géants du secteur de la logistique. Surtout, aucune étude d'impact n'est faite sur les risques de report des véhicules de plus de 3,5 tonnes vers des véhicules utilitaires légers, ou d'une voirie taxée vers une voirie limitrophe qui ne l'est pas.
Même indifférence à l'impact, quand le texte fixe l'objectif pour 2030 d'interdire à la vente les véhicules particuliers émettant plus de 95 grammes de CO2 par kilomètre - le texte se contente de mentionner qu'il n'est « pas exclu qu'une telle mesure ait un impact sur le volume des ventes d'automobile, et donc sur l'emploi dans le secteur automobile français ». Or, il y a 400 000 emplois dans la filière automobile en France.
L'étude d'impact du texte estime que la fin du remboursement de TICPE ferait augmenter de 15 % le prix du carburant et, par voie de conséquence, de 3,5 % le prix du transport ; les conséquences sur le secteur sont floues, faute de pouvoir évaluer les capacités des transporteurs à se défaire de la dépendance au gazole. Or, le transport routier de marchandises a des difficultés structurelles qui sont ici ignorées, en particulier le fait qu'il est composé pour beaucoup de PME et que les marges y sont très faibles, dans un contexte de concurrence intra-européenne très forte - et l'on parle ici encore de 400 000 emplois...
Les transporteurs trouvent-ils au moins l'offre de véhicules propres qui leur permette de répondre aux objectifs que le Gouvernement entend leur fixer ? Nous avons auditionné les très nombreux acteurs de la production décarbonée, et le moins qu'on puisse dire, outre qu'ils sont très nombreux, c'est qu'ils en sont à l'étude bien plus qu'à la production. Sur le marché, il n'y a quasiment aucun camion de plus de 3,5 tonnes à motorisation électrique ou hydrogène. Ensuite, il faut tenir compte des pertes de productivité associées aux motorisations électrique et hydrogène, avec les changements de plans de transports, l'augmentation de la flotte de véhicules nécessaire à offre constante ou encore les pertes de volume utile. Il y a aussi le problème du coût : entre 2022 et 2025, les véhicules lourds hybrides ou à batteries seraient encore deux à quatre fois plus onéreux que des véhicules diesel. À l'achat, d'après les groupements de transporteurs, le prix d'un véhicule électrique peut être 3,5 à 4,5 fois plus important que celui d'un véhicule diesel. Le différentiel serait même de 5 à 7 fois pour un véhicule hydrogène. L'hydrogène présente un coût total de possession 2 à 3 fois plus élevé que toutes les autres motorisations. Pour les plus gros tonnages, les motorisations électriques présentent également des coûts totaux de possession élevés. En revanche, le biogaz et les biocarburants présentent des coûts proches des motorisations diesel.
L'avitaillement reste un vrai problème. Au 1er mai dernier, notre territoire comptait 38 700 points de recharge ouverts au public, nous sommes loin d'atteindre les 100 000 points pour lequel le gouvernement s'est engagé pour l'an prochain - l'État a sa part de responsabilité, en n'ayant pas pris à temps les textes nécessaires. Les nouvelles contraintes sur les réseaux de transport et de distribution électrique n'ont, malheureusement, pas encore été modélisées. L'étude la plus récente réalisée par RTE date de 2019. Les hypothèses retenues pour cette étude reposent sur un déploiement marginal des bornes ultra-rapides, qui sont pourtant nécessaires à l'usage courant des véhicules électriques. L'actualisation de l'étude est prévue en septembre 2021. C'est dommage de légiférer avant que l'étude d'impact sur le réseau électrique ait été réalisée. Pour rattraper notre retard, il va être nécessaire de faciliter les installations de points de recharge dans les immeubles résidentiels collectifs et de déployer un réseau de recharge ultra rapide sur les grands axes routiers pour sécuriser et rassurer les automobilistes sur leurs capacités à faire de plus longs trajets. Mais cet équipement a un coût élevé et une rentabilité économique à très long terme, les responsables de Total Énergie nous l'ont confirmé.
Il faut également prendre en compte l'enjeu de la recharge et de l'avitaillement en zone rurale. Or, la première étape de la task force « camions propres » n'a pas fourni d'analyse approfondie de l'offre des solutions de recharge et d'avitaillement, c'est regrettable. Il est nécessaire également d'assurer la maintenance des bornes, c'est un coût non pris en compte dans la durée.
De quels outils d'accompagnement disposons-nous et qu'apporte ce texte ?
Dans l'aérien, le secteur a pris des engagements dans le cadre de la feuille de route « destination 2050 » qui propose une trajectoire pour atteindre la neutralité carbone du transport aérien européen en 2050. Il y a le suramortissement pour accélérer le verdissement du parc d'engins de pistes aéroportuaires, ou encore l'enveloppe de 1,5 milliard d'euros dans le plan de relance pour encourager le développement d'avions « verts ». Cependant, les carburants verts sont encore trois à cinq fois plus chers que le kérosène. Aussi les incitations mises en place pour le biocarburant ne peuvent pas avoir d'effet immédiat, mais plutôt à long terme.
Pour les véhicules lourds et les utilitaires, il y a le bonus écologique, la prime à la conversion, le micro crédit, et une prime au « rétrofit », pour changer sa motorisation. Un bonus pour l'achat de camions « propres » a été inclus dans le plan de relance, plafonné à 50 000 euros : un seul dossier de demande a été déposé, c'est dire l'intérêt qu'il a suscité...
Le gouvernement prévoit un durcissement du malus automobile, à compter de 2022 un malus poids va être instauré ; une majoration dès 2021 du bonus à l'achat des véhicules lourds à faibles émissions équipés de détecteurs d'angles morts mais, dans le même temps, une diminution programmée du bonus en juillet 2021 puis janvier 2022, alors même que l'écart reste significatif à l'achat. Une étude du cabinet Bloomberg estime que la parité des prix entre moteurs thermiques et électriques interviendrait entre 2025 et 2027 pour les véhicules légers.
Ce texte propose d'étendre le périmètre de l'actuelle prime à la conversion. Elle pourrait financer de nouvelles formes de mobilités vertueuses d'un point de vue environnemental, par exemple l'achat de vélos à assistance électrique (VAE), de vélos cargos, d'abonnements aux transports en commun, de services d'autopartage ou encore de covoiturage. Aujourd'hui, le bonus vélo n'est ouvert qu'à la condition d'un engagement conjoint d'une collectivité territoriale.
Je vous proposerai en conséquence quatre amendements pour accompagner la transition écologique du secteur des transports - ils ne concernent pas le secteur aérien, qui sort très fragilisé de la crise sanitaire.
L'amendement COM-1929 crée un prêt à taux zéro (PTZ) pour les véhicules particuliers et utilitaires légers émettant moins de 50 grammes de dioxyde de carbone par kilomètre ; l'amendement COM-1934 crée aussi un PTZ, pour les poids lourds équipés de motorisation alternative. L'amendement COM-1931 prolonge le suramortissement pour l'acquisition de véhicules lourds dotés de motorisations alternatives. L'amendement COM-1930 conditionne la suppression d'exonération partielle de TICPE, à la disponibilité effective et attestée d'une offre de véhicules lourds et d'un réseau d'infrastructures d'avitaillement suffisant.
En matière agricole, ensuite, nous nous sommes intéressés aux articles 62 et 63, portant sur les engrais minéraux.
La France est le premier consommateur d'azote minéral de l'Union européenne en valeur absolue ; rapporté à la surface agricole, elle occupe cependant la dixième position. La transformation de l'azote dans l'air émet un gaz à effet de serre, le protoxyde d'azote, avec des effets négatifs sur l'environnement, quand elle se combine avec des polluants atmosphériques. 94 % des émissions d'ammoniac sont d'origine agricole : la France est le deuxième pays le plus émetteur après la Turquie ; la fertilisation représente 46 % des émissions, dont 20 % pour l'épandage de matières organiques et 26 % pour la fertilisation minérale.
La directive NEC - pour National Emission Ceiling, c'est-à-dire les plafonds d'émission nationaux - de 2016 fixe des objectifs pluriannuels de réduction pour l'ammoniac : pour 2020, une réduction de 4 % à atteindre chaque année par rapport à 2005 et, une réduction de 13 % à atteindre chaque année à partir de 2030 par rapport à 2005 ; s'y ajoute, en France, le plan PREPA - pour Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques -qui reprend ces objectifs européens et fixe un objectif intermédiaire de réduction de 8 % en 2025.
En revanche, le droit européen ne fixe aucun objectif pour le protoxyde d'azote, qui entre dans l'objectif portant sur les gaz à effet de serre (GES) en général. En France, la stratégie nationale bas carbone décline les objectifs de diminution des GES par secteur. Pour l'agriculture, l'objectif est une baisse de 15 % pour les émissions de protoxyde en 2030 par rapport à 2015.
L'article 63 de ce texte propose de définir par décret une trajectoire annuelle de réduction des émissions pour atteindre les objectifs à horizon 2030. L'article 62 propose la mise en oeuvre d'une redevance si ces objectifs annuels ne sont pas atteints pendant deux années consécutives, sous réserve que le droit européen n'a pas adopté de mesures équivalentes.
Le rapport de la Convention citoyenne ne fournit aucune analyse de l'impact de la redevance sur l'efficacité environnementale ni sur la productivité de l'agriculture française. L'annonce de cette redevance s'accompagne donc de la demande d'un rapport décrivant les modalités de mise en oeuvre et les dispositifs d'accompagnement des agriculteurs.
C'est pourquoi je vous proposerai deux amendements.
L'amendement COM-1933 supprime un rapport prévu à l'article 63, dès lors que, faute de données, le ministère ne disposera pas des données pour remettre un rapport au Parlement chaque année ; cet amendement rétablit le caractère pluriannuel de la trajectoire de réduction des émissions, en l'assortissant d'objectifs annuels.
L'amendement COM-1932 définit un plan « Eco Azote », afin d'accompagner les agriculteurs dans la réduction des émissions provenant des engrais azotés. La redevance sur les engrais minéraux azotés ne saurait être établie utilement que dans le cadre européen, ce qui est indispensable à l'efficacité d'une telle redevance mais aussi à la préservation des conditions de concurrence au sein de l'Union européenne.
Toutes ces mesures, en réalité, nécessitent une coordination avec nos partenaires européens.
Dans le domaine agricole, certains pays avaient commencé à taxer les apports azotés - mais ils ont arrêté, par exemple lorsqu'ils ont rejoint l'Union européenne, pour préserver la compétitivité de leur agriculture. Une taxe à 0,02 centimes par kilogramme d'azote représenterait en moyenne une baisse de l'excédent brut d'exploitation de 0,2 % et du résultat courant avant impôts de 0,5 %. Les systèmes de cultures les plus impactés seraient les céréales et oléo-protéagineux qui verraient une baisse de l'excédent brut d'exploitation de 0,6 % et du résultat courant avant impôts de 1,3 %.
Sur l'interdiction de vente des véhicules polluants, la France avance seule, en réalité. Sur la fiscalité des carburants, une harmonisation européenne est nécessaire. Aujourd'hui le niveau de fiscalité français est supérieur à la moyenne européenne. Chez nos voisins, seule l'Allemagne a une fiscalité plus élevée. Le Gouvernement s'engage à mettre le sujet de l'harmonisation fiscale à l'ordre du jour de la présidence française de l'UE : encore un sujet, me direz-vous, pour six mois de présidence dont la moitié sera perturbée par le calendrier électoral. Vous remarquerez également que le gouvernement s'est engagé à ce que la trajectoire de suppression progressive du remboursement de TICPE au bénéfice du transport routier de marchandises ne débute qu'après 2022, c'est bien entendu sans rapport avec le calendrier électoral...
Autre hiatus avec le droit européen : on envisage une contribution régionale sur le transport routier de marchandises, alors que la directive « Eurovignette » de 1999 est en cours de révision.
Dans le domaine aérien, le texte dispose que l'objectif doit être atteint « en privilégiant la mise en place d'un dispositif européen ». La solution de la Convention citoyenne qui repose sur une multiplication par 20 de la TSBA n'est pas soutenable, parce qu'elle pose un évident problème de compétitivité. La solution est nécessairement européenne, avec une hausse de la fiscalité sur le kérosène sur les vols intra européens ou la fin des quotas gratuits.
Un mot sur le « chèque alimentation durable », prévu à l'article 60 bis - encore un dispositif flou, issu de la Convention citoyenne, que le Gouvernement n'avait pas retenu dans le projet de loi initial mais qui est revenu par un amendement de Mounir Mahjoubi, adopté par la commission spéciale de l'Assemblée nationale. Cet article fait reposer la mise en oeuvre du dispositif sur deux rapports : le premier, dans un délai de deux mois après la promulgation de la loi, sur les modalités et délais d'instauration de ce chèque ; le second, dans un délai de six mois après la promulgation de la loi, sur les conditions de sa mise en oeuvre, notamment les personnes bénéficiaires, les produits éligibles, la valeur faciale, la durée et le financement de ce dispositif. Le Gouvernement entend faire de ce chèque « un moyen de structurer les filières sur les territoires, d'améliorer l'impact de l'agriculture sur l'environnement et de réduire les inégalités sociales et nutritionnelles ». Le chèque ne pourra donc pas être réservé à certains types de commerces par exemple, ni aux produits spécifiquement d'origine française.
En d'autres termes, on ne sait rien du public cible, ni des modalités de distribution, ni des produits éligibles... et donc rien non plus du coût de ce nouveau chèque. Nos collègues de la commission des affaires économiques ont décidé de mettre le Gouvernement devant ses contradictions, avec ce dispositif d'un coût qui pourrait s'élever jusqu'à 1 milliard d'euros. D'après ce que le ministère de l'agriculture et de l'alimentation nous a dit, l'une des options serait que l'État mette en place une plateforme pour cibler les produits locaux, à distribuer dans des points pas encore définis. Une autre option de distribution du chèque pourrait être les centres communaux d'action sociale (CCAS) - et on imagine ce que des étudiants qui vivent dans une chambre feront d'aliments « sains » qui leur seront livrés bruts, à cuisiner...
Je ne nie pas les besoins de transition écologique, mais ce texte ne nous propose que des mesures programmatiques, sans évaluation, le tout renvoyé à des rapports si nombreux que l'administration ne pourrait pas les rédiger dans les délais.