Je vais essayer de répondre dans le détail. Malheureusement je vais devoir ensuite vous quitter, mais je laisserai Olivier Dussopt prendre la suite.
Sur les questions posées par Antoine Lefèvre et Didier Rambaud concernant les prêts garantis par l'État et les entreprises qui restent en difficulté, notre évaluation, qui est celle de la Banque de France, est que 5 à 7 % des entreprises ont vu leur dette augmenter et leur trésorerie diminuer pendant cette période de crise. Si l'on regarde le verre à moitié plein, cela signifie que près de 95 % des entreprises n'auront pas de difficulté à rembourser ces prêts. Néanmoins, notre action a consisté et consiste à élaborer une réponse sur mesure pour chacun. Cela nous a amené à maintenir l'ensemble des dispositifs qui apportent un soutien financier aux entreprises et à mettre en place un plan de transition qui intègre la possibilité d'apporter des fonds propres aux entreprises qui en auraient besoin.
L'accélération des procédures judiciaires de redressement doit permettre de traiter l'étalement supplémentaire du remboursement des prêts garantis par l'État. Dans ce cadre, le juge pourra décider de la prolongation du prêt garanti au-delà des six ans prévus initialement. Nous avons obtenu de la Commission européenne que la garantie de l'État puisse être maintenue en cas de prolongation.
Sur le sujet de La Poste, Monsieur Launay nous a remis un très bon rapport qui met en exergue la question du rythme d'attribution et de livraison du courrier et les pertes que cela représente pour La Poste, en même temps que la nécessité d'adapter en profondeur le service postal. Le service actuel n'est pas tenable : le volume d'envoi de courrier est en chute libre, ce qui impose d'adapter le dispositif structurellement. Je pense qu'il est bon de débattre des ajustements nécessaires du service public, de discuter les propositions qui peuvent être faites, avant de parler des compensations. Jérôme Bascher m'a posé la question ; il y aura évidemment des compensations. Mais avant de parler argent, je pense qu'il faut parler du service public postal que nous voulons pour les années futures.
S'agissant du plan de relance 2, je recommande vivement de mettre d'abord en oeuvre le plan de relance 1, et c'est exactement ce que nous faisons. Je suis toujours stupéfait par cette manie que nous avons, dès lors que nous avons voté et décidé quelque chose, de nous projeter vers quelque chose de nouveau. Le plus difficile n'est pas d'inventer systématiquement un nouveau plan, mais d'appliquer celui qui a été décidé, c'est-à-dire de s'assurer que l'argent pour les pistes cyclables, pour la décarbonation des entreprises, pour la digitalisation des PME, pour la transformation des bâtiments, pour la réduction des émissions des gaz à effet de serre, arrive dans les territoires, dans les ménages et les entreprises. C'est mon travail quotidien. Je fais le point toutes les semaines avec le secrétaire général du plan de relance pour m'assurer de sa bonne mise en oeuvre. Par ailleurs, il me semble que ces 100 milliards d'euros sont bien calibrés. Ils correspondent au montant qui était nécessaire pour faire redémarrer l'économie française.
Les mots ont un sens. Un plan de relance est là pour relancer l'économie. Il n'est pas là pour mettre l'économie sous perfusion en permanence. Or, si j'en crois les chiffres du FMI, de l'OCDE, de la Commission européenne et d'autres instituts statistiques, nous sommes dans la bonne direction. France Relance marche bien et marche vite. Nous avons déjà engagé près de 35 milliards d'euros sur les 100 milliards. Nous allons recevoir des financements européens au mois de juillet, grâce à la pression que nous avons mise sur nos partenaires européens pour qu'ils adoptent la décision « Ressources propres ». Le plan de relance va nous permettre d'atteindre le chiffre de croissance que nous souhaitions en 2021.
Ensuite, se posera la question de savoir si des investissements plus importants seront nécessaires. Il ne s'agit pas là de relance, mais d'investissements dans des technologies critiques pour permettre à la France et à l'Union européenne de faire jeu égal avec la Chine et les États-Unis. Une fois que l'on aura relancé la machine économique, que l'on aura retrouvé, début 2022, le niveau d'activité que nous avions avant la crise, exploit qui sera atteint grâce à nos efforts de protection de l'économie, nous serons toujours à un niveau de croissance structurellement inférieur à celui des États-Unis ou de la Chine. Le Président de la République et moi-même ne nous en satisfaisons pas. C'est une question que j'ai posé à nos partenaires européens ; profitons-nous de cette crise pour nous remettre à niveau et augmenter notre potentiel de croissance, ou nous contentons-nous de revenir au statu quo ante ? Très concrètement, au-delà de ce choix stratégique, plusieurs questions sont posées. Est-ce que l'Europe souhaite avoir sa propre constellation à orbite basse, ou dépendre des Américains et de la Chine ? En termes de semi-conducteurs miniaturisés, qui sont indispensables à l'industrie au XXIème siècle, dépendons-nous de Taïwan ou des États-Unis, ou développons-nous notre propre fabrication et notre indépendance ? Cette question se pose également pour l'intelligence artificielle, le cloud, la santé, les biotechnologies. Est-ce qu'il faudra investir plus, pour être au même niveau que la Chine et les États-Unis ? Nous travaillons d'arrache-pied sur cette question stratégique pour la France et le continent européen. Elle va se poser dès la rentrée. Cette crise peut être l'occasion d'augmenter notre potentiel de croissance. Ce n'est donc pas d'un plan de relance 2 dont il s'agit, mais bien d'investissements supplémentaires.
Concernant la tenue d'un débat parlementaire sur les aides, je pense que justement, le débat sur le PLFR doit servir à discuter les choix que nous avons faits. Par exemple, sur le fonds de solidarité, nous avons fait un choix, qui a demandé des semaines de discussions, pour savoir si on maintenait le fonds en l'état ou si on le modifiait pour le rendre plus précis, plus ciblé et dégressif. Nous avons fait le deuxième choix : nous avons décidé que le fonds de solidarité serait d'abord fléché vers les entreprises les plus touchées par la crise. Nous allons permettre à des entreprises qui redémarrent dans des conditions dégradées de bénéficier du fonds de solidarité, de manière dégressive. Un restaurant, par exemple, qui redémarre en juin, bénéficiera d'une aide équivalente à 40 % de sa perte de chiffre d'affaires par rapport à 2019, en juillet ce sera 30 %, puis en août 20 %, car son activité devrait être revenue à la normale. À la fin du mois d'août, nous ferons le bilan pour voir si cela correspondait bien à la demande des entreprises.
Concernant la question de Sophie Taillé-Polian sur la majoration de la réduction d'impôts applicable aux dons au profit d'associations cultuelles, la réalité c'est que ces associations cultuelles ont perdu beaucoup de recettes au cours de l'année passée, à cause des règles sanitaires. Par exemple, l'Église catholique estime à 90 millions d'euros les pertes consécutives aux deux confinements de l'année 2020, c'est-à-dire près de 20 % de ses recettes courantes. L'ensemble des associations cultuelles ont souhaité bénéficier d'une majoration de la réduction d'impôt. Il vous est proposé ici de porter le taux de réduction à 75 %. Cette réduction d'impôt est évidemment plafonnée et serait limitée à deux ans.