Nous avons le plaisir de recevoir cet après-midi MM. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, et Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics, sur le premier projet de loi de finances rectificative pour 2021. Le Président Claude Raynal vous prie de l'excuser, il nous rejoindra en cours de réunion.
Ce collectif budgétaire intervient cinq mois après l'adoption définitive de la loi de finances pour 2021, mais seulement deux semaines après la présentation par le Gouvernement d'un décret d'avance portant ouverture et annulation de 7,2 milliards d'euros de crédits afin de financer des dépenses urgentes.
Le 11 mai dernier, M. Dussopt nous avait indiqué qu'un collectif budgétaire nous serait présenté « dans les prochaines semaines », notamment pour ouvrir de nouveaux crédits sur les dispositifs d'urgence, pour prolonger jusqu'au 31 décembre 2021 la période d'aide aux entreprises, pour renouveler l'exonération et la défiscalisation de la prime exceptionnelle que l'entreprise peut verser à ses salariés, ainsi que pour soutenir certaines régies publiques.
Vous nous direz, MM. les Ministres, si le texte qui nous est présenté aujourd'hui confirme ces orientations et si vous estimez que les crédits dont vous demandez l'ouverture correspondent aux besoins effectifs jusqu'au traditionnel collectif de fin d'année. L'an passé, les crédits du dernier collectif budgétaire n'avaient pas été consommés en fin d'année mais reportés sur l'année en cours, ce qui a brouillé la lisibilité des exercices, mais vous arriverez certainement à leur redonner une certaine clarté.
Ce projet de loi de finances rectificative est un texte de sortie de crise et de transition afin de revenir à la normale. Le « quoi qu'il en coûte » est une politique exceptionnelle justifiée par des circonstances exceptionnelles, mais dès lors que la croissance est de retour, il faut en sortir de manière progressive et adaptée. La croissance est prévue à 5 % pour 2021, évaluation prudente au regard des estimations des différents instituts. En outre, il faut noter des poussées inflationnistes, liées à la reprise de l'activité, et une remontée des taux d'intérêt à dix ans qui ont augmenté de 50 points de base en six mois.
Dans ce contexte, la stratégie doit être ciblée et très dégressive. D'après la Banque de France, le secteur de l'hôtellerie, des cafés et de la restauration a le plus souffert et doit être accompagné. Nous maintiendrons le fonds de solidarité pour les trois prochains mois, d'un coût de 3,4 milliards d'euros, une activité partielle pour 6,4 milliards d'euros et des exonérations ou allégements de charge à hauteur de 4 milliards d'euros. Nous avons également prévu un soutien aux plus fragiles, avec l'hébergement d'urgence pour 700 millions d'euros, la prime au pouvoir d'achat défiscalisée, l'aide aux agriculteurs pour 350 millions d'euros et le Pass'Sport. Enfin, nous avons annoncé un plan de sortie de crise pour les entreprises fragilisées avec un système de détection et d'alerte précoce, un accompagnement financier sous forme de quasi-fonds propres avec un fonds de transition doté de 3 milliards d'euros et des procédures accélérées sur trois mois. Nous avons déplafonné et étendu sur trois exercices le dispositif de report des pertes ou carry back, très demandé par les entreprises dont il permet de soulager la trésorerie.
Sur le plus long terme, deux questions vont se poser. En premier lieu, avec 9,4 % de déficit et 117 % de dette publique par rapport au produit intérieur brut (PIB), il faudra, quand la croissance sera de retour, revenir à l'équilibre des finances publiques afin de disposer des réserves nécessaires en cas de nouvelle crise. En second lieu, nous aurons rattrapé, sans doute au premier trimestre 2022, le niveau d'activité antérieur à la crise, mais ce niveau se caractérisait dans tous les pays européens par un niveau de croissance potentielle plus faible que celui de nos partenaires américains et de la Chine : des investissements supplémentaires seront-ils nécessaires pour accroître la croissance potentielle de la France ? Nous avons posé la question au sommet de Lisbonne.
ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. - Le décret d'avance a été transmis le 11 mai et nous avions indiqué qu'un projet de loi de finances rectificative serait déposé dans les semaines qui suivent. Il survient tôt parce que les contraintes liées au calendrier parlementaire et aux délais d'examen ne permettent d'espérer une publication que vers la mi-juillet, moment où le besoin de crédits sera le plus pressant.
Trois séries de mesures composent le projet de loi de finances rectificative.
S'agissant d'abord des mesures d'urgence, il s'agit de recharger les crédits nécessaires au financement de l'activité partielle pour 6,4 milliards d'euros, au fonds de solidarité pour 3,4 milliards d'euros - auxquels nous ajoutons 150 millions d'euros pour des dispositifs spécifiques au secteur de la culture - et à la compensation à la Sécurité sociale des exonérations de cotisations pour 4 milliards d'euros. Nous proposons également d'ouvrir une provision pour des dépenses accidentelles et imprévisibles à hauteur de 1,5 milliard d'euros, au cas où une dégradation surviendrait au cours de l'été, à un moment où nous ne pourrions réunir le Parlement pour solliciter l'ouverture de crédits.
La seconde série de mesures vise à financer des décisions annoncées. Le maintien des capacités d'hébergement d'urgence conduit à demander l'ouverture de 700 millions d'euros de crédits. Nous demandons 350 millions d'euros de crédits pour l'agriculture, incluant une première tranche d'indemnisation à la suite d'un épisode de gel au début du mois d'avril et le financement de mesures telles que la lutte contre la grippe aviaire et la jaunisse de la betterave ou l'aide aux bovins allaitants. Il est proposé d'inscrire 100 millions d'euros pour financer le Pass'Sport, 82 millions d'euros pour aider la Nouvelle-Calédonie, 57 millions d'euros pour des actions menées dans le cadre des quartiers prioritaires de la politique de la ville et 150 millions d'euros pour faire face à une augmentation des besoins en matière de bourses dans l'enseignement supérieur.
Ces dépenses nouvelles, d'un montant total de 1,45 milliard d'euros, sont gagées par des réductions de dépenses. D'une part, la prévision du coût des appels en garantie au titre des prêts garantis par l'État (PGE) est diminuée de 995 millions d'euros parce que le report de la première échéance repousse au-delà de 2021 une grande partie des risques de sinistralité, qui est en outre beaucoup moins important que nous ne le craignions. En outre, 460 millions d'euros de crédits déjà gelés au titre de la réserve de précaution sont annulés. Nous ne sollicitons pas la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et cette annulation n'aura pas de conséquences sur les actions engagées par les ministères : pour le ministère de la Justice, par exemple, le niveau des crédits disponibles demeure nettement supérieur à celui prévu par la loi de programmation de la justice.
En troisième lieu, certaines mesures ont un caractère budgétaire mais sans impact sur le déficit maastrichtien. Nous proposons d'autoriser l'Agence des participations de l'État (APE) à engager 2 milliards d'euros de crédits supplémentaires, de renforcer le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » à hauteur de 200 millions d'euros pour faire face aux difficultés persistantes du secteur aéronautique et d'abonder à hauteur de 600 millions d'euros le fonds de développement économique et social (FDES), qui devient un fonds de transition permettant de financer et d'accompagner les entreprises dans le cadre du plan anti-faillite présenté hier. Enfin la possibilité de souscrire des PGE est étendue jusqu'à la fin de l'année et la prime spéciale de pouvoir d'achat défiscalisée et exonérée de cotisations sociales est reconduite pour la troisième année consécutive. Le dispositif de carry back permet d'accompagner les entreprises et nous proposons un dispositif de prise en compte des pertes des régies qui n'ont pas pu bénéficier des régimes d'aides existants.
Ces dispositions alourdissent le déficit budgétaire de l'État, qui passe de 173,3 milliards d'euros en loi de finances initiale à 219,5 milliards d'euros à l'issue de ce projet de loi de finances rectificative. Cette augmentation s'explique par les mesures nouvelles d'un montant de 15,5 milliards d'euros, mais aussi par la prise en compte de 28,8 milliards d'euros de mesures d'urgence non dépensées en 2020 et reportées en 2021.
La révision à la hausse du niveau de PIB en 2020 et les derniers chiffres publiés par l'INSEE contribuent à expliquer que le déficit public soit de 9,4 % du PIB, dégradation limitée par rapport au montant de 9 % prévu précédemment, et que le poids de la dette publique soit de 117,2 % du PIB, contre 117,8 % dans notre dernière prévision. L'importance de ces chiffres laisse entière la nécessité de sortir du « quoi qu'il en coûte » en même temps que de la crise sanitaire et de redresser les finances publiques.
Il me semble que vous n'avez pas précisé la raison de l'ouverture de crédits de 1,9 milliard d'euros sur la mission « Engagements financiers de l'État ». Je me réjouis que vous proposiez un dispositif de renforcement du carry back, puisque le Sénat l'a déjà voté lors des lois de finances rectificatives en 2020.
S'agissant du plan de relance, sur quoi porte l'annulation de 534 millions d'euros en autorisations d'engagement portant sur le programme 362 « Écologie » ?
La Cour des comptes a estimé les décaissements effectués au titre du plan de relance en 2020 à 4,8 milliards d'euros ; à combien se situe le niveau des décaissements à ce stade pour 2021 ?
Le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020, déposé il y a un an, prévoyait déjà un déficit budgétaire de 222 milliards d'euros, très proche de celui présenté aujourd'hui. Ce montant paraissait déjà surestimé et, malgré la dégradation de la situation sanitaire à l'automne 2020, le déficit s'est élevé finalement à 178,1 milliards d'euros : comment justifiez-vous que, cette année aussi, les ouvertures de crédits ne seront pas très supérieures aux besoins ? S'agit-il d'une enveloppe de précaution ?
Le Sénat a déjà adopté à deux reprises le dispositif de carry back, auquel M. Dussopt s'est alors opposé en séance publique au motif de son coût, alors que M. Le Maire considère aujourd'hui que ce dispositif est très demandé. Avez-vous changé d'avis parce que la Commission européenne a récemment recommandé de le mettre en place ?
Concernant enfin les PGE, le Gouvernement a fait un diagnostic assez analogue à celui que j'ai fait dans un rapport présenté le 12 mai dernier, avec une approche en trois temps : identifier, orienter et traiter. Vous reprenez certaines orientations, notamment celle qui vise à organiser un comité partenarial de financement des entreprises en sortie de crise à l'échelon départemental. J'ai également proposé d'introduire un mécanisme fiscal de déduction pour le capital à risque afin de neutraliser le biais de l'endettement, dispositif aussi recommandé par le fonds monétaire international (FMI) et la Commission européenne. Le projet de loi de finances rectificative ne comprend rien à ce sujet : pourquoi ne l'envisagez-vous pas et verriez-vous d'un oeil favorable le dépôt d'un amendement en ce sens ?
Je souhaiterais revenir sur la prise en compte des pertes de recettes attachées aux régies. Ce sujet a fait largement débat dans le cadre du projet de loi de finances, qui créait une disparité entre les collectivités - souvent les plus grandes - qui géraient leurs services en faisant appel à une délégation de service public et dont le délégataire pouvait bénéficier des aides accordées au secteur privé et les autres - souvent, plus petites - qui géraient leurs services en régie, quelle que soit la forme de la régie, et qui n'ont pas pu bénéficier de ces aides. Il est donc heureux que ce projet de loi de finances rectificative prenne en compte ce sujet.
J'ai donc quelques questions à ce sujet. En premier lieu, j'ai cru comprendre que le mécanisme de compensation, qui concernerait aussi bien les régies organisées dans le cadre d'un service public industriel et commercial que celles qui relèvent d'un service public administratif, prendrait en compte l'écart entre l'épargne brute 2019 et l'épargne brute 2020. Est-ce qu'il s'agit bien là de l'épargne brute des budgets annexes ? Si tel est le cas, quel sera le traitement réservé aux régies qui ne font pas l'objet d'un budget annexe et dont les dépenses et recettes sont intégrées au budget général ? Je rappelle que ces dernières sont nombreuses, surtout dans les petites communes.
En second lieu, le rapport qui nous a été communiqué indique que le mécanisme de compensation ne s'appliquera pas lorsque les dépenses réelles de l'année 2019 de la régie sont supérieures de 50 % aux recettes réelles de fonctionnement de la même année. Or, dans les territoires les moins denses, les services publics gérés en régie sont très souvent déficitaires. Je pense notamment aux piscines ou aux centres aquatiques des territoires. Est-ce à dire que pour les services qui auraient été déficitaires les années précédentes et qui le seraient donc davantage dans le cadre de la crise, il n'y aura pas de compensation ?
Enfin, pensez-vous que la somme affectée à la prise en compte des pertes de recettes des services gérés en régie soit suffisante ?
Je suis très satisfaite que la cause des régies, notamment des régies thermales, ait été entendue. Dans mon département, 400 emplois sont en jeu. Je suis donc heureuse de voir l'État aux côtés de ses municipalités.
Monsieur Le Maire, ce projet de loi de finances rectificative est un texte de sortie de crise et de transition. Or, plusieurs paramètres caractérisent la sortie de crise : la hausse du coût des matières premières, la hausse du coût de l'énergie. Par ailleurs, pour faire face à cette reprise, les entreprises doivent recruter davantage de main d'oeuvre. Pour cela, il faut sûrement adapter l'offre de formation. Certaines entreprises mettent en place elles-mêmes des formations, car elles ne sont pas satisfaites de l'offre actuelle. Cependant, même dans ces cas-là, elles ont du mal à trouver du personnel pour assurer ces formations, donc alimenter en main d'oeuvre leurs entreprises.
La question des fonderies me semble également cruciale. La crise est un accélérateur de transition : hors crise sanitaire, ces fonderies auraient dû s'adapter, mais peut-être dans des délais moins courts. Comment pensez-vous conduire et accompagner cette transition ? Avec la crise sanitaire, l'État a fait du « cousu-main » pour de très nombreuses branches de l'économie. Saura-t-il en faire autant pour les fleurons de notre industrie, qui mécaniquement doivent s'adapter ?
Vous avez évoqué l'éventualité d'une croissance supplémentaire. Je pense qu'il existe une réserve de croissance au sein des collectivités. Si l'on dopait la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), il est certain que les collectivités sauraient développer de nouveaux projets. Malheureusement, la DETR est aujourd'hui insuffisante pour répondre à tous les projets des collectivités.
Quelle est votre prévision s'agissant de la poussée inflationniste et de la remontée des taux d'intérêt ? Comment appréciez-vous l'impact qu'elles pourraient avoir sur l'activité et sur nos comptes publics ?
Pour répondre aux questions du rapporteur général, nous avons bien sûr adopté le carry back parce que le Sénat l'a proposé. Il s'agit d'une excellente mesure, qui demeure cependant coûteuse et ne peut donc être réservée qu'à une période particulière, à savoir celle du redémarrage de l'activité. Cette mesure est saine : elle ne touche pas aux résultats des entreprises, mais permet de bénéficier d'une déduction sur la base des pertes passées. Nous avons donc pris la décision de retenir cette proposition du Sénat, pour un coût évalué à 400 millions d'euros par an en trésorerie pour l'État. Le chiffre exact dépendra bien évidemment du montant exact de la perte de 2020, que nous ne connaissons pas encore. L'étalement se fera sur 2017, 2018 et 2019 et le plafond, qui était d'un million d'euros, sera supprimé, afin de donner toute sa puissance à cette mesure au moment du redémarrage de l'économie.
S'agissant des prêts garantis par l'État (PGE), nous avons également retenu la plupart des propositions de l'excellent rapport de Jean-François Husson. Ces dernières permettent de valider la prolongation du PGE au 31 décembre et de pouvoir proposer un étalement plus long tout en maintenant la garantie de l'État. Je tiens néanmoins à préciser que cette possibilité d'étendre la maturité du prêt garanti par l'État au-delà de six ans se fera exclusivement sous le contrôle du juge, dans le cadre d'une procédure judiciaire. Sur la base des propositions du rapport de Jean-François Husson, nous avons obtenu de la Commission européenne que dans ce cadre-là, la garantie de l'État soit maintenue. Il s'agit d'un vrai soulagement pour beaucoup d'entreprises.
Nous n'avons pas d'inquiétude particulière sur le niveau d'endettement des entreprises et nous avons pris les dispositions nécessaires pour faire face à la situation à venir. Évitons cependant de donner le montant de la dette brute supplémentaire due à la crise, de 221 milliards d'euros. Il faut analyser cette dette brute au regard de l'augmentation de la trésorerie des entreprises, qui s'élève à 212 milliards d'euros. L'augmentation de la dette nette n'est donc que de 9 milliards d'euros. Ces chiffres ramènent à de justes proportions la réalité du problème financier auquel sont confrontées les entreprises.
S'agissant de la proposition de déduction fiscale pour les capitaux à risque des entreprises, la mesure de carry back va permettre d'opérer une déduction des pertes sur les bénéfices fiscaux. Il s'agit d'une forme de déduction fiscale, à laquelle s'ajoutent deux mesures structurelles : la baisse du taux d'impôt sur les sociétés d'une part, puisque nous n'avons pas changé la trajectoire de baisse et que l'impôt sur les sociétés sera ramené à 25 % pour toutes les entreprises en 2022, et, d'autre part, la baisse de dix milliards d'euros des impôts de production. Cette dernière mesure, qui faisait débat lorsque le Gouvernement l'a proposée, fait désormais florès. C'est la preuve que les propositions du Gouvernement rencontrent un assentiment de plus en plus général.
Je laisserai Olivier Dussopt répondre sur les questions relatives aux régies.
Je partage les remarques de Sylvie Vermeillet sur le problème de la formation. Il faut, dans des délais beaucoup plus rapides que ceux auxquels nous sommes habitués, accompagner les salariés pour aller vers de nouveaux métiers. C'est tout l'objectif du dispositif mis en place par Élisabeth Borne. Soyons honnêtes : la rapidité des révolutions technologiques nous surprend tous. Il y a encore quelques mois, nous pensions qu'il y aurait un équilibre, à terme, entre le thermique et les véhicules électriques ou hybrides rechargeables. En réalité, la rupture technologique est beaucoup plus rapide : nous avons vendu au cours des derniers mois plus de véhicules hybrides rechargeables que de véhicules thermiques diesel. La bascule se fait de façon extraordinairement rapide, voire brutale, ce qui nous oblige à accélérer les dispositifs de transformation et d'accompagnement. Vous citez la fonderie de MBF dans le Jura : nous avons pris à bras le corps le problème des fonderies. Il y a plus d'un mois, j'ai organisé, sur proposition de la Confédération générale du travail (CGT), une réunion de l'ensemble des constructeurs et sous-traitants automobiles pour évoquer le sujet spécifique des fonderies. Ces dernières représentent 15 000 emplois en France ; il faut donc déterminer comment les accompagner, comment les transformer, voir s'il faut diversifier leurs activités de façon à préserver le maximum d'emploi. Les fonderies françaises sont néanmoins confrontées à un problème de compétitivité. Elles ne peuvent pas se reposer uniquement sur la fabrication de moteurs thermiques, puisque ces derniers vont être remplacés par des moteurs électriques. Des diversifications sont cependant possibles, avec par exemple les produits en fonte pour le nucléaire. À cet égard, je considère que le nucléaire fait partie de l'avenir énergétique français. La maitrise de l'intégralité du cycle nucléaire est un élément de puissance pour notre nation. Dans la période qui s'ouvre, où nos besoins en électricité vont augmenter, j'estime qu'avoir la possibilité de produire de l'électricité décarbonée à partir de centrales nucléaires constitue un atout pour la France. Où les opposants au nucléaire comptent-ils trouver l'électricité peu coûteuse et décarbonée, dont nous aurons besoin aussi bien pour nos smartphones, pour la domotique, pour nos véhicules électriques que pour la production d'hydrogène et l'électrolyse ? Vous connaissez mes positions à ce sujet : je les rappelle avec sincérité, franchise et clarté.
En réponse à la question du rapporteur général, le redéploiement de 500 millions d'euros au sein de la mission « Plan de relance » ne compromet pas l'équilibre. Nous retirons ce montant du programme « Écologie » pour le redéployer sur le programme « Compétitivité ». Nous procédons à un mouvement inverse au sein du PIA, ce qui renforce encore l'équilibre. Nous procédons à ces mouvements pour garantir le financement d'un certain nombre de mesures que nous allons rouvrir ou qui ont déjà été rouvertes, comme « Territoires d'industries », « Industrie du Futur », « Numérisation des PME ». D'autres mesures de redéploiement permettront, par voie réglementaire, d'assurer le financement et le rythme de décaissement de MaPrimeRenov'. Le caractère « vert » du plan de relance n'est pour autant absolument pas altéré par ces mouvements de crédits.
L'augmentation de la charge de la dette de 1,9 milliard d'euros est en lien avec les tensions inflationnistes auxquelles nous assistons. En effet, même si les taux auxquels la France emprunte sont légèrement plus élevés qu'il y a quelques mois, c'est surtout l'inflation qui provoque cette hausse. Je précise que nous avons prévu, dans le cadre de la loi de finances pour 2021, un retour des taux autour de 0,3 %. Nous sommes aujourd'hui à 0,2 %, alors que nous étions au début de l'année à - 0,2 %. A ce stade, nous sommes donc toujours dans le cadre de la prévision, qui avait été jugé prudente mais qui s'avère finalement efficace et sage.
S'agissant des régies, nous prévoyons d'indemniser la perte d'épargne brute subie entre 2019 et 2020 par les régies industrielles et commerciales organisées en budget annexe, ainsi que par les régies organisées en service public administratif lorsque c'est nécessaire. Il nous reste quelques paramètres à travailler par voie réglementaire, concernant notamment la question de leur financement par budget annexe. La règle selon laquelle est inéligible une régie dont les dépenses réelles de fonctionnement étaient, en 2019, supérieures de 50 % à leurs recettes réelles de fonctionnement découle des règles européennes en matière d'aides d'État, dont nous ne pouvons nous affranchir. Nous allons en revanche tenter de regarder, dans le cadre du débat parlementaire, comment certaines régies qui ont confié leurs services à des délégataires de service public (DSP) pourraient être accompagnées. Si les délégataires ont en principe pu faire l'objet d'un accompagnement par les dispositifs classiques d'aides aux entreprises, nous sont remontés quelques exemples de discordances, auxquels nous sommes en train de travailler.
Sur les dotations d'investissement, je commencerai par rappeler qu'en 2015, la DSIL n'existait pas et la DETR s'élevait à 660 millions d'euros par an. Ces deux dispositifs sont aujourd'hui dotés d'un milliard d'euros par an. Nous avons ajouté 1 milliard de DSIL « relance » en août 2020, et 950 millions d'euros de DSIL « rénovation » avec la loi de finances pour 2021. Pour ces deux tranches de DSIL supplémentaires, nous avons veillé à ce que les critères d'éligibilités soient alignés sur les critères de la DSIL de droit commun, mais aussi sur ceux de la DETR pour ne pas écarter les petites communes. Cela représente une multiplication par 1,5 du montant des aides de l'État pour l'investissement des communes et intercommunalités. Le soutien de l'État à l'investissement des collectivités territoriales est donc à un niveau exceptionnel, qui nous paraît suffisant, surtout si l'on garde à l'esprit le fait que l'épargne brute des collectivités territoriales s'est établie à 31,5 milliards d'euros en 2020, soit au même niveau qu'en 2018, ce qui est très encourageant pour la suite.
S'agissant enfin de l'exécution 2020, nos prévisions avaient été prudentes. Je rappelle que nous avions proposé au Parlement de budgéter de quoi faire face à une situation de confinement sur deux mois - novembre et décembre - avec une hypothèse de perte d'activité de 20 points par mois. Le confinement de novembre s'est traduit par une perte d'activité d'environ 11 points, et le couvre-feu de décembre de 7 points, ce qui explique le décalage entre les crédits votés et consommés. Le reliquat a été reporté sur 2021. Nous vous proposons d'inscrire des crédits pour financer la sortie progressive des aides. Nous pensons avoir inscrit le juste montant à cet égard, mais si la reprise d'activité devait être plus rapide en 2021, une nouvelle sous-consommation des crédits constituerait une double bonne nouvelle, pour l'économie et pour les finances publiques.
Ma question porte sur les mesures de soutien à l'investissement des collectivités territoriales dans le cadre du plan de relance, qui viennent d'être évoquées. Elles contribuent notamment à la relance dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, très affecté par la crise. La DETR reste à un niveau stable. Quant à la DSIL, je m'interroge sur les moyens de simplifier son attribution, l'enveloppe étant régionalisée.
Ma question portait sur les suites qui seraient données à la proposition, formulée dans un courrier à M. Le Maire et donc j'étais cosignataire, tendant à ce que le remboursement des PGE puisse être étalé sur 10 ans. Le Ministre y a déjà donné des éléments de réponses.
Ma première question concerne le plan de sortie de crise pour les entreprises. J'ai entendu le président du Medef, qui estime que 5 % des entreprises seulement seraient en capacité de rembourser leur PGE... Quel est votre regard sur ce sujet ?
Concernant les collectivités territoriales, je me réjouis de voir que ce PLFR propose d'ouvrir 200 millions d'euros de crédits nouveaux en direction de celles-ci pour compenser les pertes de recettes des régies, conformément aux engagements pris par M. Olivier Dussopt devant le Sénat. Je confirme qu'il existe encore un « trou dans la raquette » à combler s'agissant des DSP. Nous avons eu hier dans l'hémicycle un débat sur le coût de la crise pour les collectivités territoriales. Certaines associations tendent peut-être à dramatiser un peu la situation. M. Dussopt peut-il faire un point précis sur l'état actuel des finances locales ?
Où est le « milliard de Jean Launay » pour la Poste ? Le Gouvernement a réclamé à M. Launay un rapport sur le service universel postal, qui a mis en évidence un manque de 1 à 1,3 milliard d'euros dès cette année pour la compensation des obligations qui en découlent. Est-ce prévu pour un prochain projet de loi de finances rectificative ? Cela m'amène à ma seconde question : le prochain projet de loi de finances pour 2022 comportera-t-il un second plan de relance ?
Ma question porte également sur les pertes de recettes des régies. Le texte vise essentiellement les pertes de recettes en 2020. Dans les secteurs très touristiques, les cinq mois d'absence d'exploitation sur l'exercice 2021 sont également problématiques. Pour prendre un exemple, les Bains de Monêtier, commune de Serre Chevalier dans les Hautes Alpes, se retrouvent particulièrement en difficulté. De quelle manière pourrait-on prendre en compte cette période également ?
J'aimerais également avoir des précisions concernant les 350 millions d'euros de compensations aux exploitations agricoles. J'ai cru comprendre que ce montant concernait à la fois la compensation de l'impact de la grippe aviaire et les supports végétaux que sont la vigne et l'arboriculture. Peut-on avoir la ventilation de ces crédits ? Ce montant me paraît particulièrement faible, compte tenu des enjeux. Le plan de relance semble avoir exclu l'arboriculture et la nécessaire modernisation des de ce secteur. Un fléchage de crédits du plan de relance en faveur de celui-ci est-il prévu ?
Comme Jérôme Bascher, ma première question porte sur La Poste. D'après mes informations, des mesures de soutien sont envisagées, mais elles n'ont pas intégrées dans le texte. Pour quelle raison ?
Par ailleurs, vous évoquez la nécessité d'une sortie progressive des aides publiques pour le tissu économique. Vous amorcez cette question timidement dans ce PLFR. Envisagez-vous un réel débat parlementaire sur ce sujet fondamental ? J'ai quelques craintes à ce stade, quand j'entends les propos du ministre du l'économie, qui sont restrictifs par rapport aux recommandations des organismes spécialisés, avec donc un risque de cassure de la reprise. Quelle est donc précisément votre stratégie d'ensemble en la matière, et pourrons-nous en débattre ?
Enfin, quelle est votre stratégie de réduction de la dette et des déficits publics pour les années à venir ? Allez-vous poursuivre une politique la contraction de la dépense et des services publics ou bien travailler à améliorer la justice fiscale, comme le préconise le groupe Socialiste, écologiste et républicain, à l'instar de nombreux organismes économiques ?
Ma première question porte également sur l'accompagnement progressif à la reprise économique qui est mis en place. La prolongation annoncée des aides pour les travailleurs indépendants est limitée à ceux dont l'activité est arrêtée en raison de fermetures administratives. Je ne comprends pas pourquoi ces aides sont rendues aussi restrictives alors que l'accompagnement annoncé des entreprises à la reprise d'activité est appelé à être progressif.
Ma seconde question concerne la majoration du taux de réduction de l'impôt sur le revenu au titre des dons aux associations cultuelles. Pour quelle raison cette mesure a-t-elle été intégrée à ce PLFR ?
Enfin, ma troisième question, liée à l'actualité récente, concerne une alerte d'une intersyndicale dénonçant une future admission en non-valeur de 25 % des contentieux douaniers liée au transfert de missions fiscales de la direction générale des douanes vers la direction générale des finances publiques. Vous avez répondu que c'était une fausse information, mais on lit dans la presse qu'il y a tout de même des dispositions qui conduiront à modifier les règles de recouvrement des créances, de sorte que certaines sommes pourraient in fine ne pas être recouvrées. Qu'en est-il ?
Je vais essayer de répondre dans le détail. Malheureusement je vais devoir ensuite vous quitter, mais je laisserai Olivier Dussopt prendre la suite.
Sur les questions posées par Antoine Lefèvre et Didier Rambaud concernant les prêts garantis par l'État et les entreprises qui restent en difficulté, notre évaluation, qui est celle de la Banque de France, est que 5 à 7 % des entreprises ont vu leur dette augmenter et leur trésorerie diminuer pendant cette période de crise. Si l'on regarde le verre à moitié plein, cela signifie que près de 95 % des entreprises n'auront pas de difficulté à rembourser ces prêts. Néanmoins, notre action a consisté et consiste à élaborer une réponse sur mesure pour chacun. Cela nous a amené à maintenir l'ensemble des dispositifs qui apportent un soutien financier aux entreprises et à mettre en place un plan de transition qui intègre la possibilité d'apporter des fonds propres aux entreprises qui en auraient besoin.
L'accélération des procédures judiciaires de redressement doit permettre de traiter l'étalement supplémentaire du remboursement des prêts garantis par l'État. Dans ce cadre, le juge pourra décider de la prolongation du prêt garanti au-delà des six ans prévus initialement. Nous avons obtenu de la Commission européenne que la garantie de l'État puisse être maintenue en cas de prolongation.
Sur le sujet de La Poste, Monsieur Launay nous a remis un très bon rapport qui met en exergue la question du rythme d'attribution et de livraison du courrier et les pertes que cela représente pour La Poste, en même temps que la nécessité d'adapter en profondeur le service postal. Le service actuel n'est pas tenable : le volume d'envoi de courrier est en chute libre, ce qui impose d'adapter le dispositif structurellement. Je pense qu'il est bon de débattre des ajustements nécessaires du service public, de discuter les propositions qui peuvent être faites, avant de parler des compensations. Jérôme Bascher m'a posé la question ; il y aura évidemment des compensations. Mais avant de parler argent, je pense qu'il faut parler du service public postal que nous voulons pour les années futures.
S'agissant du plan de relance 2, je recommande vivement de mettre d'abord en oeuvre le plan de relance 1, et c'est exactement ce que nous faisons. Je suis toujours stupéfait par cette manie que nous avons, dès lors que nous avons voté et décidé quelque chose, de nous projeter vers quelque chose de nouveau. Le plus difficile n'est pas d'inventer systématiquement un nouveau plan, mais d'appliquer celui qui a été décidé, c'est-à-dire de s'assurer que l'argent pour les pistes cyclables, pour la décarbonation des entreprises, pour la digitalisation des PME, pour la transformation des bâtiments, pour la réduction des émissions des gaz à effet de serre, arrive dans les territoires, dans les ménages et les entreprises. C'est mon travail quotidien. Je fais le point toutes les semaines avec le secrétaire général du plan de relance pour m'assurer de sa bonne mise en oeuvre. Par ailleurs, il me semble que ces 100 milliards d'euros sont bien calibrés. Ils correspondent au montant qui était nécessaire pour faire redémarrer l'économie française.
Les mots ont un sens. Un plan de relance est là pour relancer l'économie. Il n'est pas là pour mettre l'économie sous perfusion en permanence. Or, si j'en crois les chiffres du FMI, de l'OCDE, de la Commission européenne et d'autres instituts statistiques, nous sommes dans la bonne direction. France Relance marche bien et marche vite. Nous avons déjà engagé près de 35 milliards d'euros sur les 100 milliards. Nous allons recevoir des financements européens au mois de juillet, grâce à la pression que nous avons mise sur nos partenaires européens pour qu'ils adoptent la décision « Ressources propres ». Le plan de relance va nous permettre d'atteindre le chiffre de croissance que nous souhaitions en 2021.
Ensuite, se posera la question de savoir si des investissements plus importants seront nécessaires. Il ne s'agit pas là de relance, mais d'investissements dans des technologies critiques pour permettre à la France et à l'Union européenne de faire jeu égal avec la Chine et les États-Unis. Une fois que l'on aura relancé la machine économique, que l'on aura retrouvé, début 2022, le niveau d'activité que nous avions avant la crise, exploit qui sera atteint grâce à nos efforts de protection de l'économie, nous serons toujours à un niveau de croissance structurellement inférieur à celui des États-Unis ou de la Chine. Le Président de la République et moi-même ne nous en satisfaisons pas. C'est une question que j'ai posé à nos partenaires européens ; profitons-nous de cette crise pour nous remettre à niveau et augmenter notre potentiel de croissance, ou nous contentons-nous de revenir au statu quo ante ? Très concrètement, au-delà de ce choix stratégique, plusieurs questions sont posées. Est-ce que l'Europe souhaite avoir sa propre constellation à orbite basse, ou dépendre des Américains et de la Chine ? En termes de semi-conducteurs miniaturisés, qui sont indispensables à l'industrie au XXIème siècle, dépendons-nous de Taïwan ou des États-Unis, ou développons-nous notre propre fabrication et notre indépendance ? Cette question se pose également pour l'intelligence artificielle, le cloud, la santé, les biotechnologies. Est-ce qu'il faudra investir plus, pour être au même niveau que la Chine et les États-Unis ? Nous travaillons d'arrache-pied sur cette question stratégique pour la France et le continent européen. Elle va se poser dès la rentrée. Cette crise peut être l'occasion d'augmenter notre potentiel de croissance. Ce n'est donc pas d'un plan de relance 2 dont il s'agit, mais bien d'investissements supplémentaires.
Concernant la tenue d'un débat parlementaire sur les aides, je pense que justement, le débat sur le PLFR doit servir à discuter les choix que nous avons faits. Par exemple, sur le fonds de solidarité, nous avons fait un choix, qui a demandé des semaines de discussions, pour savoir si on maintenait le fonds en l'état ou si on le modifiait pour le rendre plus précis, plus ciblé et dégressif. Nous avons fait le deuxième choix : nous avons décidé que le fonds de solidarité serait d'abord fléché vers les entreprises les plus touchées par la crise. Nous allons permettre à des entreprises qui redémarrent dans des conditions dégradées de bénéficier du fonds de solidarité, de manière dégressive. Un restaurant, par exemple, qui redémarre en juin, bénéficiera d'une aide équivalente à 40 % de sa perte de chiffre d'affaires par rapport à 2019, en juillet ce sera 30 %, puis en août 20 %, car son activité devrait être revenue à la normale. À la fin du mois d'août, nous ferons le bilan pour voir si cela correspondait bien à la demande des entreprises.
Concernant la question de Sophie Taillé-Polian sur la majoration de la réduction d'impôts applicable aux dons au profit d'associations cultuelles, la réalité c'est que ces associations cultuelles ont perdu beaucoup de recettes au cours de l'année passée, à cause des règles sanitaires. Par exemple, l'Église catholique estime à 90 millions d'euros les pertes consécutives aux deux confinements de l'année 2020, c'est-à-dire près de 20 % de ses recettes courantes. L'ensemble des associations cultuelles ont souhaité bénéficier d'une majoration de la réduction d'impôt. Il vous est proposé ici de porter le taux de réduction à 75 %. Cette réduction d'impôt est évidemment plafonnée et serait limitée à deux ans.
Présidence de M. Claude Raynal, président
D'abord, je souhaiterais revenir sur les 350 millions d'euros consacrés à l'agriculture. C'est une première tranche, qui s'inscrit dans l'objectif, fixé par le Premier ministre, d'une indemnisation des dégâts du gel à hauteur de 1 milliard d'euros. Nous connaitrons l'ampleur des dégâts et pertes des exploitations agricoles au fur et à mesure des récoltes. Ces 350 millions nous permettent d'y faire face. Ils viennent également financer une aide aux bovins allaitants, à hauteur de 60 millions d'euros, ainsi qu'à l'indemnisation de la grippe aviaire et de la jaunisse de la betterave, avec des montants similaires. Un complément d'aide au stockage viticole est également financé, pour 10 millions d'euros. Enfin, ils viennent renforcer le fonds des calamités agricoles. Nous travaillons encore pour préciser l'ampleur des dégâts et pertes, mais cette première tranche de 350 millions d'euros nous permet de faire face aux premiers engagements.
En ce qui concerne l'agriculture, je précise également que le Premier ministre a annoncé un doublement de l'enveloppe consacrée aux investissements pour l'adaptation aux évolutions climatiques. Ce doublement ne trouve pas de traduction dans le PLFR que nous présentons, car nous pouvons le faire par voie réglementaire dans le cadre de la répartition des crédits consacrés au plan de relance.
En réponse à Madame Taillé-Polian, je précise que le bénéfice du fonds de solidarité pour les travailleurs indépendants est possible, dès lors qu'ils remplissent une condition qui s'impose à l'ensemble des entreprises, c'est-à-dire l'existence d'une perte d'activité de 50 %.
En ce qui concerne les transferts de recouvrement, notamment le passage d'un certain nombre d'éléments de fiscalité de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) à la direction générale des finances publiques (DGFIP), je conteste absolument tout ce qui a été écrit dans les articles de presse que vous avez mentionnés. L'État n'abandonnera pas les créances qui lui sont dues. Nous travaillons effectivement à une harmonisation des modalités de recouvrement forcées, parce que parmi les recouvrements que la DGFIP doit faire en lieu et place de la DGDDI, il y a des recouvrements forcés, avec des modalités différentes entre les deux administrations. Nous ne renonçons évidemment pas aux créances que l'État peut détenir. Les chiffres dont nous disposons sur ces transferts de recouvrement sont rassurants : l'efficacité de la DGFIP est avérée. Je ne prends qu'une illustration : la TVA sur le pétrole, qui a fait l'objet d'un transfert de recouvrement le 1er janvier 2021. La première échéance déclarative, le 2 janvier, affiche un taux de recouvrement de 99,2 %, pour un peu moins de 890 millions d'euros, ce qui est conforme à nos objectifs. Cela démontre que nous ne perdons pas en efficacité de recouvrement en passant d'une administration à l'autre. Je précise d'ailleurs, même si cela ne concerne pas la fiscalité, que parfois les mouvements sont inverses, et voient des missions transférées à la DGDDI. Je pense notamment à une expérimentation que nous mènerons sur le port du Havre, de transfert des opérations de contrôle de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes vers la DGDDI afin de gagner en efficacité et limiter le nombre d'intervenants.
S'agissant de la situation financière des collectivités territoriales, les comptes arrêtés pour l'année 2020 attestent d'une situation dégradée par rapport à 2019, mais aussi extrêmement préservée par rapport à celles de l'État et de la Sécurité sociale. La diminution des recettes réelles de fonctionnement se situe autour de 1 % et la progression des dépenses de fonctionnement est estimée à environ 0,5 %. Nous avons même observé avec surprise que 91 % des communes de moins de 3 500 habitants ont vu leur épargne brute augmenter du fait d'une baisse de leurs dépenses plus forte que leur diminution de recettes, alors que des communes de plus grande taille ont été amenées à réaliser des dépenses plus importantes pour financer des mesures sanitaires. L'épargne brute des collectivités territoriales s'élève à 31,5 milliards d'euros, soit au même niveau qu'en 2018, et les dotations exceptionnelles à l'investissement apportées cette année viennent d'une certaine manière compenser la perte constatée entre 2019 et 2020. L'épargne brute des communes et intercommunalités a baissé de 7,5 %. Si nous nous sommes beaucoup inquiétés de la situation des communes et intercommunalités de montagne, nous constatons que la baisse moyenne de l'épargne brute de ces collectivités est en réalité limitée à 2,5 % du fait des mécanismes de protection, et notamment ceux de garantie des recettes fiscales, qui ont été plus efficients et davantage mobilisés pour les collectivités qui ont des structures de recettes particulières, et percevant notamment le produit de la taxe de séjour, de la taxe sur les casinos et de la taxe sur les remontées mécaniques. Ces trois éléments de fiscalité sont ceux qui ont fait l'objet de la plus forte dégradation, mais sont donc également ceux qui ont été le plus protégés par la mise en oeuvre des mécanismes de compensation.
Quand on regarde la totalité des dépenses et des recettes des collectivités territoriales, on constate qu'alors qu'elles affichaient un solde positif de 1,2 milliard d'euros en 2019, le solde est descendu à l'équilibre en 2020, du fait du léger effet de ciseau que j'ai indiqué. Le solde attendu pour 2021 devrait être de 1,5 milliard d'euros, soit, si nos prévisions s'avèrent juste, un niveau supérieur à celui de 2019, qui était considérée comme une bonne année pour les finances locales.
Les dispositifs mis en oeuvre me semblent donc suffisamment protecteurs et bien calibrés à ce stade pour donner aux collectivités territoriales la capacité de participer au plan de relance.
Je précise que ces chiffres que je vous livre sont macroéconomiques et que, bien évidemment, il existe des différences selon les territoires. Personne ne niera par exemple le fait que certains départements ont dû faire face à une hausse très importante de leurs dépenses d'allocations individuelles de solidarité ou que, selon la structure des recettes des collectivités territoriales, les résultats peuvent être différents lorsqu'ils sont pris individuellement.
Je souhaite revenir sur la question des régies, qui a déjà été abordée. Est-on certain du bon calibrage de l'enveloppe de 200 millions d'euros envisagée dans le cadre de l'article 10 ? L'estimation des pertes de recettes repose en effet, comme l'indiquait hier M. Joël Giraud dans l'hémicycle, sur des calculs complexes, certaines collectivités territoriales étant plus fragiles que d'autres... Les services déconcentrés disposeront-ils d'une certaine latitude dans la mise en oeuvre du dispositif, pour appréhender plus finement la situation particulière de certaines d'entre elles ?
M. le Ministre, vous avez fait partager certains de vos étonnements, je vais donc faire état des miens. L'Association des maires de France estime une perte de recettes de 2 milliards d'euros, soit un montant hors de proportion par rapport aux 200 millions d'euros évoqués concernant le dispositif de compensation prévu à l'article 10... Je ne crois pas que les associations d'élus « dramatisent » ou manquent de responsabilité. Il va falloir expliquer ce décalage, afin d'éviter des polémiques inutiles, comme lorsque M. Le Maire avait pu reprocher aux communes d'avoir augmenté leur taxe foncière. La chute de 7,5 % de l'épargne brute que vous évoquiez est tout de même importante. Je serai plus prudent que vous avant de conclure à une « bonne santé » financière des collectivités territoriales.
Enfin, vous avez prévu 1 milliard d'euros pour faire face à des éventuelles dépenses imprévues. Comment, en tant que parlementaire, puis-je me prononcer sur ces crédits ? Un effort de transparence me paraît devoir être mené.
Chacun peut convenir que la relance a besoin de tous pour réussir, avec au premier rang les collectivités territoriales. Je souscris à la remarque de ma collègue Sylvie Vermeillet : une rallonge de la DETR aurait été bienvenue.
Le gel des délibérations d'exonération ou d'abattement de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) a privé un certain nombre de communes de recettes, alors que certains particuliers ont ainsi bénéficié d'un effet d'aubaine. Est-il prévu de revenir sur ce gel ?
Je me réjouis des 700 millions d'euros que le Gouvernement va rajouter pour l'hébergement d'urgence. En 2020, il avait fallu attendre le quatrième projet de loi de finances rectificative et donc le mois de novembre, pour ajouter 450 millions d'euros de crédits qui se sont avérés insuffisants pour « boucler » l'année, de sorte qu'il a manqué plus de 100 millions d'euros... Les crédits votés en loi de finances initiale pour 2021 étaient encore inférieurs de 200 millions d'euros à ceux consommés en 2020. Est-ce qu'avec ces 700 millions d'euros nouveaux, vous êtes certains de pouvoir passer l'année dans de bonnes conditions, et donc sans que les associations gérant les places d'hébergement supplémentaires qui ont été ouvertes dans le contexte de la crise ne soient contraintes de faire de l'avance de trésoreries pour le compte de l'État ?
ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. - L'estimation de 200 millions d'euros pour le dispositif relatif aux régies s'appuie sur un état des lieux. Certaines régies organisées en service public industriel et commercial ont recours à des salariés de droit privé et ont donc été éligibles à des dispositifs d'aide tel que le chômage partiel. D'autres régies bénéficient des recettes, notamment fiscales, de la collectivité et ont donc bénéficié d'une protection globale du niveau des recettes au même titre que la collectivité. Mais certaines régies sont organisées en service public administratif, ou bien en service public industriel et commercial avec des agents publics. Il y a parfois des incohérences, souvent involontaires, entre la nature de l'activité, la nature des recettes, la nature des contrats établis avec les agents et les capacités contributives auprès de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) ou l'Unedic selon le cas. Il s'agit par exemple de stations de ski, de stations thermales, d'équipements qui fonctionnent très bien depuis des décennies sans qu'on se soit jamais inquiété d'une incohérence entre le régime juridique et la nature des activités. Les 200 millions d'euros me paraissent suffisants et nous pourrons y intégrer, au moyen d'amendements, des régies en délégation de service public.
Nous ne sommes pas sur une logique de guichet ; l'État pourra connaître le montant payé aux régies par subvention directe, sans déconcentrer le dispositif car il sera fondé sur des paramètres. Le nombre des communes et intercommunalités inscrites sur les réseaux d'alerte de la DGFiP reste stable.
Les deux milliards d'euros annoncés par l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) concernent les pertes de recettes tarifaires. Nous garantissons les recettes fiscales et domaniales des collectivités en 2020 sur la base de la moyenne 2017-2019 et, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, ce filet de sécurité a été reconduit pour les recettes fiscales, mais pas pour les recettes tarifaires qui ont pour contrepartie des économies de constatation difficiles à mesurer. La situation financière des collectivités est mieux préservée que celle de l'État et la Sécurité sociale et il est normal que les trois catégories d'administrations publiques contribuent, à des degrés différents, à la réponse à la crise. L'épargne brute des communes et des intercommunalités baisse de 7,5 % entre 2019 et 2020, mais le niveau d'épargne brute en 2019 était particulièrement important.
Les recettes fiscales ont été maintenues : loin de nos craintes initiales, les droits de mutation à titre onéreux ont baissé de 2 % seulement pour les départements et de 3,6 % pour les communes. De même, les recettes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ne s'effondrent pas mais diminuent de 1,1 % seulement.
Nous veillons à ce que la durée du gel des taux soit conforme à ce qui a été voté, c'est-à-dire l'année des bascules de fiscalité, afin que les collectivités retrouvent ensuite une liberté de vote des taux et des exonérations, notamment pour la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). Un certain nombre de rôles complémentaires sont en cours d'enregistrement, afin que la compensation à laquelle nous nous sommes engagés soit complète.
Les 700 millions d'euros pour l'hébergement d'urgence nous paraissent bien calibrés et leur ouverture dès maintenant devrait éviter les difficultés de gestion que vous avez évoquées.
S'agissant enfin de l'ouverture de crédits de 1,5 milliard d'euros sur la dotation pour les dépenses accidentelles et imprévues, le projet de loi de finances rectificative devrait être promulgué autour du 15 juillet et, si nous étions confrontés à des besoins imprévus, nous aurions besoin de cette enveloppe de précaution. En effet, nous ne pourrions pas réunir le Parlement avant la rentrée et nous ne pourrions pas prendre un autre décret d'avance puisque celui que nous avons pris atteignait les limites prévues par la loi organique relative aux lois de finances.
Nous vous remercions, ainsi que le ministre Bruno Le Maire, d'avoir répondu à nos questions.
La réunion est close à 18 h 30.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.