Intervention de Guillaume Gontard

Réunion du 1er juin 2021 à 14h30
Modification du règlement du sénat — Adoption d'une proposition de résolution dans le texte de la commission modifié

Photo de Guillaume GontardGuillaume Gontard :

Madame la présidente, mes chers collègues, cette proposition de résolution est le fruit de plusieurs réunions de travail, conduites sous la houlette du président Larcher et de notre rapporteur, Mme Pascale Gruny.

Si nous saluons l’initiative et la volonté de faire évoluer notre règlement, notamment au regard de l’épisode sanitaire que nous venons de traverser, nous regrettons le manque d’ambition et d’ouverture. Disons-le, la présente proposition de résolution ne bouleversera pas le fonctionnement de notre institution. Nous y voyons une occasion manquée d’ouvrir davantage le Sénat vers l’extérieur et de garantir les droits de l’opposition, gages d’une démocratie vivante.

Ce texte comporte, certes, quelques avancées.

Je ne reviendrai pas sur les mesures techniques et de bon sens, présentées par M. Buffet. Nous saluons les dispositions renforçant le suivi des ordonnances législatives ; que ce soit au travers des missions des commissions, de leurs moyens ou des obligations à l’endroit du Gouvernement, tout cela va dans le bon sens. Pandémie ou non, l’explosion de la législation par ordonnance est le mal démocratique de notre temps. La loi ne se fait pas dans l’urgence et à l’abri des regards, dans les administrations ministérielles. C’est donc une révision complète de l’article 38 de notre Constitution qu’il faudrait entreprendre, mais ce n’est pas le débat du moment. En attendant cette échéance, nous soutenons cette proposition, et nous en profitons pour inviter le Sénat à cesser de se dessaisir si souvent de son pouvoir législatif.

Les mesures renforçant les pouvoirs de contrôle sont également intéressantes, même si elles ne révolutionneront rien. Simplifier la constitution de commissions d’enquête pour faire face à une nouvelle « affaire Benalla » en plein été, tout cela est naturellement souhaitable, mais nous demeurons très loin de la mission de contrôle du pouvoir exécutif dévolue aux assemblées d’un régime parlementaire digne de ce nom.

Prenons un exemple d’actualité : alors que doit paraître demain le rapport du Gouvernement sur les exportations d’armes de la France, nous n’avons absolument aucun droit de regard sur la chose. En matière de contrôle, il faudrait que nous nous penchions un jour sur les décrets d’application des lois que nous adoptons. Trop souvent, le Gouvernement défait, par son pouvoir réglementaire, la loi que nous adoptons, sans que nous ayons ni droit de regard ni moyen d’action.

Pour en revenir au présent texte, je dirai que renforcer le droit de pétition pour tenir compte de l’expérimentation conduite depuis dix-huit mois est une bonne chose, mais cela est bien timide. Nos concitoyennes et nos concitoyens sont avides de participation démocratique. Or, ce que nous leur proposons, c’est, si 100 000 d’entre eux le demandent, d’envisager, peut-être, un jour, d’examiner leur texte… Nous allons créer plus de frustration qu’autre chose !

Il faut systématiser l’inscription à l’ordre du jour de toutes les propositions recevables, quitte à relever le seuil. De quoi avez-vous peur, mes chers collègues ? Le Parlement reste souverain pour rejeter le texte in fine ! Sur ce point, nous regrettons vivement que l’on s’arrête au milieu du gué. C’est pourquoi nous ferons des propositions au travers d’un amendement.

J’en viens au point le plus problématique : la réduction du temps de parole en séance.

Pour favoriser la vitalité démocratique, le groupe écologiste proposait d’augmenter le temps de parole réservé aux groupes d’opposition et d’allonger les explications de vote sur les motions de procédure. Loin de nous entendre, vous souhaitez réduire notre temps de parole en séance. C’est incompréhensible ! Cessons d’accélérer en permanence la fabrication de la loi ! On adopte près d’un texte par semaine ; c’est la garantie d’un travail mal fait. Nous n’avons pas à nous plier à un calendrier qui n’est pas le nôtre ; nous n’avons pas à nous presser encore davantage pour examiner les lois de circonstance et ainsi servir de faire-valoir à la communication politique des gouvernements !

Particulièrement dans cette maison, où l’obstruction n’existe pas et où chacun est respectueux de la bonne tenue des débats, cette mesure est arithmétiquement plus pénalisante pour les petits groupes, qui, avec un nombre d’orateurs limité, verront leur possibilité d’expression d’autant plus réduite. Elle pourrait même s’avérer contre-productive à terme ; vous prenez en effet le risque d’une multiplication du nombre d’amendements pour créer des espaces de parole. Cela me semble absurde. Cela pourrait se justifier pour les questions orales ou pour les débats de contrôle, en contrepartie d’un nombre accru d’orateurs, mais, pour le travail de la loi, c’est inacceptable.

En l’état, si aucun des amendements à l’article 11 du texte n’est adopté, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre cette proposition de résolution. Les timides avancées de ce texte sont largement insuffisantes pour renforcer les pouvoirs de notre assemblée.

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