Intervention de Vanina Paoli-Gagin

Réunion du 1er juin 2021 à 14h30
Modification du règlement du sénat — Adoption d'une proposition de résolution dans le texte de la commission modifié

Photo de Vanina Paoli-GaginVanina Paoli-Gagin :

Madame la présidente, mes chers collègues, le texte que nous examinons constitue l’un des trois instruments d’une réforme qui vise à modifier nos méthodes de travail.

Pendant plusieurs mois, un groupe de travail dédié a mené une concertation. Il a arrêté trente-neuf propositions, dont quatorze nécessitaient une modification de notre règlement. Ce sont ces dernières qui font l’objet de cette proposition de résolution : consensuelles pour la plupart, elles visent à rendre plus efficace le travail de notre assemblée.

L’amélioration du suivi des ordonnances renforce les pouvoirs de contrôle du Parlement. Même si leur nombre a tendance à augmenter significativement au fil des ans, il s’agit de véhicules législatifs qui n’ont pas vocation à être banalisés. Notre chambre se dote ainsi des moyens d’information qui lui permettront d’exercer sa vigilance à leur égard.

Par ailleurs, nous sommes favorables à ce que la commission saisie au fond puisse déclarer irrecevables les amendements parlementaires qui habiliteraient le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance. Nous devons en effet veiller à exercer pleinement notre compétence de législateur.

Pour renforcer encore les pouvoirs de contrôle du Sénat, le texte prévoit notamment de faciliter la transformation des questions écrites restées sans réponse en questions orales. Cette disposition est tout à fait pertinente à nos yeux : de trop nombreuses questions restent sans réponse, et il est important de contraindre le Gouvernement à remédier à cette situation.

Afin de rapprocher nos travaux des préoccupations de la population, la proposition de résolution a également pour objet d’entériner le système des pétitions : celles qui dépasseront un seuil de signatures seront systématiquement examinées par la conférence des présidents. Nous sommes favorables à ce que le Sénat conserve la pleine maîtrise des suites à donner à ces pétitions, mais aussi à ce qu’il puisse évoquer celles qui n’ont pas atteint ce seuil, sans se laisser enfermer, de part et d’autre, dans une quelconque automaticité qui serait inopportune.

Dans le même objectif de modernisation, la proposition de résolution vise à renforcer la parité au sein du bureau du Sénat. Nous soutenons cette disposition, laquelle implique toutefois que nous comptions davantage de femmes dans nos rangs.

Enfin, la proposition de résolution entend raccourcir la durée des interventions des sénateurs de deux minutes trente à deux minutes. Au fil des ans, l’activité parlementaire n’a cessé de croître. Afin de suivre ce rythme, la proposition de résolution vise à accélérer nos débats en réduisant notre temps de parole.

Nous convenons du fait que la quantité de textes que nous avons à examiner rend le travail législatif de plus en plus difficile. Toutefois, nous nous interrogeons sur le moyen de résoudre ce problème.

Le temps du débat nous permet d’alimenter les réflexions et souvent de trouver des accords. Sa réduction fait courir un risque à la qualité de nos travaux. En outre, il nous apparaît qu’une telle disposition va à l’encontre de l’essence même de notre fonction de parlementaire, à savoir faire entendre la parole de ceux qui nous ont élus. Nous sommes donc très réservés sur cette disposition, qui nous semble mettre en danger l’équilibre existant sans pour autant produire l’effet attendu d’accélération significative de nos débats.

Un autre équilibre doit impérativement être préservé, celui qui détermine actuellement l’ordre des prises de parole. Aujourd’hui, afin de ne pas hiérarchiser la valeur de la parole des sénateurs, l’ordre de passage des orateurs dans le cadre de la discussion générale est fixé par tirage au sort. Or le texte de la proposition de résolution nous propose de ne plus renvoyer en fin de tourniquet l’orateur appartenant au même groupe que le rapporteur. Cette disposition s’inscrit dans une tendance plus large visant à favoriser, dans les prises de parole, les orateurs issus des deux groupes dont émanent quasiment tous les présidents de commission et les rapporteurs.

Six groupes politiques – dont celui des Indépendants – sur huit ont manifesté leur hostilité à cette proposition. Nous considérons que l’ordre des prises de parole ne doit pas favoriser les groupes les plus nombreux, qui bénéficient déjà d’un temps proportionnel à leur taille. Dans la lignée des traditions du Sénat, nous devons veiller au respect de la parole de tous les sénateurs. Nous vous proposerons donc de voter un amendement de suppression de la modification de la règle du tourniquet.

Chers collègues, souvenons-nous de ces mots de Camus : « La démocratie, ce n’est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité. »

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