Intervention de Pascale Gruny

Réunion du 1er juin 2021 à 14h30
Modification du règlement du sénat — Adoption d'une proposition de résolution dans le texte de la commission modifié

Photo de Pascale GrunyPascale Gruny :

Madame la présidente, mes chers collègues, il est bon que notre assemblée se penche régulièrement sur son mode de fonctionnement et ses méthodes de travail et qu’elle y apporte les aménagements nécessaires pour mieux exercer ses missions. Le président Gérard Larcher y a toujours été très attentif. C’est le sens de la démarche qu’il a une nouvelle fois engagée avec la mise en place, en fin d’année dernière, d’un groupe de travail pluraliste dont j’ai eu le grand honneur d’être le rapporteur.

Je peux témoigner de la richesse des échanges intervenus en son sein. Ils ont abouti à près d’une quarantaine de propositions, dont certaines peuvent être mises en œuvre sur simple décision du bureau ou de la conférence des présidents. D’autres, que nous examinons aujourd’hui au travers de cette proposition de résolution, nécessitent une modification du règlement.

J’insisterai sur quelques points qui me paraissent particulièrement significatifs.

Le premier concerne les ordonnances. Le recours à ces instruments s’est notablement accru ces dernières années. Il a pris une ampleur inédite au cours de cette législature, et cela ne tient pas exclusivement à la gestion de la crise sanitaire et de ses conséquences. Il y a là une tendance de fond, qui n’est pas particulièrement reliée à des considérations de technicité ou d’urgence des sujets. On observe en effet que les délais entre une demande d’habilitation et la parution de l’ordonnance sont en moyenne très supérieurs à ceux constatés pour l’adoption d’un projet de loi.

On a plutôt le sentiment que l’exécutif, face au manque de maturité de certaines réformes, cède trop souvent à la facilité d’une habilitation législative qui lui laisse du temps pour arrêter ses choix tout en le dispensant du débat parlementaire. Une procédure qui devrait rester exceptionnelle se banalise ainsi sans véritable justification. Cette dérive est d’autant moins acceptable que le Parlement n’est plus autorisé à légiférer sur la matière législative déléguée durant toute la durée d’une habilitation.

Au sein du groupe de travail, beaucoup de nos collègues ont souhaité un encadrement plus strict du recours aux ordonnances dans la Constitution. En 2018, en vue de la révision constitutionnelle annoncée, un précédent groupe de travail du Sénat avait d’ailleurs proposé d’inscrire dans l’article 38 des délais stricts pour la durée de l’habilitation et celle de la ratification.

En attendant de pouvoir aborder cette question dans un texte constitutionnel, il est important que le Sénat marque sa volonté de reprendre la main en opérant un contrôle plus étroit de la législation déléguée. D’ores et déjà, conformément aux propositions du groupe de travail, un tableau de bord des habilitations accordées, des délais fixés par la loi, des ordonnances publiées et des ratifications a été mis en ligne sur le site du Sénat, et une première synthèse à vocation trimestrielle, retraçant l’actualité des ordonnances, a été adressée à tous les sénateurs.

Ces éléments, désormais facilement accessibles aux sénateurs, aux groupes politiques et au public, constituent une bonne base pour mieux assurer l’indispensable suivi des habilitations accordées. C’est une mission qu’exercent déjà les commissions permanentes. Leur responsabilité en la matière doit figurer explicitement dans le règlement, avec un rôle spécifique pour les rapporteurs des textes législatifs, comme cela est déjà prévu pour l’application des lois.

Concrètement, le groupe de travail a suggéré que les commissions identifient, dès le débat d’habilitation, les ordonnances dont le suivi exige une vigilance particulière et que le Sénat puisse prendre l’initiative de soumettre leur ratification à l’examen parlementaire, avec le dépôt et l’inscription de propositions de loi. Un débat en séance, de même type que celui sur l’application des lois, pourrait également être organisé chaque année afin que le Gouvernement soit tenu de rendre compte régulièrement de l’usage fait des habilitations demandées.

L’obligation faite au Gouvernement de présenter à la conférence des présidents, au début de chaque session ordinaire, un programme prévisionnel de publication des ordonnances et d’inscription à l’ordre du jour des projets de loi de ratification, prévue par l’article 2 de la proposition de résolution, complète le dispositif. Le choix de la commission de passer au semestre me semble bienvenu.

Aux yeux de notre groupe, les modifications apportées au règlement et les autres mesures préconisées par le groupe de travail permettront des avancées importantes, de nature à assurer un meilleur contrôle et, il faut l’espérer, un meilleur usage du recours aux ordonnances.

Le deuxième volet important de cette réforme du règlement concerne les pétitions.

Le droit de pétition auprès du Parlement s’inscrit dans une tradition ancienne. Il avait cependant perdu sa traduction concrète. Et les dispositions le concernant, dans notre règlement, paraissaient largement obsolètes.

On pouvait s’interroger sur l’intérêt de maintenir une telle procédure : les citoyens, les associations, les organisations et groupements d’intérêts disposent aujourd’hui de bien d’autres moyens de saisir directement les parlementaires et de donner écho à leur démarche dans les médias, sur internet ou sur les réseaux sociaux. Pourtant, le droit de pétition auprès du Parlement fonctionne dans un certain nombre de démocraties. J’en ai fait moi-même l’expérience en siégeant durant plusieurs années au sein de la commission des pétitions du Parlement européen. J’ai participé à l’instruction de questions soulevées par les pétitions qui lui étaient adressées.

Je me félicite que le Sénat s’engage dans une rénovation du droit de pétition. L’article 4 de la proposition de résolution en pose les bases et en fixe les grands principes. Il reviendra au bureau de définir ses modalités d’exercice, notamment les conditions de recevabilité des pétitions et les suites qui pourront leur être données par les instances du Sénat. Ce partage entre règlement et instruction générale du bureau apporte la souplesse nécessaire dans le cas où des ajustements mériteraient d’être apportés au dispositif.

À cet égard, des positions très diverses se sont exprimées au sein du groupe de travail. Le groupe Les Républicains considère que les options retenues sont équilibrées. La séparation claire entre bureau et conférence des présidents, proposée par la commission, est également bienvenue.

Il est proposé de maintenir à 100 000 signatures le seuil au-delà duquel une pétition est obligatoirement évoquée en conférence des présidents. Nous avons constaté, avec la proposition de loi sur l’allocation aux adultes handicapés, que ce seuil peut être atteint si l’intérêt et le soutien sont réels.

En tout état de cause, l’article 4 de la proposition de résolution prévoit que la conférence des présidents pourra se saisir de certaines pétitions, quand bien même ce seuil ne serait pas atteint, au vu de leur intérêt ou du nombre de signatures.

Le groupe de travail a également souhaité mieux identifier, parmi les procédures relevant de l’initiative législative ou du contrôle, les suites pouvant être réservées aux pétitions, ce qui est important pour donner à ce droit un prolongement concret dans nos travaux. Pour autant, en dernier ressort, le nécessaire pouvoir d’appréciation des instances du Sénat sera préservé en excluant toute automaticité liée à un seuil de signatures.

La refonte du droit de pétition prévue par la proposition de résolution permet au Sénat de se doter d’un outil de dialogue avec les citoyens à la fois moderne, simple et facilement accessible, dans le prolongement de l’expérimentation menée depuis l’an dernier.

Le groupe Les Républicains soutient bien évidemment les autres dispositions de cette réforme du règlement, qui améliorent les conditions d’exercice du contrôle et apportent des ajustements destinés à mieux utiliser le temps de séance publique.

À ce propos, je ne vois pas dans la modification des temps de parole une mesure de contrainte, mais plutôt un moyen de mieux organiser nos discussions, dont nous savons qu’elles sont souvent comprimées en fin de discussion des textes. En outre, une présentation concise est bien souvent plus efficace que la lecture d’un texte rédigé. L’intérêt des débats tient aussi à leur vivacité.

Je terminerai en soutenant l’article 14 de la proposition de résolution, qui fixe un objectif de parité dans la composition du bureau du Sénat pour chacune des fonctions de vice-président, de questeur et de secrétaire.

Nous avons constaté, en octobre 2020, que les groupes se sont organisés pour tendre à cette parité. Elle demeure cependant imparfaite puisque, à ce jour, aucune femme n’a accédé à la fonction de questeur du Sénat – contrairement à l’Assemblée nationale, qui désigne une femme à ce poste depuis 2007, sans discontinuer. Je souhaite que la formulation précise – bien qu’incitative – retenue par l’article 14 permette à notre assemblée de franchir cette étape lors du prochain renouvellement.

Le groupe Les Républicains considère que cette réforme du règlement comporte des avancées importantes, notamment sur le contrôle des ordonnances et sur les pétitions et qu’elle apporte des améliorations utiles au fonctionnement et à l’organisation du travail de notre assemblée. C’est la raison pour laquelle il votera en faveur de cette proposition de résolution, dans le texte adopté par la commission des lois.

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