Dorénavant, les ordonnances dont le projet de ratification a été déposé, mais non examiné par les deux chambres dans les délais d’habilitation impartis, acquièrent force de loi. Voilà, mes chers collègues, qui vient renforcer une nouvelle fois la dépossession du pouvoir parlementaire ! Dès lors, il suffit à l’exécutif de déposer ses projets de ratification sur le bureau de l’Assemblée nationale, laquelle n’aura qu’à les remiser en attendant l’expiration du délai d’habilitation afin d’éviter tout examen par nos deux chambres.
Alors, si personne n’a proposé, au sein des majorités qui se sont succédé depuis la naissance de la Ve République, d’abroger ce fameux article 38 de notre loi fondamentale, c’est qu’il a forcément son utilité, notamment en cas d’urgence. Un argument est souvent avancé : la célérité de la procédure. Le recours aux ordonnances serait donc un outil de gestion du temps normatif. Mais cet argument mérite grandement d’être relativisé : savez-vous que le délai moyen pour prendre l’ordonnance, une fois la loi d’habilitation promulguée, est d’environ 450 jours, contre 177 jours pour la fabrique de la loi.
Pour retrouver une forme d’équilibre des pouvoirs chère à Montesquieu, il était urgent d’agir. C’est ce premier pas qui nous est proposé, avec la mise en place d’un outil de suivi dédié permettant de retracer les habilitations accordées, les délais fixés par la loi, les ordonnances publiées, ainsi que l’état des ratifications, et de renforcer notre rôle de contrôle.