Cet amendement vise à supprimer la possibilité pour le Gouvernement de déposer à tout moment des amendements en commission.
Dans Le Prince, jusqu’au chapitre XV, Machiavel montre dans quelles conditions le pouvoir s’acquiert ou se conserve dans les principautés. Plus que dans les républiques, il dépend des vertus propres du gouvernant. Par « vertus », il faut ici entendre les capacités d’exercice de la décision, qu’elles soient morales ou non.
Laisser au Gouvernement la possibilité, en droit, de déposer à tout moment des amendements lors de l’examen en commission, c’est vouloir faire reposer bien grande conséquence sur les vertus de nos gouvernants…
Comme pour le dépôt illimité en séance publique, que nous contestions au travers de l’amendement n° 46 rectifié, nous estimons que l’examen d’un texte est un exercice démocratique qui ne peut souffrir d’un tel déséquilibre, surtout lorsqu’on connaît la disproportion de moyens entre la majorité et l’opposition : entre les 1, 9 million de fonctionnaires susceptibles, dans les ministères, de contribuer à l’élaboration des textes, auxquels il faut ajouter les 324 collaborateurs des cabinets ministériels – un effectif qui ne cesse de repartir à la hausse –, le décalage est criant.
Au-delà des moyens matériels, le décalage repose aussi sur le modelage de l’ordre du jour par le Gouvernement et sur les outils constitutionnels qui permettent d’en accroître la portée, ainsi que sur le temps de parole incroyablement élevé dont il peut se prévaloir.
Il est pourtant des avantages dont les puissants n’ont pas besoin. Même lorsqu’ils sont maigres, ces privilèges, injustes, suscitent de la frustration. La volonté des gouvernants s’impose ainsi aux gouvernés et à leurs représentants, bien loin des yeux de nos concitoyennes et concitoyens, sans que ces derniers puissent les contester ou les discuter…
Nous nous trouvons ainsi pris dans un flot législatif, avec des salves d’amendements qui tombent au dernier moment sans aucun autre motif que la précipitation, voire l’actualité médiatique. Il est impératif que le Gouvernement attende la navette pour introduire de nouvelles propositions ou, a minima, qu’il respecte les règles communes de dépôt en commission et en séance.