Cela n’aura échappé à personne, cet article, qui prévoit de faire passer les temps de parole de deux minutes trente à deux minutes – qu’est-ce que trente secondes ? –, est le dernier avatar d’une tendance lourde, qui tend à nier, finalement, ce qui est éminent, essentiel, dans le travail parlementaire.
Presque tous les textes que nous examinons sont dorénavant discutés selon la procédure accélérée. J’ai connu un temps, à l’Assemblée nationale et au Sénat, où la norme était qu’il y eût deux lectures, ce qui permettait de peaufiner les textes – c’est notre rôle, tout de même ! Cette ancienne norme est maintenant rayée de la carte ; je dois avouer que cela a commencé avant ce quinquennat et je déplore cette tendance.
On nous dit qu’il faut aller vite. J’ai même entendu de hauts gouvernants nous dire : le Parlement est trop long, beaucoup trop long… Certains de nos gouvernants donnent donc le sentiment qu’ils se passeraient volontiers du passage devant le Parlement, même s’ils disent aussi qu’il est évidemment nécessaire.
Je plaide ainsi pour que nous préservions la grande tradition du Parlement en France. Je ne citerai personne en particulier, mais vous savez bien que des centaines de parlementaires, connus ou non, ont passé leur temps à argumenter.
Mme Goulet nous rappelait qu’un sénateur qui a présenté un rapport pour avis long d’une quarantaine de pages sur le projet de loi de finances a aujourd’hui droit à trois minutes de temps de parole en séance.
Et nous passerions maintenant à deux minutes ? Voulons-nous vraiment d’un Parlement qui fonctionne selon l’idéologie des tweets – « très court, très vite » – ou voulons-nous laisser du temps à l’argumentation ? Telle est la question qui nous est posée au travers de cet article et il serait particulièrement symbolique que nous soyons très nombreux à refuser ce nouvel avatar, qui achèvera la destruction de toute notre tradition parlementaire.