Dans tous ces domaines, nous avons pu constater certains progrès mais nous encourageons les administrations à poursuivre leurs efforts.
Voilà pour ce qui est du travail de suivi.
J'en viens au premier tome du rapport. Il reprend plusieurs sujets dont certains ont, à très juste titre, intéressé votre commission des finances cette année.
Un de nos sujets communs de préoccupation concerne le service des pensions des fonctionnaires.
Vous avez rendu public, le 31 janvier dernier, votre rapport d'information sur la question, à la suite du rapport 58-2 que nous vous avions remis. Nous revenons également dans notre rapport public annuel sur ce sujet que nous avions déjà traité en 2003. Vous connaissez le diagnostic. La situation n'est plus acceptable et nous nous félicitons que vous proposiez des mesures pour relancer cette nécessaire réforme.
Le deuxième sujet, qui recoupe également vos préoccupations, est celui de la gestion immobilière de l'État.
L'enjeu n'est pas mince puisque le patrimoine de l'État est estimé à environ 50 milliards d'euros. La Cour dénonce depuis très longtemps les gaspillages, la faiblesse de la maîtrise d'ouvrage et la priorité trop souvent accordée, par facilité, aux opérations nouvelles sur les opérations d'entretien.
L'annonce, par le ministère des finances en février 2006, d'une réforme de la politique immobilière de l'État, incluant la création de l'agence « France-Domaine » héritière du service des domaines de ce même ministère, devrait conduire, nous l'espérons tous, à des changements significatifs.
Mais nous n'en sommes pas encore là.
Les cinq exemples cités par la Cour dans ce rapport annuel illustrent chacun un aspect différent des problèmes. L'un est malheureusement « classique » : il s'agit de la rénovation du grand ensemble de bureaux des ministères sociaux, place de Fontenoy. Faute d'engagement politique et financier clair, l'opération décidée en 1992 ne sera bouclée au mieux qu'en 2011 et les dépenses auront plus que doublé par rapport aux estimations initiales.
Deux autres cas illustrent certains risques du recours à des montages dits « innovants », sortes de partenariats public-privé, pour financer des localisations nouvelles. Pour le ministère de l'intérieur, c'est la relocalisation des directions de renseignement à Levallois-Perret et pour le ministère des affaires étrangères, la construction d'un immeuble pour les archives diplomatiques. Résultats de ces « innovations » qui ne visent en fait, le plus souvent, qu'à faire face à l'insuffisance de crédits immédiatement disponibles : des surcoûts très importants pour l'État, estimés à près 40 millions d'euros en valeur actuelle pour le seul ministère de l'intérieur, surcoûts liés au fait que l'on semble avoir oublié que l'État emprunte à un taux plus faible que les sociétés privées auxquelles il fait appel pour ce type de montage.
Vous retrouverez également dans le rapport des cas déjà bien connus de vous : la restructuration de l'immeuble des Bons-Enfants, resté sans occupant pendant plus de quinze ans pour cause de querelle entre le ministère des finances et celui de la culture, ou les conditions du relogement des affaires étrangères sur l'ancien site de l'Imprimerie nationale. Je sais que vous avez organisé une audition sur ce thème en octobre dernier.
De façon générale, l'État aura fait preuve dans toutes ces opérations d'une myopie coûteuse...
Le rapport contient de nombreux autres exemples illustrant la difficulté qu'éprouve l'État pour réformer sa gestion interne.
Il y a la question de la redevance audiovisuelle. La Cour s'est attachée à dresser le bilan de la réforme du service de la redevance. Nous montrons ainsi qu'il en est bien résulté une simplification pour l'usager et une diminution de la fraude ainsi que des économies assez significatives, mais qu'un plein parti n'a pas été tiré des gains de productivité réalisés.
Par ailleurs, la réforme n'a pas apporté de réponse à la question du financement de l'audiovisuel public. Le niveau de la redevance augmente en effet moins vite que les dépenses des sociétés audiovisuelles. Son montant est resté fixé à son niveau de 2002, soit 116 euros. C'est deux fois moins que chez nos voisins allemands ou britanniques. Il y a donc d'ores et déjà un problème financier qui fait peser un risque de report de charge sur le budget de l'État.
Le débat a resurgi voilà quelques semaines avec des hypothèses tout à fait nouvelles. Vous ne trouverez bien évidemment pas dans ce rapport l'avis de la Cour sur les propositions de M. le Président de la République ; nous sortirions de notre rôle. En revanche, vous y trouverez les termes financiers du débat.
Nous revenons également sur la situation de l'Imprimerie nationale et évaluons son plan de redressement.
Ce plan, au prix d'une réduction draconienne des effectifs, a permis d'écarter le risque de dépôt de bilan. Mais il a coûté cher à l'État et l'entreprise reste très dépendante de ses dernières activités de monopole. Elle doit encore faire un effort pour aligner sa productivité sur ses concurrentes.
La Cour aborde aussi dans ce rapport ce qu'elle qualifie, avec ce sens de la litote que nul ne songe à lui contester, de « curiosité administrative » : les conservations des hypothèques. Les conservateurs des hypothèques bénéficient d'un statut datant d'un édit de Louis xv, pris en 1771. Leurs rémunérations font partie des plus élevées du ministère des finances, sans lien avec leurs responsabilités véritables. Voilà de beaux postes de débouché, ce qui peut expliquer que le nombre de conservations et donc de conservateurs n'ait pas bougé alors que le nombre d'agents a beaucoup diminué.
À côté de cela, les usagers continuent à payer des tarifs élevés et le service rendu n'a pas bénéficié de tous les progrès rendus possibles grâce à l'informatisation.
J'ai évoqué des questions de gestion interne à l'État. La Cour s'est également intéressée à la manière dont l'État assume sa fonction d'actionnaire.
À cet égard, il convient tout d'abord de souligner les progrès engendrés par la création de l'Agence des participations de l'État. Elle a permis un plus grand professionnalisme des opérations en capital ainsi qu'une meilleure gouvernance des entreprises publiques.
Il reste que l'État actionnaire a des intérêts contradictoires, patrimoniaux et financiers d'un côté, stratégiques de l'autre.