Intervention de Philippe Séguin

Réunion du 6 février 2008 à 15h00
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Philippe Séguin, Premier président de  :

La Cour a donc consigné un certain nombre de recommandations dans le rapport.

Nous abordons ensuite le domaine de l'emploi, avec deux sujets, et d'abord le fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, créé en 2005 sur le modèle du fonds géré pour le secteur privé par l'AGEFIPH, l'Association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés.

Le parti pris d'aligner le dispositif des fonctions publiques sur celui du privé était difficile à tenir, je crois pouvoir en parler en connaissance de cause : si les objectifs peuvent légitimement être transposés, les moyens pour y parvenir doivent nécessairement différer, au moins partiellement.

Du coup, la greffe n'a pas pris : le fonds dispose de ressources financières élevées qu'il ne parvient pas à utiliser, cependant que le taux d'emploi des personnes handicapées dans la fonction publique reste très en deçà de l'objectif. §

La raison principale du retard constaté et de la difficulté à dépenser les ressources disponibles réside dans les modes de recrutement dans la fonction publique, qui, par définition, divergent de ceux du secteur privé et privilégient les concours, et, surtout, exigent hors concours l'équivalence des diplômes pour tout candidat à un emploi donné. C'est donc en amont du processus de recrutement qu'il faudrait agir, notamment en améliorant la formation des personnes handicapées, quitte à élargir le champ d'intervention du fonds. En bref, il faudrait imaginer pour la fonction publique un dispositif qui lui soit plus spécifique.

Le second sujet concernant l'emploi est la fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC. Nous en préconisons le rapprochement depuis plusieurs années. Nous dénoncions, notamment en 2006, un système qui impose au demandeur d'emploi des allers-retours entre l'ASSEDIC, qui l'inscrit sur les listes et l'indemnise, et l'ANPE, qui l'aide dans sa recherche d'emploi. Dans la perspective de la fusion annoncée, nous sommes revenus examiner cette question en 2007. Nous avons constaté certains progrès, notamment la création de quelques guichets uniques. Cependant, il faut bien le reconnaître, l'amélioration reste très limitée.

Nous avons également examiné les conditions du recours à des opérateurs privés de placement pour les demandeurs les plus éloignés de l'emploi. Cette sous-traitance a coûté cher sans que son efficacité soit prouvée. Une méthode d'évaluation plus rigoureuse a été mise en place ; il faudra être vigilant sur ses résultats.

On trouvera également, plus loin dans le rapport, les résultats d'un contrôle que la Cour a effectué sur la gestion des ressources humaines à l'ANPE. L'enjeu est de taille : l'ANPE est le plus gros opérateur de l'État, et 30 000 agents sont concernés. Il faut savoir que les dépenses de personnel de l'ANPE, qui dépassent désormais 1 milliard d'euros, ont crû de plus des deux tiers entre 1999 et 2006, plus vite que les effectifs, notamment grâce à une politique de primes et d'indemnités très favorable. La fusion avec l'UNEDIC devrait être l'occasion d'une remise en ordre.

La Cour aborde également deux sujets de moindre importance financière, mais illustrant, chacun à sa manière, des aspects particuliers de politiques publiques importantes.

Les relations entre la métropole et les départements et territoires d'outre-mer, d'abord, au titre de la continuité territoriale. L'État a mis en place un dispositif financier d'aide aux déplacements entre ces territoires et la métropole. Mais, contrairement à ce qui était prévu, l'État finance seul ce dispositif, alors que les collectivités concernées en déterminent les critères d'attribution. Ainsi, outre des abus ou des effets d'aubaine, on constate que les objectifs n'ont pas été atteints. La Cour pense qu'il faut revoir ce dispositif.

S'agissant maintenant de la politique d'aide au développement agricole - le sujet est d'actualité ! -, les conclusions de la Cour sont sévères. Il convient selon nous de redéfinir et de recentrer rapidement les dispositifs concernés.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'en arrive au terme de cette présentation. Je n'aurai évidemment pas passé en revue toutes les insertions, il s'en faut de beaucoup. Nous avons préparé à votre intention des synthèses sur chacune d'entre elles.

Je ne saurais oublier, avant d'en terminer, de mentionner que, comme chaque année, le rapport annuel de la Cour est accompagné du rapport annuel de la Cour de discipline budgétaire et financière, la CDBF, sous forme d'un fascicule distinct.

À ce sujet, je dois signaler, puisque j'évoquais tout à l'heure les défaisances, que le Conseil d'État vient de confirmer l'arrêt rendu par la CDBF dans le dossier d'Altus Finance, filiale du Crédit lyonnais, condamnant deux dirigeants à des amendes très significatives. Cette décision conforte la jurisprudence de la CDBF sur la faute grave de gestion, confirmation qui sera utile demain pour offrir un fondement au régime rénové de responsabilité des gestionnaires que le Président de la République a appelé de ses voeux.

Tels sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments que je souhaitais mettre en exergue. J'espère qu'ils vous apporteront des éléments d'information et des analyses utiles à vos débats et à votre travail de contrôle et d'évaluation. C'est en tout cas dans cet esprit que nous avons travaillé et que nous continuerons de travailler pour vous. §

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