Madame la ministre, après une décennie d’extension du domaine de la lutte numérique au cœur de nos territoires, l’heure est bel et bien venue d’imposer un cadre à l’expansion des Gafam. Nous sommes mûrs pour cela : vous l’avez vous-même rappelé il y a quelques instants.
Actuellement, 70 % du marché de l’hébergement des données est détenu par Amazon, Microsoft et Google. Chaque fois que nous écrivons un mail, activons notre géolocalisation ou visionnons des publicités, nous envoyons des données qui sont stockées dans des serveurs américains.
Or une donnée n’est pas une simple information numérique : c’est un véritable trésor national. En fournissant nos données aux Gafam, nous leur permettons non seulement d’en tirer d’immenses bénéfices, mais aussi de développer leurs programmes d’intelligence artificielle. Nous accumulons ainsi un immense retard dans la révolution économique et industrielle en cours.
À la lueur de ces signaux d’alarme, un objectif clair s’impose à l’État français : organiser le rapatriement et le stockage des données dans des data centers implantés partout sur le territoire national.
Certes, le Gouvernement a présenté le 17 mai dernier sa stratégie nationale du cloud. Un nouveau cadre réglementaire imposera désormais à l’administration française de recourir à un cloud « protégé contre toute réglementation extracommunautaire », afin d’empêcher que la justice ou les services de renseignement américains n’accèdent aux données hébergées hors des États-Unis. Mais la stratégie cloud de l’État ne permettra pas de résoudre le problème de la souveraineté numérique du jour au lendemain.
En effet, la nouvelle réglementation ne s’applique pas au secteur privé, qui représente une part importante du marché de la donnée. De plus, les solutions hybrides, alliant par exemple actionnariat européen et technologie américaine, risquent de cantonner les entreprises françaises dans le seul hébergement de données. Dès lors, on abandonnerait aux Américains les couches logicielles les plus valorisées.
Quant au projet franco-européen Gaïa-X, il est destiné à faire émerger des services cloud conformes aux valeurs européennes. Mais on peut redouter que les entreprises américaines ou asiatiques qui comptent parmi ses membres ne l’utilisent comme un cheval de Troie.
Madame la ministre, quelle stratégie entendez-vous déployer pour permettre aux acteurs économiques du secteur privé de sécuriser leurs données personnelles et de les rapatrier sur le territoire national ?