Intervention de Rama Yade

Réunion du 6 février 2008 à 21h30
Droits de l'homme — Discussion d'une question orale avec débat

Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme :

Vous m'avez d'ailleurs déjà interpellée sur la question, notamment à propos des sans-papiers, par le biais d'un communiqué de presse. Je vous ai reçue le lendemain, pendant une heure, et nous avons pu échanger sur ce sujet ; je ne crois pas vous être apparue comme une dangereuse fasciste.

Madame Goulet, nous connaissons tous le problème posé par la mise en cause systématique d'Israël, au sein du Conseil des droits de l'homme, par les États de l'Organisation de la conférence islamique. Nous savons également qu'Israël est une démocratie, qui présente toutes les caractéristiques d'un État de droit et possède, notamment, une Cour suprême indépendante de l'exécutif. Mais, quelquefois, la situation sur le plan de la sécurité exige des mesures d'exception.

La position de la France vis-à-vis de ce dossier particulièrement complexe est claire : comme l'Union européenne, elle reconnaît l'état préoccupant de la situation des droits de l'homme au Proche-Orient.

Dans ce cadre général, la quatrième convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre impose à l'État d'Israël des obligations en tant que puissance occupante des territoires palestiniens. Israël a le droit de prendre les mesures nécessaires à la protection de sa population contre la violence et le terrorisme, que la France condamne sans réserve. Mais soyez assurée que notre pays rappelle régulièrement à Israël, notamment lors de rencontres bilatérales, mais aussi dans les enceintes multilatérales pertinentes, ses obligations en matière de respect du droit international humanitaire dans les territoires palestiniens.

Cette thématique spécifique s'inscrit dans le cadre plus général des efforts français et européens accomplis en vue de la recherche d'une paix globale, juste et durable au Proche-Orient.

La France et l'Union européenne ont une position claire et constante sur le caractère illégal des activités de colonisation, contraires au droit international et aux engagements pris par Israël au titre de la feuille de route, et facteurs de blocage du processus de paix. Nous considérons qu'une paix juste et durable ne sera possible qu'en reconnaissant aux Palestiniens leur droit à édifier un état viable, tout en garantissant à Israël sa pleine sécurité.

La France a salué la réunion d'Annapolis, le 27 novembre dernier, et la reprise des négociations israélo-palestiniennes en vue d'un règlement final. La conférence internationale des donateurs pour l'État palestinien, que la France a organisée le 17 décembre, a été un succès ; elle a constitué un signal fort du soutien politique et financier apporté à l'Autorité palestinienne. Soyez assurée, madame le sénateur, que nous sommes préoccupés par la situation des populations civiles dans cette région du monde et que nous ne manquerons pas de poursuivre nos efforts en faveur du respect des droits de l'homme dans la région.

Madame Morin-Desailly, je vais terminer par votre intervention, parce que la question de la peine de mort est l'une de celles qui, bien évidemment, me tiennent le plus à coeur.

Vingt-sept ans après l'abolition de la peine de mort en France, qui peut aujourd'hui mettre en doute l'engagement de notre pays en la matière ? Nous sommes les acteurs les plus engagés en faveur de cette cause.

Sur le plan interne, l'inscription de la peine de mort dans la Constitution nous a permis de ratifier les deux instruments internationaux qui proscrivent la peine de mort en toutes circonstances. La France a apporté son haut-patronage, en 2007, au troisième congrès mondial contre la peine de mort, qui s'est tenu à Paris.

Sur le plan international, l'abolition universelle de la peine de mort est une priorité de la politique de l'Union européenne et de la France en matière de droits de l'homme. Des lignes directrices ont été adoptées par l'Union européenne en 1988. Nous effectuons régulièrement des démarches en faveur de cas individuels de condamnés à mort.

Ainsi, après ma prise de fonction, j'ai été amenée à intervenir auprès du gouverneur du Texas en faveur d'un jeune homme âgé de trente ans condamné à mort, dont la peine a été finalement commuée. Ma conviction selon laquelle il est absolument nécessaire d'être vigilant sur la question de la peine de mort s'en est trouvée renforcée.

Aux Nations unies, au mois de décembre dernier, un pas historique a été franchi avec l'adoption, par plus de cent pays, d'une résolution présentée sur l'initiative de l'Union européenne et associant d'autres pays, appelant à un moratoire universel et à l'abolition de la peine de mort. Cela marque un tournant sur le chemin de l'abolition universelle.

Cela démontre aussi que la peine de mort ne se limite absolument pas à notre continent. L'Europe, libérée de la peine capitale, n'en est pas le sanctuaire. Et l'on s'en félicite ! Les abolitionnistes sont en train de gagner la bataille ; c'est un mouvement irréversible, en tout cas j'y crois profondément.

Mais avant de goûter cette victoire de l'humanité sur la barbarie, le chemin à parcourir reste long. Il faut donc, plus que jamais, rester mobilisé. En effet, même affaiblie, la peine de mort reste présente aux États-Unis, en Chine, en Iran, en Arabie Saoudite. C'est une lutte de longue haleine qui sera achevée lorsque sera réalisé le voeu de Victor Hugo, c'est-à-dire son « abolition, pure, simple et définitive ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion