Intervention de Patrick Chauvet

Commission des affaires économiques — Réunion du 2 juin 2021 : 1ère réunion
Audition de M. Alexandre Bompard président-directeur général de carrefour

Photo de Patrick ChauvetPatrick Chauvet :

Monsieur le président-directeur général, vous évoquiez le fait que la crise aurait été bien plus grave si l'on avait eu un défaut d'approvisionnement alimentaire. Si je salue la distribution, je tiens également à rendre hommage à la production et à la transformation, car nous n'avons jamais été en rupture de produits alimentaires. Il faut en avoir conscience.

Vous placez le développement du e-commerce au centre de votre stratégie mais on voit en France se développer un acteur de la grande distribution assez classique. Vous avez évoqué des difficultés d'implantation. Cet acteur arrive à les surmonter. Il est d'origine allemande et connaît un fort développement en France. Quel est votre avis à ce sujet ? Pourquoi certains parviennent-ils là ou d'autres échouent ? Sa stratégie n'apparaît-elle pas à contre-courant du développement du e-commerce ?

Vous avez évoqué l'équation prix-qualité-nouveaux canaux de distribution : il me semble que vous avez oublié l'approvisionnement. On commence à connaître ce problème avec les fruits : nous n'avons plus d'autonomie dans ce secteur, et je crains que ce soit le cas pour d'autres produits. Les lois successives, qu'il s'agisse de la loi Galland ou de la loi Egalim, ont été à chaque fois des flops extraordinaires. Personne ne prend conscience des enjeux en termes d'emplois dans ces filières.

Je prendrai ici le cas d'un produit emblématique évoqué tout à l'heure, celui du lait, qui constituait l'aliment de la vie pour les générations précédentes. Cela fait plusieurs décennies qu'il est au même prix de production. On dit que le prix est un facteur important au moment où la part de l'alimentaire diminue dans les ménages. Le lait est à 32 centimes d'euros à la sortie d'une exploitation. Pour faire un parallèle malheureux, une cigarette revient entre 40 et 50 centimes. C'est scandaleux et l'on voit bien que les lois sont à chaque fois contournées !

On assiste ainsi à une délocalisation de la transformation. Je crains que, d'ici quelques décennies, il ne reste que la Bretagne et la Basse-Normandie pour produire du lait. Les secteurs qui auront perdu leur densité de production n'auront plus d'intermédiaires ni les métiers qui vont avec, des vétérinaires jusqu'aux acteurs de la distribution. Derrière un producteur de lait, on dit souvent qu'il y a quatre emplois indirects. Cela représente donc un impact très fort.

Par ailleurs, j'ai rencontré un acteur de la négociation commerciale qui ne faisait pas partie de votre groupe : sa façon de négocier les prix était presque indécente ! En termes d'éthique, je pense qu'on ne pourra en rester là et qu'on assistera à des conséquences fortes.

Vous avez parlé de juste prix. On a évoqué tout à l'heure le prix de revient. Pour le lait, produit emblématique, c'est un échec cuisant depuis presque deux décennies. Les responsabilités sont nombreuses. J'aimerais vous entendre spécialement à ce sujet : en connaissez-vous le prix de revient ? Quelles sont vos perspectives en matière d'éthique concernant les achats de produits alimentaires ?

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