Intervention de Alexandre Bompard

Commission des affaires économiques — Réunion du 2 juin 2021 : 1ère réunion
Audition de M. Alexandre Bompard président-directeur général de carrefour

Alexandre Bompard, président-directeur général de Carrefour :

Je comprends, même si je ne veux pas rebondir.

S'agissant de l'agriculture, j'ai demandé aux trente patrons des pays où nous sommes présents, dont dix-huit ont une agriculture qui occupe une place importante, de me dire combien ils avaient eu de lois sur les relations commerciales durant les vingt dernières années. Je tiens ce chiffre à votre disposition : il est compris entre zéro et deux, et cela se passe très bien.

Depuis 1996 et la loi Galland, je crois qu'on en est à la quinzième loi, et à la huitième depuis la loi LME. Je suis sûr que toutes ces lois étaient animées de bonnes intentions.

Par ailleurs, il n'existe aucun pays avec une négociation annuelle, encadrée, contrôlée, et un terme à la négociation. Le patron de Coca-Cola pour le monde me demande comment il est possible d'avoir une pénalité si on ne signe pas un contrat avant le 1er mars avec un fournisseur ! Cela crée un désavantage dans la négociation assez unique. Les choses sont encadrées, annualisées, et comportent des contrôles permanents.

Pour autant, vous avez raison, monsieur le sénateur, c'est le seul pays où l'on estime avec autant de force que la grande distribution est responsable de tous les maux agricoles et où les relations commerciales sont aussi tendues. J'ai cru comprendre que vous alliez bientôt examiner une seizième loi, deux ans après qu'un nouveau mécanisme ait été mis en place.

Je voulais porter cet élément à votre connaissance, car il me paraît toujours intéressant de regarder ce qui se passe à l'étranger. Encore une fois, je n'ai pas l'impression que cette obsession de la négociation annuelle, cette frénésie de communication entre le 1er janvier et le 1er mars, cette tension un peu artificielle qui est créée, se soit beaucoup résorbée au fil des réformes.

Venons-en au monde agricole et à la grande distribution.

Je sais que je ne vais pas être populaire mais, comme nous nous parlons très franchement, je vais vous dire les choses telles que je les ressens. Nous ne sommes pas, nous n'avons jamais été et nous n'avons aucun intérêt à l'être, l'ennemi du monde agricole. Ce n'est pas le cas, ni pour moi, ni pour mes principaux concurrents. Nous sommes le premier débouché du monde agricole. Je travaille avec des milliers de PME avec lesquelles nous signons nos accords dès le mois de janvier. Ce sont des désaccords en croissance.

Nous travaillons - et, là non plus, ce n'est pas moi qui ai mis en place le système - avec ce formidable mécanisme des filières qualité Carrefour et 20 000 producteurs dans un cadre pluriannuel où, vous avez à fait raison, nous nous mettons d'accord sur des prix, des volumes, des clauses de revoyure. Nous avons développé, à travers ces filières qualité Carrefour, formidable héritage de l'enseigne, une proximité et un travail en commun avec les producteurs qui est, je crois, exemplaire.

Je voudrais revenir sur la loi Egalim. Je ne l'ai pas initiée puisque, lorsque je suis arrivé, son texte était stabilisé. Vous comprenez, à travers ce que je vous dis que, n'étant pas tout à fait convaincu qu'une énième loi soit indispensable, je ne l'ai pas poussée. J'ai cependant considéré qu'elle figurait dans mon nouvel espace normatif.

J'ai d'ailleurs estimé qu'elle était positive puisque, pour bon nombre de ces dispositions, elle reprenait des éléments de ce que nous faisons depuis longtemps : filières, contrats pluriannuels, contrats de conversion au bio permettant de garantir un volume et un prix aux agriculteurs en train de transformer leur terre, avec une attention aux matières premières agricoles qui nous a d'ailleurs conduits - ces éléments sont publics - à revaloriser par exemple le prix du lait de 10 % au cours des deux dernières années.

Non, monsieur le sénateur, nous n'avons pas touché collectivement 600 millions d'euros. Si tel avait été le cas, que ce serait-il passé ? C'est d'ailleurs ce qu'avait dit Michel-Édouard Leclerc, qui s'était trompé : on aurait eu de l'inflation et les prix auraient augmenté, ce qui aurait signifié de la marge pour Carrefour. Or, on n'a enregistré aucune inflation parce qu'il y a eu une péréquation entre nos rayons. Vous avez raison : certains prix sous le SRP ont augmenté, mais on a baissé les prix, dans un univers extrêmement concurrentiel, sur nos marques propres ou sur d'autres catégories de produits non concernés par le SRP.

On peut d'ailleurs se poser la question de savoir si l'inflation ne serait pas utile, mais comme il s'agit d'un secteur très concurrentiel...

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