Intervention de Pascal Martin

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 2 juin 2021 à 9h00
Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Pascal MartinPascal Martin, rapporteur :

Comme vous l'avez rappelé, nous avons consacré de longues journées d'auditions pour préparer l'examen du texte et le rapport que nous vous soumettons aujourd'hui. Pour ma part, c'était une première expérience de rapporteur et je forme le voeu d'être à la hauteur de la tâche que vous avez bien voulu me confier.

Le déroulement des auditions et les échanges que nous avons eus entre collègues rapporteurs, rapporteurs pour avis et avec les sénateurs membres de la commission montre un paradoxe évident sur ce texte : si le retour au premier plan des préoccupations environnementales dans notre agenda législatif est un signe, un symbole majeur que nous saluons et dont nous pouvons nous réjouir pour l'intérêt général, le texte qui nous est soumis - c'est un euphémisme - contente peu de personnes. Les mesures sont inégales tant du point de vue de leurs effets réels sur le climat que de leur normativité.

Entre les renoncements inavoués, les ajouts opportuns, les critiques constructives, les propositions très ambitieuses et les fausses bonnes idées, il n'est pas simple de faire le tri, et il faut souvent regarder dans le détail pour lever le voile sur des mesures dont l'effet peut paraître très positif pour l'environnement, mais, dans les faits, se révéler contre-productif à court, à moyen terme et même à long terme.

N'allez pas croire, toutefois, qu'il s'agit d'une critique univoque : des avancées sont permises, car si nous votons ce texte, nous donnerons davantage de leviers à nos collectivités pour accélérer la transition et mieux adapter nos territoires aux effets du changement climatique, nous soutiendrons le mouvement de relocalisations industrielles avec la réforme du code minier, nous renforcerons la protection des écosystèmes sensibles et nous participerons à une meilleure maîtrise de l'empreinte carbone de notre alimentation.

Toutefois, il faudra apporter des compléments et ce sera l'objet des amendements que nous présenterons.

Pour ma part, les 57 articles dont vous avez bien voulu me confier l'examen se répartissent en cinq titres. J'ai traité en particulier des dispositions relatives à l'éducation au développement durable, à la commande publique, à la formation professionnelle, à l'eau, à la réforme du code minier, à la protection des espaces naturels et des écosystèmes, à la gestion du recul du trait de côte, au volet agricole et, enfin, à la lutte contre la déforestation importée.

Ces mesures ont un impact plus indirect sur le quotidien de nos concitoyens mais elles portent un effet potentiel très important pour engager encore un peu plus notre pays dans la transition bas-carbone, dans le respect des objectifs que la France s'est donnés. Elles ont, en revanche, un impact important sur les collectivités territoriales, mais aussi sur des secteurs économiques entiers.

J'ai à cet égard deux regrets ou, du moins, j'apporterai deux bémols : sur la réforme du code minier, d'une part, et sur la réforme de la gestion du recul du trait de côte, d'autre part. Je trouve dommage que nous devions examiner rapidement ces mesures dans un texte qui est devenu un peu « fourre-tout » et qui pourrait être aussi vu comme une voiture-balai des projets enterrés du ministère de la transition écologique ! Je pense que Philippe Tabarot ne me contredira pas !

Le Sénat et l'Assemblée nationale ont déjà travaillé sur ces sujets et il aurait été important de pouvoir y consacrer un temps dédié, dans le cadre d'un véhicule législatif autonome.

Pour autant, compte tenu de l'importance de ces sujets, j'ai, comme l'a dit Marta de Cidrac, moi aussi décidé de « jouer le jeu » et de travailler sur la base qui m'était soumise, en concertation avec toutes les parties prenantes.

Les amendements que je vous proposerai d'adopter s'inscrivent dans trois axes principaux, dont certains rejoignent ceux qui ont été évoqués par Marta de Cidrac. D'abord, ils visent à rehausser l'ambition environnementale d'un texte souvent en trompe-l'oeil notamment sur la partie « résilience face au changement climatique », trop peu développée. Ils tendent aussi à consacrer le rôle majeur de nos collectivités territoriales pour la réussite de la transition écologique et à leur donner des outils pour y parvenir. Ils ont enfin pour objet de mieux concilier transition écologique et justice sociale et préparer notre pays aux différentes transitions qu'il va connaître. J'ai également tenu à rappeler, à travers plusieurs amendements, que les services de l'État devaient avant tout travailler au service de l'accompagnement des secteurs concernés par la transition, des collectivités territoriales et surtout de nos concitoyens.

Avant de laisser la parole à mon collègue Philippe Tabarot, je souhaiterais insister sur quatre mesures principales que je vous proposerai d'adopter.

Sur le volet relatif au verdissement de la commande publique, je vous proposerai de conforter les dispositifs introduits par l'Assemblée nationale, qui vont dans la bonne direction. Je vous proposerai même d'accroître l'ambition du texte en la matière, en prévoyant une entrée en vigueur anticipée à deux ans concernant le verdissement des contrats de concession.

En revanche, nous vous proposerons, avec mon collègue rapporteur pour avis de la commission des lois, Stéphane Le Rudulier, de supprimer les dispositions introduites à l'Assemblée nationale relatives à l'insertion par la commande publique ; je le fais avec le coeur lourd, puisque ces problématiques me tiennent à coeur mais il apparaît clairement que les dispositions proposées sont contraires au droit européen : les maintenir dans le texte ferait donc courir un risque majeur pour la sécurité juridique des marchés passés par les collectivités, risque que je ne peux évidemment pas prendre pour nos élus locaux.

S'agissant des articles relatifs à l'eau, j'ai veillé à ce que les activités humaines puissent être conciliées avec la nécessaire protection des écosystèmes aquatiques. La raréfaction de la ressource et le stress hydrique que certains territoires subissent chaque été nous imposent de mieux connaître l'état de nos réseaux de distribution d'eau potable et d'identifier les masses d'eau stratégiques pour l'alimentation actuelle et future en eau potable. Je vous proposerai également une formulation d'équilibre concernant le respect des prescriptions administratives d'aménagement et d'équipement par les moulins à eau, dans le cadre d'une politique de continuité écologique apaisée. Afin de ne pas renvoyer dos à dos les propriétaires de moulins et l'administration, je suggère la mise en oeuvre d'une solution de conciliation en cas de désaccord.

En ce qui concerne les dispositions relatives au recul du trait de côte, j'ai travaillé en lien avec l'Association nationale des élus du littoral (ANEL) et de nombreux collègues, dont Didier Mandelli et Jean-François Rapin, afin de vous proposer d'adopter un dispositif de droit d'option pour les collectivités pour ce qui concerne la mise en oeuvre de la réforme dans leurs documents d'urbanisme. Il convient maintenant que le Gouvernement clarifie les modalités de financement de cette politique qui revient sinon à un transfert de compétences vers les collectivités du moins à une extension des compétences de celles-ci, avec peu de précisions sur les impacts techniques et financiers. Le Gouvernement devrait nous apporter des éléments précis et chiffrés en séance publique.

Enfin, s'agissant du volet agricole, je vous proposerai un équilibre, élaboré en lien avec ma collègue Anne-Catherine Loisier et en prenant appui sur les récents travaux de notre commission, entre maîtrise des émissions de notre secteur agricole et réduction de l'empreinte environnementale globale de notre alimentation, par une action forte sur la réduction des engrais azotés, sans pour autant compromettre la capacité de nos agriculteurs à réussir la transition agroenvironnementale et par des mesures novatrices en matière de lutte contre la déforestation importée.

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