Je souscris aux propos qui ont été tenus par mes collègues et je tiens également à souligner la bonne entente qui a régné entre nous et avec nos collègues rapporteurs pour avis des commissions concernées.
J'ai la lourde tâche de vous présenter les dispositions relatives aux transports, que vous m'avez fait l'honneur de me confier et qui représentent plus de 30 % de nos émissions de gaz à effet de serre.
Comme mes collègues, mon ressenti global sur ce projet de loi est mitigé : il s'agit d'un texte en trompe-l'oeil, parfois mal écrit, inabouti, pour tenter de contenter tout le monde, à l'image du « en même temps » cher à cette majorité. Pourtant, ce texte a tout de même des conséquences très importantes sur de nombreux secteurs de notre économie. Il est donc de notre responsabilité de l'améliorer, pour que l'ambition climatique rime avec justice sociale, en supprimant les mesures relevant de l'écologie punitive et culpabilisante. Plusieurs mesures visent à accélérer des mesures adoptées dans des textes précédents et qui, pour certaines, ne sont même pas encore entrées en vigueur.
Paradoxalement, en dépit du nombre très important d'articles - 218 désormais - le texte me paraît inabouti comme je vous le disais à l'instant.
Le volet « accompagnement social et économique de la transition vers une économie bas-carbone » est particulièrement faible. Je considère qu'il manque un « chemin heureux », des mesures de soutien et d'accompagnement, en somme une vision « positive » et incitative de la transition.
J'espère que le Gouvernement formulera des propositions en ce sens à l'occasion de l'examen du budget pour l'année 2022.
Par ailleurs, certaines mesures ont été insuffisamment préparées et concertées, voire mal calibrées.
Enfin, certaines mesures placent les collectivités territoriales dans une position délicate. L'État semble finalement se défausser sur les collectivités pour porter des changements difficilement acceptables sur le plan social, en s'abritant finalement derrière la logique de proximité et la libre administration des collectivités territoriales, ce qui ne manque pas d'ironie si l'on considère les atteintes qui ont été portées à cette libre administration locale dans de précédents textes ces dernières années...
Dès lors, la difficulté de notre exercice consiste à faire comprendre à ce Gouvernement l'intérêt qu'il a à travailler de manière constructive et pragmatique avec les parlementaires et le Sénat sur ce texte, car l'urgence climatique est réelle. J'ai donc décidé, moi aussi, de « jouer le jeu » pleinement en rentrant dans le détail des sujets, en cherchant à faire des propositions équilibrées et solides.
J'ai envisagé de multiples options et dispositions, en tenant compte des contraintes qui nous sont imposées, je pense notamment à l'article 40 de la Constitution qui nous empêche de prévoir des mesures financières fortes.
Si certaines rédactions que je vous proposerai aujourd'hui d'adopter ne sont pas pleinement satisfaisantes, c'est parce que les enjeux concernés - je pense en particulier à l'éco-taxe - ne peuvent pas être traités avec autant d'incertitudes, d'improvisations et de sous-entendus inavoués de la part du Gouvernement.
En revanche, je vous proposerai plusieurs mesures positives et incitatives, d'orientation, de soutien et d'accompagnement pour poursuivre le mouvement que nous appelons tous de nos voeux : la décarbonation de notre économie et en particulier du secteur des transports, la compétitivité industrielle et de la qualité de vie pour tous nos concitoyens.
Aussi, les amendements que je proposerai à la commission d'adopter s'agissant du titre « Se déplacer » peuvent se décliner en trois axes principaux, qui rejoignent ceux qui ont été mentionnés par mes collègues rapporteurs : fixer un cap clair pour engager durablement notre économie dans la transition bas-carbone ; garantir l'efficacité et l'acceptabilité des dispositions votées ; faire le trait d'union entre la vie quotidienne de nos concitoyens, la transition écologique et nos engagements internationaux et européens.
Je souhaiterais en particulier insister sur cinq mesures.
D'abord, en ce qui concerne le déploiement des zones à faibles émissions-mobilité (ZFE-m), je vous soumettrai des amendements visant à redonner de la souplesse aux collectivités territoriales dans la définition de leurs schémas de restriction de circulation, en lien avec le rapporteur de la commission des lois ; ainsi que différentes mesures pour les ménages vivant et travaillant en ZFE-m.
En ce qui concerne l'accompagnement à la décarbonation du secteur, il ne s'agit pas d'opposer les modes de transport mais, au contraire, de les associer à la transition écologique. Au regard du potentiel environnemental du transport ferroviaire, je suggère d'y appliquer un taux de TVA réduit de 5,5 %, afin d'acter que le train est un produit de première nécessité.
Ensuite, je vous propose d'accompagner dans la durée les transporteurs routiers dans le renouvellement de leur flotte, par des dispositifs de suramortissement ainsi que par le biais de plusieurs prêts à taux zéro pour l'achat de véhicules peu polluants.
Au sujet de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), il n'aura échappé à personne que l'enjeu de la fiscalité des carburants routiers est particulièrement sensible. Afin de préserver à la fois la compétitivité de notre filière logistique et d'inciter à la transition vers des motorisations plus respectueuses de l'environnement, il m'a paru nécessaire d'assurer le réalisme de toute trajectoire de réduction de cet avantage fiscal. Je vous propose donc, en étroite concertation avec Christine Lavarde et Daniel Gremillet, de conditionner toute augmentation de la fiscalité à la disponibilité d'une offre alternative de poids lourds qui soit accessible aux opérateurs de transport, tout en privilégiant l'accès aux biocarburants.
En ce qui concerne l'« écotaxe », l'habilitation à légiférer par voie d'ordonnance sollicitée par le Gouvernement pour prévoir la mise en place de contribution par les régions ne me semble pas acceptable en l'état. Elle comporte de nombreuses zones d'ombre : modalités de collecte, interopérabilité, etc. De plus, loin de régler le problème, elle le déplace en créant d'importants effets de bord entre régions et entre départements, voire une importante concurrence fiscale, génératrice d'inégalités préjudiciables entre les territoires. Je vous propose donc de remplacer l'habilitation par un objectif plus pragmatique de mise en place d'une contribution dans le cas où le secteur n'aurait pas réduit significativement ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2028.
S'agissant des mesures relatives au transport aérien, je regrette que ce secteur, qui est littéralement à terre du fait de la crise sanitaire et économique, fasse l'objet de contraintes importantes, même si le Gouvernement a pris en compte certaines remarques. Les articles relatifs à l'aérien constituent soit des mesures de portée programmatique, soit des mesures très « bordées » pour ne porter leurs effets que quand le secteur aura retrouvé ses niveaux pré-crise.
Sur la taxe carbone, je vous propose d'adresser un message positif tout en renvoyant le sujet au niveau de l'Union européenne afin de ne pas créer de différentiels de compétitivité trop importants.
S'agissant des fameuses « 2 heures 30 », les dispositions n'affecteront dans les faits qu'une seule ligne : Orly-Bordeaux. Nous rappellerons aussi notre attachement aux lignes aériennes d'aménagement du territoire.
Sur ce volet, je vous proposerai une mesure qui, à elle seule, aura plus d'impact positif sur l'environnement que toutes les mesures prévues par le Gouvernement et les députés : l'instauration d'un prix minimum sur les billets d'avion. Cette mesure, couplée à la réduction à 5,5 % de la TVA pour les billets de train, permettra de favoriser le report modal des voyageurs. Je vous proposerai également une définition juridique de la compensation carbone, qui serait ainsi la première en droit français - c'est une avancée importante.
En conclusion, je voudrais remercier notre président, M. Longeot, dont la porte est toujours ouverte, M. Mandelli, qui avait été rapporteur de la loi d'orientation des mobilités (LOM) et qui a été de précieux conseil et l'ensemble de mes collègues.