Intervention de Édouard Geffray

Mission d'information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement — Réunion du 2 juin 2021 à 16h30
Audition de Mm. édouard Geffray directeur général de l'enseignement scolaire et christophe kerrero recteur de l'académie de paris

Édouard Geffray, Directeur général de l'enseignement scolaire :

Je vous remercie de nous convier sur un sujet qui est pour nous une préoccupation quotidienne, à la fois au niveau central, en académie et dans les établissements.

Le harcèlement est une violence avant tout, multiforme, répétée, intentionnelle, systématique, généralement « en meute », à plusieurs contre un. Il y parfois des harcèlements à un contre un, mais souvent on constate un effet d'entraînement, qui vise à dégrader moralement, à « pourrir la vie » d'un élève dans l'environnement scolaire et en dehors de cet environnement.

Le harcèlement repose sur des ressorts connus que sont le déséquilibre des forces - la victime étant en situation de faiblesse par rapport au groupe ou au harceleur, la répétition et le caractère systématique, la diversité des atteintes (rumeurs, coups, vol, dégradation matérielle, humiliations diverses et variées) et l'intentionnalité de nuire. Le type de réponse vise à travailler sur ces ressorts.

Il connait un prolongement dans l'espace cyber qui traduit une mutation des lieux d'expression associée à un plus grand sentiment d'impunité car il est anonyme, mais aussi hors de la présence et de la possibilité de contrôle des adultes et notamment de ceux de l'établissement scolaire. En pratique, il libère encore plus la parole et la violence des élèves harceleurs.

Le cyberharcèlement a pris le relai et démultiplié ce que l'on remarquait dans le harcèlement physique. On constate un phénomène de vases communicants. Sur longue période, le harcèlement commence à baisser : les chiffres de la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) montrent cette baisse et lorsqu'on interroge les établissements, on constate une baisse réelle dans l'environnement « physique » : - 5,6 % en 2018. Les témoignages concordent. En revanche, on relève une augmentation dans l'univers cyber : 25 % des collégiens déclarent avoir connu au moins une atteinte via les nouvelles technologies, 14 % des lycéens ont été victimes d'une attaque sur internet, avec un phénomène croissant de harcèlement sexuel, de diffusion de photos et vidéos intimes, pour dégrader l'enfant.

Sur la période 2015-2018, le nombre est passé de 4,1 % à 9 % des lycéens ce qui donne un ordre de grandeur de l'explosion du phénomène. Sur la même période, on note un tassement voire une diminution dans l'univers physique.

Ce phénomène est ancien : le tournant date de 2011 et depuis des actions ont été menées par tranches successives autour de 4 axes. D'abord informer, soit faire savoir que cela existe pour mobiliser les professeurs et les élèves. Prévenir par un processus éducatif. Former le personnel pour une meilleure prise en charge des victimes et y apporter des réponses. Assurer une prise en charge et un suivi de l'élève, y compris adaptée au type de harcèlement car ce n'est pas la même chose de faire face à un harcèlement sexuel qu'à un échange de coups. Il faut ainsi garantir une réactivité de l'institution, car chaque jour, voire chaque heure compte, pour éviter que les enfants victimes ne se retrouvent dans des situations préjudiciables, voire soient animés de pensées suicidaires.

Depuis cinq ans avec la loi sur l'école de la confiance a été instauré un droit à une scolarité sans harcèlement. Cette disposition porte la force symbolique d'un droit qui justifie et déclenche des actions diverses.

Il s'agit en premier lieu de savoir et de comprendre : on a créé un comité d'experts en octobre 2019, pour pouvoir caractériser les choses, qui regroupe universitaires, chercheurs, membres de la société civile, représentants du ministère, des partenaires associatifs - je pense notamment à l'association Marion la Main tendue. Nous avions un retard dans ce domaine. Cela permet d'améliorer la connaissance sur les ressorts collectifs psychologiques et nous aide à élaborer des solutions.

Nous devons ensuite offrir une réponse la plus systématique et la plus diversifiée possible. Deux numéros existent, le 3020 et le 3018 spécifiquement pour le cyberharcèlement. Ces deux numéros sont portés par des associations subventionnées par le ministère. Le 3020 fonctionne de 9 heures à 20 heures du lundi au samedi et nous avons élargi les horaires. Cela permet aux élèves de communiquer plus facilement de chez eux, le cas échéant accompagnés par leurs parents.

En troisième lieu, nous veillons à la structuration d'un maillage territorial fin, pour prendre en charge ces situations, former les collègues et intervenir sur site en cas de difficultés. 335 référents existent soit entre trois et quatre par département. Nous avons ainsi des équipes académiques qui interviennent de manière systématique.

Nous avons également une politique de sensibilisation au phénomène avec la création d'un prix national de sensibilisation « non au harcèlement » qui fait l'objet d'une diversification : élargissement à la lutte contre les harcèlements sexuels et sexistes, au cyberharcèlement en 2017 et 2018 notamment.. Nous avons également élargi le spectre pour intervenir dès le primaire jusqu'au lycée. Cette année, pas moins de 40 000 élèves ont été mobilisés autour de 950 projets car il n'y a rien de tel que de faire parler les élèves à d'autres élèves : un élèves fait plus attention au propos d'un élève qu'à ceux d'un adulte. Une fois la sélection d'un projet national opéré, il est repris sous forme d'affiches et de vidéos diffusés sur tout le territoire.

Le dernier axe consiste en l'implication des élèves qui doivent être des ambassadeurs pour dire non au harcèlement, pour prévenir et faire savoir. On en dénombre aujourd'hui 10 000.

L'ensemble de ces dispositifs est démultiplié dans le programme Phare testé en 2019 dans six académies et qui sera généralisé à la rentrée 2021, suivant l'annonce faite la semaine dernière. Il y a une présence et une formation systématique de quatre à cinq adultes par établissement, sur la base d'une formation de haut niveau - d'une durée de huit jours. Il y a également un déploiement et une formation pour les élèves ambassadeurs.

Des mesures de suivi et d'intervention sont également mises en place avec l'ensemble des partenaires et des instances. Je pense notamment aux conseils de vie collégienne et conseil de vie lycéenne : Il faut que l'ensemble de l'infrastructure et de la communauté scolaire qui se mobilisent.

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