J'ai évoqué un sentiment d'impunité, mais cela ne concerne que le cyberharcèlement. D'ailleurs il n'est pas propre aux élèves. Ceci n'est pas sans influence par rapport à cela : si les adultes se sentent libérés sur Twitter, c'est que le climat collectif est en décalage par rapport à ce que l'école et les parents prônent comme message.
La très grande difficulté du cyberharcèlement, c'est qu'il établit un continuum entre différents environnements. Dans ma génération, il y avait une pause, en rentrant chez soi. Aujourd'hui, cela poursuit l'enfant jusque chez lui. Le plus souvent les deux phénomènes se superposent, au moins en partie. Que peut-on faire ? D'abord, « l'éducation à ». On ne se comporte pas comme ceci ou comme cela sur les réseaux sociaux. On rappelle que le fait de passer en mode cyber ne constitue pas une barrière de protection pour le harceleur, y compris en matière pénale.
Puis éduquer aux bons usages, et dans certains cas, au non-usage aux technologies avant un certain âge. En 2017, on a posé l'interdiction du téléphone au collège ce qui permet de créer un sas.
Enfin, lors de la conférence internationale organisée à l'initiative de la France et de l'UNESCO en novembre 2020 sur le harcèlement, on a précisé que ce que l'on est en droit de demander aux réseaux sociaux en termes de réactivité, pour faire disparaitre rapidement des contenus viraux. Je vais ici le lien avec la platerforme Pharos. Mais il y a une difficulté supplémentaire : quand Pharos intervient, c'est sur des réseaux qui présentent une forme de publicité. Or, aujourd'hui le harcèlement a lieu sur des applications qui fonctionnent en circuit fermé, et donc la visibilité du drame est faible pour le public mais très grande pour le groupe.
Depuis le mois d'avril, le ministère de l'éducation nationale fait passer du GIP cybermalveillance -avec notamment l'ANSSI - qui mène une politique de prévention des bons usages du numérique. Nous espérons ainsi changer les usages.
Concernant l'écart fille/garçon, on a des écarts substantiels, notamment au lycée. Les jeunes filles sont nettement plus nombreuses (5 à 6 fois) à être victimes de propos déplacés à caractère sexiste, sexuel, avec des injures ou de publication de vidéos sur internet de type revenge porn. À l'inverse, les garçons sont un peu plus concernés par les coups, la violence physique. Les jeunes lycéennes sont plus victimes de cyberharcèlement.
Concernant la question des parents, j'ai voulu tenir des propos ramassés. Il y a plusieurs dimensions. Le programme Phare vise à les impliquer totalement à travers différents leviers, dont un pédagogique avec la mallette des parents.
L'idée est également de les mobiliser à l'intérieur des instances. En mobilisant les différentes instances (comités d'éducation à la citoyenneté et à la santé, conseil d'école, conseil des parents), l'objectif est qu'un protocole soit élaboré établissement par établissement et transmis aux parents expliquant « voilà ce qui se passe, voilà la photographie chez nous, voilà comment on va agir, et voilà comment vous pouvez y contribuer ». Objectivement, cela fonctionne bien.
Nous avons aussi des relations suivies avec les associations de parents d'élèves avec la volonté également de les impliquer au niveau du traitement de la situation. La prise de conscience n'est pas aisée, y compris pour les parents de harceleurs : certains parents n'imaginent pas une seconde que leur enfant est coupable. Il faut un travail avec un psychologue de l'éducation nationale pour que le comportement dont se vante l'enfant le soir comme étant très drôle ne l'est pas du tout pour les autres.
Par principe, ce type de procédure résulte d'un dialogue avec les familles, du côté du harceleur et de celle de la victime : le harceleur peut faire l'objet d'une procédure d'expulsion. Mais parfois la victime sollicite ce déplacement. Un dialogue est nécessaire. Depuis un an, nous avons demandé aux établissements un renforcement du suivi disciplinaire à l'encontre des individus faisant des actes répréhensibles. Nous avons demandé aux établissements, dans le cadre du bilan annuel, de présenter le bilan de tout ce qui s'est passé et la façon dont cela a été traité. Nous sommes collectivement comptables de la façon dont la suite d'une situation signalée est traitée.
S'agissant du suivi des jeunes qui sont amenés à être exclus, et notamment des polyexclus, on s'appuie notamment sur les classes relais et les internats relais : on sort le jeune coupable de méfaits de son environnement scolaire, avec un suivi renforcé pendant plusieurs mois voire toute l'année scolaire, le temps de lui faire prendre conscience de ses actes.