Intervention de Hugo Martinez

Mission d'information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement — Réunion du 3 juin 2021 à 10h40
Audition de Mme Nora Tirane fraisse fondatrice et représentante de l'association marion la main tendue et de M. Hugo Martinez président de l'association hugo !

Hugo Martinez, président de l'association HUGO ! :

Sur le rôle des réseaux sociaux, nous travaillons avec différentes plateformes en France. On constate une volonté d'aider les jeunes. Je prends le dernier exemple en date : les filtres à injures Instagram, où le jeune peut définir que, sur la base d'un mot figurant parmi une liste d'injures, le message est filtré. Il ne le reçoit donc pas. Ce sont ces micro-initiatives qui vont dans le sens du respect.

Dissocier le harcèlement scolaire du cyberharcèlement scolaire est une erreur : c'est un ensemble. S'il y a cyberharcèlement scolaire, c'est que cela a commencé, un jour ou l'autre, au sens figuré, dans la cour de récréation. En s'acharnant sur le cyberharcèlement scolaire, on dévie le problème de fond. Il commence dans la cour de récréation, et le cyberharcèlement en est un prolongement. On aura beau mettre en place tel dispositif pour éviter tel type d'insulte, on trouvera toujours des moyens de détourner ces dispositifs de prévention ou de protection sur les plateformes. Il faut revenir à la source et régler le problème.

De même, des directeurs d'établissement, face au harcèlement scolaire, peuvent déplacer l'élève harcelé. Ce n'est pas une solution. Mais déplacer l'élève harceleur non plus ! On ne fait que déplacer le problème. Les réseaux sociaux, à mes yeux, manifestent une volonté d'avancer. On le voit dans nos échanges avec eux, cela consiste à créer des outils qui permettent de protéger les jeunes. Mais, encore une fois, c'est un prolongement.

La méthode Pikas (du chercheur Anatol Pikas), également nommée « méthode de la préoccupation partagée » est prônée et régulièrement utilisée par l'Éducation nationale. Nous formons les intervenants en ce sens. Elle vise à mettre chaque élève dans la situation hypothétique d'une victime et d'enfant harceleur afin de favoriser une meilleure prise de conscience. L'erreur à ne pas faire est de dire que la méthode Pikas est une baguette magique. Elle est là pour stopper une dynamique dans une classe avec du harcèlement scolaire. Mais il faut appliquer d'autres choses par la suite : l'accompagnement de l'élève victime, de l'élève harceleur, et éventuellement de quelques enfants témoins qui peuvent avoir été choqués ou perturbés. Cela ne peut être une méthode magique, d'autant plus qu'Anatol Pikas, qui a aujourd'hui 80 ans, a inventé sa méthode à une époque où les réseaux sociaux n'existaient pas. Elle n'est donc pas ancrée dans la réalité actuelle où ils sont prégnants dans la vie des jeunes.

Je précise mes propos sur le référent municipal. Il n'a en aucun cas une visée thérapeutique ou d'accompagnement psychologique. C'est une personne qui a connaissance de l'ensemble des outils et des ressources possibles, et qui est vecteur d'information pour les familles. Il permettra aux parents de se dire qu'ils ne sont pas seuls. Cette personne va recevoir la famille, et lui donner les informations nécessaires. Cela permet, au lieu d'aller sur une page sur un site web, d'avoir un contact avec un humain. C'est rassurant : nous voulons créer un contact.

Sur le terrain, nous travaillons essentiellement avec les mairies. C'est le premier échelon à taille humaine et il y a une vraie volonté d'agir de la part des équipes municipales. En tant qu'association, on peut recréer le lien difficile entre établissement scolaire et mairie.

Avec les mairies, on crée des comités de suivi : on intègre l'inspecteur académique de zone ou un représentant de l'académie, le directeur d'établissement de la collectivité, le maire et son adjoint à l'éducation, et enfin des représentants des parents d'élèves et des élèves. Ce comité fait état de la situation, et nous ajustons ensuite cette stratégie locale de lutte contre le harcèlement scolaire.

Il existe une stratégie nationale de lutte contre le harcèlement scolaire, très bien à l'échelle nationale, mais il faut maintenant travailler à l'échelle micro-locale. Le harcèlement scolaire s'inscrit en effet dans la réalité du terrain, sur le chemin à pied, en bus, en train entre la maison et l'école, etc. Il faut redescendre à l'échelle locale avec les acteurs de terrain, reconnecter établissements scolaires et collectivités autour de la table, et trouver des solutions qui sont du travail sur-mesure.

On fait cela avec certaines communes qui souhaitent aller dans cette dynamique. En septembre 2021, nous travaillerons avec de nouvelles communes. L'idée est de pérenniser en partant de villes pilotes qu'on aura développées pour construire un travail local sur le harcèlement scolaire.

Sur le délit de harcèlement scolaire, cela conforte ce qu'on a dit. C'est une circonstance aggravante. Mais dans nos contacts avec les magistrats et les policiers, il apparaît qu'il ne peut pas être appliqué puisque c'est une circonstance aggravante. Je prends un exemple concret : si c'est une circonstance aggravante pour les mineurs de moins de 15 ans, quid des mineurs de 16 et 17 ans ?

D'un côté vous avez le harcèlement moral entre adultes, qui concerne les relations d'un individu avec l'autre. Au travail, cela va du supérieur hiérarchique vers un subordonné, ou d'un collègue vers l'autre, etc. Le harcèlement scolaire est entre mineurs, qui ne fonctionne pas du tout comme les adultes - l'état d'esprit est très différent - mais surtout ce harcèlement est mené par un à trois jeunes harceleurs leaders entourés d'une meute de groupe face à un élève. On est sur deux typologies de fonctionnement qui ne sont pas les mêmes, et on cherche à faire appliquer la case A à un problème B. C'est pour cela qu'on milite pour ce délit de harcèlement scolaire. C'est une réalité de terrain : quand un policier ou un gendarme reçoit un enfant victime de harcèlement scolaire, étant donné que le délit n'existe pas, aucune procédure n'est incluse dans son ordinateur. Le but n'est pas de créer un outil qui se rajoute au mille-feuille administratif, mais d'affiner les choses pour que ce soit adapté à la réalité du terrain.

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