Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les conséquences du rachat de Planet Saturn par Boulanger acté par la décision de l’Autorité de la concurrence sont catastrophiques pour les salariés des six sites sur le plan national et très bénéfiques pour le groupe et ses actionnaires. Sur Tours, en particulier, on ne peut imaginer, à moins d’être naïf, que le groupe Mulliez, en décidant de racheter Planet Saturn, ignorait la situation de quasi-monopole qu’il créait, de fait, et l’avantage qu’il pouvait en tirer en se débarrassant du magasin de Tours Nord dont les résultats étaient en baisse et qu’il laissait plus ou moins à l’abandon depuis un certain temps. Que de cynisme !
Dans les magasins, l’ambiance est lourde aujourd’hui et le personnel est fragilisé. Alors que le groupe Mulliez conforte sa place dans le secteur de l’électrodomestique sur Tours, on imagine mal, avec cette restructuration, des concurrents venir se confronter à ce mastodonte.
Dans une situation de crise et sur un site dégradé, « les salariés sont angoissés », comme le souligne le délégué CFDT du personnel et secrétaire du comité d’entreprise du magasin. Selon lui, « il y a des gens qui travaillent depuis de nombreuses années pour Boulanger et n’envisagent en aucun cas de quitter l’enseigne », d’autant que celle-ci a les moyens économiques et financiers d’intégrer ses personnels dans d’autres magasins, comme en attestent les derniers résultats du groupe. La société de M. Mulliez a fait le choix de les abandonner. C’est inhumain !
Comment sont menées les négociations dans cette entreprise ? Chez Boulanger les procédures ne sont pas respectées ou traînent en longueur. Plusieurs rappels à l’ordre ont été signifiés à l’employeur par l’administration du travail pour non-respect de la procédure. Le 7 juillet 2011, une réunion extraordinaire était demandée par le secrétaire du comité central d’entreprise ; elle n’a eu lieu que trois mois après. Dans un courrier du 3 octobre dernier, l’accent était mis sur les difficultés dans les négociations en cours en raison de la communication tardive des documents nécessaires à une négociation loyale. Il était noté, également, que la situation était alarmante dans les établissements Boulanger et que 2 000 salariés se trouvaient dans l’incertitude. Enfin, le suicide, le 3 août dernier, d’un salarié, à qui je tiens à rendre hommage dans cet hémicycle, est la conséquence de cette situation et montre que le groupe fait peu de cas des risques psychosociaux liés à la restructuration. L’intérêt financier immédiat des actionnaires est placé au-dessus de l’intérêt collectif de l’ensemble des salariés de ces entreprises. C’est inacceptable !
Chez Boulanger, la direction a choisi de traiter les salariés comme une chose, faisant partie de l’actif de l’entreprise et dont il faudrait se débarrasser. Comment pourrait-on obliger les employés à changer d’employeur sans même qu’ils donnent leur avis, sans même qu’ils le choisissent eux-mêmes ? C’est là une entorse grave à la liberté du travail, principe pourtant inscrit dans la Constitution.
La Déclaration universelle des droits de l’homme dispose très clairement que « toute personne a droit […] au libre choix de son travail ». De nombreux textes internationaux confirment cette orientation : je pense à l’Organisation internationale du travail, à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, adoptée à Nice en 2000, et à bien d’autres textes encore. Comme le dit fort judicieusement Alain Supiot, juriste spécialiste en droit du travail, « attacher les hommes à l’entité économique transférée, ce serait revenir à l’institution romaine du colonat ». Il ajoute très justement : « on comprend qu’à notre époque, marquée par la restructuration permanente des entreprises et l’instabilité du pôle patronal qui en résulte, le colonat puisse présenter un certain attrait pour les investisseurs, qui comptent sur le travail des salariés attachés au fonds qu’ils reprennent, pour en tirer profit ».
Je demande à M. le ministre d’intervenir auprès du groupe Mulliez pour qu’il respecte les droits de ses salariés et qu’il ait l’obligation de les reclasser dans l’enseigne Boulanger, au lieu de les vendre.