Intervention de Jean-Pierre Sueur

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 9 juin 2021 à 18h00
Projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement — Audition de Mme Marlène Schiappa ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur chargée de la citoyenneté

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Ma question portera exclusivement sur l'article 19 et sur la question des archives. Nous avons déjà eu l'occasion de légiférer sur les archives : je pense à la loi de 1979 et à celle de 2008, qui ont donné satisfaction à l'ensemble de la communauté scientifique des historiens, des archivistes, bref des gens qui travaillent sur ces questions. Vous avez été saisie, madame la ministre, d'un certain nombre de remarques et de tribunes publiées à ce sujet. Or, à l'Assemblée nationale, il s'est avéré, en dépit des amendements présentés par une grande diversité de groupes, impossible de changer le moindre mot à cet article. Y a-t-il, comme je l'espère, une certaine ouverture à ce sujet du côté du Gouvernement ? Je pense notamment à l'alinéa 5 de l'article 19. Le droit commun est qu'au bout de 50 ans un document est communicable. Or, avec cet alinéa 5, ce délai est prolongé sans aucune limite, c'est-à-dire pendant mille ans, si l'on veut. Ne vous paraîtrait-il pas sage de préciser que, par exception, le délai peut être prolongé au-delà de 50 ans, mais pas de manière indéterminée ?

Il y a aussi la question du caractère opérationnel d'un certain nombre de dispositifs, dont le pouvoir exécutif est seul juge. Dans ce cas-là, on pourra opposer aux chercheurs que le caractère opérationnel de telle ou telle méthode, dispositif ou instrument est toujours en vigueur. Je comprends que se posent des questions de responsabilité et de sécurité, mais n'y aurait-il pas lieu de préciser qu'il s'agit de circonstances où, pour la sécurité nationale, on peut déroger ? Sinon, c'est tellement vague que cela restreint beaucoup les capacités d'accès aux documents.

Je passe à l'alinéa 9. Vous paraît-il possible d'inscrire dans la loi ce qui a été dit par l'une de vos collègues à l'Assemblée nationale, s'agissant des services de renseignement ? Cet alinéa ne porte que sur « certains services de renseignement ». Ce mot « certains » est un peu vague. La ministre a précisé qu'il s'agissait des services qui ont essentiellement pour charge le renseignement. Peut-être serait-il opportun de préciser les choses.

Enfin, je sais qu'un amendement a été présenté à l'Assemblée nationale et n'a pas été adopté, à propos de l'accès aux documents administratifs. La Commission d'accès aux documents administratifs répond aux requêtes mais, une fois qu'elle vous a donné raison, il faut saisir le juge administratif, ce qui peut prendre des années. Pourquoi celui-ci ne pourrait-il pas être saisi en référé ?

Bref, êtes-vous ouverte à une évolution de ce texte, afin d'assurer un bon équilibre entre les nécessités de la recherche scientifique et de l'Histoire, et la préservation d'un certain nombre d'intérêts et de l'efficacité de la lutte contre certaines menaces, tout aussi dignes d'être prises en considération ?

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