On entend souvent dire que les signaux sont que l'enfant a de plus mauvaises notes, que le travail scolaire est en chute... Ce n'est pas forcément vrai. J'ai vécu les deux situations, puisque ma fille aînée s'est fait harceler en quatrième, et ma plus jeune fille a fait partie d'un groupe d'enfants qui harcelaient. Un enfant ne dit pas qu'il est harcelé, on ne le sait pas ! Je l'ai su au conseil de classe, puisque certains enseignants s'en étaient rendu compte - mais ne m'avaient pas alertée, alors que je fais partie du conseil d'administration ! Les enseignants sont un levier important d'information. Ma fille aînée avait essayé de m'en parler, et je lui avais dit que ce n'était rien et que cela allait passer. Du coup, elle a arrêté totalement de m'en parler. Ses notes sont restées les mêmes, et je ne me suis rendu compte de rien. C'est l'enseignante qui a vu le changement en classe : lorsqu'elle interrogeait ma fille, toute la classe se mettait à rire... On ne saurait dire assez l'importance de l'implication du chef d'établissement, puisque les outils de prévention sont là.
Ma dernière fille, elle, a fait partie d'un groupe de harceleurs. Je ne m'en suis pas rendu compte, jusqu'à ce que le CPE m'appelle. Notre fédération parle moins de co-éducation que d'accompagnement à l'éducation : les parents restent les premiers éducateurs. Je suis donc intervenue. Il n'est pas normal qu'un enfant puisse arriver à l'école, en 2021, en ayant mal au ventre. Mais c'est dur d'expliquer à un parent que son enfant harcèle. Bien souvent, la réponse est le déni. C'est tout le drame du harcèlement : s'il n'y a pas une personne pour le dire, nul ne le reconnaît. Comme c'était un groupe d'élèves, j'ai appelé les autres parents. Ma démarche était mieux perçue lorsque j'expliquais que ma fille était dans le groupe... Il y avait des signes que je n'ai pas su percevoir. Mais il n'est pas évident de surveiller sans être intrusif !
Vous évoquez le rappel à la loi. Cela reste des enfants, qui ne comprennent pas forcément la portée de cet acte. Sur le cyberharcèlement, c'est la police nationale ou la gendarme qui doivent intervenir, car ils peuvent enlever les photos. Nous ne sommes pas assez formés, et ce n'est pas notre rôle. Bien sûr, il faut expliquer aux parents qu'il faut être vigilant. Le rappel à la loi fonctionne peut-être pour certains parents. Mais beaucoup sont dans le déni.
Vous évoquez enfin la responsabilité des réseaux sociaux. Interdire le téléphone, par exemple avant 13 ans, est une utopie. En tant que parent, je préfère que ma fille ait son téléphone, au collège ou bien au lycée, et que je puisse la joindre. Mais je suis d'accord : les responsables des réseaux sociaux doivent être beaucoup plus fortement sanctionnés, pour les responsabiliser davantage. Certes, les assurances scolaires proposent de plus en plus d'aider à supprimer les images - moyennant un forfait supplémentaire, toutefois, qui n'est pas à la portée de tous les parents.