Vous avez bien compris le but que nous poursuivions, notre volonté de compromis et d'équilibre. Nous entendions nous garder de toute caricature. Il ne s'agit nullement de supprimer la loi SRU. Cependant, force est de constater que des maires expriment leur découragement quand, malgré leurs efforts d'adaptation, on les désigne à l'opprobre publique et qu'ils encourent des sanctions aux conséquences toujours plus lourdes pour leurs communes. Nous risquons d'obtenir l'effet inverse à celui recherché, en les dissuadant de continuer à bâtir.
Soulignons aussi un problème d'acceptabilité du logement social par les populations. Les maires ne peuvent plus guère se dispenser d'aller à leur rencontre et de leur expliquer le sens des programmes de construction. Ces derniers prennent ainsi de plus en plus de temps à se concrétiser.
Sur la question du zonage relatif au subventionnement et aux loyers des logements sociaux, je citerai l'exemple de Saint-Vallier-de-Thiey, une commune des Alpes-Maritimes, dans l'arrière-pays grassois. Elle dénombre plus de 3 500 habitants. Son maire nous a exposé que les plafonds prévus pour la zone 3 ne permettent pas l'équilibre des opérations de logement sur son territoire. Ignorant le prix de l'immobilier, le zonage y constitue de fait un frein au développement du logement social et au respect des prescriptions de l'article 55 de la loi SRU. L'élu réclame des mesures incitatives, ou des mesures contraignantes à l'égard des bailleurs dans la zone 3, ou encore une révision du zonage de sa commune, afin d'intégrer le bassin d'emploi auquel elle appartient.
Nous nous sommes interrogées sur la pertinence de considérer l'unité de logement dans la réalisation des objectifs de la loi SRU. De prime abord, du fait des services et équipements qu'ils imposent à la commune de prévoir, les logements sociaux familiaux justifieraient une comptabilisation différente par rapport aux logements plus petits. L'écueil tient cependant à la difficulté de mettre en oeuvre cette solution. Nous lui avons par conséquent préféré celle de la pondération des PLAI. La construction financée par un PLAI doit compter davantage que la construction financée par un PLS, voire un prêt locatif à usage social (PLUS).
Quant à l'intermédiation locative, nous en reconnaissons l'importance. Construire des logements sociaux ou améliorer le bâti existant n'exclut pas le conventionnement du parc privé. Nous ne mobilisons encore qu'insuffisamment cette possibilité qui passe par l'incitation des bailleurs. Le logement privé conventionné peut entrer dans le quota des logements sociaux et le conventionnement apparaît comme l'une des solutions au problème de la vacance de logements dans les centres-bourgs.
S'agissant de l'articulation entre mixité sociale et limitation des zones à urbaniser, elle reposera sur le contrat de mixité sociale. Dans le rapport puis, ultérieurement, dans le projet de loi « 4D », nous entendons lui conférer une base légale. Celle-ci mettra en avant le couple maire-préfet, le mieux à même d'adapter les objectifs de l'article 55 de la loi SRU aux spécificités des différents territoires. En tant que de besoin, le contrat intégrera les critères et contraintes du « zéro artificialisation nette » ou ceux du plan de prévention des risques.
Enfin, nous approfondirons la question du rôle des intercommunalités. Certains élus nous ont expliqué qu'ils les regardaient comme une solution, mais non à brève échéance. Une première expérimentation n'avait pas abouti à une consécration par la loi ELAN. L'expérience récente du Grand Poitiers que j'évoquais a reçu l'assentiment de l'État en dehors de tout cadre légal. La Cour des comptes la mentionne. Elle offre un bon exemple de contractualisation et de solidarité territoriale à l'échelle de l'intercommunalité.
Dans ce cas précis, la communauté urbaine respecte globalement l'objectif de 20 % de logements sociaux. La ville de Poitiers en compte 32 %. En revanche, dix communes de son agglomération n'atteignent pas l'objectif. L'intercommunalité a démontré qu'elles ne pouvaient y parvenir. Elle a demandé leur exemption en avril 2019. L'État l'a acceptée à la fin de la même année. Parallèlement, l'intercommunalité a présenté pour chacune de ses communes, y compris celles qui ne sont pas assujetties à la loi, des objectifs précis, tant quantitatifs que qualitatifs. Le document que la communauté urbaine du Grand Poitiers et l'État ont signé prévoit que l'objectif de la loi SRU sera atteint, non en 2025, mais en 2035.
À l'aune de cet exemple, nous souhaitons inscrire dans la loi la possibilité d'expérimenter la mutualisation des obligations issues de la loi SRU au niveau intercommunal. Nous avons noté que le Premier ministre lui avait apporté son soutien de principe dans son discours lors du comité interministériel à la ville, tenu à Grigny le 29 janvier 2021.