Intervention de Laurent Duplomb

Commission des affaires économiques — Réunion du 19 mai 2021 à 11h30
Évaluation de la loi n° 2000-1208 du 3 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains — Présentation du rapport d'information

Photo de Laurent DuplombLaurent Duplomb :

Notre modèle alimentaire ne sera durable que s'il allie trois éléments fondamentaux : l'économie, à travers la prise en compte des charges et de la compétitivité, le social, à travers l'acceptabilité des acteurs, et l'écologie, avec un débat plus apaisé.

La condition première pour trouver cet équilibre, c'est la souveraineté de ce modèle. Or vous connaissez ma conviction en la matière : notre souveraineté alimentaire n'a jamais autant été menacée.

J'en veux pour preuve quelques chiffres très simples qu'il faut marteler : près de la moitié des fruits et légumes, des agneaux et des poulets consommés par les Français sont importés ! L'importation représente 22 % de notre consommation de viande bovine, 30 % pour les produits laitiers, 26 % pour le porc. Notre consommation est couverte à 70 % par des importations pour le miel et à 63 % pour les oléoprotéagineux à destination de nos élevages. Je crois qu'on ne mesure pas, pour nos parents, le choc que représentent ces chiffres. Or, moins de souveraineté alimentaire aboutit à un alourdissement de l'empreinte environnementale de notre modèle alimentaire, car une denrée importée a évidemment un bilan environnemental plus lourd par un effet transport. 77 % du trafic généré par l'alimentation des ménages français est induit par les importations et 53 % des émissions de gaz à effet de serre du transport de denrées alimentaires sont imputables aux denrées importées.

Il faut également prendre en compte les divergences des pratiques agricoles : si nous importons des denrées de pays moins-disant par rapport aux normes françaises, le bilan environnemental global pour la planète est évidemment négatif. Or l'immense majorité des principaux pays fournisseurs de denrées alimentaires pour la France a des indicateurs environnementaux dégradés en matière agricole, sans parler du Brésil, où près de la moitié des substances actives autorisées sont interdites en France. Les taux d'utilisation de pesticides à l'hectare sont bien supérieurs en Allemagne, en Italie, en Espagne et aux Pays-Bas qu'en France selon l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture des Nations unies (FAO). Le point faible de la France, dans le classement de The Economist, concerne la gestion des eaux, car son empreinte eau est expliquée, selon World Wide Fund for Nature (WWF), pour moitié par les denrées importées.

La souveraineté ne s'oppose pas à l'environnement : au contraire, elle en est une condition.

Nous formulons plusieurs propositions sur ce volet.

Le premier axe concerne la reconquête des parts de marché laissées aux produits importés dans certaines filières. Nous proposons la mise en place d'une stratégie nationale pour retrouver notre souveraineté alimentaire, l'État s'engageant aux côtés des filières à mettre en place les outils pertinents pour combler nos déficits alimentaires. Un observatoire de la souveraineté alimentaire pourrait être mis en place pour rassembler les informations sur cette question essentielle.

La stratégie protéines de 100 millions d'euros du Gouvernement doit être renforcée. Les montants du plan annoncé par le Gouvernement semblent insuffisants puisque 60 millions d'euros de demandes ont été émis pour des aides à l'investissement alors que l'enveloppe ne s'élevait qu'à 20 millions d'euros. Une redéfinition de cette enveloppe doit donc être envisagée.

Il convient également de traiter le sujet de la compétitivité de la Ferme France : un véritable plan ciblé de réduction des impôts de production et des charges sociales de l'amont agricole comme de l'industrie agroalimentaire doit être mis en oeuvre, ce qui requiert de porter un discours d'harmonisation des pratiques culturales au niveau européen et non au seul niveau français, chaque surtransposition étant par nature contre-productive en matière de souveraineté.

Le deuxième axe a un aspect plus défensif : nous devons nous protéger des importations ne respectant pas les normes minimales requises en France. Le Sénat est à la pointe de ce combat depuis l'article 44 de la loi Egalim. Plus récemment, à l'initiative de la présidente Primas dans la loi Betteraves, le Sénat a donné la faculté au ministre chargé de l'agriculture d'interdire les importations de denrées alimentaires ne respectant pas nos normes. Nos appels ne sont toutefois pas entendus, comme le montre l'affaire en cours sur les graines de sésame indiennes. Nos contrôles ne sont pas efficaces, car ils sont insuffisants, pour ne pas dire inexistants. Et quand ils existent, ils ne s'inquiètent pas de la présence de deux tiers des substances interdites en Europe. Notre proposition en la matière est très volontariste : au niveau de l'Union européenne, que la France présidera au premier semestre 2022, la lutte contre les importations déloyales doit devenir une priorité, en mettant en place une DGCCRF européenne pour réaliser des contrôles harmonisés, en renforçant les contrôles dans les pays tiers et en conditionnant la signature de traités à des clauses miroirs et environnementales.

Au niveau français, nous pouvons d'ores et déjà augmenter les moyens des contrôles réalisés par la DGCCRF et la DGAL et déclencher, au besoin, le pouvoir du ministre d'interdiction des importations posant des difficultés au titre de l'article L. 236-1 A du code rural et de la pêche maritime.

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