Vous avez beaucoup évoqué la question de l'endettement, la différence entre les dettes brutes et nettes, ainsi que la question du lien avec le BFR. Ce sujet est crucial pour la capacité du pays à rebondir après la crise. En dette brute, nous sommes passés de 1 683 milliards d'euros fin 2019 à 1 890 milliards d'euros fin 2020. En trésorerie, durant la même période, nous sommes passés de 689,2 milliards d'euros à 891,3 milliards d'euros. Ces phénomènes parallèles assez remarquables illustrent bien que les encaissements de précaution basés sur le PGE ont joué leur rôle, ce qui est logique pour les entreprises dans une situation d'incertitude aussi importante.
Le point critique concerne le taux d'endettement des sociétés non financières à l'issue de l'opération. Ce taux s'élève à 87,6 % du produit intérieur brut (PIB) en dette brute, contre 50 % en Allemagne. En dette nette, si l'on fait la soustraction de la trésorerie par rapport à l'endettement global des entreprises françaises, le taux s'élève à 48,3 % du PIB, contre 30 % en Allemagne. Le sujet de l'agilité en sortie de crise de nos entreprises est à regarder de près. Comment va se rééquilibrer le ratio dette-trésorerie ? L'objectif est que la trésorerie serve aussi à investir.
Nous risquons de sortir de la crise avec un endettement massif à la fois des entreprises et de l'État. Cela dit, je souhaite revenir sur les prévisions macroéconomiques de croissance, facteur capital dans la sortie de crise, que nous harmonisons avec les autres pays de la zone euro. Sous réserve d'un rebond pandémique, les prévisions indiquent que nous devrions atteindre le chiffre de 5,5 % de croissance - record historique, sauf qu'il s'agit d'une récupération. Nos économistes pensent que nous devrions atteindre le même chiffre en 2022.
Au cours du premier semestre 2022, et peut-être même plus tôt encore, nous devrions avoir comblé le creux terrible de l'année 2020, où l'on a connu une croissance négative également historique de 8 %. En valeur absolue, l'économie française reviendra à son état antérieur à la crise.
Concernant l'accompagnement du BFR, il existe un certain nombre d'entreprises à risques en termes de défaillance - environ 13 % des entreprises. Ce n'est pas un raz-de-marée, mais il convient d'être vigilant. Il est capital d'identifier à l'avance le risque de défaillance de ces entreprises et que tous les acteurs se mobilisent pour les accompagner. À la Banque de France, nous sommes en mesure de les identifier, de diffuser des listes et ensuite de les analyser. Il faudra certainement aller au-devant de ces entreprises ; il s'agit également de valoriser les procédures de sauvegarde, très efficaces pour permettre aux entreprises viables de passer le cap, et d'étudier les questions de médiation.
Combien la sinistralité des PGE va-t-elle coûter aux contribuables ? Selon nos analyses, au regard du contexte économique, le risque de sinistralité devrait s'établir entre 4,5 % et 6 % des entreprises ayant sollicité un PGE. Cela engage la responsabilité de l'État, caution à 90 % de l'essentiel des PGE. Le risque pour les finances publiques a été analysé avec Bercy et intégré dans le projet de loi de finances.
Les prêts participatifs sont-ils l'instrument miracle pour relancer la trésorerie et la structure financière des entreprises ? Soyons clairs, ils ne correspondent pas à des fonds propres. Le Conseil national de la comptabilité (CNC) et l'administration fiscale considèrent que ce sont des prêts ; et, dans notre cotation Banque de France, nous les considérons également comme des prêts. Mais ce sont des prêts de longue durée, établis sur huit ans, avec un différé possible de quatre ans ; il s'agit donc d'un dispositif particulièrement favorable pour les entreprises endettées, et il est donc intéressant de le promouvoir selon le profil de l'entreprise.
Je signale également que la Banque de France, dans sa cotation, prend en compte ces prêts participatifs relance (PPR) de façon favorable ; cela ne pondère pas la notation que l'on peut donner à une entreprise de la même manière qu'une dette classique.
Concernant l'opportunité de relocaliser les emplois en France, nous entrons dans un débat sociétal qui dépasse les compétences de la Banque de France. Le dispositif mis en place par l'État dans le cadre du plan de relance permet de soutenir ce type de relocalisations. Vous avez également évoqué le commerce extérieur ; l'un des enjeux de la sortie de crise est de rééquilibrer nos comptes extérieurs.
Enfin, je souhaite évoquer deux points décisifs pour la sortie de crise : la hausse du coût des matières premières et les prévisions d'inflation. Nous sommes en train de recalculer, de manière coordonnée avec les autres banques centrales, les prévisions d'inflation pour les prochains mois ; nous les publierons le 13 juin. À ce stade, nous pensons que l'incidence liée à la hausse du coût des matières premières et aux ruptures dans les chaînes d'approvisionnement internationales, dont nous font part beaucoup d'entreprises, serait plutôt transitoire et n'aurait pas un impact à long terme sur l'inflation. Cela ne veut pas dire que cela n'aura pas d'incidence sur la structure financière de l'entreprise dans le court terme ; il s'agit de l'un des facteurs qui rendent plus incertain le rebond de la croissance, mais nous l'avons intégré dans nos calculs. Les prévisions d'inflation sont capitales ; de ces prévisions dépendent la stratégie des taux d'intérêt et le financement des économies dans l'Eurosystème.