Intervention de Virginie Klès

Réunion du 25 octobre 2011 à 14h30
Service citoyen pour les mineurs délinquants — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi

Photo de Virginie KlèsVirginie Klès, rapporteur :

Et ces « volontaires » auront le choix entre service citoyen volontaire ou prison ?

Il ne s’agit non pas vraiment d’exprimer une volonté, mais plutôt de choisir entre les deux branches d’une alternative, ce qui est très différent. Nous verrons par la suite les raisons pour lesquelles il est si important de peser chacun des termes du texte de loi.

Aujourd'hui, monsieur le garde des sceaux, vous nous dites que le service citoyen n’est pas une peine. À l’Assemblée nationale, vous avez affirmé qu’il consiste à accueillir le jeune mineur dans le cadre d’une sanction, de l’exécution d’une peine, et donc d’une réponse pénale directe.

À en croire la PJJ, il ne s’agit même pas d’une mesure de placement. Quant aux responsables de l’EPIDE, ils sont persuadés que les jeunes appelés à intégrer les centres au travers du nouveau dispositif seront toujours sous la responsabilité de la justice.

Une fois de plus, c’est le grand flou artistique. On s’éloigne un petit peu plus encore de la rigueur militaire.

D’ailleurs, en matière de rigueur et d’encadrement militaires, vous avez vous-même rappelé, monsieur le ministre, que les intervenants dans les centres de l’EPIDE ne sont plus majoritairement des anciens militaires. Cet établissement a su s’adapter et compte désormais nombre d’éducateurs et d’encadrants issus de la société civile.

Aujourd’hui, les jeunes présents dans les centres le sont dans le cadre d’une insertion et non d’une rééducation ou d’une sanction après des actes de délinquance. Alors que l’EPIDE en a la possibilité, il n’accueille pas de mineurs, et ce pour deux raisons : les tutelles ne lui en adressent pas ; il reçoit suffisamment de demandes des majeurs.

Monsieur le ministre, vous avez affirmé à l’Assemblée nationale que, d'ores et déjà, 200 majeurs délinquants avaient été accueillis à l’EPIDE : non, c’est à peine 100. Les majeurs délinquants accueillis à l’EPIDE dans le cadre de mesures post-sentencielles l’ont été sur prescription de la PJJ par le biais d’une convention. Or les résultats obtenus nous laissent très dubitatifs.

Ainsi, au centre de Lanrodec, celui qui enregistre les meilleurs résultats, sur les 20 jeunes majeurs en convention avec la PJJ et accueillis en post-sentenciel, seuls 17 se sont présentés et 2 sont à ce jour insérés : le pourcentage de réussite n’est pas extraordinaire.

Quant aux jeunes majeurs qui étaient dans le centre en pré-sentenciel, en attente de jugement ou en alternative à une peine, sur prescription de la mission locale, l’EPIDE ne connaissait même pas leur situation : pour eux, cela s’est systématiquement mal passé et ce sont des groupes entiers de jeunes qui ont ainsi été « détruits ».

Vous soutenez que les moyens financiers sont prévus. Certes, un « bleu » de Matignon existe, mais l’EPIDE a malheureusement déjà la triste expérience de ces documents auxquels Bercy ne donne pas les effets attendus. À ce jour, je n’ai vu aucun crédit inscrit au projet de loi de finances en matière de service citoyen.

L’une des vraies questions est peut-être aussi de savoir ce que représente l’EPIDE pour le Gouvernement.

Si on en fait un tout petit peu l’historique, l’EPIDE est, depuis sa naissance, un outil de communication et d’affichage régulièrement utilisé par le Gouvernement.

En 2005, il est créé dans un contexte d’urgence sociale. L’ouverture du premier centre a lieu en septembre 2005, annoncée dans un grand battage médiatique, mais se fait dans des conditions matérielles, financières et immobilières périlleuses, selon l’avis même de la Cour des comptes.

En décembre 2005, le Président de la République de l’époque annonce, toujours à grand bruit médiatique, la création du service civil volontaire, dispositif auquel est intégré l’EPIDE, censé accueillir 50 000 jeunes par an à l’horizon 2008, dont 20 000 à l’EPIDE, pour un budget annuel de 450 millions d'euros.

En 2007, 22 centres sont ouverts, extrêmement rapidement donc, dans un contexte difficile sur le plan tant du budget que des négociations avec les tutelles. Comme la Cour des comptes l’a souligné, l’État n’a pas doté l’Établissement des moyens à la hauteur des objectifs et des ambitions affichés.

Le 8 février 2008, le nouveau Président de la République, M. Sarkozy, annonce un grand plan Banlieues avec nombre de dispositifs dits « de deuxième chance », mais sans y intégrer l’EPIDE : cherchez l’erreur !

À la fin de 2008, l’EPIDE fonctionne avec un budget inférieur à 80 millions d'euros, contrairement au début, mais accueille 2 200 jeunes par an, dans 20 centres, au lieu de 22, et toujours sans aucun budget d’investissement.

En novembre 2009, l’EPIDE voit son habilitation étendue pour lui permettre d’accueillir des jeunes de seize à vingt-cinq ans, et non plus de dix-huit à vingt-deux ans, comme initialement. Une telle décision est prise non pas pour le plaisir d’accueillir des mineurs, mais pour se calquer sur le public des missions locales, qui sont ses principaux prescripteurs. Les missions locales, soit dit entre parenthèses, s’occupent d’insertion, pas de délinquance.

Il s’agit, pour l’essentiel, d’élargir la tranche des publics les plus âgés, pour que les jeunes entrés en insertion puissent finir leur parcours d’insertion au-delà de vingt-deux ans. Auparavant, nombreux étaient ceux qui intégraient l’EPIDE entre dix-huit et vingt ans : le temps qu’ils arrivent à trouver un travail, une formation correcte, ils avaient plus de vingt-deux ans. Dès lors, si l’accueil n’avait pas été étendu aux vingt-cinq ans, ces jeunes n’auraient pas pu aller correctement au bout de leur parcours d’insertion.

On arrive à l’automne 2011 : il faut faire de l’affichage, taper du poing sur la table pour montrer sa volonté de lutter contre la délinquance, rapidement, avant l’élection présidentielle de 2012. Alors, vite, on ressort l’EPIDE des cartons et on l’agite devant les caméras !

Monsieur le ministre, mes chers collègues, l’EPIDE mérite mieux ! Pour vous décrire ce qu’il est vraiment, je vais reprendre les termes d’un élu, qui compte un centre EPIDE sur son territoire. Voici ce qu’il écrit : « L’EPIDE est un centre de la deuxième chance, pas une sanction, pas une punition, pas une prison. Le succès de ces établissements encore récents se fonde sur leur image positive auprès des jeunes et des familles. Ce regard bienveillant, voire chaleureux, risquerait de disparaître si de tels errements connaissaient un début de concrétisation. »

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion