Séance en hémicycle du 25 octobre 2011 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • EPIDE
  • ciotti
  • délinquance
  • délinquant
  • l’epide
  • l’ordonnance
  • militaire
  • éducatif

La séance

Source

La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Charles Guené.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le lundi 24 octobre 2011, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-210 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants (proposition n° 26, rapport n° 38).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser mes difficultés d’élocution : j’ai été tellement attristé en apprenant que Mme le rapporteur ne voulait pas aller au bout de la discussion du présent texte que j’en ai perdu la voix !

Sourires .

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Au contraire, seul le débat peut me guérir.

Nouveaux sourires

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Donner aux mineurs les meilleures chances de rompre avec la délinquance et de se construire un avenir est l’objectif au cœur de la proposition de loi qui vous est soumise aujourd’hui.

En donnant la primauté à l’éducatif, conformément à l’esprit de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, tout en retenant le principe du volontariat, le service citoyen créé par ce texte doit permettre aux jeunes délinquants de s’inscrire dans un véritable parcours de réinsertion.

Le contrat de service en établissement public d’insertion de la défense, EPIDE, constitue ainsi un nouvel instrument dans la palette mise à disposition du juge pour améliorer la prise en charge de mineurs primo-délinquants ou ayant commis des actes de faible gravité. Cette mesure peut être prononcée au titre de la composition pénale, dans le cadre d’un ajournement de peine ou d’un sursis avec mise à l’épreuve, et s’adresse à des mineurs âgés de plus de seize ans qui ont exprimé leur consentement à la mesure.

Comme vous le soulignez à juste titre dans votre rapport, madame, ce texte ne crée pas d’instrument nouveau mais s’inscrit dans le dispositif « Défense deuxième chance », qui offre, vous l’admettez vous-même, des résultats encourageants en matière d’insertion.

J’ai bien entendu les inquiétudes exprimées, mais que ceux qui s’interrogent entendent les deux arguments que je vais développer.

D’une part, pour les mineurs, plus encore que pour les majeurs, nous devons adapter la réponse pénale à la diversité des profils et imaginer toutes les solutions de nature à offrir une prise en charge efficace. Pour ma part, j’ai la certitude qu’il ne faut se priver d’aucun outil pour favoriser la réinsertion d’un mineur délinquant. Le service citoyen est un instrument original susceptible de répondre aux besoins de certains mineurs ; il faut donc pouvoir y recourir sans attendre.

D’autre part, s’il propose un accueil et un programme adaptés, ce nouveau dispositif ne dévoiera pas l’identité de l’EPIDE.

Le contrat de service en EPIDE est un dispositif efficace et adapté au profil de ces mineurs. Alliant encadrement et pédagogie, il les inscrit dans un véritable parcours de réinsertion.

Ce contrat s’adresse aux jeunes pour lesquels ni le placement en centre éducatif fermé ni l’incarcération ne constituent une réponse adaptée, mais qui ont néanmoins besoin d’être encadrés strictement.

En 2010, 72 381 mesures de milieu ouvert et 7 650 mesures de placement ont été ordonnées par les parquets et juridictions pour mineurs. L’autorité judiciaire dispose aujourd’hui d’une large palette de solutions permettant d’adapter la réponse pénale au profil du délinquant. Il s’agit donc aujourd’hui de compléter les mesures que le juge peut prononcer. Cette adaptation de la réponse pénale à la diversité des profils est nécessaire à la prise en charge la plus efficace possible.

À cet égard, le contrat de service citoyen a trois objectifs : premièrement, une mise à niveau des fondamentaux scolaires ; deuxièmement, une formation civique et comportementale grâce à laquelle ces jeunes réapprendront les règles du « vivre ensemble » ; troisièmement, enfin, une pré-formation professionnelle, en partenariat avec des employeurs et des structures locales, afin de favoriser l’embauche de ces jeunes dans des secteurs d’emploi qui recrutent.

Depuis leur création, en 2005, les centres EPIDE ont largement fait la preuve de leur efficacité pour l’encadrement et la formation de jeunes majeurs en perte de repères, grâce à leur double mission, d’une part, d’insertion sociale et professionnelle, d’autre part, de prévention de la délinquance.

Je rappelle que l’EPIDE est une structure civile, qui s’inspire à la fois du modèle militaire mais aussi des méthodes des travailleurs sociaux. Il ne s’agit donc pas de confier à l’armée nos jeunes délinquants. C’est précisément la complémentarité entre les formateurs professionnels et les anciens militaires, ces derniers représentant 42 % des personnels encadrants, ainsi que les partenariats avec le monde de l’entreprise qui font la force du dispositif.

Il ne faut se priver d’aucun outil de nature à permettre au jeune de sortir de la délinquance : la seule réponse pénale adaptée pour ce public est celle qui assurera sa réinsertion.

En disant cela, je ne fais pas preuve d’une grande originalité, mais je souhaite montrer mon attachement au principe de primauté de l’éducatif, maintes fois rappelé par le Conseil constitutionnel.

Les mineurs, de même que leurs parents, devront exprimer leur consentement à cette mesure. J’insiste sur cette idée d’adhésion, car c’est une mesure globale à laquelle toutes les parties prenantes doivent être associées.

Cette modalité est la même que pour le travail d’intérêt général. Également prononcé dans le cadre d’une mesure judiciaire, le TIG nécessite l’adhésion du délinquant afin que la mesure donne de bons résultats.

Pour produire pleinement ses effets, le contrat de service s’inscrira dans la durée, pour une période comprise entre six et douze mois, et le séjour moyen sera probablement de dix mois. En outre, le mineur aura la possibilité, à l’issue de la mesure judiciaire, de prolonger son contrat, de son propre chef et en accord avec l’EPIDE. À l’inverse, si le jeune méconnaît ses engagements, il reviendra au directeur de l’établissement d’en informer l’autorité judiciaire. Cette dernière se prononcera sur les suites à donner, qui pourront aller jusqu’à la révocation de la mesure.

En outre, parce qu’il correspond aux missions et à l’expérience de l’EPIDE, et parce que nous renforcerons les moyens de cet établissement pour mettre en place le dispositif, le service citoyen ne viendra ni le dénaturer ni le déstabiliser.

En élargissant le public de l’EPIDE, comme le prévoit la proposition de loi, nous ne fragilisons pas ces centres, mais nous prolongeons leur mission pour mener l’action de réinsertion le plus en amont possible. Je rappellerai que, depuis 2010, l’EPIDE travaille déjà avec la Protection judiciaire de la jeunesse à l’insertion de jeunes majeurs qui, ayant purgé leur peine, souhaitent s’engager dans un projet de formation professionnelle.

La Chancellerie a mené un travail de grande qualité avec les services de l’EPIDE, en amont de la discussion de ce texte, afin de construire ensemble les conditions d’accueil et d’encadrement de ces jeunes. Aujourd’hui, l’établissement public est prêt à les accueillir et à les former.

Je crois particulièrement important d’intégrer ces mineurs au public actuel des centres et de les inscrire dans la dynamique de reconstruction des jeunes majeurs qui suivent le programme de l’EPIDE. Il n’y aura ainsi ni stigmatisation ni dévoiement du dispositif, d’autant que la proposition de loi prévoit que les mineurs délinquants resteront minoritaires, puisqu’ils représenteront au plus 10 % des effectifs.

Je suis profondément convaincu de l’effet bénéfique que pourront avoir les majeurs sur les plus jeunes. En effet, leur présence s’inscrivant dans le cadre d’un projet d’avenir, elle aura un effet d’entraînement, qui, loin de fragiliser le groupe, bénéficiera au contraire à sa cohésion.

Il n’est pas question de modifier le statut de l’EPIDE pour le placer sous la tutelle du ministère de la justice, car même si c’est bien le juge qui propose la mesure, le contrat de service en établissement public d’insertion de la défense n’est pas une mesure de placement.

Le service citoyen ici proposé suppose bien évidemment que soit renforcé le dispositif existant de l’EPIDE : ses moyens seront ainsi augmentés afin de créer progressivement de nouvelles places dédiées et d’assurer une formation complémentaire des personnels pour un encadrement adéquat.

Dès février 2012, les trois centres de Bourges, Belfort et Val-de-Reuil pourront accueillir les premiers mineurs concernés. D’ici au mois de juin, 15 centres pourront accueillir des mineurs délinquants. Nous disposerons alors de 166 places permettant d’accueillir 200 jeunes.

Par ailleurs, toujours dans le souci de moderniser la justice des mineurs tout en préservant son identité et ses spécificités, le texte vise, dans son second volet, à mettre notre droit en conformité avec les exigences posées par le Conseil constitutionnel dans ses décisions récentes des 8 juillet et 4 août.

Sur proposition du Gouvernement, l’Assemblée nationale a, en effet, introduit un article qui tire les conséquences de ces décisions quant à la composition du tribunal pour enfants et du tribunal correctionnel pour mineurs et aux modes de poursuite devant le tribunal correctionnel pour mineurs.

Ces dispositions permettent d’abord de renforcer l’impartialité des juridictions pour mineurs, en prévoyant notamment que le juge des enfants qui aura instruit l’affaire et l’aura renvoyée pour être jugée ne pourra pas présider le tribunal.

La proposition de loi précise ensuite, s’agissant des modalités de saisine du tribunal correctionnel pour mineurs institué par la loi du 10 août dernier pour les récidivistes de plus de seize ans, que le parquet aura la faculté de demander au juge des enfants le renvoi dans un délai très rapproché, fixé entre dix jours et un mois. Ce mode de poursuite par voie de requête devant le juge des enfants assure la conciliation du rôle de ce magistrat, tel qu’il est défini par le Conseil constitutionnel, avec l’exigence d’une réponse rapide, lorsque, bien sûr, celle-ci est possible.

Mesdames, messieurs les sénateurs, depuis l’adoption de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, la justice pénale des mineurs repose sur les principes fondamentaux que sont la primauté donnée à l’éducatif sur le répressif, l’atténuation de la responsabilité pénale et la spécificité de la procédure pénale. Ce sont là des objectifs indissociables qu’a rappelés le Conseil constitutionnel il y a quelques semaines de cela, et le texte qui vous est proposé s’y conforme pleinement, dans toutes ses dimensions.

Je crois profondément que nous ne devons pas nous priver de ce nouvel outil de réinsertion sociale et professionnelle que constitue le service citoyen, car il est un moyen pertinent et efficace pour prévenir la récidive de jeunes qui ne sont pas encore ancrés dans la délinquance. Le contrat de service citoyen est une chance pour eux, car l’EPIDE saura leur réapprendre les fondamentaux ainsi que les règles du « vivre ensemble » en leur donnant les clés d’une insertion professionnelle.

Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ce qui me concerne, je ne vois dans le titre du texte que nous examinons aujourd'hui – Instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants – qu’un seul objectif. Or je trouve pourtant dans son contenu deux objets fondamentalement différents et n’ayant pas grand-chose à voir l’un avec l’autre.

Ainsi, les articles 1 à 4 définissent le service citoyen, en fixent les objectifs ainsi que les conditions de création. Ce service citoyen, objet de la proposition de loi, s’effectuerait au sein d’un des centres de l’Établissement public d’insertion de la défense, l’EPIDE, dans le cadre de la composition pénale, de l’ajournement de peine ou du sursis avec mise à l’épreuve.

L'article 6, lui, n’a aucun lien ni avec le titre ni avec l’objet de la proposition de loi. Introduit à la suite de l’adoption d’amendements gouvernementaux au cours de la lecture à l’Assemblée nationale, cet article emporte de nouvelles modifications de la justice pénale des mineurs pour tenir compte de décisions du Conseil constitutionnel rendues l’été dernier.

Pour autant, il n’y avait aucune urgence à inscrire ces dispositions dans la loi puisque le Conseil constitutionnel nous a laissé jusqu’au 1er janvier 2013 pour ce faire.

De surcroît, dans cet article 6, nous retrouvons, porté par M. Ciotti, le dogme de la transposition aux mineurs des principes de fonctionnement de la justice des majeurs, notamment en matière de délais de comparution.

Une fois de plus, l’enfant est considéré comme un adulte miniature et non comme un être en cours de construction, à éduquer.

Cet article 6 est un cavalier législatif. Un certain nombre d’entre nous, en commission des lois, ont même dit qu’il était plus que cavalier. Rédigé sans aucune concertation préalable avec les magistrats, ne revêtant, je le répète, aucun réel caractère d’urgence, venant après une réforme judiciaire qui vient déjà d’éloigner les tribunaux des citoyens, il touche profondément à l'organisation de la justice, au fonctionnement des tribunaux et des greffes, déjà asphyxiés par la surcharge de travail.

Il n’est pas fait état, dans cet article 6, de la façon dont les magistrats appelés à s’occuper de nouveaux dossiers relatifs à des mineurs pourront en prendre connaissance et se concerter entre eux : quid des trajets nécessaires à prévoir dans des emplois du temps, je le répète, déjà surchargés ?

Il n’est pas plus tenu compte, dans le texte, de la complexité de la tâche, au regard des deux principes constitutionnels à faire coexister : d'une part, la primauté de l’éducatif sur le répressif en matière de délinquance des mineurs, qui a pour corollaires la nécessaire connaissance des mineurs et leur non moins nécessaire suivi ; d'autre part, le droit à un procès équitable, rappelé par le Conseil constitutionnel l’été dernier.

Il y avait des propositions du côté des magistrats. En tout cas, il y aurait pu en avoir, mais, puisqu’ils n’ont même pas été interrogés, ils n’ont, a fortiori, pas été entendus ! Aujourd'hui, nous ne pouvons que regretter – une fois de plus – la façon de faire du Gouvernement.

Si le Sénat n’agissait pas énergiquement, l’ordonnance de 1945 se trouverait encore modifiée, par petits morceaux, toujours selon le même procédé – ne serions-nous pas là en état de récidive légale ? – : calquer la justice des mineurs sur celle des majeurs. Quelle ignorance superbe de la psychologie spécifique des mineurs, notamment des mineurs délinquants ! Quel mépris affiché pour des professionnels qui œuvrent contre la délinquance des mineurs ! Surtout que les compétences en la matière ne se trouvent assurément pas du côté du Gouvernement : légiférer coup sur coup ne lui a pour autant pas permis d’obtenir des résultats sur la délinquance des mineurs. C’est M. Ciotti lui-même qui nous le dit, le phénomène ne ferait que s’aggraver et s’amplifier.

Les caractéristiques de la délinquance des mineurs sont effectivement à étudier de près. Il serait bon que ceux qui se disent férus de discipline militaire se montrent tout aussi férus de discipline quant à l’interprétation des statistiques et au choix des termes à employer.

La délinquance des mineurs est ramenée sans arrêt au nombre de faits constatés. Or le fait qu’elle augmente ne veut pas dire qu’il y a davantage de mineurs délinquants : cela n’a rien à voir ! S’il y a de plus en plus de faits recensés, c’est sans doute lié à la façon de les comptabiliser et aux réponses qui y sont apportées.

M. Ciotti nous affirme, dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi, que la part de la délinquance des mineurs dans la délinquance globale augmente plus vite que celle des majeurs. Or, selon les chiffres étudiés, c’est l’inverse. Contrairement à ce qu’il affirme, les mineurs de moins de treize ans impliqués dans des faits de délinquance sont très rares : moins de 2 %.

En revanche, M. Ciotti oublie de nous parler des filles, de ces mineures délinquantes dont le comportement devient aujourd'hui préoccupant.

Il oublie aussi de nous dire que 70 % des mineurs délinquants ne sont traduits qu’une seule fois devant les tribunaux, que seuls 5 % des mineurs délinquants sont responsables de la moitié des faits, que seuls 5 % des mineurs délinquants deviennent, un jour, des adultes délinquants.

Il oublie encore de nous dire que la délinquance du mineur peut passer par plusieurs actes posés sans qu’il faille pour autant désespérer de la rééducation et de la lutte contre la délinquance.

S’agissant du choix des termes, il s’agit, certes, d’une proposition de loi. Sans doute fut-ce le cas initialement, mais elle a été tellement réécrite par des amendements gouvernementaux que je me demande si le texte qui nous est soumis ne serait pas plutôt un projet de loi. Peu importe finalement, sur le plan juridique, c’est bien une proposition de loi : cela évite toute étude d’impact – on se demande bien pourquoi… – et un passage devant le Conseil d'État.

On nous dit que les magistrats sont en demande d’établissements supplémentaires. Non ! Ce qu’ils veulent, c’est davantage de places et de moyens dans les établissements existants, y compris et surtout en milieu ouvert. Ces établissements existent, mais ils ont beaucoup de mal à fonctionner : leurs budgets diminuent, les emplois en équivalents temps plein alloués à la PJJ, la Protection judiciaire de la jeunesse, subissent une baisse régulière, tout comme les moyens de fonctionnement.

Ce sont les places qui font défaut, pas les établissements ni les dispositifs. Que l’on ne vienne pas nous dire le contraire ! Aujourd'hui, 95 % des mesures suivies par la PJJ le sont en milieu ouvert.

Le « service citoyen » nous arrive donc après le service militaire et après le service militaire adapté. Si ceux-ci avaient certainement leurs défauts, au moins savions-nous de quoi il retournait. Aujourd’hui, entre le service civique, le service civil, le service citoyen, nos concitoyens ont de quoi s’y perdre. Effectivement, plus personne ne sait de quoi on parle. Il est même question d’un « contrat de service », nouvelle appellation à la mode, mais notion, qui, sur le plan juridique, brille dans un flou artistique des plus piquants !

Demain, que sais-je, la mode sera peut-être au « service républicain » ou au « service démocratique »…

M. Ciotti, toujours dans l’exposé des motifs, pour montrer à quel point sa proposition de loi est indispensable, indique que 93 % des Français interrogés ont jugé nécessaire la création de ce nouveau dispositif pour les mineurs délinquants. Or, si les Français ont répondu oui, ce n’est pas à cette question-là, mais bien à une autre : faut-il créer un service citoyen pour les mineurs multirécidivistes ? Ce n’est pas tout à fait pareil, d’autant que, monsieur le garde des sceaux, vous nous avez dit vous-même tout à l’heure que le dispositif ne concernait pas les multirécidivistes.

En outre – mais c’est sans doute accessoire –, mieux vaut sans doute interroger les Français pour recueillir l’avis favorable de 93 % d’entre eux plutôt que de s’intéresser à l’opinion de quelques magistrats et professionnels de la délinquance juvénile ; ceux-ci n’ont sans doute pas, sur la question, en tout cas aux yeux de M. Ciotti, un avis digne d’être entendu…

Le public de ce « service citoyen » est donc constitué de mineurs délinquants, âgés de seize à dix-huit ans ; c’est en tout cas la seule chose que j’ai comprise. Reste à savoir s’il s’agit de primo-délinquants ou de récidivistes dangereux qui, pour M. Ciotti, doivent être enfermés, moins pour les protéger contre eux-mêmes que pour protéger la société.

En arriver à un tel raisonnement, vouloir protéger la société contre ses propres enfants est, à mon sens, dramatique.

Exclamations sur certaines travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Il s’agit de protéger la société contre les délinquants !

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Je ne fais que reprendre les propos que M. Ciotti a tenus à l’Assemblée nationale ! Celui-ci a soutenu que des enfants devaient être enfermés pour protéger la société : ce sont eux qui, d’après lui, sont visés dans le texte.

Mais ces jeunes sont-ils volontaires ? Être volontaire, est-ce que cela veut dire avoir signé un contrat ou, puisqu’il s’agit de mineurs, avoir fait signer ses parents ?

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Oui, comme pour le travail d'intérêt général !

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Et ces « volontaires » auront le choix entre service citoyen volontaire ou prison ?

Il ne s’agit non pas vraiment d’exprimer une volonté, mais plutôt de choisir entre les deux branches d’une alternative, ce qui est très différent. Nous verrons par la suite les raisons pour lesquelles il est si important de peser chacun des termes du texte de loi.

Aujourd'hui, monsieur le garde des sceaux, vous nous dites que le service citoyen n’est pas une peine. À l’Assemblée nationale, vous avez affirmé qu’il consiste à accueillir le jeune mineur dans le cadre d’une sanction, de l’exécution d’une peine, et donc d’une réponse pénale directe.

À en croire la PJJ, il ne s’agit même pas d’une mesure de placement. Quant aux responsables de l’EPIDE, ils sont persuadés que les jeunes appelés à intégrer les centres au travers du nouveau dispositif seront toujours sous la responsabilité de la justice.

Une fois de plus, c’est le grand flou artistique. On s’éloigne un petit peu plus encore de la rigueur militaire.

D’ailleurs, en matière de rigueur et d’encadrement militaires, vous avez vous-même rappelé, monsieur le ministre, que les intervenants dans les centres de l’EPIDE ne sont plus majoritairement des anciens militaires. Cet établissement a su s’adapter et compte désormais nombre d’éducateurs et d’encadrants issus de la société civile.

Aujourd’hui, les jeunes présents dans les centres le sont dans le cadre d’une insertion et non d’une rééducation ou d’une sanction après des actes de délinquance. Alors que l’EPIDE en a la possibilité, il n’accueille pas de mineurs, et ce pour deux raisons : les tutelles ne lui en adressent pas ; il reçoit suffisamment de demandes des majeurs.

Monsieur le ministre, vous avez affirmé à l’Assemblée nationale que, d'ores et déjà, 200 majeurs délinquants avaient été accueillis à l’EPIDE : non, c’est à peine 100. Les majeurs délinquants accueillis à l’EPIDE dans le cadre de mesures post-sentencielles l’ont été sur prescription de la PJJ par le biais d’une convention. Or les résultats obtenus nous laissent très dubitatifs.

Ainsi, au centre de Lanrodec, celui qui enregistre les meilleurs résultats, sur les 20 jeunes majeurs en convention avec la PJJ et accueillis en post-sentenciel, seuls 17 se sont présentés et 2 sont à ce jour insérés : le pourcentage de réussite n’est pas extraordinaire.

Quant aux jeunes majeurs qui étaient dans le centre en pré-sentenciel, en attente de jugement ou en alternative à une peine, sur prescription de la mission locale, l’EPIDE ne connaissait même pas leur situation : pour eux, cela s’est systématiquement mal passé et ce sont des groupes entiers de jeunes qui ont ainsi été « détruits ».

Vous soutenez que les moyens financiers sont prévus. Certes, un « bleu » de Matignon existe, mais l’EPIDE a malheureusement déjà la triste expérience de ces documents auxquels Bercy ne donne pas les effets attendus. À ce jour, je n’ai vu aucun crédit inscrit au projet de loi de finances en matière de service citoyen.

L’une des vraies questions est peut-être aussi de savoir ce que représente l’EPIDE pour le Gouvernement.

Si on en fait un tout petit peu l’historique, l’EPIDE est, depuis sa naissance, un outil de communication et d’affichage régulièrement utilisé par le Gouvernement.

En 2005, il est créé dans un contexte d’urgence sociale. L’ouverture du premier centre a lieu en septembre 2005, annoncée dans un grand battage médiatique, mais se fait dans des conditions matérielles, financières et immobilières périlleuses, selon l’avis même de la Cour des comptes.

En décembre 2005, le Président de la République de l’époque annonce, toujours à grand bruit médiatique, la création du service civil volontaire, dispositif auquel est intégré l’EPIDE, censé accueillir 50 000 jeunes par an à l’horizon 2008, dont 20 000 à l’EPIDE, pour un budget annuel de 450 millions d'euros.

En 2007, 22 centres sont ouverts, extrêmement rapidement donc, dans un contexte difficile sur le plan tant du budget que des négociations avec les tutelles. Comme la Cour des comptes l’a souligné, l’État n’a pas doté l’Établissement des moyens à la hauteur des objectifs et des ambitions affichés.

Le 8 février 2008, le nouveau Président de la République, M. Sarkozy, annonce un grand plan Banlieues avec nombre de dispositifs dits « de deuxième chance », mais sans y intégrer l’EPIDE : cherchez l’erreur !

À la fin de 2008, l’EPIDE fonctionne avec un budget inférieur à 80 millions d'euros, contrairement au début, mais accueille 2 200 jeunes par an, dans 20 centres, au lieu de 22, et toujours sans aucun budget d’investissement.

En novembre 2009, l’EPIDE voit son habilitation étendue pour lui permettre d’accueillir des jeunes de seize à vingt-cinq ans, et non plus de dix-huit à vingt-deux ans, comme initialement. Une telle décision est prise non pas pour le plaisir d’accueillir des mineurs, mais pour se calquer sur le public des missions locales, qui sont ses principaux prescripteurs. Les missions locales, soit dit entre parenthèses, s’occupent d’insertion, pas de délinquance.

Il s’agit, pour l’essentiel, d’élargir la tranche des publics les plus âgés, pour que les jeunes entrés en insertion puissent finir leur parcours d’insertion au-delà de vingt-deux ans. Auparavant, nombreux étaient ceux qui intégraient l’EPIDE entre dix-huit et vingt ans : le temps qu’ils arrivent à trouver un travail, une formation correcte, ils avaient plus de vingt-deux ans. Dès lors, si l’accueil n’avait pas été étendu aux vingt-cinq ans, ces jeunes n’auraient pas pu aller correctement au bout de leur parcours d’insertion.

On arrive à l’automne 2011 : il faut faire de l’affichage, taper du poing sur la table pour montrer sa volonté de lutter contre la délinquance, rapidement, avant l’élection présidentielle de 2012. Alors, vite, on ressort l’EPIDE des cartons et on l’agite devant les caméras !

Monsieur le ministre, mes chers collègues, l’EPIDE mérite mieux ! Pour vous décrire ce qu’il est vraiment, je vais reprendre les termes d’un élu, qui compte un centre EPIDE sur son territoire. Voici ce qu’il écrit : « L’EPIDE est un centre de la deuxième chance, pas une sanction, pas une punition, pas une prison. Le succès de ces établissements encore récents se fonde sur leur image positive auprès des jeunes et des familles. Ce regard bienveillant, voire chaleureux, risquerait de disparaître si de tels errements connaissaient un début de concrétisation. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Vous avez critiqué ces centres à l’origine !

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Les jeunes que l’on éduque à l’EPIDE laissent parler les autres, eux !

En inscrivant au frontispice de cette proposition de loi, ou plutôt de ce texte d’affichage, le « service citoyen pour les mineurs délinquants », on ne porte pas seulement au charnier une belle idée, celle des centres EPIDE, on dégrade dans le même temps l’idée du service civil, assimilé, en effet, à une contrainte et à une punition, alors, qu’il faudrait, au contraire, travailler le concept et le faire accepter par l’opinion.

Oui, les centres EPIDE marchent, mais parce que les jeunes qui y entrent sont volontaires ! Ce n’est pas une alternative qu’on leur impose : ce sont eux qui ont décidé de s’en sortir !

Cela marche parce que les jeunes sont volontaires sur un parcours d’insertion, parce que les centres EPIDE ont su évoluer et s’adapter au public qu’ils accueillent, parce que l’image renvoyée aux jeunes est celle d’une valorisation et non pas celle, dégradante, d’une délinquance dont ils se sont précisément extraits.

Cela marche parce que le projet est global, parce que l’on apprend aussi à ces jeunes à gérer un budget, chose que vous avez allègrement oubliée ! Car les jeunes des centres EPIDE, en tout cas, ceux qui y sont accueillis aujourd’hui, ont un budget à gérer. Tous les mois, en effet, ils perçoivent de l’argent qui leur sert à payer les allers et retours dans leur famille, le week-end. Cet aspect-là est « zappé » pour les mineurs délinquants, qui n’auront pas d’argent. Et ils ne seraient pas stigmatisés ? Mais ce seront les seuls à ne pas pouvoir se payer les navettes de fin de semaine pour se rendre dans leur famille !

L’EPIDE, cela marche parce que le projet est, encore une fois, global. Son champ couvre l’hygiène, les problèmes sanitaires, les soins médicaux et paramédicaux. (

Cela marche, et pourtant nous sommes très loin des 83 % d’insertion annoncés par M. Ciotti pour son département, sans parler des 100 % avancés par M. Bénisti pour le sien ! De quoi bien faire rire tous ceux qui s’occupent réellement d’insertion !

Cela marche, mais à peu près à 40 %, voire à 50 % dans certains centres. De tous les jeunes qui ont franchi un jour la porte d’un centre EPIDE, ils sont 40 % à 50 % à s’en sortir, mais pas 83 %, et encore moins 100 % !

M. Louis Nègre s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Cela marche, mais c’est délicat ! Cela marche, mais on s’adresse à des jeunes fragiles !

Mais pourquoi ce « service citoyen » ne marchera-t-il pas lui aussi et pourquoi faut-il lutter contre ? Parce que nous sommes devant un texte qui n’a pas été suffisamment réfléchi, un texte d’affichage, un texte de communication !

Cela ne marchera pas parce que les conditions minimales ne sont pas réunies. Cela ne marchera pas parce que l’EPIDE n’aura pas les finances nécessaires. On nous parle de 8 millions d’euros, mais cette somme n’est inscrite dans aucun projet de loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Dans aucun projet de loi de finances ! Dans aucun projet de loi de finances rectificative !

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

, rapporteur. Cela ne marchera pas parce que rien n’est garanti en matière d’équivalent temps plein !

Cela ne marchera pas parce que vous voulez aller beaucoup trop vite.

Cela ne marchera pas parce que l’EPIDE n’est pas associé au choix des mineurs.

Cela ne marchera pas parce que ce sont des mineurs contraints qui entreront dans le dispositif aujourd’hui imaginé par M. Ciotti ou par je ne sais quel autre en mal de publicité ou de communication !

Cela ne marchera pas parce que, tout à l’heure, vous nous avez dit, monsieur le ministre, que l’EPIDE serait prêt à les accueillir dès février 2012. Mais s’occuper de jeunes mineurs délinquants, c’est un métier ! Or, tel n’est pas aujourd’hui le métier des personnes qui travaillent à l’EPIDE. Et, en février 2012, elles ne seront toujours pas formées pour les accueillir, ces mineurs délinquants !

Cela ne marchera pas parce que, aujourd’hui, il n’y a même pas de mineurs non délinquants au sein des centres EPIDE ; alors, les mineurs délinquants… L’Établissement ne dispose ni des structures, ni du personnel suffisant et pourvu de la formation adéquate, pour accueillir des mineurs, a fortiori des mineurs délinquants.

Mais me faut-il poursuivre la charge plus longtemps ?

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Nous sommes à votre disposition, madame !

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Vous aurez maintenant compris que, faute de réflexion, vous allez détruire un dispositif qui fonctionne et qui permet l’insertion de jeunes.

Il y avait pourtant bien des choses à faire avec l’EPIDE !

Il faudrait commencer par consolider son budget et ses emplois. Peut-être faudrait-il aussi respecter a minima la direction de l’EPIDE en mettant un terme à la valse des directeurs généraux, qui arrivent et repartent, remerciés sans qu’on sache réellement pourquoi, en tout cas, pas pour un dysfonctionnement dans leur manière d’assurer leurs missions.

Sans doute aurait-il fallu penser aussi à associer, outre le ministère de la justice, le ministère de l’éducation nationale.

Oui, il aurait fallu prendre les bonnes idées de l’EPIDE, car il y en a ! Oui, certaines sont applicables aux mineurs, fussent-ils délinquants, mais à la condition de consacrer à ces jeunes un dispositif qui leur soit dédié.

Oui, sans doute y avait-il matière à réfléchir. Peut-être était-il possible de construire, avec les lycées militaires, un deuxième système de type EPIDE, en empruntant les bonnes idées de la formule, mais adaptées à la psychologie particulière des mineurs, de ces adolescents dont je rappelle ici qu’ils sont des personnes en construction.

Oui, sans doute faut-il s’intéresser aux mineurs, mais c’est dès l’âge de quatorze ans qu’il faut le faire, monsieur le ministre, sans attendre qu’ils aient seize ans ! C’est à quatorze ans que les mineurs décrochent. Alors, si nous voulons vraiment être efficaces, commençons à nous occuper des mineurs dés l’âge de quatorze ans !

Et n’allez pas mélanger des gamins de quatorze ans avec d’autres de dix-huit ans ! Créons un dispositif spécifique !

Utilisons tous nos moyens, à commencer par l’éducation nationale, qui est quand même l’un des premiers éducateurs ! Au lieu de la tuer en supprimant des postes, utilisons-la !

Croyons dans notre jeunesse ! Créons un réel dispositif qui s’occupera des jeunes de quatorze à dix-huit ans et, en lien avec l’EPIDE, des jeunes de seize ans à dix-huit ans. En préservant cette petite plage entre les deux, on rendra possible l’adaptation nécessaire pour assurer une réelle éducation, une éducation au cas par cas pour ces enfants – je dis bien ces enfants, car même à dix-huit ans, ils sont encore des enfants ! – qui sont en déshérence, qui sont en souffrance.

Avant de terminer, laissez-moi vous citer quelques jeunes que j’ai rencontrés en centre EPIDE. Ils nous ont dit avoir trouvé à l’EPIDE la communauté et le respect de ceux qui les encadrent. À l’EPIDE, ils ont trouvé une écoute, une famille et les exigences dont ils avaient besoin pour se reconstruire. À l’EPIDE, on leur a fait confiance, en les laissant gérer leurs budgets. Et si la discipline y est parfois difficile à respecter, du moins ont-ils l’assurance de trouver, à la sortie, un métier.

Et je conclurai sur les mots d’une jeune fille que l’EPIDE a fait « grandir et mûrir ». Ne cassez pas cette famille des jeunes en déshérence ! Ils n’ont pas besoin de cela !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je partage, pour beaucoup, les propos exprimés par notre rapporteur, Virginie Klès, au nom de la commission des lois. Et je me réjouis que la proposition formulée par mon amie Nicole Borvo Cohen-Seat d’opposer la question préalable au texte de M. Ciotti ait recueilli un soutien majoritaire au sein de cette commission.

La proposition de loi de M. Ciotti, adoptée par l’Assemblée nationale, est issue d’un rapport commandé par le Président de la République. Il s’agissait, selon la lettre de mission, de « renforcer notre capacité à exécuter efficacement les peines prononcées ».

Parmi les propositions de M. Ciotti – très largement puisées dans celles de M. Bénisti, auteur de l’idée fallacieuse et très controversée du dépistage dès la crèche des bébés agités pour, selon lui, prévenir la délinquance – parmi donc ces propositions, figurait « une peine de service civique pour les mineurs délinquants récidivistes ».

Dans son rapport devant la commission des lois à l’Assemblée nationale, Éric Ciotti indique qu’il s’agit de créer le « chaînon manquant dans la gradation de la réponse pénale » ! À l’évidence, la délinquance est, pour la droite, un puits sans fond où elle puise de quoi justifier l’injustifiable !

Mes chers collègues, il est temps de mettre fin à cette escalade inutile.

Le 13 septembre, le Président de la République s’est rendu au centre éducatif fermé de Combs-la- Ville, puis, au centre pénitentiaire de Réau. Dans son discours, il reprenait l’une de ses litanies préférées et dont il a le secret : « Le mineur délinquant de 2011 n’a rien à voir avec le mineur délinquant de 1945 ». Ou encore : « Le mineur de 2011 est plus violent que le mineur de 1945 ».

Fort de ses certitudes dont chacune et chacun ici relèvera la pertinence, il apportait donc un soutien très explicite à la proposition de loi d’Éric Ciotti, ajoutant que le Gouvernement allait la reprendre.

Effectivement, monsieur le ministre, vous avez fait vôtre cette proposition de loi, puisque, non content d’engager la procédure accélérée, vous en avez profité pour ajouter des dispositions qui n’ont rien à voir avec le service citoyen, autrement dit, des cavaliers législatifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

De surcroît, dans cet article 6 que vous avez donc ajouté, vous avez fait fi des décisions du Conseil constitutionnel, auxquelles vous prétendez pourtant vous conformer !

En effet, l’une concerne l’organisation des tribunaux et le rôle du juge des enfants et exige de recueillir l’avis de ces magistrats et, donc, un temps de réflexion. Ce temps, le Conseil constitutionnel vous l’a précisément accordé. Pour ce qui est de l’autre cas, vous tentez de contourner, une nouvelle fois, les limites posées par le Conseil en matière de comparution immédiate des mineurs.

Utiliser une proposition de loi en lieu et place d’un projet de loi vous permet d’éviter les réponses contenues dans toute étude d’impact et un « retoquage » par le Conseil d’État ! Rien que cela suffirait à rendre ce texte irrecevable.

Les motifs exposés par M. Ciotti pour justifier sa proposition de loi reposent sur le postulat de l’augmentation incessante de la délinquance des mineurs. Pourquoi s’évertue-t-il à masquer la réalité, à savoir que la part des mineurs stagne à 18 % ou 19 % de l’ensemble de la délinquance et baisse même légèrement, si ce n’est pour nous proposer un texte d’affichage qui joue, une nouvelle fois, avec les peurs ?

Mais, imaginons - un très bref instant - que je sois d’accord avec M. Ciotti, …

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Ce serait un événement !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

… et que j’estime, moi aussi, que la délinquance des mineurs est en augmentation, …

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

… je me permettrais alors de lui demander à quoi servent les multiples lois sécuritaires que son gouvernement a fait adopter par sa majorité au Parlement depuis qu’il est au pouvoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Entre nous, en effet, l’arsenal législatif que nous avons désormais à notre disposition devrait largement suffire pour éradiquer cette délinquance.

Alors, soyons francs et osons le dire : depuis qu’elle est au pouvoir, la droite a échoué lamentablement sur tout ce qui a trait à la justice, particulièrement à la justice des mineurs, et sur tout ce qui a trait à la sécurité des biens et des personnes !

Mais, comme chacune et chacun le sait, nous sommes à quelques mois d’une échéance électorale et la droite a besoin de nous ressortir le thème de la sécurité pour racler des fonds de tiroirs électoraux.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mais revenons à cette proposition de loi et posons-nous la question de l’efficacité du dispositif proposé.

Beaucoup de questions se posent, c’est vrai. Et comme aucune concertation, aucune réflexion n’a présidé à l’inscription de ce texte à l’ordre du jour du Parlement, ces questions demeurent sans réponse et ne peuvent que susciter inquiétudes et oppositions.

C’est le cas parmi de nombreux magistrats de la jeunesse, parmi les personnels de la Protection judiciaire de la jeunesse, qui s’expriment dans leurs organisations syndicales. C’est le cas également d’organismes comme l’UNICEF ou la Convention nationale des associations de protection de l’enfant, qui nous demandent de rejeter cette proposition de loi.

Mais c’est aussi le cas au sein d’une large majorité des membres de la commission de la défense à l’Assemblée nationale. Il faut bien dire qu’une telle opposition est loin d’être anodine, d’autant plus qu’elle reflète manifestement les inquiétudes des militaires.

Ainsi, partant du postulat selon lequel les réponses à la délinquance des mineurs ne seraient pas assez diversifiées, ce texte instaure, à l’intention de mineurs délinquants de seize ans, un « contrat de service en établissement d’insertion », en l’occurrence, en centre EPIDE.

Ce contrat pourrait valoir après trois décisions : la composition pénale, l’ajournement de peine ou une peine de prison assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve.

Seraient donc concernés des mineurs ayant commis des actes relativement peu graves. Or, dans son rapport, Éric Ciotti évoquait les mineurs les plus difficiles, récidivistes ou multiréitérants ! Et le descriptif très inquiétant de l’état de la délinquance des mineurs dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi le suggérait, et ce d’autant plus que M. Ciotti y faisait état d’un sondage-plébiscite en faveur de sa proposition. Or la question posée à cette occasion portait sur l’application de son texte à des mineurs récidivistes. Le procédé est donc pour le moins contestable.

Il est vrai qu’appliquer ce service citoyen à des mineurs récidivistes paraissait d’emblée tout bonnement infaisable au regard des missions, du fonctionnement et du public accueilli dans les centres EPIDE.

Aujourd’hui, ces centres reposent sur un volontariat réel de la part des jeunes accueillis, et c’est un critère essentiel si l’on veut des résultats positifs. Or peut-on parler de décision volontaire quand le mineur est placé devant un choix réduit, entre deux sanctions ? Certes non ! Comme il est indiqué dans le rapport, il s’agit alors d’un « consentement sous contrainte ».

Ce texte, manifestement, crée une confusion, faisant du centre EPIDE une alternative pénale, ce qui n’est pas du tout sa mission : c’est avant tout un lieu de réinsertion pour des jeunes rencontrant des difficultés scolaires, marginalisés ou en voie de marginalisation.

De surcroît, en plaçant ensemble, ces jeunes et de jeunes délinquants sous le coup d’une sanction pénale, on n’évitera pas que l’attention soit portée sur ces derniers. Il paraît en effet évident qu’ils seront stigmatisés, du fait de différences de traitement, comme en matière de pécule ou d’autorisations de sortie. Or stigmatisation et efficacité se contredisent.

En matière d’encadrement, le texte flatte l’opinion publique en mettant en avant les notions d’autorité et de discipline, bref, la « rigueur militaire ». Or l’activité des centres EPIDE n’est pas militaire ; elle est de type éducatif.

Les encadrants ne sont pas des militaires d’active : ce sont d’anciens militaires, des enseignants, des éducateurs. User d’une certaine image de l’armée est donc ici illégitime et procède d’une manipulation des symboles, source d’inquiétude parmi les militaires eux-mêmes.

Quid aussi du financement du dispositif ? Le budget pour 2012 ne nous renseigne pas sur ce sujet.

Pourtant, le Gouvernement s’est engagé à financer ce dispositif à hauteur de 8 millions d’euros, 2 millions étant à la charge du budget de la justice. Il s’agit d’un financement « en interne », nous a-t-il été indiqué. Autrement dit, il se fera au détriment d’autres actions de suivi, indispensables au quotidien, ou au détriment d’autres structures. Or la Protection judiciaire de la jeunesse, après avoir perdu 117 postes l’an dernier, perdra encore au minimum 106 équivalents temps plein en 2012. Et l’ouverture programmée de nouveaux centres éducatifs fermés aura pour conséquence, paradoxale, la fermeture de 20 foyers éducatifs.

Quand on sait, par ailleurs, que le nombre de jeunes concernés par la proposition de loi – entre 200 et 500, peut-être, mais rien n’est sûr... – sera ridiculement faible, on peut légitimement s’interroger sur l’intérêt de l’opération.

En tout état de cause, l’accueil des mineurs dans les centres EPIDE n’est aujourd’hui pas effectif, malgré une décision prise il y a deux ans. Les premiers mineurs sont attendus dans les tout prochains mois.

Ces établissements, créés par une ordonnance du 2 août 2005, ont une certaine utilité dans leur domaine. Procéder à un détournement de leurs missions et de leur fonctionnement en décidant qu’ils accueilleront un nouveau public, c’est prendre le risque d’un échec.

Je rappelle aussi que les objectifs assignés au dispositif « Défense deuxième chance » n’ont jamais été atteints. En effet, ni le gouvernement qui a créé ce dispositif en 2005 ni ceux qui lui ont succédé n’y ont consacré les moyens nécessaires. Avec la révision générale des politiques publiques et l’abandon par l’État de nombre de ses missions, permettez-moi de douter que cela change.

Si ce texte devait être adopté, ce serait la sixième réforme de l’ordonnance relative à l’enfance délinquante depuis 2007, et la dixième en dix ans.

La précédente réforme, relative à la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et au jugement des mineurs, n’était pas encore entrée en vigueur que la proposition de loi de M. Ciotti était déjà sur le bureau de l’Assemblée nationale, avec le soutien du Gouvernement. Encore une fois, cherchez l’erreur !

Cette réforme, très controversée, du 10 août dernier a pourtant procédé à un renversement des valeurs qui prédominaient lors de l’élaboration de l’ordonnance de 1945 : elle a instauré des sanctions plus sévères et plus rapides, un enfermement accru, la mise à l’écart du juge des enfants, du fait, notamment, de la création d’un tribunal correctionnel pour mineurs, l’extension des pouvoirs du Parquet, un nouveau rapprochement avec la justice des majeurs...

Mais, pour vous, ce n’est jamais suffisant. Il vous faut, encore et encore, modifier cette ordonnance.

C’est toute la conception défendue par le Gouvernement et M. Ciotti qui pose problème. Elle est bien connue, et l’auteur de la proposition de loi la rappelle dans l’exposé des motifs : les responsables, ce sont les parents. Entendons, par là, les parents appartenant aux classes populaires, qui seraient défaillants, démissionnaires.

Hélas, les gouvernements successifs se sont engouffrés dans cette impasse, choisissant de culpabiliser les parents plutôt que de les aider à surmonter leurs difficultés, notamment économiques et sociales. On les infantilise, on les culpabilise, on leur fait peur...

Rappelez-vous, mes chers collègues, la mise en scène imaginée par M. Ciotti, l’hiver dernier, pour vanter les avantages supposés de son contrat de responsabilité parentale. Il avait fait jouer à son attachée de presse, devant les caméras de télévision, le rôle d’une mère de famille éplorée !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Vous préférez, en présentant des textes comme celui-ci, entretenir l’amalgame entre enfance en difficulté scolaire et enfance délinquante.

Cette conception n’est d’ailleurs pas étrangère au projet du ministre de l’éducation. Se targuant d’objectivité, il promet d’évaluer les enfants de maternelle, les enfants de cinq ans, pour les classer en trois catégories : « rien à signaler », « à risque » ou à « haut risque ». Le démenti de M. Luc Chatel sur ce point, obtenu à la suite d’une légitime levée de boucliers, ne convainc pourtant pas.

Vous refusez de considérer, comme l’ont fait les auteurs de l’ordonnance de 1945, que les enfants sont des mineurs et que les mineurs délinquants sont des enfants en danger.

Ce qui ressort des principes de cette ordonnance, à partir de la distinction établie entre mineur et majeur, c’est la prévalence de l’aspect éducatif, la spécificité des procédures, mais aussi celle des juridictions.

En sept ans, sept rapports ont été commandés par le pouvoir sur la délinquance des mineurs, sans jamais de véritable concertation avec les magistrats chargés de l’enfance et de la jeunesse, avec les éducateurs de la Protection judiciaire de la jeunesse, les éducateurs sociaux, les associations de terrain.

Sept rapports, et presque autant de réformes pour détricoter l’ordonnance de 1945, plutôt que de consacrer les moyens nécessaires à sa mise en œuvre...

Monsieur le ministre, si le gouvernement auquel vous appartenez veut faire croire qu’il agit, c’est précisément parce qu’il échoue. Il cherche ainsi à détourner l’attention loin de sa politique économique et sociale désastreuse, et qui place nombre de familles dans des difficultés insurmontables. Il refuse de s’attaquer aux causes réelles du malaise de la jeunesse.

Favoriser des structures d’insertion professionnelle pour les jeunes délinquants est important, dites-vous. Qu’à cela ne tienne ! Décidons, mes chers collègues, de donner les moyens de concrétiser cet objectif, en concertation avec tous ceux qui sont susceptibles d’y contribuer.

La mobilisation des professionnels de la justice, après l’affaire de Pornic, était à la hauteur de ce que nous devons exiger pour la justice en général et, en ce qui nous concerne ici, pour la justice des mineurs. Mais vous demeurez sourd. Vous annoncez un budget de la justice en hausse ; la réalité est tout autre. L’exemple de la Protection judiciaire de la jeunesse est patent !

Dans le discours qu’il a prononcé à Réau, le Président de la République a vanté la perspective d’un projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines. Il s’inspirera, sans aucun doute, du rapport de M. Ciotti.

M. le garde de sceaux opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Ce projet comprendra, a-t-il dit, un volet consacré au traitement de la délinquance des mineurs. Un de plus ! Pourquoi, dans ces conditions, vous précipiter pour soumettre la présente proposition de loi à l’examen du Parlement ?

Tout concourt donc à ce que nous refusions quelque nouvelle modification que ce soit de l’ordonnance du 2 février 1945, et tout particulièrement ce texte.

Permettez-moi de dire, une nouvelle fois, qu’il est dangereux de faire de la surenchère sécuritaire, au moment où d’importantes échéances électorales se profilent.

Mes chers collègues, il nous faut refuser ce nouvel affichage pénal. Pour sa part, notre groupe s’oppose à cette nouvelle loi de circonstance, irrecevable sur la forme comme sur le fond.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Je veillerai, monsieur le garde des sceaux, à ne pas prononcer de propos susceptibles de vous faire élever la voix ou monter la température. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, horresco referens ! Oui, monsieur le ministre, je tremble et je suis horrifiée en réalisant que le législateur, en moins de dix ans, a modifié dix fois déjà l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, et nous propose aujourd’hui de la modifier une onzième fois.

Loin de moi l’idée de ne pas admettre l’évolution de la société et des phénomènes sociétaux, en particulier l’accroissement de la délinquance des jeunes, qui concerne des mineurs de plus en plus jeunes, et de plus en plus violents.

Loin de moi, aussi, l’idée de vouloir méconnaître l’indispensable adaptation des dispositifs, qu’ils soient de prévention ou de répression, qu’ils viennent modifier l’ordonnance de 1945, le code pénal, le code de procédure pénale, voire, comme dans le cas particulier, le code du service national.

Mais je suis farouchement hostile, comme beaucoup d’autres sur ces travées, à de nouvelles dispositions législatives qui, nous en sommes persuadés avant même qu’elles ne soient promulguées, ne sont ni bonnes ni opportunes, et méritent un nouvel examen, en vue d’améliorer les solutions au problème posé.

Quel est d’ailleurs ce problème, et en quels termes se pose-t-il ? C’est celui d’une délinquance des mineurs qui prend une ampleur inquiétante, englobant les phénomènes de bandes constituées de jeunes mineurs, garçons ou filles ; c’est celui des atteintes aux biens, mais surtout aux personnes, et des menaces : autant de clignotants qui s’allument dans le dernier rapport 2010 de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales.

Si les analyses statistiques que fournit le ministère de l’intérieur sur la délinquance tendent à démontrer une stabilisation globale des différentes formes de délinquance, il n’en reste pas moins que la part qui revient aux délinquants mineurs progresse sensiblement.

Elle progresse de cinq points s’agissant des vols avec violence ou des destructions et dégradations. Le nombre des mineurs mis en cause pour violences aux personnes et menaces a augmenté de 51, 5 % en cinq ans, et de 70, 6 % pour les faits de violence non crapuleux, sans parler du nombre toujours croissant de violences envers les personnes dépositaires de l’autorité publique, évaluées à près de 3 600 pour la seule année 2009 de référence.

Que faut-il en conclure ? Qu’une partie de notre jeunesse est malade et que, si le diagnostic est relativement facile à établir, le remède est plus difficile à trouver et à appliquer. Le « tout prévention » ne donne pas de meilleurs résultats que le « tout répression ». La potion magique n’est pas plus le vaccin que les électrochocs.

Or, que proposez-vous ?

Ce texte se veut une solution pour des délinquants mineurs de plus de seize ans, qui pourront donner leur accord pour effectuer un contrat de service dans un des centres de l’Établissement public d’insertion de la défense, dans le cadre d’une composition pénale, d’un ajournement de peine, ou d’une peine d’emprisonnement avec sursis assorti d’une mise à l’épreuve, le tout sur fond de décision du juge.

Je vois dans cette proposition de loi quatre obstacles majeurs.

Un premier obstacle réside dans la cible elle-même. Tandis que les chiffres avancés de la délinquance de ces mineurs pourraient laisser penser qu’ils sont multitude – un peu plus de 216 000 mineurs interpellés en 2010 par la police et la gendarmerie –, seuls 200 à 500 d’entre eux, au mieux, « bénéficieraient » d’un tel régime chaque année.

C’est un chiffre bien dérisoire pour une politique qui se veut efficace.

De fait, la cible serait réduite à ceux de ces mineurs qui sont primo-délinquants ou qui ont commis des actes de faible gravité. Cela revient à dire ou à reconnaître que s’appliqueront aux autres mineurs, les plus nombreux, les dispositions déjà existantes prévues dans l’un des dix textes de loi déjà évoqués.

Le deuxième obstacle tient aux établissements susceptibles d’accueillir ces jeunes délinquants, les centres EPIDE.

Par vocation, les vingt centres qui sont répartis sur le territoire ont pour vocation d’assurer l’insertion sociale et professionnelle de jeunes en difficulté scolaire, sans qualification professionnelle ni emploi, présentant un risque de marginalisation, et volontaires, au terme d’un projet éducatif global, la formation dispensée contribuant à une insertion durable.

Cette définition, vous en conviendrez, ne correspond pas pleinement à celle que traduit, le plus souvent, le profil des jeunes délinquants qui nous occupent.

Le risque serait grand, si ce nouveau dispositif venait à être mis en place, et les professionnels n’hésitent pas à le dire, de transformer complètement l’organisation, le mode de fonctionnement, l’état d’esprit même des centres EPIDE. Deux populations différentes n’ont pas, c’est évident, les mêmes besoins, les mêmes attentes, les mêmes objectifs.

Certes, on peut espérer que le contrat de service librement consenti saura rejoindre, dans ses effets, le contrat de volontariat pour l’insertion, mais permettez-moi d’en douter quelque peu, forte de l’expérience que j’ai pu me forger, en son temps, en discutant avec quelques jeunes mineurs délinquants désocialisés.

Le troisième obstacle serait le personnel d’encadrement des EPIDE lui-même. Qu’ils soient anciens militaires ou personnes issues du civil, tous disposent d’une solide expérience en matière d’encadrement et d’accompagnement des jeunes. Si la discipline, le respect des règlements sont bien le socle du « savoir-vivre ensemble » qui est inculqué aux jeunes volontaires, chaque personnel d’encadrement a néanmoins à cœur de distinguer la fonction militaire de la fonction éducative. Or ce qui est possible avec un public volontaire ne le sera probablement pas avec de jeunes mineurs délinquants, dont on peut douter du goût spontané pour adhérer au dispositif des centres EPIDE.

Les militaires eux-mêmes, outre le fait qu’ils s’interrogent sur leur disponibilité pour pouvoir assurer la mission d’encadrement nouvelle qui leur est assignée, sont très frileux à l’égard de ces orientations et refusent de donner de l’armée une image qui ne pourrait être que négative.

Je vois enfin un quatrième et dernier obstacle, et non des moindres, je veux dire l’obstacle budgétaire et financier.

Personne ne peut ignorer les contraintes budgétaires auxquelles sont soumises toutes les administrations de l’État : dans quelques jours, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012, nous allons mesurer les murs auxquels nous allons nous heurter et que nous ne pourrons pas repousser.

Alors que les centres EPIDE commencent tout juste à trouver leur rythme de croisière, après un démarrage difficile dénoncé par la Cour des comptes, alors que la Protection judiciaire de la jeunesse ne cesse de voir se restreindre son budget, …

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

C’est faux !

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

… alors que les emplois dont elle dispose ont été amputés de 529 unités en trois ans et que le nombre d’unités éducatives est passé, dans la même période, de 603 à 460, qui, en toute bonne foi, pourrait encore croire à une manne de moyens nouveaux qui viendrait se déverser sur les structures existantes pour encadrer une population quelque peu difficile et à laquelle il faudra accorder une attention particulière ?

Les bonnes intentions, moteur probable de la présente proposition de loi, trouvent là leurs limites et n’ont d’avenir que si elles sont débattues, réfléchies, révisées dans le cadre global du dispositif déjà existant, dont on devra se demander pourquoi il n’apporte pas pleinement les solutions escomptées.

Monsieur le garde des sceaux, je veux bien admettre avec vous le besoin de trouver un nouveau modèle social, éducatif, répressif même, qui réduise efficacement et durablement la montée de la délinquance des mineurs. Mais je suis sûre aussi que vous voudrez bien admettre, avec les membres de mon groupe et nombre de sénateurs siégeant dans cet hémicycle, que nous devons réviser notre copie, prendre l’avis des professionnels, des magistrats, de tous ceux qui, aujourd’hui, œuvrent à la resocialisation de nos jeunes, ces jeunes qui se sont écartés de la voie droite.

Pouvons-nous faire mieux ? Oui, nous le pouvons !

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste- EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame le rapporteur, mes chers collègues, la lutte contre la délinquance juvénile doit susciter de la part de tous les élus, en particulier des parlementaires que nous sommes, un intérêt et une attention à la hauteur du questionnement et de l’inquiétude de nos concitoyens.

Madame le rapporteur, vous avez récemment déclaré que « la délinquance ne doit pas coller à la peau toute une vie ». À ce propos bien pensant, politiquement correct, tout responsable politique ne peut qu’adhérer.

Ils sont des nôtres, ils constituent une composante de notre société, ces enfants et ces adolescents en danger, pris dans la spirale infernale de la délinquance. Pourquoi aurions-nous peur de prendre en considération la souffrance de ces jeunes et de leur famille et de proposer aux Français des solutions alternatives à l’enfermement en prison de mineurs tout juste sortis de l’enfance ?

On ne peut pas toujours être les spectateurs assis, passifs, certes philosophant, mais au risque, hélas, d’être trop souvent verbeux !

Face à une évolution constante de la délinquance des mineurs, sous l’impulsion du Président de la République et du Gouvernement a été menée une action déterminée sur le plan tant de la prévention que de la réponse judiciaire. Nous tenons d’ailleurs à saluer la démarche de M. le garde des sceaux, qui a conduit avec une grande détermination des chantiers importants pour apporter des améliorations aux initiatives prises sur le plan judiciaire.

Cependant, en dépit de cette démarche conduite depuis 2002 pour améliorer les dispositifs de prévention de la délinquance et les réponses judiciaires données aux infractions commises par les mineurs, les solutions apportées paraissent encore trop peu variées.

Les délais de mise à exécution des décisions des juridictions pénales sont anormalement longs, au point de faire perdre à la sanction toute vertu pédagogique. En outre, il existe, aujourd’hui encore, un écart trop grand entre, d’une part, des structures au fonctionnement peu contraignant – les internats scolaires, les foyers – et, d’autre part, les structures privatives ou restrictives de liberté, comme les centres éducatifs fermés, les quartiers pour mineurs ou les établissements pénitentiaires pour mineurs.

Au mois de juillet dernier, j’ai cosigné avec mon collègue Jean-Claude Peyronnet un rapport d’information qui a été publié sous le titre Enfermer et éduquer : quel bilan pour les centres éducatifs fermés et les établissements pénitentiaires pour mineurs ?. Nous avons, à cette occasion, émis certaines conclusions et formulé des propositions.

Je souscris pleinement à ce que la commission d’enquête menée en 2002 par notre Haute Assemblée avait conclu : l’enfermement des mineurs doit être repensé, afin de revêtir une véritable dimension éducative et de s’inscrire dans un parcours dynamique vers la réinsertion.

Dès lors, toute proposition de loi respectant ces objectifs doit retenir notre attention et susciter un travail approfondi, surtout lorsque des idées nouvelles, mais semblables, sont portées par des personnes appartenant à des courants de pensée différents, par exemple par M. Ciotti et Mme Royal.

Une telle situation ne peut que renforcer le besoin, voire l’urgence de réfléchir et de légiférer. Notre devoir se situe à ce niveau, ce qui devrait exclure définitivement toutes postures politiciennes abortives. Notre devoir est de nous attacher exclusivement à l’étude du texte qui nous est soumis et d’en analyser objectivement son opportunité et sa portée.

Ce faisant, que constatons-nous ?

Premièrement, la présente proposition de loi prévoit un élargissement des mesures d’ores et déjà à la disposition des magistrats qui devront bien évidemment proposer la mesure visée en prenant en compte la personnalité du mineur.

Deuxièmement, elle a pour objet, non pas d’instaurer une nouvelle sanction, mais d’ouvrir de nouvelles mesures d’éducation et d’insertion.

Troisièmement, les hypothèses dans lesquelles le juge peut envisager cette solution se limitent à trois : la composition pénale, l’ajournement de la peine, le sursis avec mise à l’épreuve.

Quatrièmement, et c’est un point essentiel, le juge ne pourra mettre en œuvre cette mesure qu’avec l’accord du mineur et de ses représentants légaux.

Cinquièmement, l’assistance de l’avocat aux côtés du mineur est obligatoire.

Sixièmement, la Protection judiciaire de la jeunesse intervient pleinement dans le contenu du projet.

Septièmement, enfin, le contrat de service en établissement public d’insertion de la défense ouvre droit à un pécule remis au terme du contrat.

La lecture et l’analyse purement technique de la présente proposition de loi effaçant et contredisant l’image souvent caricaturale dont on affuble ce texte, certains se réfugient derrière l’argument selon lequel l’utilisation des centres EPIDE dans ce nouveau dispositif pourrait nuire au succès qu’ils enregistrent.

Certes, nous devons veiller à ne pas introduire de toxicité dans le fonctionnement des centres EPIDE. Mais pourquoi craindre qu’un fonctionnement qui repose sur le volontariat ne soit affecté par la venue dans l’établissement de mineurs consentants au passé pas plus chargé que celui de ceux qu’ils y rencontreront ?

C’est précisément sans doute à ce stade de notre réflexion que nous ne devons pas refuser de modifier, d’amender, de réécrire la proposition de loi que nous examinons, et que nous devons proposer de confier aux centres EPIDE de plus larges prérogatives dans l’élaboration du projet et dans la décision d’accueillir le mineur concerné.

Les mots excessifs, voire trop indignés pour être crédibles, dissimulent mal des desseins dénués de l’humanisme que nos concitoyens veulent encore espérer.

La création du service citoyen pour les mineurs délinquants ne sera pas la solution miracle : une telle solution n’existe pas ! C’est une option supplémentaire, un nouvel outil bénéficiant du bilan positif des centres EPIDE, pour que ces mineurs prennent conscience de l’avenir qu’ils ont à construire et de leur capacité, et pour qu’ils trouvent une issue sociale et professionnelle grâce à un accompagnement encadré, assorti d’une formation qui leur inculquera des valeurs souvent ignorées, telles que le respect de l’autre, les règles de vie en communauté, l’effort, la citoyenneté et, par-dessus tout, l’estime de soi.

Notre groupe soutient l’idée innovante de ce texte.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, apprentissage de la citoyenneté, lutte contre la délinquance des mineurs, établissements de la deuxième chance : évidemment, on ne peut y être opposé, au premier abord. Mais, en analysant de façon détaillée la proposition de loi, je me demande si la partition qui nous est proposée aujourd’hui est réellement la bonne.

Comme nombre de collègues présents sur ces travées, depuis de nombreuses années, lors de l’exercice de mandats tant nationaux que locaux, j’ai fait de la prévention de la délinquance une priorité. Je sais, par conséquent, à quel point cette question est complexe, essentielle pour notre société : elle intègre de nombreux paramètres et son traitement implique une approche globale, c’est-à-dire tout à la fois familiale, scolaire et judiciaire.

Évidemment, les moyens employés doivent être adaptés et pérennes, car cette prévention ne peut réussir que dans la durée.

La présente proposition de loi tend à une réelle prise en charge de cette délinquance. Devrait-elle se résumer à l’ajout d’une simple pierre à l’édifice des dispositions déjà existantes ?

Depuis 2007, six modifications de l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante sont intervenues. Celle qui nous est proposée est la trente-sixième depuis l’édiction de ce texte. Pour autant, le taux de délinquance des mineurs a-t-il subi une chute importante à la suite de cette inflation de textes ? Je n’en suis pas sûr.

En tout cas, la proposition de loi que nous examinons, et c’est son mérite, est sûrement le moyen d’amorcer une discussion plus générale non seulement avec les pouvoirs publics, les institutions judiciaires et éducatives, mais aussi avec les collectivités territoriales concernées, qui sont souvent forces de propositions mais ont parfois du mal à coordonner leurs actions.

Pour ce qui concerne le choix de l’EPIDE, je veux souligner deux points.

L’EPIDE, mis en place en 2005, est un dispositif prometteur auquel, dès l’origine, j’étais favorable. D’ailleurs, j’avais fait acte de candidature pour ma propre commune, mais le projet n’avait pas pu être concrétisé, le dispositif, à l’origine très ambitieux – rappelez-vous, mes chers collègues, 20 000 jeunes volontaires devaient bénéficier d’une réinsertion –, a été réduit d’emblée pour des raisons, je l’imagine, budgétaires.

En 2010, à l’occasion du cinquième anniversaire de ce dispositif, quel bilant a-t-on pu en tirer ? Lors de l’exercice de responsabilités précédentes, j’ai eu l’occasion, sur place, d’en constater les effets positifs. Sur le fond, le bilan est excellent, mais, sur la forme, il reste très insuffisant, puisque seuls 2 250 jeunes en ont bénéficié dans les vingt centres répartis sur le territoire français. Comme nous pouvons le constater, contrairement à ce qu’était l’idée initiale, c’est-à-dire un centre par département, cela représente moins d’un centre par région métropolitaine.

Pour l’instant, ces formidables centres EPIDE ne sont que l’embryon d’un outil qui doit croître encore, selon moi, de manière importante.

Je me pose donc, dans un premier temps, la question de l’affaiblissement éventuel du dispositif existant, si, dans l’hypothèse de l’adoption de la présente proposition de loi, sont accueillis dans les centres EPIDE des mineurs primo-délinquants, indépendamment de leur choix personnel. En effet, ces derniers devront construire, en quelque sorte, leur motivation, contrairement à ceux qui sont entrés en EPIDE qui l’ont fait volontairement, qui sont motivés, qui savent pourquoi ils sont là.

En effet, si l’on incite un mineur délinquant à rejoindre un centre en échange d’un abandon des poursuites, d’un ajournement de peine, d’un sursis, ou que sais-je encore ? l’implication personnelle de l’individu dans son processus de réinsertion, qui est la caractéristique du dispositif existant, restera, dans ce cas, à bâtir.

Dès le départ, la démarche est donc différente.

Par ailleurs, qu’en est-il des jeunes qui, eux, ont fait le choix de séjourner en EPIDE ? Conscients de bénéficier d’une seconde chance, acceptant de s’engager dans un parcours professionnel, ils seront confrontés à leurs propres difficultés, certes, mais aussi à des difficultés nouvelles, et majeures, nées de la confrontation avec de jeunes délinquants qui, je le répète, en seront encore souvent à bâtir leur propre motivation et souffriront de troubles du comportement – nous pouvons le constater dans certains établissements que nous connaissons bien aujourd’hui –, bref autant de problèmes dont la résolution nécessitera naturellement une aide.

Pour ma part, je suis favorable à une alternative pédagogique aux peines lorsque celle-ci ne nuit pas au droit à la réussite des jeunes volontaires.

Cette proposition de loi, initiée par notre collègue Éric Ciotti à l’Assemblée nationale, présente l’intérêt de poser cette question. Toutefois, nous pourrions mettre en œuvre un dispositif plus vaste, afin de proposer aux jeunes qui en bénéficieraient une approche différenciée, je pense aux classes ou au suivi. Nous pourrions peut-être mêler les deux types de publics, mais moyennant des conditions extrêmement strictes, qui doivent être pensées en amont, sinon le mieux risque d’être l’ennemi du bien et ce dispositif se révélera préjudiciable aux uns comme aux autres.

Si la motion tendant à opposer la question préalable est adoptée tout à l'heure, comme c’est probable, nous n’aurons pas la possibilité d’amender ce texte, notamment dans le sens que j’évoquais à l’instant, même si, à mon avis, le problème est plus de refondre globalement le concept d’EPIDE, pour ouvrir le dispositif, que d’amender ce texte.

En tout cas, si nous pouvions présenter des amendements, nous proposerions, par exemple, la création de sections spécialisées au sein des centres EPIDE ou l’insertion de quotas de mineurs délinquants dans chaque promotion. Ainsi ces derniers seraient-ils confrontés et associés à des jeunes volontaires, qui sont habitués eux aussi à gérer des situations difficiles mais qui choisissent la voie de l’apprentissage et de la réinsertion plutôt que celle de la délinquance. Nous pourrions ainsi mettre en place, je le répète, un véritable outil de partage, mais à des conditions qui restent à définir.

Quoi qu'il en soit, tel ne sera pas le cas aujourd'hui, et je le déplore évidemment.

Comme j’aurai bientôt épuisé mon temps de parole, je n’évoquerai pas les quelques pistes que, sur ces questions me tenant particulièrement à cœur, j’ai proposées dans différents documents que j’ai pu signer, des rapports adressés au Président de la République ou d’autres remis dans le cadre de mes activités parlementaires. Du reste, d’autres sénateurs ici présents, ou d’autres députés, de toutes sensibilités politiques, en ont rédigé de même un certain nombre sur le sujet.

Nous avons les idées, me semble-t-il. D'ailleurs, nous les faisons vivre sur le terrain, où les maires, par-delà les débats idéologiques et leurs propres opinions politiques, s’accordent souvent sur l’action qu’il convient de mener.

Nous savons que, sur ce sujet, la France se trouve en situation d’échec par rapport à d’autres pays européens. Nous savons également à peu près ce qu’il faut faire, et nous prenons déjà les mesures nécessaires, ici ou là, mais sans parvenir à les généraliser.

Ce débat est extrêmement important ; je l’affirme sans aucun esprit polémique ou partisan, vous l’aurez compris, mes chers collègues, parce que, comme beaucoup d’entre vous, cette question me tient extrêmement à cœur. Il nous aura certainement permis de progresser, mais je ne suis pas sûr que la présente proposition de loi apporte une réponse à toutes les questions pendantes.

Applaudissements sur les travées de l ’ UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les orateurs qui m’ont précédé se sont tous accordés pour le souligner : la délinquance des mineurs constitue un véritable problème, il faut le traiter et, pour cela, un débat est nécessaire. C’est ce que vient encore d’affirmer à l’instant Jean-Marie Bockel, qui avait été chargé d’une mission sur ce sujet par le Président de la République.

Or, monsieur le garde des sceaux, nous nous trouvons de nouveau confrontés à un texte pour lequel la procédure accélérée a été engagée, et même doublement accélérée puisqu’il s'agit d’une proposition de loi et qu’aucune concertation n’a donc pu avoir lieu.

Où est l’urgence de ce texte ? Pourquoi apporter aussi vite des réponses partielles et ne répondant pas au but visé aujourd'hui ? On se le demande ! La réponse à cette question, c’est que décidément le Gouvernement, y compris vous-même, monsieur le garde des sceaux, qui en faites partie, n’a aucun respect pour le Parlement, qui est bien le cadet de vos soucis.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Voyons !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Et votre mine renfrognée ne prouve absolument rien, sinon que vous êtes solidaire de cette façon de traiter le Parlement. Car, franchement, quelle est l’utilité de cette procédure accélérée ? Qu’est-ce qui la motive ? Où est l’urgence ?

Je formulerai quelques remarques sur la proposition de loi initiale, puis sur son article 6, dont vous êtes pleinement responsable, malheureusement pour vous, monsieur le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

L’article 6, j’en suis très fier !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

C’est dommage pour vous, car il n’est vraiment pas glorieux.

La caractéristique première de ce texte est qu’il est mensonger, et cela à plusieurs titres.

Tout d'abord, son intitulé lui-même est mensonger : il laisse croire que les mineurs délinquants vont effectuer un service civique, du type de ce qu’avaient proposé Martin Hirsch ou Ségolène Royal. Or il n’en est rien, puisqu’il s’agit ici de placer les mineurs délinquants dans les centres EPIDE, des établissements publics d’insertion – et non pas militaires –, placés sous la tutelle des ministères de l’emploi et de la ville, qui les financent, et du ministère de la défense, qui a fourni, à l’origine, les bâtiments et les terrains. Ce sont donc des établissements d’enseignement en internat, alors que l’exposé des motifs évoque – cela n’étonnera pas, venant de M. Ciotti ! – les effets attendus « d’une discipline stricte, mais valorisante, inspirée de la rigueur militaire ».

Tout le monde sait que, dans les centres EPIDE, les encadrants militaires sont en minorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Mais ils y sont ! C’est cela la différence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Je crois donc que, ici aussi, il s'agit d’un grave mensonge.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Il en va de même dans les objectifs du texte, car l’auteur, dès l’exposé des motifs de la proposition de loi, persiste, une fois encore, à présenter la délinquance des mineurs comme un phénomène en augmentation débridée, alors que sa part dans la délinquance générale reste stable, à 18 %.

Il y a mensonge aussi sur les effectifs concernés, car cette mesure pourrait concerner tout au plus 200 à 250 mineurs délinquants, alors que 160 000 mineurs environ sont traduits chaque année devant les tribunaux.

Il y a mensonge encore dans les dispositions mêmes du texte. En effet, l’ordonnance du 2 février 1945 permet déjà le placement de mineurs délinquants dans des établissements habilités. Les centres EPIDE pourraient très bien s’insérer dans ce cadre, par le biais de conventions signées entre le ministère de la justice et les ministères de tutelle de ces établissements. Pourquoi n’avez-vous pas emprunté cette voie, monsieur le garde des sceaux, plutôt que de soutenir ici la proposition de loi de M. Ciotti, même si je reconnais que vous avez fait tout à l'heure le service minimum à cet égard ?

Le juge des enfants peut prendre une décision de placement dans tout établissement « habilité » pendant toute la durée de la procédure. Dès lors, pourquoi un nouveau texte ? Il suffirait de signer des conventions et, surtout, de financer de nouvelles places dans ce cadre.

Il y a mensonge encore pour ce qui est du financement, car rien n’est prévu à ce titre. Monsieur le garde des sceaux, nous avons déjà examiné le projet de budget de votre ministère – nous dirons ce que nous en pensons le moment voulu –, ainsi que celui de la PJJ, qui est en grande difficulté. Tous les crédits sont affectés aux centres fermés.

Pourquoi prendre le risque, qu’ont souligné avant moi mes collègues, de déstabiliser les centres EPIDE, qui fonctionnent plutôt bien aujourd'hui en tant qu’écoles de la deuxième chance, en plaçant au sein de ces établissements des populations très différentes de celles qui y sont déjà accueillies ?

Tout cela est jugé dangereux par ceux qui dirigent les centres – peut-être leur réaction est-elle quelque peu corporatiste, je veux bien l’admettre –, mais aussi par ceux qui les fréquentent.

Je laisse à d’autres orateurs le soin de développer les difficultés que pose ce texte et j’en viens à l’article 6 de la proposition de loi, introduit par le Gouvernement.

En effet, au travers d’un amendement visant à modifier l’article L. 251-3 du code de l’organisation judiciaire et les articles 13 et 24-1 de l’ordonnance du 2 février 1945, le Gouvernement a – paraît-il – voulu tirer les conséquences, en réalité de façon hâtive et sans aucune concertation préalable, de la décision du 8 juillet 2011 du Conseil constitutionnel. Ce dernier avait estimé que le juge des enfants ne pouvait, sauf à violer le principe d’impartialité – nous sommes totalement dans le cadre du droit européen et non plus dans celui du droit français, mais passons ! – présider le tribunal pour enfants lorsqu’il a été chargé d’accomplir les diligences utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et renvoyer le mineur devant cette juridiction.

Quelle est la portée de cette décision ? Quels sont ses contours ? Il y a discussion.

D'ailleurs, le Conseil constitutionnel, dans sa sagesse, une fois n’est pas coutume §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

… avait laissé un délai courant jusqu’au 1er janvier 2013 pour réformer la loi. Mais non, monsieur le garde des sceaux, immédiatement, vous êtes au rendez-vous ! Vos amendements le prouvent, vous avez fait le choix d’un expédient, qui apparaît dès la lecture du texte : « Lorsque l’incompatibilité prévue à l’alinéa précédent et le nombre de juges des enfants dans le tribunal de grande instance le justifient, la présidence du tribunal pour enfant » – ou du tribunal correctionnel des mineurs – « peut être assurée par un juge des enfants d’un tribunal pour enfants sis dans le ressort de la cour d’appel et désigné par ordonnance du premier président ».

Belle usine à gaz et beau casse-tête pour l’organisation judiciaire dans le ressort de la cour d’appel !

La décision du Conseil constitutionnel appelait pourtant une réflexion approfondie au regard du bouleversement qu’elle entraîne dans le traitement spécialisé de la délinquance des mineurs, tel qu’il résulte de l’ordonnance de 1945. En effet, ce bouleversement est encore plus radical que les ajouts au texte sur les jurés populaires assesseurs auxquels vous avez procédé, monsieur le garde des sceaux.

Le maître mot du traitement de la délinquance des mineurs, donc de la procédure mise en œuvre dans ce cadre, était la continuité : le même magistrat accueillait le mineur, assumait les fonctions de juge d’instruction, de juge de jugement et même de juge de l’application des peines.

Il aurait été possible également de distinguer les dossiers où la culpabilité est discutée de ceux où elle ne l’est pas. Mais non ! Vous balayez tout cela par des amendements hâtifs.

Par ailleurs, vous envisagez de mutualiser les tribunaux pour enfants, sans envisager là non plus des moyens supplémentaires, naturellement, et en éludant, puisqu’il s'agit d’une proposition de loi, toute étude d’impact – il y a longtemps que ce genre de document a disparu de votre ministère, monsieur le garde des sceaux. Bravo !

Or ce texte fait l’économie de deux paramètres.

Tout d'abord, vous ne vous interrogez pas sur la manière dont les juges des enfants, déjà asphyxiés, et dont les greffes sont insuffisants, pourront aller se prononcer sur les dossiers dans des tribunaux distincts. En effet, on suppose que ce sont non pas les mineurs délinquants mais les juges qui se déplaceront, se rendant par exemple, dans le département dont je suis l’élu, de Vesoul à Besançon. Mes chers collègues, je vous laisse imaginer ce qui va se passer !

Ensuite, vous ne vous demandez pas plus comment ces magistrats trouveront le temps indispensable pour préparer les dossiers et se coordonner avec leurs collègues qui les ont « instruits » – pour employer un terme inexact, mais que tout le monde comprend –, et cela afin de juger des mineurs qu’ils ne connaissent pas et qu’ils n’ont jamais vus.

Monsieur le garde des sceaux, vous me direz peut-être que les magistrats jugent des majeurs qu’ils n’ont jamais vus et qu’ils ne connaissent pas. À cela je vous répondrai que, précisément, l’une des spécificités du droit des mineurs tient au fait que le magistrat juge des jeunes qu’il connaît et qu’il a suivis.

Bien plus grave encore, au travers d’un second amendement, dont les dispositions ont été glissées au sein du cinquième paragraphe de l’article 6 de la proposition de loi, vous tentez carrément de contourner la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 4 août 2011 et invalidant la saisine directe du tribunal correctionnel des mineurs par le procureur de la République.

Le Conseil constitutionnel avait en effet estimé que, dans la mesure où le tribunal correctionnel des mineurs appelé à juger les jeunes de plus de seize ans récidivistes n’était pas « une juridiction spécialisée », il faudrait recourir à des procédures spécifiques et qu’il devait donc être saisi « selon des procédures appropriées à la recherche du relèvement éducatif et moral des mineurs ».

Qu’à cela ne tienne, vous revenez à la charge : la proposition de loi amendée prévoit désormais que le Parquet – encore lui ! –, dans le cadre de la procédure de présentation immédiate définie par l’article 8-2 de l’ordonnance du 2 février 1945, pourra requérir du juge des enfants qu’il renvoie le jeune devant le tribunal correctionnel des mineurs dans un délai de dix jours à un mois, ce qui équivaut exactement à la procédure de convocation par officier de police judiciaire qui a été censurée par le Conseil constitutionnel !

Il vous reste à nous expliquer, monsieur le garde des sceaux, quelles procédures « adaptées » à la recherche du « relèvement éducatif et moral » pourront être menées en dix jours, voire en un mois ? Bien entendu, tout cela n’est que littérature !

La méthode est d’autant plus scandaleuse – le mot n’est pas trop fort – que cette modification est introduite en catimini, sous une formulation très technique, au sein d’un article portant sur un autre objet.

Mais je félicite les rédacteurs de la Chancellerie : depuis trente ans, ils ont bien progressé dans l’écriture subreptice de textes destinés à enfumer les parlementaires.

Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Toutefois, malheureusement pour vous, monsieur le garde des sceaux, le lièvre a été débusqué. De la même manière, avait été révélée naguère la véritable démolition des principes fondateurs de l’ordonnance du 2 février 1945 à laquelle se livrait subrepticement la loi sur la participation de citoyens assesseurs au fonctionnement de la justice.

Monsieur le garde des sceaux, si votre passage Place Vendôme laisse une trace, ce sera bien celle-ci : vous resterez comme le démolisseur du droit des mineurs et de l’ordonnance de 1945 !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

N’en faites pas trop !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Peut-être en êtes-vous ou en serez-vous fier. En tout cas, c’est exactement ce que vous aurez fait. Et on sera heureux de l’apprendre au-delà des cercles étroits du Sénat et de la capitale, par exemple dans votre département !

Les décisions du Conseil constitutionnel appelaient une réflexion approfondie au regard des bouleversements qu’elles apportent dans le traitement de la délinquance des mineurs, qui, je le répète, suivait une logique de continuité, contrairement à la délinquance des majeurs, traitée différemment.

D'ailleurs, je remarque que, en 2004, quand vous étiez déjà au pouvoir, monsieur le garde des sceaux – ou du moins vos amis, et en tout cas pas la gauche ! –, ce principe de continuité a été encore accentué, le juge des enfants étant désormais chargé de l’application des peines des mineurs, y compris en milieu fermé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

J’en aurai terminé, monsieur le président, quand j’aurai dit qu’au surplus cet article 6 est un cavalier législatif.

Dans ces conditions, nous ne pouvons que rejeter en bloc ce texte mensonger, inquiétant, dangereux pour le bon fonctionnement des centres EPIDE, et dont l’article 6 est d’une constitutionnalité douteuse.

La délinquance des mineurs appelait d’autres réponses en matière de prévention, notamment pour les mineurs qui, sans être délinquants, sont addictifs et se trouvent dans une situation de marginalité. Ces mineurs ont besoin d’un véritable traitement, sans quoi ils tomberont dans la délinquance.

Mais, de tout cela, vous vous souciez comme d’une guigne ! En effet, vous défendez un texte très inquiétant et très dangereux. C'est la raison pour laquelle notre groupe, n’ayant pas trouvé le moyen de l’amender, le rejette en bloc.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mes chers collègues, en mai dernier, le Sénat examinait un projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.

Moins de six mois plus tard, voici que notre assemblée est saisie d’un nouveau texte modifiant l’ordonnance du 2 février 1945 sur l’enfance délinquante, déjà révisée à trente-cinq reprises.

On assiste, depuis 2007, à un véritable emballement législatif, puisque l’ordonnance est désormais modifiée tous les ans, et même, à mesure que l’élection présidentielle approche, plusieurs fois par an.

Manifestement, la cohérence entre ces différentes révisions importe peu au Gouvernement. Le but est d’accréditer, auprès des électeurs, l’idée d’une hyperactivité gouvernementale en matière de lutte contre l’insécurité. Peu importe alors, je le répète, que cette surchauffe législative n’ait pas d’effet avéré sur l’évolution de la délinquance.

Après l’excellent rapport de Virginie Klès, je concentrerai mon propos sur l’article 6, qui illustre tout à fait le caractère désordonné et bâclé de cette initiative législative. Cet article a certes été excellemment traité par notre collègue Jean-Pierre Michel, mais certaines choses nécessitent, pour être bien entendues, d’être énoncées plutôt deux fois qu’une !

L’article 6, introduit par la commission des lois de l’Assemblée nationale sur amendement du Gouvernement, entend tirer les conséquences de deux décisions récentes du Conseil constitutionnel en matière de droit pénal des mineurs.

Considérons d’abord la décision du 8 juillet 2011, aux termes de laquelle l’article L. 251-3 du code de l’organisation judiciaire est déclaré contraire à la Constitution. Le Conseil constitutionnel a estimé que le principe d’impartialité, indissociable de l’exercice de fonctions juridictionnelles, interdit au juge des enfants qui a renvoyé le mineur devant le tribunal pour enfants de présider la juridiction de jugement habilitée à prononcer des peines.

Alors que cette décision laisse au Gouvernement jusqu’au 1er janvier 2013 pour réformer la loi sur ce point, la Chancellerie a préféré agir dans la précipitation, quitte à tirer des conséquences manifestement excessives de la décision du Conseil constitutionnel.

De fait, le Gouvernement souhaite édicter un principe d’incompatibilité très rigide, selon lequel le juge des enfants qui a renvoyé l’affaire devant le tribunal pour enfants ne pourra plus présider cette juridiction. Or, dans sa décision, le Conseil constitutionnel semble limiter le principe d’incompatibilité au cas où le juge des enfants a été chargé, dans le cadre de son instruction, d’accomplir les diligences utiles à la manifestation de la vérité.

La décision du Conseil constitutionnel ne fait donc pas obstacle, de mon point de vue, à ce qu’on distingue deux situations : celle où le juge instruit pour la manifestation de la vérité – l’incompatibilité trouverait alors à s’appliquer –, et celle où la culpabilité est reconnue et où la logique d’assistance, de surveillance ou d’éducation prévaut – le principe d’un juge des enfants référent garderait alors tout son sens.

En allant trop vite, monsieur le garde des sceaux, vous allez trop loin.

L’interdiction faite au juge des enfants qui a renvoyé l’affaire devant le tribunal de présider la juridiction conduira à une mutualisation des tribunaux pour enfants, dont je me demande si vous mesurez bien toutes les conséquences. La présidence du tribunal pour enfants devra en effet être assurée par un juge des enfants d’un tribunal pour enfants sis dans le ressort de la cour d’appel. On imagine déjà les complications pratiques que cela entraînera pour les juges des enfants, qui seront contraints d’aller juger les dossiers dans des tribunaux distincts. On imagine également l’allongement des délais de jugement qui ne manquera pas d’en résulter, puisqu’il faudra donner aux juges le temps d’étudier des dossiers qu’ils n’ont pas instruits.

Les juges des enfants, déjà asphyxiés, ont-ils vraiment besoin qu’on leur impose de nouvelles contraintes ?

J’en viens à la décision du Conseil constitutionnel du 4 août 2011 sur les modalités de saisine du tribunal correctionnel pour mineurs. Le Conseil a déclaré que le tribunal correctionnel pour mineurs ne pouvait être saisi selon les procédures de convocation directe par le procureur et de présentation immédiate. En effet, il a considéré que ces dispositions, qui permettent de convoquer le mineur ou de le faire comparaître directement devant la juridiction de jugement sans instruction préparatoire, étaient contraires aux exigences constitutionnelles en matière de justice pénale des mineurs.

Le Conseil constitutionnel a estimé, à juste titre mais sans, à mon sens, en tirer toutes les conséquences, que le tribunal correctionnel pour mineurs ne pouvait être considéré comme une « juridiction spécialisée ». Le Conseil s’est demandé si ce tribunal était saisi selon des procédures appropriées au regard des exigences du droit pénal des mineurs ; à l’évidence, ce n’est pas le cas s'agissant des procédures d’urgence que je viens d’évoquer. Or le dispositif prévu au paragraphe II de l’article 6 vise, tout simplement, à réintroduire ces procédures d’urgence, ce qui traduit la volonté du Gouvernement d’imposer à tout prix la possibilité, pour le parquet, d’une saisine rapide du tribunal correctionnel pour mineurs.

Très concrètement, le Gouvernement offre au procureur de la République, dans le cadre de la procédure de présentation immédiate, la possibilité de requérir du juge des enfants qu’il ordonne la comparution de mineurs dans un délai compris entre dix jours et un mois. La procédure peut donc fort bien, comme l’a souligné Jean-Pierre Michel, être comparée à celle qui a été censurée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 10 mars 2011 relative à la loi dite « LOPPSI 2 ».

Et peu importe, ici, que le juge des enfants remplace aujourd’hui l’officier de police judiciaire. L’essentiel demeure : les procédures et les délais ne permettent pas au tribunal de disposer d’informations récentes sur la personnalité du mineur, des informations pourtant nécessaires pour rechercher son relèvement éducatif et moral.

Les dispositions introduites à l’article 6 ont en commun de rompre avec l’ensemble des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République qui fondent le droit pénal des mineurs : la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, le principe d’une juridiction spécialisée s’appuyant sur un juge référent qui favorise le suivi du mineur et la garantie de procédures appropriées.

Mis bout à bout, les différents projets de loi présentés par le Gouvernement s’apparentent à une véritable entreprise de démolition du droit pénal des mineurs de seize à dix-huit ans, dont le régime se rapproche dangereusement de celui des adultes, projet de loi après projet de loi.

La façon de procéder du Gouvernement est, je le dis très nettement, tout à fait détestable. Ces coups de boutoir sont opérés par amendement du Gouvernement en commission, autant dire en catimini. Non seulement il n’existe aucune concertation préalable avec les organisations syndicales de magistrats, d’avocats et de spécialistes, mais en outre ces derniers ne sont pas même informés des initiatives du Gouvernement ! Du reste, compte tenu de l’accueil très critique qu’ils ont réservé aux dispositions de l’article 6, je comprends tout à fait que vous ayez souhaité tenir les professionnels à distance…

Au-delà de ces dispositions, votre méthode pose la question du « bien légiférer ».

La multiplication des questions prioritaires de constitutionnalité, les QPC, entraînera sans aucun doute une multiplication des décisions d’inconstitutionnalité ; en réalité, c’est d’ores et déjà le cas. Dans ces conditions, il y a sans doute mieux à faire, pour améliorer la qualité de la loi, que d’opérer des replâtrages hâtifs qui se révèlent être des cavaliers législatifs et des actes de pure communication.

Les décisions du Conseil constitutionnel contiennent en germe de sérieux changements en matière de droit pénal des mineurs. Cela nécessite, à l’évidence, de prendre le temps de la concertation, comme le permet tout à fait, du reste, le délai laissé par le Conseil au Gouvernement pour tirer les conséquences de ses décisions – la date limite, je le rappelle, est fixée au 1er janvier 2013. Tel est le sens de la motion tendant à opposer la question préalable que notre commission a votée.

Afin de nourrir la réflexion du Gouvernement, je lui rappellerai ses engagements ; j’en terminerai par là.

Dans les premiers temps du quinquennat de Nicolas Sarkozy, monsieur le garde des sceaux, votre prédécesseur, Mme Rachida Dati, avait mis en place la commission Varinard, en lui confiant la mission de formuler des propositions pour créer un code de justice pénale applicable aux mineurs.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Tout à fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Cette initiative s’appuyait sur un diagnostic clair : la multiplication des révisions de l’ordonnance de 1945 nuit à sa clarté, à sa compréhension et à sa cohérence.

Mme Alliot-Marie semblait vouloir mener à son terme ce projet, qu’elle jugeait utile pour clarifier cette ordonnance devenue illisible. Toutefois, le temps politique, pour ne pas dire le temps électoral, a ensuite pris le pas sur le temps législatif : le projet de code de justice pénale des mineurs a été enterré – momentanément, peut-être – et le droit pénal des mineurs est devenu l’instrument d’une stratégie politicienne qui traduit votre enfermement dans une logique purement répressive à l’égard des mineurs.

Nous réprouvons la société que vous dessinez, au fil des projets de loi. Une société – et un gouvernement - qui se trompe aussi lourdement sur ses propres responsabilités, sur son devoir de prévention et de protection à l’égard des mineurs, ampute son avenir. Notre motion tendant à opposer la question préalable vise à mettre un terme à cette politique régressive.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, si, en ma qualité de rapporteur pour avis de la commission des lois pour le programme « Protection judiciaire de la jeunesse », j’estime être astreint à une certaine retenue, cette dernière ne saurait m’interdire de vous livrer quelques réflexions sur la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.

Celle-ci vise à « élargir la palette » de solutions offertes aux juridictions pour mineurs, en leur permettant de placer un mineur délinquant dans un centre relevant de l’EPIDE. Toutefois, pour le dire clairement, cette proposition repose sur deux contrevérités – certains pourraient parler de mensonges, mais je m’en tiens à cette expression – et introduit une confusion majeure.

Première contrevérité : la délinquance des mineurs « exploserait », malgré la dizaine de réformes de l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante qui ont été adoptées depuis 2002.

Contrairement aux idées reçues, la délinquance des mineurs n’explose pas. On constate certes une augmentation en valeur absolue du nombre de mineurs interpellés par les services de police et de gendarmerie, mais – notre collègue Jean-Pierre Michel l’a rappelé à l’instant – la part des mineurs dans la délinquance globale a plutôt tendance sinon à diminuer, du moins à rester stable.

En outre, on sait que les forces de police et de gendarmerie interviennent davantage que par le passé, y compris pour constater des infractions de faible gravité ; il faut donc prendre ces chiffres avec précaution

Seconde contrevérité : les juges des enfants ne disposeraient pas de suffisamment de solutions pour adapter la sanction à la personnalité du mineur.

Pourquoi une telle affirmation alors qu’il suffirait d’augmenter leurs moyens ? En réalité, il existe une grande diversité de mesures en milieu ouvert – mesures d’aide ou de réparation, travail d’intérêt général, stages de citoyenneté, etc. – ainsi que d’établissements prêts à accueillir le mineur délinquant pour un temps plus ou moins long. Je pense notamment aux foyers « classiques », aux centres éducatifs renforcés et aux centres éducatifs fermés.

L’exécution des mesures ordonnées par les juridictions pour mineurs relève exclusivement de la compétence de la Protection judiciaire de la jeunesse, qui dispose d’un savoir-faire reconnu mais manque de moyens.

À cet égard, je vous alertais l’an dernier, monsieur le garde des sceaux, sur la diminution continue des moyens alloués à la PJJ depuis 2008, diminution qui met en danger la rapidité et la qualité de la prise en charge des mineurs.

Sur le fond, le texte que nous examinons prévoit, ni plus ni moins, de détourner un dispositif d’insertion qui fonctionne en lui confiant une mission totalement étrangère aux objectifs qui lui sont fixés.

L’EPIDE a vocation à aider des jeunes en grande difficulté, volontaires, à s’insérer ou à se réinsérer dans la société et à trouver un emploi, comme l’a souligné Mme le rapporteur. L’intensité des programmes qu’il propose suppose une détermination sans faille du jeune stagiaire. Il est donc évident que la formule n’est pas adaptée à l’accueil de mineurs délinquants.

Je sais bien que la proposition de loi prévoit que le mineur devra donner son accord. C’est partir de l’idée que ce consentement ne sera jamais donné et, dès lors, en déduire qu’aucun contact ne se produira jamais entre un jeune en difficulté et un mineur délinquant.

J’ajoute qu’un accord donné sous la menace d’une peine n’en est pas véritablement un.

Beaucoup d’erreurs ont été proférées à propos de ce dispositif. On nous a parlé d’encadrement militaire des délinquants, concept qui est dans l’air du temps, …

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

… mais il faut nuancer le propos. En réalité, s’il emploie bien des personnels qui ont servi dans l’armée par le passé – c’est le cas d’environ la moitié des « encadrants » –, l’EPIDE est un dispositif civil, tourné vers l’insertion des jeunes et qui repose sur la pédagogie des travailleurs sociaux.

Par ailleurs, on suggère, sans le dire, qu’il s’agirait d’envoyer dans ces centres des mineurs multirécidivistes ou multiréitérants. C’est une erreur qui doit être corrigée : les cas visés par la proposition de loi, je vous en donne volontiers acte, monsieur le garde des sceaux, concernent des mineurs primo-délinquants ou ayant commis des actes de faible gravité, donc précisément des mineurs qui ne récidivent généralement pas et pour lesquels des mesures de prise en charge en milieu ouvert existent et sont tout à fait efficaces.

Entendons-nous bien, nous ne sommes pas opposés à ce que des mineurs puissent être accueillis en centres EPIDE, si cela correspond à un réel projet de réinsertion. Je relève d’ailleurs qu’il s’agit d’une possibilité depuis 2009, mais que le Gouvernement n’a jamais donné à l’EPIDE les moyens nécessaires.

Le rapport de Virginie Klès est sur ce point particulièrement éclairant.

En revanche, nous pensons que le volontariat est essentiel à la réussite du projet d’insertion. L’EPIDE n’est pas conçu pour accueillir des délinquants, que ce soit dans le cadre d’une alternative aux poursuites ou d’une alternative à la peine. Ce n’est pas sa mission.

Gardons-nous, dès lors, de toute confusion. Avec la PJJ et les associations habilitées, nous disposons d’un personnel de qualité, spécialement formé, dont le métier est précisément de travailler avec les mineurs délinquants sur les actes commis afin d’éviter la récidive. Ils n’y réussissent pas si mal, puisque, on l’a dit à plusieurs reprises, plus de 70 % des mineurs pris en charge par la PJJ ne réitèrent pas.

Cette proposition de loi est une marque de défiance à l’égard de ces personnels. On voudrait nous faire croire que les personnels de la PJJ ne sont pas suffisamment efficaces et que des militaires s’acquitteraient de cette tâche avec davantage de réussite que l’on ne s’y prendrait pas autrement.

En outre, je viens de rappeler que l’EPIDE n’a rien de commun avec cette caricature d’« encadrement militaire » que l’on nous présente souvent.

Je terminerai par quelques mots relatifs aux dispositions sur l’organisation de la justice pénale des mineurs.

En juillet dernier, le Conseil constitutionnel a pris une importante décision en considérant, au nom du principe d’impartialité, qu’un même juge des enfants ne pourrait plus désormais instruire une affaire et présider le tribunal pour enfants chargé de la juger.

Il s’agit là d’un bouleversement profond de l’organisation de la justice pénale des mineurs telle qu’elle était en œuvre depuis 1945.

Il ne m’appartient naturellement pas de critiquer cette décision. Toutefois, je veux souligner que l’adaptation de l’organisation judiciaire ne pourra pas se faire sans tenir compte du principe de continuité du suivi éducatif du mineur, qui irrigue le droit pénal des mineurs et l’ensemble de l’ordonnance de 1945.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

Ce que vous proposez ici est une réforme a minima. Les magistrats pour enfants ont des propositions à faire : il faut prendre le temps de la concertation, ce que le Gouvernement est en mesure de faire puisque le Conseil constitutionnel a fixé la date de l’abrogation au 1er janvier 2013.

Voilà autant de motifs suffisants, monsieur le garde des sceaux, pour voter, avec la majorité de mon groupe, la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Giudicelli

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans son intervention de 1847 sur les prisons à la Chambre des pairs, c'est-à-dire ici même, Victor Hugo affirmait : « Tout homme coupable est une éducation manquée qu’il faut refaire. La prison doit être une école. »

Cette phrase, sur laquelle au moins, j’en suis sûre, nous pouvons nous rassembler, prend tout son sens lorsque l’on évoque la question de la délinquance des mineurs.

La délinquance juvénile dans notre pays est un vrai sujet d’inquiétude. Elle est le résultat de la conjonction de plusieurs phénomènes.

Tout d’abord, la progression significative, depuis plusieurs années, du nombre de délinquants mineurs n’est pas contestable. Il faut tout de même rappeler que la part des mineurs dans la délinquance globale a été de 18, 8 % en 2010.

Au total, le nombre de mineurs délinquants confiés à la Protection judiciaire de la jeunesse n’a cessé d’augmenter au cours des dernières années ; son taux de croissance a été de 44 % entre 2002 et 2010.

Dans mon département, les Alpes-Maritimes, si l’on constate une baisse assez forte – près de 19 % – de la délinquance générale entre 2002 et 2010, la délinquance des mineurs se maintient, elle, à un niveau très élevé.

Ces éléments ne tiennent bien sûr pas compte de l’explosion des incivilités, qui restent trop souvent impunies et sont très mal vécues au quotidien par nos concitoyens.

Cette augmentation du nombre de délinquants mineurs est associée à un rajeunissement des auteurs des infractions et à une aggravation des actes de délinquance.

Les actes de violence des mineurs sont passés de 16 % à 22 % des mises en cause entre 2002 et 2010.

Il faut absolument arrêter ces processus avant que certains mineurs ne deviennent violents et, peut-être, irrécupérables.

Face aux jeunes primo-délinquants désocialisées, en échec scolaire, parfois confrontés à la démission totale des parents, nous devons apporter de manière urgente des réponses spécifiques.

Bien évidemment, nous devons continuer de privilégier les mesures éducatives plutôt que les dispositifs répressifs, comme l’impose l’ordonnance du 2 février 1945. Cela exige de mettre de nombreux outils à la disposition de l’autorité judiciaire.

C’est une erreur de penser que l’autorité judiciaire disposerait aujourd’hui d’un éventail formidable de solutions suffisamment larges pour répondre à toutes les situations : en dépit des différents dispositifs existants, les solutions apportées restent finalement peu variées.

Le contrat de service citoyen n’est pas seulement une alternative à la prison. Le texte tel qu’il nous a été transmis par l’Assemblée nationale complète utilement l’ensemble des dispositifs existants entre, d’une part, les foyers classiques et, d’autre part, les centres éducatifs fermés, que nous avons créés en 2002.

Le contrat de service citoyen, que je défends, est effectivement le chaînon qui manquait à notre réponse pénale. Il participera au processus de resocialisation des mineurs primo-délinquants.

Il sera prononcé par le magistrat au titre de la composition pénale ou dans le cadre d’un ajournement de peine, voire d’une peine d’emprisonnement avec sursis accompagné d’une mise à l’épreuve.

Certes, plusieurs questions se posent.

Pour mettre en œuvre le contrat de service citoyen, était-il souhaitable de créer un nouveau type de centre de discipline et de réinsertion à côté des foyers, des autres structures d’accueil et des centres éducatifs fermés ?

À cet égard, je partage totalement les points de vue du député Éric Ciotti et du Gouvernement : il fallait tirer parti de l’existence et de l’expérience des centres gérés par l’Établissement public d’insertion de la défense, créé en 2005.

Ces établissements assurent déjà l’insertion sociale et professionnelle de jeunes adultes en difficulté, en risque de marginalisation et volontaires.

S’appuyant sur le programme dispensé au sein des centres EPIDE, le contrat de service citoyen a trois objectifs : assurer une mise à niveau en français, orthographe et mathématiques ; dispenser une formation civique et comportementale ; offrir une préformation professionnelle.

Ce programme a démontré son efficacité, puisque le taux de réussite dans les centres EPIDE est de plus de 80 % pour ceux qui ont eu le courage d’aller jusqu’au bout du parcours.

Seconde question, peut-on mélanger des publics très différents ? Aurait-on d’un côté des jeunes volontaires décidés à s’en sortir et, de l’autre, des jeunes délinquants irrécupérables qui ne le seraient pas ?

Le contrat de service citoyen ne s’adressera qu’à des mineurs âgés de plus de seize ans primo-délinquants ou ayant commis des faits d’une faible gravité et, surtout, ayant exprimé leur consentement.

La caractéristique essentielle du dispositif est, effectivement, qu’il repose sur le volontariat. Il n’y a pas de réinsertion, pas d’insertion possible sans adhésion de l’intéressé.

Dans ce cadre, il est essentiel que le juge s’assure de la réelle adhésion des jeunes concernés. Faisons donc confiance à la justice pour apprécier leur degré de motivation.

Contrairement à ce que nous avons pu entendre, la proposition de loi d’Éric Ciotti ne dénature nullement la vocation initiale des centres EPIDE, et cela pour deux raisons.

D’une part, il a toujours été prévu que les jeunes délinquants restent minoritaires dans les EPIDE. En réalité, ils ne dépasseront pas plus de 10 % des effectifs de chaque centre. Cela a été dit, 200 jeunes par an seront concernés dans un premier temps ; dès février 2012, les premiers d’entre eux seront accueillis.

D’autre part, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, « l’EPIDE et la Protection judiciaire de la jeunesse travaillent déjà ensemble à la réinsertion de jeunes qui, ayant purgé leur peine, souhaitent s’engager dans un projet de formation professionnelle ».

Pour l’ensemble de ces raisons, je suis favorable au service citoyen, ainsi qu’aux diverses dispositions contenues dans la présente proposition de loi.

Nous ne devons négliger aucune solution qui puisse faire régresser la délinquance, laquelle mine nombre de quartiers et de nos villes.

Pour ce qui est du présent débat, je regrette que la commission des lois se soit contentée de proposer au Sénat l’adoption d’une motion tendant à opposer la question préalable.

D’abord, recourir à cette procédure, c’est considérer qu’il est inutile de délibérer au fond. Vous empêchez donc par là même le Sénat, chers collègues, de jouer son rôle de réflexion sur un sujet important et vous le privez de la possibilité d’amender et d’enrichir le texte.

Vous auriez pu proposer un autre texte, un contre-projet, qui réponde à la question qui nous est posée aujourd’hui : quelles solutions proposons-nous pour répondre à la délinquance des mineurs ?

Enfin et surtout, je constate que vous ne formulez aucune proposition. Je le regrette vivement.

Pour l’ensemble de ces raisons, je ne voterai pas la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l’UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, je suis tenté de commencer mon intervention par une question que j’ai déjà été amené à poser ces derniers temps : quelle est l’utilité réelle de cette proposition de loi ou, plutôt, est-elle vraiment indispensable ?

Au vu du nombre de textes qui nous ont été soumis ces derniers mois en matière de justice et de sécurité, on est en droit de s’interroger.

La délinquance des mineurs est un problème très important, et il ne s’agit pas ici de minimiser cette problématique, bien au contraire.

Il s’agit de s’interroger sur la pertinence de la méthode consistant à faire évoluer en permanence des textes sur des sujets qui nécessitent au contraire, me semble-t-il, un travail et une réflexion de fond.

Je ne dis pas qu’il ne faut pas rechercher des solutions innovantes en matière de lutte contre la délinquance des mineurs, mais est-il raisonnable de procéder à peu près tous les trois mois à des modifications de l’ordonnance de 1945 ?

Déjà, lors de l’examen du projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, j’avais regretté l’abandon de fait du projet d’un code pénal des mineurs, qui avait été annoncé en 2008 et devait constituer la réforme d’ensemble de cette matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Sauf erreur de ma part, on nous propose aujourd’hui de modifier pour la trente-troisième fois ce texte fondateur qu’est l’ordonnance de 1945, devenue au fil des ans d’une complexité qui nuit à la clarté et à la compréhensibilité de notre droit.

Pourquoi renoncer à une vraie réforme d’ensemble sur un sujet de fond, au profit d’un énième « rafistolage » de l’ordonnance de 1945 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Laissons aux acteurs de ce secteur le temps de travailler et ne bouleversons pas tout en permanence.

Cette réflexion sur le temps doit être complétée par une réflexion sur les moyens financiers. À l’instar de ce qui s’est passé lors de la création des jurés populaires en matière correctionnelle, on nous annonce, dans un contexte budgétaire que nous savons tous extrêmement serré et auquel n’échappe pas le monde judiciaire, que ce service citoyen bénéficiera du « redéploiement » de 8 millions d’euros. Ne ferait-on pas mieux de renforcer les moyens existants plutôt que de redéployer 8 millions d’euros pour la mise en œuvre d’une mesure dont l’efficacité n’est pas démontrée ?

En effet, si la proposition de loi de M. Ciotti peut, à première vue, paraître séduisante, elle n’est pas sans inconvénients.

Son dispositif est assez simple : il s’agit de créer une nouvelle mesure pénale consistant en l’exécution par le mineur de plus de seize ans auteur d’une infraction d’un contrat de service en établissement public d’insertion de la défense.

L’idée paraît de prime abord intéressante, mais, comme cela a déjà été rappelé, le problème est de savoir si les centres relevant de l’EPIDE ne seront pas demain totalement déstabilisés par l’arrivée de ces mineurs délinquants.

Mme Sylvie Goy-Chavent approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Actuellement, ces structures fonctionnent bien. Ce constat est partagé sur toutes les travées, y compris par ceux qui avaient dénoncé la création de ces établissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Mais peu importe ; l’essentiel est qu’aujourd’hui tout le monde soit d’accord sur le constat : ces structures sont utiles et donnent des résultats, notamment en matière de réinsertion par la formation professionnelle, puisque 73 % – Mme la rapporteure a évoqué tout à l’heure un taux de 40 % à 50 % – des jeunes qui vont jusqu’au bout du parcours parviennent à s’insérer.

Demain, les centres relevant de l’EPIDE devront accueillir des mineurs délinquants contraints de fait par une décision de justice, ce qui risque de remettre en cause leur attractivité et leur rôle et de perturber les jeunes ayant intégré ces établissements sur la base du volontariat.

Je sais bien que le texte ne prévoit pas formellement de contrainte pour le mineur délinquant, mais peut-on réellement parler de volontariat quand la conclusion d’un contrat dit « de volontariat pour l’insertion » permet d’obtenir un abandon des poursuites, un ajournement de la peine ou un sursis ? Je m’interroge donc, comme Mme la rapporteure, sur la portée de ce qu’elle a justement appelé un « consentement sous contrainte ».

C’est la critique majeure que l’on peut adresser à ce texte : le dispositif mélange des publics très différents, puisque les centres relevant de l’EPIDE accueilleraient à la fois des jeunes volontaires pour les intégrer et d’autres contraints par une décision de justice. La proposition de loi risque ce faisant de dénaturer la vocation initiale de ces centres, qui repose sur un recrutement de jeunes en difficulté sur la base du volontariat.

De plus, je m’interroge sur l’adhésion des personnels concernés. Selon moi, l’implication des acteurs de terrain dans la définition et la mise en œuvre des décisions politiques est indispensable à la réussite de celle-ci. Or les personnels des centres relevant de l’EPIDE semblent dubitatifs et inquiets face à cette proposition de loi.

Enfin, il me semble inopportun de susciter dans l’opinion publique des confusions quant au rôle des militaires dans notre société, lequel n’est pas de prendre en charge la délinquance des mineurs. Les militaires ne sont pas préparés à encadrer de jeunes délinquants.

Pour conclure, je ferai une remarque sur la forme.

On l’aura compris, en l’état, mon avis sur ce texte n’est pas favorable. Mais devait-on s’arrêter là ? Je ne le pense pas. Ce texte pouvait être amélioré, amendé. Des garanties complémentaires auraient pu – auraient dû – être introduites. C’est ainsi que le Sénat apporte une plus-value au travail de l’Assemblée nationale, c’est ainsi que nous jouons notre rôle de parlementaires !

Comme notre collègue Christian Cointat en commission, je regrette que le vote annoncé d’une motion tendant à opposer la question préalable nous prive définitivement de la possibilité d’améliorer le texte et de faire ainsi notre travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

M. Yves Détraigne. Je ne pense pas que l’on puisse revaloriser le rôle du Sénat en procédant de cette manière ; bien au contraire !

Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Félix Desplan

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le problème des mineurs délinquants est réel. Il est sérieux et nous devons nous en préoccuper chaque jour un peu plus. Cela est vrai en métropole comme outre-mer. Un congrès consacré spécifiquement à ce fait de société se tiendra d’ailleurs en Guadeloupe avant la fin de l’année.

La création de centres relevant de l’EPIDE n’a pas été étendue aux départements d’outre-mer. Ces structures n’existent donc pas dans nos territoires, alors que, partout, le mal-être de notre jeunesse est patent. Est-ce le fait d’une négligence de nos gouvernants ? Est-ce le coût de fonctionnement de ces centres qui est en cause ?

Du reste, nous observons que, sur le territoire métropolitain, le dispositif prévu n’est pas totalement appliqué. En effet, si la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie autorise les centres relevant de l’EPIDE à accueillir des mineurs, tel n’est pas le cas dans les faits.

A-t-on pensé que le service militaire adapté, le SMA, pouvait à lui seul assurer dans les DOM la prise en charge de nos jeunes en difficulté sur le plan de la formation et de l’insertion professionnelles ?

Rappelons que le SMA est un dispositif militaire, dont le recrutement repose sur le volontariat et qui vient en aide aux jeunes ultramarins en difficulté. Ces derniers reçoivent une formation humaine, comportementale, scolaire et professionnelle, visant à les amener vers l’insertion dans la vie active civile, soit par le biais de contrats d’embauche, soit par l’entrée en formation professionnelle certifiante.

Toutefois, en moyenne, seul un candidat au SMA sur six est actuellement accepté. Il s’agit donc d’un système sélectif à destination de jeunes en difficulté mais présentant déjà un bon potentiel au regard de l’insertion.

Une montée en puissance de ce dispositif est prévue, puisqu’il est envisagé de doubler le nombre de ses bénéficiaires à l’horizon 2014, pour le porter à 6 000. Il ne faut pas, cependant, que cela se fasse au détriment de la durée et de la qualité de la formation donnée.

Les résultats peuvent être considérés comme très encourageants, avec un taux d’insertion variant de 64 % à plus de 80 % selon les départements. §

Est envisagé le lancement à l’horizon 2012-2013, en coopération avec l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, d’une solution d’insertion en France métropolitaine pour 1 200 jeunes volontaires domiens. Il est toutefois à craindre que le taux de réussite ne soit moindre pour ces jeunes éloignés de leurs centres d’intérêt et de leurs proches.

Mais, là aussi, ne sont concernés que les jeunes adultes de dix-huit à vingt-cinq ans en situation d’échec, à l’exclusion des mineurs. Quant aux mineurs délinquants, il n’existe pour eux aucune solution véritable.

Certes, la délinquance juvénile est, en pourcentage, moins importante dans les territoires ultramarins qu’en métropole. Certains chiffres en témoignent : ainsi, la part des mineurs dans les atteintes volontaires à l’intégrité physique est de 17, 23 % dans les DOM, hors Mayotte, et de 21, 50 % en métropole ; les mineurs représentent 28, 53 % du total des mis en cause pour les atteintes aux biens dans les DOM, contre 33, 76 % en métropole.

Cependant, on assiste aujourd’hui dans les DOM, les statistiques les plus récentes en attestent, à une forte croissance des comportements répréhensibles parmi les mineurs. Ainsi, en 2010, la part des mineurs dans les atteintes volontaires à l’intégrité physique a augmenté de 0, 97 point dans les DOM, contre 0, 5 point en métropole ; cette même année, la part des mineurs dans le total des personnes mises en cause au titre des atteintes aux biens a progressé de 1, 66 point dans les DOM, contre 0, 12 point en métropole.

Peut-on rester les bras croisés face à ce phénomène ?

Debut de section - PermalienPhoto de Félix Desplan

Peut-on faire semblant de prendre à bras-le-corps la situation en recourant à des mesures d’affichage politique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Félix Desplan

En Guadeloupe, pour l’année en cours, on a recouru aux travaux d’intérêt général, les TIG, dans une vingtaine de cas en moyenne par mois. Alternative à l’incarcération, censée éviter la récidive et destinée à organiser la réinsertion, cette mesure est prononcée à l’encontre non seulement des majeurs, mais aussi des mineurs, à titre de peine principale ou en complément d’une peine de prison avec sursis. Il s’agit d’effectuer un travail non rémunéré au bénéfice d’une association, d’une collectivité publique, d’un établissement public ou d’une personne morale de droit privé chargée d’une mission de service public.

Il est toutefois à noter que la dimension d’« intérêt général » du travail ne va pas de soi pour l’adolescent. Notamment, le choix du lieu d’exécution de la mesure apparaît important par rapport à l’objectif visé.

En Guadeloupe, comme dans les autres départements ultramarins, la mise en œuvre des travaux d’intérêt général connaît des carences multiples : dérives nombreuses liées à l’absence de réel suivi des jeunes concernés ; orientation vers un lieu d’exécution sans accompagnement approprié ; absence de bilan systématique à la fin de la période de prise en charge ; lieux d’exécution n’offrant pas de personnel encadrant capable d’intervenir sur les plans éducatif et social… En outre, nombre des adolescents effectuant des TIG sont des consommateurs de drogue, qui récidivent par la suite.

Des améliorations au dispositif des TIG peuvent être trouvées : il y faut de la volonté, certes, mais aussi des moyens en rapport avec les objectifs visés.

Parallèlement, la mise en place en outre-mer de centres relevant de l’EPIDE ne serait pas superflue. En effet, le taux de chômage des jeunes actifs de quinze à vingt-cinq ans y est tout particulièrement préoccupant, puisqu’il atteint 60 % dans plusieurs départements. La création de tels centres serait donc bienvenue pour accueillir tous ces jeunes en situation de détresse sociale. Toutefois, elle ne saurait constituer une véritable solution en vue de l’insertion des mineurs délinquants. Il convient à cet égard de poursuivre la réflexion afin de proposer d’autres solutions d’encadrement, plus adaptées.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

J’informe le Sénat que la liste des candidats présentés par les groupes pour la désignation de six membres supplémentaires de la mission commune d’information sur les conséquences pour les collectivités territoriales, l’État et les entreprises de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale a été affichée à 16 heures.

En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, de notre règlement, elle sera ratifiée à 18 heures, si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Louis Nègre.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame le rapporteur, mes chers collègues, je souhaiterais aborder successivement trois points.

Tout d’abord, nous avons effectivement des motifs de nous inquiéter de l’état des lieux. La proposition de loi de notre excellent collègue député Éric Ciotti que le Sénat doit examiner aujourd’hui est d’une actualité malheureusement criante.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Elle vise à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants.

Il est vrai que le phénomène de la délinquance des mineurs connaît depuis plusieurs années une augmentation.

Exclamations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Cette évolution, mes chers collègues, n’est pas particulière à la France. Nos voisins européens sont confrontés à la même situation, mais ce n’est pas une raison pour ne rien faire ! Le Gouvernement a réagi, monsieur le garde des sceaux.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Voilà ce qui nous différencie, mes chers collègues : vous réfléchissez, nous agissons !

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste -EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous n’agissez pas, vous vous agitez, c’est différent !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Madame le rapporteur, je tiens à vous rassurer : nous ne casserons rien !

Depuis 2002, notre législation a évolué pour mieux appréhender les différents aspects de cette délinquance : de nouveaux établissements éducatifs ont été ouverts, de nouveaux moyens de prévention ont été adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Ainsi, la loi du 9 septembre 2002 a instauré les centres éducatifs fermés. De même, la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a introduit de nombreux dispositifs de prévention.

Cependant, comme l’a excellemment exposé ma collègue Colette Giudicelli, malgré ces évolutions législatives, il apparaît qu’entre la prison et la rue, il n’y a pas suffisamment de solutions intermédiaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

L’objet de la proposition de loi présentée par M. Éric Ciotti est donc de compléter – c’est le deuxième point de mon intervention – les dispositifs existants en instaurant un service citoyen pour les mineurs délinquants : je soutiens pleinement ce texte et je me félicite de son dépôt.

Vous savez, mes chers collègues, que cette mesure est plébiscitée par nos concitoyens, par-delà les clivages politiques. Ainsi, selon un sondage de l’IFOP effectué le 10 juin 2011, 93 % d’entre eux sont favorables à l’instauration d’un service civique pour les mineurs délinquants : c’est le cas de 97 % des électeurs de droite, mais aussi de 90 % des sympathisants de gauche, madame le rapporteur !

Exclamations sur les travées de l’UMP. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Par conséquent, mes chers collègues, soyons à la hauteur de ce qu’attendent de nous les Français. Encore une fois, face à cette délinquance, ne restons pas inertes, agissons !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Je trouve pour le moins surprenant, original et, pour tout dire, bien contradictoire que nos collègues de gauche proclament à tout bout de champ leur attachement à la démocratie représentative mais refusent, ici au Sénat, d’engager une discussion sur le fond !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Que faisons-nous donc en ce moment, sinon discuter sur le fond ?

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

M. Louis Nègre. Pis, vous envoyez à la tribune – j’allais dire au front ! – pas moins de onze orateurs, dont le rapporteur, pour esquiver le débat.

Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste -EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

… avec la mise en place d’un service citoyen qui s’appuiera sur l’apport que peuvent représenter les valeurs militaires pour l’insertion des jeunes en difficulté et sur le dispositif « Défense deuxième chance » mis en œuvre depuis 2005 dans les centres relevant de l’Établissement public d’insertion de la défense.

En effet, face à une population de mineurs délinquants en manque de repères, les valeurs militaires, et tout simplement civiques, peuvent constituer une réponse adaptée. Le savoir-faire des armées en matière d’insertion des jeunes en difficulté s’est affirmé, dans le passé, dans le cadre du service militaire obligatoire, ainsi que dans celui du dispositif « Jeunes en équipes de travail », créé sur l’initiative de l’amiral Brac de la Perrière. Il s’exprime aujourd’hui encore, comme l’a dit l’orateur précédent, dans le cadre du service militaire adapté en outre-mer.

Par ailleurs, le contrat de service dans un centre relevant de l’Établissement public d’insertion de la défense s’appliquera dans un cadre bien précis, rappelons-le ! Il sera établi par un magistrat. De plus, cette mesure ne s’adressera qu’à des mineurs âgés de plus de seize ans et ayant exprimé leur consentement. Ce point est important, madame le rapporteur ! Le volontariat, j’y insiste, est au cœur du dispositif, ne vous en déplaise !

Je souligne que les trois objectifs assignés au contrat de service citoyen apparaissent particulièrement pertinents, si l’on veut bien dépasser les clivages idéologiques, démagogiques ou tout simplement politiciens.

Les jeunes bénéficieront tout d’abord d’une mise à niveau en français, en orthographe et en mathématiques, ensuite d’une formation civique et comportementale, enfin d’une préformation professionnelle qualifiante.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Je rappelle que le taux d’insertion sur le marché du travail des jeunes actuellement accueillis dans les centres relevant de l’EPIDE est supérieur à 70 %. Ce résultat des plus enviables confirme la justesse de la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui. Pourrait-on refuser d’offrir cette nouvelle chance aux jeunes concernés ?...

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Ce serait incompréhensible ! L’accueil des mineurs dans ces centres constituera une alternative crédible et efficace à l’incarcération ou au placement en centre éducatif fermé.

L’objectif visé est également de transmettre à ces jeunes en rupture des notions quelque peu oubliées, telles que la citoyenneté, le respect de la règle et de l’autorité, le sens de l’effort et du mérite. §Qui, parmi nous, pourrait ne pas être d’accord avec un tel objectif ?

Cette proposition de loi a été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale, le 12 octobre, …

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

… et je ne peux que m’en réjouir !

Aussi ai-je été très surpris que la commission des lois du Sénat ait adopté une motion tendant à opposer la question préalable, au rebours de la vocation de notre assemblée, haut lieu du débat démocratique. Le changement de majorité commence mal !

Protestations sur les travées du groupe socialiste -EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Face à une situation qui s’aggrave chaque jour, nous le savons tous, face à l’augmentation des actes de délinquance, et donc du nombre de victimes – mais qui pense à elles ? –, la réponse n’est pas dans l’obstruction ou l’attentisme. Au contraire, il nous faut agir !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

C’est notre devoir ! La candidate du parti socialiste à la précédente élection présidentielle, Mme Ségolène Royal, vous y a même invités !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Aussi souhaiterais-je, à des arguments pas toujours justifiés à mes yeux, opposer certaines vérités. Ce sera mon troisième point.

Tout d’abord, les magistrats et les responsables de l’EPIDE ont bien évidemment été entendus. Dans le cadre de l’élaboration de la proposition de loi, Éric Ciotti – je l’ai vérifié auprès de lui – a eu l’occasion, vous le savez parfaitement, d’auditionner plusieurs représentants des syndicats de magistrats, au plus haut niveau. Quant à la consultation des professionnels, je souligne que ce dispositif a été conçu avec les services de l’EPIDE, c’est-à-dire avec les spécialistes du dossier.

Par ailleurs, contrairement à ce que certains ont dit, il n’existe aucun risque de déstabilisation des centres relevant de l’EPIDE par le mélange de mineurs délinquants et de majeurs volontaires. En effet, bien qu’étant volontaires, la moitié des jeunes qui se trouvent dans ces centres ont déjà eu affaire à la justice, et bon nombre d’entre eux ont déjà connu la prison.

M. Jean-Pierre Michel proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Je regrette de devoir constater que les arguments de la gauche manquent de fond. Ils illustrent un esprit partisan, d’opposition stérile, alors que seul l’intérêt des mineurs délinquants et de la société doit être recherché.

Éric Ciotti a eu le courage politique…

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

… et la volonté d’élaborer une proposition de loi concrète et pragmatique ; je remercie M. le garde des sceaux de la défendre.

Mes chers collègues, il faut soutenir cette démarche pleine de bon sens et cesser d’opposer au principe de réalité les critères d’une idéologie dépassée.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

M. Louis Nègre. En conclusion, je m’opposerai à l’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable, qui serait inopportune et contreproductive. Nous pensons, au contraire, que cette proposition de loi doit pouvoir être mise en œuvre dans les meilleurs délais, dans l’intérêt des jeunes qui bénéficieront de son dispositif, mais aussi dans celui de la sécurité de nos concitoyens et de la société en général. Plutôt que d’organiser un combat de retardement, faisons, mes chers collègues, œuvre utile et efficace au bénéfice de ces jeunes en rupture : les Français nous en seront reconnaissants !

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, « lorsque les parents s’habituent à laisser faire leurs enfants ; lorsque les enfants ne tiennent plus compte de leurs paroles ; lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves ; lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus, au-dessus d’eux, l’autorité de rien ni de personne, alors c’est en toute justesse, le début de la tyrannie. Oui ! La jeunesse n’a que du mépris pour ceux de ses maîtres qui s’abaissent à la suivre au lieu de la guider. »

Cette analyse, développée par Platon au début du IVe siècle avant Jésus-Christ, est saisissante de vérité et toujours actuelle !

Dans cette proposition de loi, monsieur le garde des sceaux, je vois essentiellement l’aveu, le constat d’un double échec de notre mission éducative.

L’éducation est l’une des principales questions qui se posent aujourd’hui à notre pays. Le mineur délinquant est un adulte en devenir, envers lequel le monde adulte a un devoir d’éducation. J’adhère pleinement à la philosophie qui a inspiré l’ordonnance du 2 février 1945, selon laquelle la cause première du basculement du mineur dans la délinquance réside dans le déficit d’éducation. Je crois, monsieur le ministre, que cette philosophie se profile aussi au travers de cette proposition de loi.

L’urgence première est de remobiliser les parents autour du devoir d’éduquer. La conduite d’une politique d’appui à la parentalité est, en effet, un enjeu important pour la société d’aujourd’hui et de demain.

Depuis quarante ans, la famille s’est profondément transformée. Surtout, moins institutionnalisée que dans le passé, la vie familiale suscite davantage de questionnements et de doutes de la part des parents. Les familles doivent donc être épaulées tout au long de leur existence. Ce soutien à la parentalité par des dispositifs d’action publique est intégré au périmètre des politiques familiales depuis la fin des années quatre-vingt-dix. Il doit absolument se poursuivre en s’amplifiant, et il est indispensable d’augmenter les crédits alloués à l’accompagnement des familles dans leur rôle parental.

Autre échec : celui de notre école. Aujourd’hui source de dévalorisation et d’inégalités, cet échec engendre aussi de la violence. Notre système scolaire ne transmet plus les valeurs qui ont assuré la cohésion sociale de notre pays, ainsi que la construction individuelle de chacun.

Cette proposition de loi se veut une réponse à cet échec de l’éducatif. Je me pose les mêmes questions que beaucoup de nos collègues, mais je ne vous rejoins pas, madame la rapporteure, quand vous indiquez de façon très expéditive que cette proposition de loi est un texte de circonstance, dont il n’y aurait rien à tirer.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Je souhaite insister sur l’encadrement militaire, si critiqué. Je serais, pour ma part, plus mesurée, m’associant sur ce point aux propos de notre collègue Félix Desplan.

En avril dernier, j’ai conduit une délégation de la commission des affaires sociales en mission d’études à la Martinique et en Guyane. Lors de notre séjour à la Martinique, nous avons visité, durant toute une matinée, le régiment du service militaire adapté.

Le SMA, présent dans la quasi-totalité des collectivités d’outre-mer, assure, dans un environnement exclusivement militaire, une formation professionnelle à de jeunes ultramarins volontaires en difficulté ; il contribue également, par le biais de chantiers d’application, au développement économique des collectivités d’outre-mer, ainsi qu’à la protection civile, notamment lors des catastrophes naturelles.

L’engagement à servir au titre du SMA est fondé sur le volontariat, et il existe une procédure de sélection, afin de vérifier notamment que le candidat n’a pas eu de démêlés trop lourds avec la justice.

L’objectif est d’aider un jeune en difficulté à recevoir une formation de base, afin de lui permettre ensuite d’obtenir un diplôme ou de trouver un emploi. Ce dispositif constitue, pour ce profil de jeunes, le « chaînon manquant » entre la formation initiale et la vie professionnelle.

Au total, plus de 120 000 jeunes sont passés par le SMA, sur nos territoires, depuis sa création en 1961. Aujourd’hui, trente-sept métiers sont proposés.

Il est important de souligner que le SMA met l’accent sur le comportement et les règles de vie à respecter en société. La formation globale proposée au travers du SMA est ainsi fondée sur la rupture que supposent l’acte d’engagement et la vie en internat dans une enceinte militaire.

Le SMA dispose actuellement d’environ 700 personnels d’encadrement, en majorité des militaires détachés par le ministère de la défense, ainsi que d’un état-major.

Pour tous les membres de notre mission, ce fut une vraie découverte ! Nous avons tous reconnu l’incontestable succès de ce dispositif. Cette visite a permis sans nul doute de « dédiaboliser » l’encadrement militaire des jeunes en rupture sociale. J’adhère donc à cette idée que l’encadrement militaire peut être une bonne chose.

Une double question se pose ici.

Tout d’abord, faut-il confier une partie de l’enseignement professionnel, pas exclusivement destiné à des délinquants, à des militaires, manifestement plus performants que l’éducation nationale ?

Exclamations sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Je rappelle que 160 000 jeunes sortent chaque année sans formation du système éducatif.

Ensuite, est-il sain de mélanger dans les centres relevant de l’EPIDE de jeunes volontaires non délinquants avec de jeunes délinquants pour qui ce dispositif à encadrement militaire sera la seule alternative à l’incarcération ? Je n’y insisterai pas, beaucoup de mes collègues ont déjà évoqué cette vraie question.

Une telle juxtaposition paraît bien dangereuse. Ne vaudrait-il pas mieux créer, sur le modèle des centres relevant de l’EPIDE, des structures uniquement consacrées aux jeunes délinquants ? Sans doute l’adoption d’amendements allant dans ce sens, après un examen approfondi de la proposition de loi, aurait-elle permis à la majorité du groupe UCR de voter celle-ci. Je ne peux que regretter la décision de la commission des lois de rejeter ce texte et de proposer au Sénat d’adopter une motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées de l ’ UCR et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, sous couvert de compléter les solutions offertes à la justice et de trouver des remèdes à la situation des jeunes en manque de repères et en rupture sociale, la proposition de loi qui nous est soumise à la va-vite n’est constituée que de « mesurettes » cosmétiques et inefficaces.

Sur le plan de la méthode, tout d’abord, un tel chantier législatif aurait dû être entrepris dans le respect du débat parlementaire, …

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Sur le fond, je consacrerai l’essentiel de mon intervention aux cinq premiers articles du texte, Mme Tasca ayant excellemment traité de l’ajout de dernière minute d’un article 6.

Je partage, quant à moi, la position de notre rapporteure et des magistrats sur les difficultés engendrées par l’article 6. Les sénatrices et sénateurs écologistes rejettent fermement cette atteinte à la nécessaire continuité du suivi éducatif des mineurs, exigence constitutionnelle qui aurait dû être prise en compte dans le cadre d’une réflexion globale et approfondie.

Mais, outre cette greffe de l’article 6 qui ne prend pas, le reste de la proposition de loi est également contestable à plus d’un titre.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Tout d’abord, les mesures contenues dans les cinq premiers articles de la proposition de loi comportent de nombreuses confusions et suscitent l’incompréhension, y compris chez les professionnels du droit.

Ainsi, il n’est pas précisé si les mesures s’appliqueront aux primo-délinquants ou aux mineurs récidivistes ou multirécidivistes. M. le ministre vient heureusement de nous préciser que les multirécidivistes n’étaient pas concernés.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

On ignore également si la qualification pénale des infractions, délits ou crimes sera ou non prise en compte.

Cette confusion est accentuée par le caractère « militaire » du dispositif. En effet, l’on sait que l’encadrement des centres relevant de l’EPIDE est composé à 42 % d’anciens militaires, et que le ministère de la défense a fourni, à l’origine, les terrains et les bâtiments.

Le rapport nous indique également que ce même ministère sera sollicité financièrement à hauteur de 2 millions d’euros si les mesures contenues dans le texte sont finalement adoptées – ce dont je doute, tant ce texte semble, à juste titre, faire l’unanimité contre lui !

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Dès lors, même si les centres relevant de l’EPIDE sont conçus comme des établissements civils d’enseignement et d’internat, l’ambiguïté persiste !

Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer devant la commission des lois, les sénatrices et sénateurs écologistes sont hostiles à la militarisation de l’insertion des mineurs délinquants.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Une autre confusion entretenue par ce texte tient à la référence à un « contrat » dont la signature relève de la « volonté » des jeunes pour entrer dans le dispositif, alors que, dans le même temps, il y a mesure de contrainte prise par l’institution judiciaire. Il s’agit bien, en réalité, d’une obligation imposée aux jeunes concernés, puisque ce service est prévu, à l’article 1er de la proposition de loi, comme une modalité de la composition pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Ainsi, si le procureur de la République propose à un jeune l’exécution d’un service citoyen, ce dernier n’aura in fine pas le choix : soit l’action publique s’éteindra et il entrera dans un centre relevant de l’EPIDE, soit il sera poursuivi pénalement.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Le même raisonnement est applicable, par analogie, à l’article 2 du texte, relatif à l’accomplissement du service au sein d’un centre relevant de l’EPIDE dans le cadre de l’ajournement de peine, ou à l’article 3, concernant quant à lui le sursis avec mise à l’épreuve. Dans ces deux autres hypothèses aussi, le caractère volontaire de l’entrée dans le dispositif demeure purement théorique.

Au-delà, c’est l’esprit même de ce nouveau texte répressif, liberticide et sécuritaire que les sénatrices et sénateurs écologistes contestent fermement.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Mme Esther Benbassa. Il s’agit, ici encore, comme en est coutumière une certaine « droite populaire », de chercher à flirter avec l’électorat de l’extrême droite, par le biais d’« effets d’annonce ».

Protestations sur les travées de l ’ UMP. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

« Enfermons ces jeunes pour protéger la société », déclare ainsi M. Ciotti ! En pratique, ces mesures ne concerneront pourtant qu’une poignée de jeunes et ne régleront évidemment pas les problèmes liés à la délinquance des mineurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

En effet, la délinquance juvénile apparaît comme une problématique ancienne, régie presque entièrement par l’ordonnance du 2 février 1945, qui repose sur une dichotomie entre justice des mineurs et justice des majeurs et dont l’article 2 donne aux mesures éducatives la primauté sur les sanctions.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Or, la proposition de loi de M. Ciotti s’insère dans une série de textes votés précédemment : « Perben 1 », « Perben 2 », « LOPPSI 1 » puis « LOPPSI 2 », et enfin la loi du 10 août 2011 relative aux jurés populaires et à la justice des mineurs. Tous mettent l’accent sur la réponse pénale, dans un contexte où la rhétorique sécuritaire prime sur la recherche de solutions viables aux maux et aux crises économiques successives dont souffre notre société.

Les mesures présentées dans cette proposition de loi risquent en outre de déstabiliser le fonctionnement des centres relevant de l’EPIDE, qui ne sont pas adaptés à l’accueil de mineurs délinquants. Il serait préjudiciable de bouleverser la dynamique de ces structures, qui fonctionnent bien pour le moment, afin d’y faire entrer une toute petite poignée de mineurs délinquants, lorsque 40 000 bénéficient déjà, en milieu ouvert, d’une palette de dispositifs de prise en charge.

Les sénatrices et sénateurs écologistes rejettent donc en bloc la philosophie de ce texte ; ils plaident en faveur de la mise en œuvre de solutions de prévention ou de mesures adaptées à l’âge et à la situation des intéressés, en particulier de mesures éducatives ou de « placement » en milieu ouvert, favorisant la réinsertion des jeunes concernés et impliquant tous les acteurs : famille, école, éducateurs.

Enfin, je terminerai en rappelant le coût exorbitant d’un tel dispositif. Alors que le budget consacré actuellement à la formation d’un jeune majeur dans ces établissements est en moyenne de 32 000 euros, le rapport de la commission des lois nous indique qu’il s’élèvera à 50 000 euros par mineur délinquant si le texte est mis en œuvre ! Dans cette période de crise que nous connaissons, où la justice peine déjà à obtenir un budget qui lui permettrait de fonctionner au mieux, pensez-vous sincèrement que ces nouvelles dépenses soient nécessaires ?

Pour toutes ces raisons, les sénatrices et sénateurs écologistes sont évidemment hostiles à cette proposition de loi, qui a d’ailleurs été rejetée par la commission des lois. Ainsi, nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la rapporteure, mes chers collègues, oui, la délinquance des mineurs est un problème réel et important, mais il ne date pas d’aujourd’hui, même s’il est particulièrement d’actualité.

En effet, dès 1945, à la Libération, le Gouvernement s’en était occupé en mettant en œuvre l’ordonnance relative à l’enfance délinquante. La description donnée de l’enfant en danger était d'ailleurs claire : est en danger tout enfant dont la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation sont compromises.

Le traitement d’un tel sujet appelle à l’évidence l’élaboration d’un projet ambitieux et réfléchi pour les enfants et adolescents en difficulté. Or la proposition de loi que nous examinons est avant tout un texte d’affichage. C’est pourquoi je conteste son contenu et réfute son opportunité.

Pourquoi proposer une nouvelle réforme de l’ordonnance de 1945 alors que vous affirmez, monsieur le ministre, qu’un code de la justice pénale des mineurs est quasiment achevé ?

Il est parfaitement illogique et inopportun d’apporter à l’ordonnance de 1945 de nouvelles modifications, qui ne pourront que nuire à sa lisibilité et à sa cohérence.

Sur le fond, la proposition de loi qui nous est soumise est inutile. En effet, l’article 10 de l’ordonnance de 1945 permet déjà le placement de mineurs dans des établissements et dans des institutions d’éducation, de formation professionnelle ou de soins, relevant de l’État ou d’une administration publique habilitée.

Pour toutes ces raisons, il n’y a pas lieu de créer un nouveau dispositif législatif, si ce n’est pour faire du spectaculaire et obtenir un effet d’annonce au travers d’un texte de circonstance, à quelques mois de l’élection présidentielle.

À l’origine, les centres relevant de l’EPIDE avaient pour vocation d’assurer l’insertion professionnelle et sociale de jeunes en difficulté scolaire, sans qualification professionnelle ni emploi, en danger de marginalisation, mais volontaires pour s’engager dans un projet éducatif global, c’est-à-dire une véritable école de la deuxième chance.

Le texte qui nous est soumis prévoit de mêler à ces jeunes volontaires de jeunes délinquants, qui devront choisir entre la prison et l’entrée dans un tel centre. Ce serait transformer une structure d’insertion en structure de sanction, en alternative à l’enfermement.

Les jeunes accueillis étant différents, l’approche pédagogique ne peut être la même. Il faut individualiser les parcours d’éducation et de formation pour être efficaces. Ce n’est pas la nouvelle modification de l’ordonnance de 1945 qui nous est proposée qui permettra de pallier l’absence d’éducateurs en milieu ouvert, prêts à intervenir dès le début de la déscolarisation ou l’apparition de difficultés en matière d’autorité parentale, ni celle de structures de rééducation adaptées.

Monsieur le ministre, pour mettre en place une véritable politique de prévention, il faut radicalement changer les orientations de votre action en direction des services de la protection judiciaire de la jeunesse. Depuis trois ans, vous avez supprimé 400 postes en leur sein. À lui seul, le budget de la justice pour 2011 a organisé la disparition de 117 postes. Quant à votre projet de budget pour 2012, il semble poursuivre sur cette lancée. Paradoxalement, il y est prévu que les crédits des centres relevant de l’EPIDE diminueront de 5 millions d’euros, passant de 85 millions à 80 millions d’euros.

De plus – cerise sur le gâteau ! –, le directeur de l’EPIDE, à qui vous aviez reconnu de nombreux mérites, vient d’être remercié du jour au lendemain, sans explication. Mais peut-être allez-vous enfin, monsieur le ministre, nous en donner une ?

En réalité, il est urgent de redonner aux services de la protection judiciaire de la jeunesse les moyens d’exercer leur mission, car, sans nier les qualités des uns et des autres, il faut rappeler ce vieux principe d’efficacité : à chacun son métier !

S’agissant de la jeunesse, et plus particulièrement des jeunes en difficulté, on ne peut se satisfaire de textes de circonstance, ni de bricolages en tous genres. Organisez une remise à plat totale de ce texte, monsieur le garde des sceaux, ordonnez la réalisation d’une étude d’impact sérieuse, afin de dresser un bilan des besoins humains et financiers que requiert le traitement d’un problème d’une telle importance.

Donnons-nous les moyens de développer des politiques de prévention propres à éviter que ne soient gâchées les vies d’un trop grand nombre de jeunes citoyens. De surcroît, la mise en œuvre de telles politiques engendrerait de grandes économies pour l’État, en ces temps de crise financière, et donnerait une nouvelle chance, une nouvelle espérance, à de nombreux jeunes.

Donnons également à la justice les moyens de faire appliquer rapidement ses décisions, au lieu de la critiquer injustement. C’est ainsi que, ensemble, nous retrouverons le chemin de la cohésion nationale. Tel est le vœu que formulent les sénatrices et sénateurs socialistes.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, j’interviendrai ici en tant que membre de la commission des affaires sociales et que vice-présidente du conseil général de la Loire-Atlantique, déléguée à l’enfance, à la famille et à l’égalité des droits.

En effet, la question de la justice des mineurs se situe à l’articulation des politiques de protection de l’enfance et de la politique pénale. Jusqu’à ces dernières années, l’éducatif avait la priorité sur le répressif, mais les dispositifs successifs votés par les gouvernements de droite ont gravement modifié cet équilibre. Le texte qui nous est aujourd'hui soumis, s’il était adopté, viendrait encore renforcer l’arsenal des mesures répressives, comme si la fermeté suffisait à tout régler. Que d’illusions !

Sans tomber dans l’angélisme, je soulignerai que personne n’a oublié le grand progrès humain qu’a constitué l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante. Elle a promu l’accompagnement éducatif des mineurs délinquants et permis au plus grand nombre d’entre eux de se construire un avenir.

En effet, on peut trébucher à un moment de son enfance ou de sa jeunesse puis se reprendre. Le respect de la règle fait partie du processus éducatif et ne s’y oppose pas, comme on l’entend encore trop souvent dire sur les travées de la droite. J’en veux pour preuve les propos qu’a tenus à l’instant M. Nègre…

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Il est plus que temps de se confronter aux réalités objectives de la délinquance des mineurs et des majeurs afin de rechercher des solutions concrètes, adaptées et sur mesure, et d’évaluer leurs effets réels.

Les actes délictueux sont le fait de personnes de tous les âges, de toutes les classes sociales, …

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

… issues de tous les territoires, même s’il ne fait aucun doute que la précarité, la pauvreté et la misère sociale peuvent accroître les risques, tout au moins ceux d’être repéré et pénalisé, comme cela a été récemment rappelé à l’occasion de la Journée mondiale du refus de la misère.

Mais surtout, mon expérience d’élue locale m’amène à constater que de nombreux auteurs de faits délictueux, pour ne pas dire la grande majorité d’entre eux, ont antérieurement été des victimes, particulièrement dans leur enfance, le plus souvent de violences intrafamiliales, d’agressions sexuelles, d’incestes. Comment ne pas s’interroger, à une époque où les victimes s’expriment, sur le lien, démontré par de nombreuses études sérieuses, entre une situation subie à un moment donné et un passage à l’acte délictueux ?

Il nous faut renforcer les interventions précoces auprès des victimes, mais aussi agir de manière préventive. En effet, à ce moment de la vie, on peut encore redonner à la personne confiance en l’être humain, en la justice, et lui permettre de poursuivre son chemin en sachant que ce qu’elle a subi ou vu n’était ni normal ni acceptable. C’est alors, en respectant l’enfant, le ou la jeune victime, qu’on instaure une relation de confiance et de respect mutuel, car le respect ne s’impose pas par la force, contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire.

C’est là tout le rôle des services de la protection de l’enfance. Je veux souligner ici le travail remarquable effectué par les professionnels des services départementaux, du service national téléphonique pour l’enfance en danger, le « 119 », en lien avec les policiers, les gendarmes, les magistrats et les associations habilitées, pour aider les enfants cabossés par la vie à construire leur avenir. Les résultats sont très positifs, même si des progrès restent à faire. De nombreux exemples nous montrent qu’il faut toujours garder confiance en nos jeunes et le leur faire savoir.

Il me paraît important de regarder en face une autre réalité : la dimension sexuée de la délinquance. Ainsi, 96 % des personnes incarcérées sont des hommes. Dans la très grande majorité des cas, ils le sont pour des faits commis à l’encontre de femmes ou d’enfants. Comment peut-on ignorer la relation entre cette situation objective et les fondements de notre société, qui accepte encore trop facilement la domination masculine et ne s’interroge pas sur cette toute-puissance ? Nous aurons fait de grands progrès dans notre fonctionnement social lorsque nous aurons accepté de regarder et d’analyser nos rapports sociaux de sexe.

Je tiens également à vous parler de méthode. En effet, celle qui nous est proposée est d’un autre âge ; elle est dépassée.

On le sait, mon département, la Loire-Atlantique, a été particulièrement éprouvé, ces dernières années, par des faits d’une extrême gravité. Je pense à Marina Lebeau, Nazairienne enceinte de sept mois, tuée par son conjoint, à Agnès Dupont de Ligonnès et à ses quatre enfants, tués méthodiquement, de lourds soupçons pesant sur le mari et père. Je pense évidemment aussi à Laetitia, tuée sauvagement, et à sa sœur Jessica, violée par le père de sa famille d’accueil.

Si je rappelle ces drames, c’est parce qu’ils ont déclenché la mobilisation de l’ensemble des professionnels de la justice de Nantes, laquelle a suscité une émotion nationale inédite. Ces professionnels, que j’ai rencontrés à plusieurs reprises, nous ont dit qu’ils restaient fortement motivés par leur mission auprès des jeunes en difficulté et des jeunes délinquants. Ils demandent qu’on leur donne les moyens d’exercer leur mission conformément à la loi et ils souhaitent être associés à la construction des réponses pénales. Les avocats réunis à la fin de la semaine dernière à Nantes pour leur convention nationale n’ont pas demandé autre chose.

Votre méthode consistant à imposer des réponses toutes faites n’a donc aucune chance de succès. Il faut au contraire écouter les professionnels de la justice pour construire ensemble des solutions pertinentes. Il nous faut aussi associer les familles et les jeunes eux-mêmes à la recherche de réponses, car ni les familles ni les jeunes ne se satisfont de l’échec social.

Mais rien ne se fera sans moyens, car l’éducation est un investissement pour l’avenir. C’est sur ce point, principalement, que notre position diverge de celle du Gouvernement, qui ne mise, quant à lui, que sur des solutions de court terme, excessives et dures pour les plus faibles. Les désengagements financiers successifs de l’État obèrent les démarches d’accompagnement éducatif et de prévention en faveur des mineurs et des jeunes majeurs rencontrant des difficultés.

La liste de ces désengagements est trop longue pour que je puisse être exhaustive. Je me bornerai donc à évoquer ici la diminution des moyens accordés aux services de la protection judiciaire de la jeunesse, qui a entraîné, au fil des années, des reports de charges vers les départements, dont les budgets sont déjà contraints.

Je ne nie pas la nécessité d’inventer de nouvelles réponses à la délinquance de certains jeunes, mais la présente proposition de loi est si lourde d’ambiguïtés et de sous-entendus, elle vise des effectifs si insignifiants, que je ne peux qu’avoir des craintes quant aux intentions réelles qui la sous-tendent. Or, avec les jeunes, monsieur le ministre, il faut avoir un discours particulièrement clair.

L’inscription de quelques jeunes délinquants dans un dispositif coercitif à forte teinture militaire risque de venir s’ajouter au catalogue des mesures coûteuses et inefficaces, voire contre-productives, déjà mises en œuvre. Je propose donc de réorienter les crédits prévus vers les services de la protection judiciaire de la jeunesse, qui en ont grand besoin.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Madame le rapporteur, je ne vous ai pas interrompue tout à l’heure ; je vous saurais gré d’essayer d’en faire autant !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

M. Alain Gournac. C’est terrible ! Il faut qu’elle apprenne !

Protestations sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

En vous écoutant, madame le rapporteur, j’ai constaté que, dans le texte qui nous occupe, rien, pas un mot, pas la moindre disposition, ne trouve grâce à vos yeux ! Vous seule détenez la vérité, et les autres sont dans les ténèbres…

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Pour ma part, tout au long de ma vie politique, j’ai toujours pensé que mon interlocuteur pouvait détenir une part de la vérité. Mais vous, vous êtes enfermée dans votre sphère, et tous les autres sont dans l’erreur ! Jamais je n’aurais pensé qu’il existait une telle distance entre l’Ille-et-Vilaine et Valençay, le point d’ancrage étant Issoudun…

Ce rappel de temps passés me semble hors de propos. Notre pays a besoin que la majorité et la minorité débattent. Or vous refusez la discussion : je le regrette profondément, car peut-être aurions-nous pu trouver des points d’accord…

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Madame Borvo Cohen-Seat, dire « non » est consubstantiel à votre marxisme, qui réapparait de temps en temps !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mais qu’est-ce qu’il vous arrive, monsieur le ministre ?

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Libre à vous de refuser la discussion, mais telle n’est pas notre conception du travail législatif. Nous considérons pour notre part que nous n’avons pas forcément raison en tout et que débattre aurait pu permettre d’améliorer le texte.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

J’ai le droit de m’exprimer et je continuerai à le faire !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je déplore donc vivement votre refus du débat, lequel ne se résume pas à la juxtaposition de dix-sept discours. Débattre, c’est s’écouter les uns les autres, afin d’essayer d’aboutir à des avancées en prenant en compte les idées de chacun.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

En ce qui concerne l’article 6, monsieur Michel, il n’est tout de même pas qu’un mensonge, reconnaissez-le !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Vous ne pouvez d’ailleurs pas tout savoir sur le mensonge, sauf à en être un véritable spécialiste !

Sourires sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste-ELLV.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je ferai observer à Mme Tasca, pour qui j’ai beaucoup d’estime, que l’article 6 vise à mettre en œuvre deux décisions du Conseil constitutionnel.

La première d’entre elles résulte d’une question prioritaire de constitutionnalité, qui a conduit le Conseil constitutionnel à mener un travail extrêmement intéressant.

Dans sa décision du 8 juillet 2011, le Conseil constitutionnel a fixé, une fois pour toutes, le contenu constitutionnel du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Cet apport important devrait retenir certains d’invoquer l’ordonnance de 1945 à tout propos. D’ailleurs, pourquoi refusez-vous toujours de mentionner ce grand texte pour la justice des mineurs qu’est la loi du 12 avril 1906 ? Qui était au gouvernement à l’époque ? Clemenceau ! Évoquer sa mémoire et son rôle vous rappellerait pourtant votre ancrage radical, madame Escoffier !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Justement, le Conseil national de la Résistance représente la fin d’une époque et le début d’une nouvelle République !

Voici maintenant ce que dit le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée :

« Considérant que l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du vingtième siècle ; que ces principes trouvent notamment leur expression dans la loi du 12 avril 1906 sur la majorité pénale des mineurs, la loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et l’ordonnance du 2 février 1945 sur l’enfance délinquante ; que, toutefois, la législation républicaine antérieure à l’entrée en vigueur de la Constitution de 1946 ne consacre pas de règle selon laquelle les mesures contraignantes ou les sanctions devraient toujours être évitées au profit de mesures purement éducatives ; qu’en particulier, les dispositions originelles de l’ordonnance du 2 février 1945 n’écartaient pas la responsabilité pénale des mineurs et n’excluaient pas, en cas de nécessité, que fussent prononcées à leur égard des mesures telles que le placement, la surveillance, la retenue ou, pour les mineurs de plus de treize ans, la détention ; que telle est la portée du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs. »

Je rappelle également au Sénat que l’article 62 de la Constitution dispose que les décisions du Conseil constitutionnel s’imposent à tous. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a veillé à ce que soit inscrit dans le présent texte le dispositif de l’article 6. Certes, nous avons jusqu’au 1er janvier 2013 pour mettre en œuvre ces mesures demandées par le Conseil constitutionnel, mais je signale que le Parlement ne siégera pas du 20 février prochain jusqu’au mois de juin. Il est probable qu’une session extraordinaire se tiendra ensuite…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Et il y aura une autre majorité à l’Assemblée nationale !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Il y aura une majorité, celle que les Français auront choisie. Si vous persistez à vous considérer comme les seuls détenteurs de la vérité, je ne doute pas qu’ils voteront plutôt pour ceux qui pensent que l’on peut échanger et débattre sans rejeter a priori les idées des autres, comme vous le faites aujourd’hui !

Étant donné que la fin de l’année sera consacrée à la discussion budgétaire, il ne sera pas possible de voter les dispositions reprenant les décisions du Conseil constitutionnel avant décembre 2012 pour qu’elles puissent entrer en vigueur au 1er janvier 2013. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi de les présenter par le biais de cette proposition de loi.

En ce qui concerne la seconde partie de l’article 6, le procureur, à tout moment de l’instruction, si les investigations sur la personnalité sont suffisantes et si des investigations sur les faits ne sont plus nécessaires, peut requérir du juge des enfants qu’il ordonne la comparution du mineur dans un délai compris entre un et trois mois. L’amendement qui a été voté par l’Assemblée nationale prévoit que ce délai sera compris entre dix jours et un mois lorsque le mineur, récidiviste et âgé de plus de seize ans, doit comparaître devant le tribunal correctionnel des mineurs. En effet, s’il est récidiviste, une enquête de personnalité a déjà été conduite.

Le texte voté par l’Assemblée nationale donne au juge des enfants trois possibilités : premièrement, faire droit à la demande du procureur ; deuxièmement, rejeter cette demande en application de l’article 82 du code de procédure pénale, auquel l’article 8-2 de l’ordonnance de 1945 renvoie ; troisièmement, ne rien faire, ce qui sera le cas de loin le plus fréquent.

Telle est la teneur de l’amendement adopté par l’Assemblée nationale et de l’article 6. Je crois que cela méritait d’être rappelé, car les orateurs de la majorité sénatoriale ont donné du dispositif une description qui ne correspond pas du tout à la réalité.

Sur le fond, honnêtement, de quoi s’agit-il ? Il s’agit simplement d’ouvrir une possibilité nouvelle au juge des enfants pour répondre à la situation particulière de certains mineurs primo-délinquants. Ces derniers pourront passer un contrat de service avec l’EPIDE.

J’ai entendu dire que les centres relevant de l’EPIDE ne s’adressent pas du tout au même public que celui qui est visé par le texte.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Il ne faut tout de même pas se moquer du monde !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je lis, à la page 17 du rapport de Mme Klès – pour ma part, j’essaie de diversifier au maximum les sources qui alimentent ma réflexion – que « si, en principe, ces jeunes » – ceux qui relèvent actuellement de l’EPIDE – « doivent jouir de leurs droits civiques et ne pas avoir de mentions portées au bulletin n° 2 du casier judiciaire jugées incompatibles avec cette démarche, 30 % d'entre eux ont néanmoins été déjà jugés, 15 % sont sous suivi judiciaire ». Il s’agit donc du même public !

Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Essayer de faire prendre des vessies pour des lanternes n’a jamais fait avancer les choses !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

De jeunes mineurs primo-délinquants pourront signer, si telle est leur volonté, un contrat avec l’EPIDE. S’ils ne le veulent pas, ils seront placés dans un foyer : ils n’iront pas en prison, comme l’a prétendu M. Néri !

Je rappelle que ce gouvernement est le seul à avoir fait baisser le nombre de mineurs incarcérés, grâce à la création des centres éducatifs fermés.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Il faut rappeler la vérité !

Mettre des mineurs en prison n’est un titre de gloire pour aucun gouvernement. Ce n’est donc nullement ce que je recherche, mon objectif est au contraire de faire diminuer le nombre de mineurs incarcérés. Pour ce faire, il faut offrir d’autres possibilités, comme nous le faisons au travers du présent texte : 200 places dans les centres relevant de l’EPIDE seront ouvertes. Les magistrats pourront choisir de recourir ou non à cette autre mesure de placement, les jeunes pourront accepter ou non de signer un contrat avec l’EPIDE. Cela nous semble être une bonne solution, car les jeunes bénéficieront, dans ces structures, d’un encadrement assuré par d’anciens militaires, des éducateurs et, surtout, des représentants du monde industriel, économique et artisanal, qui leur donneront une préformation professionnelle.

Je ne vois pas, honnêtement, ce que l’on peut reprocher à ce système. C’est d’ailleurs bien parce que vous n’avez rien à lui reprocher que vous avez décidé de ne pas en débattre, ce que je regrette profondément !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées de l ’ UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire tout d’abord que j’ai été un peu surpris de vous voir présenter ce débat, que j’ai trouvé pour ma part très riche et très argumenté, …

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

C’était tout sauf un débat !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … de manière aussi manichéenne ! Cela vous a même conduit à recourir à des métonymies quelque peu douteuses. En effet, tous les habitants d’Issoudun ne seront pas marqués pour l’éternité par la parole de l’un d’entre eux, de même que les habitants de Grenoble ne seront pas voués aux gémonies à cause de certain discours tenu dans leur ville…

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

En outre, monsieur le ministre, votre rhétorique relative au dépôt d’une motion tendant à opposer la question préalable me paraît quelque peu sujette à caution : je tiens à votre disposition une liste impressionnante de textes dont la précédente majorité sénatoriale a, dans le passé, écourté la discussion par le biais de l’adoption d’une telle motion, en dépit de nos invitations à les améliorer par le débat ! Le dépôt d’une motion tendant à opposer la question préalable fait partie des outils prévus par le règlement du Sénat : il est donc parfaitement légitime d’en user !

Cela étant dit, je voudrais maintenant, monsieur le ministre, vous poser une question précise d’ordre financier, car vous n’avez pas répondu aux orateurs qui vous ont interrogé sur ce point.

L’EPIDE disposait de 99, 987 millions d’euros de crédits en 2010, et de 82, 430 millions d’euros en 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Dans le projet de budget pour 2012, ainsi que le mentionne le rapport de Mme Klès, il est prévu que les crédits des deux principales sources de financement des centres relevant de l’EPIDE – le programme n° 102 « Accès et retour à l’emploi » et le programme n° 147 « Politique de la ville et Grand Paris » – diminueront de 13 % et de 12 % respectivement.

Ma question sera donc très simple : comment pouvez-vous imaginer sérieusement confier de nouvelles tâches aux centres relevant de l’EPIDE alors que leurs crédits diminuent aussi fortement ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. J’aime beaucoup les Grenoblois, et les Orléanais plus encore, monsieur le président de la commission des lois !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

On ne saurait les voir à travers la seule histoire de Jeanne d’Arc, j’en ai bien conscience !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Tout à fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Si vous voulez parler entre vous, nous pouvons vous laisser seuls !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Me permettez-vous de répondre à M. le président de la commission des lois, madame Assassi ? Si vous ne voulez pas que je m’exprime, je peux très bien m’arrêter !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Mes chers collègues, seul M. le garde des sceaux a la parole !

Veuillez poursuivre, monsieur le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Pour répondre à votre question, monsieur le président de la commission des lois, il s’agit en l’occurrence non pas de financer l’EPIDE dans son ensemble, mais simplement les 200 places que nous proposons aujourd'hui de créer.

Aux termes de l’arbitrage rendu par M. le Premier ministre, les 8 millions d’euros nécessaires seront pris en charge à égalité par quatre ministères, dont celui de la justice. Plusieurs orateurs l’ont d’ailleurs rappelé, ce qui m’a conduit à ne pas y revenir dans ma réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Mais cela ne remettra pas l’EPIDE au niveau, monsieur le garde des sceaux !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je vous parle non pas de l’EPIDE, monsieur le président de la commission des lois, mais des 200 places dont la création fait l’objet de la proposition de loi.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Pourriez-vous me laisser achever mon propos, madame le rapporteur ? N’étant qu’un pauvre provincial, je ne suis pas capable de faire deux réponses à la fois ! C’est ainsi, il faut vous y faire !

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Je voulais juste compléter la question qui vous est posée, monsieur le garde des sceaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Quel rapport avec le fait d’être provincial ?

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Permettez que je réponde à M. le président de la commission des lois !

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Mme Virginie Klès, rapporteur. Justement ! Quand M. le président de la commission vous interrompt pour vous interroger, vous l’écoutez, mais quand je vous pose une question, vous vous fâchez !

Protestations sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

C’est le président qui donne la parole ! C’est incroyable !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Madame le rapporteur, je ne vous ai pas donné la parole.

Veuillez poursuivre, monsieur le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je suis éternellement à la disposition du Sénat, …

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

… mais j’essaie d’abord de répondre à la question que M. le président de la commission des lois m’a posée.

Contrairement à ce qu’ont prétendu plusieurs orateurs, en 2012, le budget de la justice augmentera de 4 %, et celui de la PJJ de 1, 98 %. Il n’y a donc pas de baisse des crédits.

Quant au financement des 200 places dont la création est l’objet de la présente proposition de loi, il sera assuré par la mobilisation de 8 millions d’euros, les ministères de la justice, des solidarités et de la cohésion sociale, du travail, de l’emploi et de la santé et de la défense contribuant chacun à hauteur de 2 millions d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Une enveloppe de 8 millions d’euros sera donc mobilisée, mais, dès lors que les crédits ont baissé de 10 millions d’euros entre 2010 et 2011 et qu’ils diminueront sans doute d’autant, au minimum, entre 2011 et 2012, il y a un déficit de 12 millions d’euros. Je pense que chacun peut comprendre cela !

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Je voudrais essayer d’expliquer de nouveau à M. le garde des sceaux, en espérant qu’il ne se fâchera pas, que je souhaitais simplement compléter la question posée par M. le président de la commission des lois.

Monsieur le garde des sceaux, ces 8 millions d’euros, qui pour l’heure n’existent que sur un « bleu » de Matignon mais ne sont pas encore inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012, sont destinés à financer les missions supplémentaires confiées à l’EPIDE.

Cependant, le budget global de l’EPIDE, qui connaît une forte diminution, contribuera également au financement des 166 places supplémentaires destinées à des mineurs délinquants. En réalité, le coût de vos mesures dépassera largement 8 millions d’euros, ce montant ne prenant pas en compte la mutualisation des moyens actuels. Je voudrais donc que vous nous précisiez ce que représente cette mutualisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je suis saisi, par Mme Klès, au nom de la commission, d'une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants (26, 2011-2012).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme le rapporteur, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Il me semble que le Gouvernement a lui-même scié la branche sur laquelle il est assis en recourant à la procédure accélérée.

Le présent texte nous a été transmis par l’Assemblée nationale le 12 octobre et nous l’avons examiné en commission le 19 octobre, pour en débattre en séance plénière dès ce 25 octobre. Comment aurions-nous pu étudier de manière suffisamment approfondie ce texte et élaborer des propositions concertées dans ces conditions ?

De surcroît, nous n’avons aucune réelle garantie quant à la mobilisation des moyens humains et financiers nécessaires à la mise en œuvre du dispositif.

Dès lors, nous estimons être en présence d’un texte « médiaticophile », si l’on me permet ce néologisme. Les effets de manches auxquels nous avons pu assister tout au long de l’après-midi ne font que me renforcer dans cette conviction.

La proposition de loi était amendable, nous dit-on. C’est faux : elle ne l’était pas dans des délais aussi courts ! Dans le cas contraire, que n’avez-vous déposé des amendements, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité gouvernementale ? Pourquoi ne sommes-nous pas en train de nous féliciter des effets de la politique que vous avez menée et de l’inflation législative que nous constatons depuis des années ?

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Non, le texte n’était pas amendable. Cela a été dit, y compris sur vos propres travées : il fallait le récrire en totalité. Or, dans un délai aussi bref, c’était tout à fait impossible. D’ailleurs, il est parfois plus facile de repartir d’une page blanche.

C’est pourquoi je propose au Sénat d’adopter cette motion tendant à opposer la question préalable, fruit d’une initiative conjointe de la commission et de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente du groupe CRC.

La majorité de la commission des lois considère qu’en introduisant la possibilité d’inciter fortement un mineur délinquant – j’insiste sur le fait qu’il s’agit d’obtenir l’accord d’une personne mineure, et non l’expression de la volonté d’insertion d’un majeur – à rejoindre un centre relevant de l’EPIDE en échange d’un abandon des poursuites, d’un ajournement de peine ou d’un sursis, la présente proposition de loi risque de déstabiliser ce dispositif d’insertion, dont la réussite repose sur le volontariat, de dénaturer ses objectifs et de brouiller son image à l’égard tant de ses partenaires, c'est-à-dire les élus, les citoyens ou les entreprises, que des jeunes volontaires et de leurs familles.

Par ailleurs, les moyens alloués à l’EPIDE pour la réalisation de ses missions actuelles n’étant déjà à la hauteur ni des objectifs affichés ni des objectifs souhaitables, il n’est pas raisonnable de lui confier des missions supplémentaires sans avoir préalablement garanti les ressources nécessaires.

Au demeurant, il serait sans doute souhaitable d’accorder un budget d’investissement à l’EPIDE, afin de lui permettre d’entretenir son patrimoine immobilier, qui est aujourd'hui disparate et plus ou moins adapté à ses missions, car parfois constitué de biens mis à disposition par des collectivités territoriales, dont certaines y ont vu l’occasion de faire réhabiliter des locaux désaffectés. Il en résulte que certains centres sont mal situés et que le maillage territorial est incomplet.

En outre, dans le contexte actuel de diminution des dépenses publiques, nous estimons qu’il y a lieu d’évaluer précisément l’incidence budgétaire de toute modification de la législation, afin notamment de s’assurer que la mise en œuvre de celle-ci ne s’effectuera pas au détriment d’autres modes de prise en charge plus adaptés.

La majorité de la commission des lois considère également que l’adaptation de l’organisation des juridictions pour mineurs aux exigences posées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-147 du 8 juillet 2011 ne peut se faire sans concertation préalable avec les magistrats et les professionnels concernés et que le délai fixé par le Conseil constitutionnel est suffisant pour mener à bien une telle concertation.

Il nous paraît donc totalement inacceptable de modifier l’ordonnance de 1945 par le biais d’un cavalier législatif, sans qu’ait été accompli un réel travail de fond, aboutissant à l’élaboration d’un code de la justice pénale des mineurs.

Enfin, les dispositions relatives aux modes de saisine du tribunal correctionnel pour mineurs sont totalement dépourvues de lien avec le texte en discussion.

Pour l’ensemble de ces raisons, la majorité de la commission des lois invite le Sénat à adopter la présente motion tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants, adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture.

Nous estimons nous être exprimés largement sur le fond et n’avoir pas refusé le débat, contrairement à ce qui nous a été reproché. Nous récrirons entièrement ce texte !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. François Pillet, contre la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous pouvons au moins nous accorder sur un constat : jamais la discussion n’aura été à ce point « générale »…

Cela est tout à fait dommage à mon sens, car, faute d’être entrés dans le détail de la proposition de loi, nous n’aurons pu faire pleinement la lumière sur sa teneur et son opportunité.

Je prendrai l’exemple du sursis avec mise à l’épreuve : un juge prononce une sanction, à l’exécution de laquelle il est sursis sous réserve de la réussite d’une épreuve. Cela suppose nécessairement le consentement du mineur. Or, aujourd'hui, aucun consentement du mineur n’est sollicité, alors que des mesures dépourvues de tout caractère éducatif et extrêmement contraignantes – je pense notamment aux mesures de placement dans certains centres – peuvent être décidées.

Pourquoi attendre une modification plus globale de l’ordonnance de 1945 pour donner au juge une solution lui permettant de recueillir l’accord du mineur ? Cette attitude éclaire le faux débat qui s’est tenu sur la portée du consentement de l’enfant !

Par ailleurs, vous regrettez le recours à la procédure accélérée, mais vous en précipitez l’issue, en écartant tout débat sur le fond du texte : le Sénat refuse de légiférer !

Personnellement, je pense que l’adoption de cette motion nous conduira à un double et grave échec. Nous fuyons nos responsabilités et nous abdiquons notre pouvoir, puisque c’est maintenant l’Assemblée nationale qui décidera seule.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées de l’UCR.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Le Gouvernement est défavorable à l’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je suis évidemment très déçu que le Sénat soit privé d’un débat constructif sur cette proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants.

Je suis surtout déçu que le dépôt de cette motion, révélateur d’une attitude politicienneà propos d’un texte que la Haute Assemblée ne pourra pas amender, vienne contredire les récentes déclarations du président Bel.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

M. Bel déclarait souhaiter que le Sénat continue à être « utile ».

Exclamations sur les travées du groupe socialiste -EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Ce que nous faisons aujourd'hui est parfaitement utile !

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Or quelle est notre utilité cet après-midi ? Quelle sera la plus-value apportée par le Sénat sur ce texte si nous nous privons de la possibilité de l’amender et de l’examiner dans le détail ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

M. le président Bel souhaitait que le Sénat « soit conforté dans ses prérogatives tant législatives que de contrôle ». Repousser une proposition de loi sans même chercher à l’améliorer ne constitue pas, selon moi, un renforcement des prérogatives législatives de la Haute Assemblée…

Nous constatons depuis maintenant plusieurs jours une forme de double discours. D’un côté, le président du Sénat affirme ne pas vouloir pratiquer l’obstruction et entendre renforcer le rôle du Sénat.

Protestations sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Ce constat est alarmant, et M. Ciotti n’a rien à y voir !

Les sénateurs du groupe de l’Union centriste et républicaine refusent que le Sénat ne puisse plus jouer le rôle qui est le sien dans la navette parlementaire.

L’exemple de l’examen du texte qui nous est soumis aujourd’hui est symbolique. Le rejet de cette proposition de loi par le Sénat laisse bien évidemment présager un échec de la commission mixte paritaire à venir.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Le texte reviendra donc une dernière fois devant le Sénat, mais notre pouvoir, à ce stade de la navette, sera, nous le savons, très limité. Est-ce la politique du pire que vous souhaitez pratiquer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Vous l’avez tellement pratiquée, monsieur Zocchetto !

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

M. François Zocchetto. En définitive, les députés adopteront un texte qu’ils auront été seuls à rédiger – je rappelle en effet qu’il émane non pas du Gouvernement, mais de l’Assemblée nationale – et à amender. Ce n’est pas là l’idée que nous nous faisons d’un parlement bicaméral. En adoptant cette motion tendant à opposer la question préalable, vous inaugurerez le Parlement monocaméral !

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UCR et de l ’ UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste -EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

M. François Zocchetto. Nous refusons, pour notre part, cette nouvelle pratique parlementaire, et nous voterons contre la motion.

Applaudissements sur les travées de l ’ UCR et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Le vote de notre groupe va de soi, puisque nous avions déposé une motion tendant à opposer la question préalable en commission.

Monsieur Zocchetto, votre envolée rhétorique est malvenue. Dois-je rappeler certains comportements passés de votre groupe, quand il votait sans états d’âme, parfois en échange d’un plat de lentilles, des textes qu’il avait critiqués ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste -EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Une motion tendant à opposer la question préalable est un outil de procédure parlementaire, et y recourir n’est pas une manifestation de marxisme, monsieur le ministre ! Cela n’a rien à voir ! Voter une telle motion nous offre simplement la possibilité de dire « non », ce qu’il faut quelquefois savoir faire.

En l’occurrence, nous disons « non » à une énième loi d’affichage sécuritaire du Gouvernement, introduite par l’intermédiaire d’un député tout dévoué, M. Ciotti !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste -EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Oui, la jeunesse en danger est un sujet qui mérite réflexion. Mais cette réflexion doit porter sur votre action depuis dix ans et sur les résultats de celle-ci, qui sont mauvais.

Pourquoi un dispositif semblable à celui qui nous est proposé, les « Jeunes en équipes de travail », qui permettait de placer de jeunes délinquants sous encadrement militaire, mesure que nous n’avons pas particulièrement critiquée aujourd’hui, a-t-il été abandonné en 2004 ? Parce que le ministère de la défense avait constaté, à l’époque, qu’il ne disposait pas des moyens d’assurer une telle mission. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la commission de la défense de l’Assemblée nationale, où vous êtes pourtant majoritaires, a voté contre le texte de M. Ciotti.

Je vous ferai observer que l’ordonnance de 1945 permet déjà le placement de mineurs délinquants dans des établissements habilités à cette fin. Si votre objectif avait été d’habiliter les centres relevant de l’EPIDE à accueillir un tel public, vous auriez procédé à une concertation avec les militaires, les magistrats, les éducateurs, sans qu’il soit besoin que M. Ciotti dépose une proposition de loi de pur affichage !

Voilà ce qui nous a amenés à dire « non » ! Il faut savoir dire « non » à une nouvelle modification de l’ordonnance de 1945. Certes, il est nécessaire aujourd’hui de remettre à plat ce texte, qui a connu de nombreuses modifications. Mais, de budget en budget, les crédits consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse augmentent moins vite que l’inflation : comment pourra-t-on, dans ces conditions, mobiliser des moyens en faveur de la prévention de la délinquance ? C’est là aussi que le bât blesse !

Je souligne en passant que, contrairement à ce que vous affirmez, la délinquance des mineurs a moins augmenté que la délinquance générale. La violence progresse, c’est vrai, mais dans l’ensemble de la société, chez les majeurs comme chez les mineurs.

Interrogez-vous sur le bien-fondé de votre politique consistant à accroître sans cesse les moyens consacrés aux mesures d’enfermement, au détriment de la prévention. Rappelez-vous ces mots de Victor Hugo, qui siégeait à la place que j’occupe actuellement : « ouvrez des écoles, vous fermerez des prisons » !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste -EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est un peu facile et caricatural de nous accuser d’amoindrir le rôle du Sénat en déposant une motion tendant à opposer la question préalable.

De tels procès d’intention sont malvenus, surtout de la part de ceux qui ont usé et abusé, par exemple, de la procédure accélérée et du vote conforme ! §

En effet, un vote conforme a souvent été imposé au Sénat, par exemple sur le texte relatif au travail le dimanche ou sur le collectif budgétaire du 8 septembre dernier. En ces circonstances, vous ne vous êtes pas inquiétés d’un amoindrissement du rôle du Sénat ! Vous étiez simplement déterminés à faire passer un texte.

Soyons donc objectifs : la question préalable, comme le vote conforme, est une arme législative dont il faut savoir user sans en abuser !

Il est des textes de principe qui peuvent justifier des oppositions de principe. En l’espèce, la majorité de notre groupe a exprimé son opposition à l’accumulation de textes sécuritaires dont la motivation fondamentale est d’obtenir un affichage médiatique. Telle est la réalité.

Monsieur le ministre, cette proposition de loi que vous défendez ardemment, du moins dans la forme, est en fait manifestement d’inspiration gouvernementale : c’est aussi une facilité de procédure, pour le Gouvernement, que de faire déposer une proposition de loi plutôt que de présenter un projet de loi.

Tout cela nous amène à vous dire que trop, c’est trop ! C’est aussi le message que vous ont récemment adressé nombre de grands électeurs. Il faut en revenir à davantage de mesure. Le groupe du RDSE votera majoritairement en faveur de l’adoption de cette motion. §

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce n’est pas de gaîté de cœur que nous voterons cette motion tendant à opposer la question préalable.

D’ailleurs, dans le passé, n’avons-nous pas montré que nous savions discuter avec nos collègues de droite afin d’améliorer ensemble certains textes, y compris en commission mixte paritaire, où nous avons réussi à faire prévaloir la position du Sénat sur celle de l’Assemblée nationale, s’agissant par exemple de la loi pénitentiaire ?

Par conséquent, monsieur Zocchetto, ne vous laissez donc pas aller à de telles envolées lyriques ! Cela ne vous ressemble pas ; vous vous tenez d’habitude plus près des réalités !

M. François Zocchetto sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Il y a des textes que nous jugeons amendables, comme on a pu le voir la semaine dernière encore à propos de l’allégement des contentieux, et d’autres dont nous pensons qu’ils ne le sont pas. La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui fait partie de ces derniers.

En effet, comme l’a dit à l’instant M. Mézard, il s’agit d’un texte strictement idéologique, de pure communication politique, et qui n’a pas véritablement de raison d’être puisque l’ordonnance de 1945 permettrait déjà aux juges des enfants, si vous le vouliez, par le biais de conventions, de placer des mineurs délinquants dans les centres relevant de l’EPIDE. La présente proposition de loi était donc superflue, mais il fallait laisser à M. Ciotti, qui a remis un rapport très intéressant au Président de la République, la possibilité de la déposer.

En défendant cette motion tendant à opposer la question préalable, nous manifestons notre volonté de ne pas amender un texte qui, selon nous, n’est pas amendable.

Quant au débat, monsieur Zocchetto, il a bien eu lieu, puisque de nombreux orateurs, de tous les groupes, se sont exprimés dans la discussion générale, de façon souvent très nuancée. L’opinion publique et l’Assemblée nationale seront donc informées de la position des groupes politiques du Sénat sur cette proposition de loi. L’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable manifestera que la majorité sénatoriale estime qu’il n’y a pas lieu d’amender le présent texte.

Vous avez affirmé, monsieur Zocchetto, qu’une telle attitude marquait l’avènement d’un parlement monocaméral. À qui la faute, sinon au Gouvernement ? En effet, s’il n’avait pas été recouru à la procédure accélérée pour ce texte, il nous serait revenu en deuxième lecture. Qu’aurions-nous fait alors ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Personne ne peut en préjuger ! Je me souviens très bien, monsieur Hyest, d’une proposition de loi à laquelle le Sénat avait opposé la question préalable avant de la discuter par la suite à l’occasion d’une nouvelle lecture, parce qu’elle n’avait pas fait l’objet de la procédure accélérée.

Si le Sénat n’aura plus la parole sur le texte qui nous occupe aujourd’hui, c’est donc bien parce que le Gouvernement la lui aura retirée en recourant à la procédure accélérée.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Voilà la réalité ! Ne faites pas porter à la majorité sénatoriale une responsabilité qui n’est pas la sienne. Vous le savez très bien, nous sommes contre le recours aux procédures accélérées.

La CMP interviendra tout de suite après les deux lectures. Bien sûr, elle échouera et nous n’aurons rien eu à dire. Peut-être aurions-nous adopté une autre position s’il y avait eu une deuxième lecture, mais vous ne nous en donnez pas l’occasion, monsieur le ministre ; je le regrette.

Nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Franchement, je suis surpris que l’on puisse refuser de discuter d’un sujet qui est pourtant fondamental, à savoir l’avenir des délinquants mineurs.

Il me semble important de proposer des mesures alternatives à l’incarcération des mineurs délinquants, car celle-ci débouche presque toujours un échec, le taux de récidive étant extrêmement important. Nous avons d’ailleurs beaucoup travaillé sur cette question, notamment lors de la création des établissements pour mineurs, destinée à empêcher que ceux-ci côtoient des majeurs délinquants, ou à propos des centres éducatifs renforcés.

Dans ces conditions, je suis absolument stupéfait de l’hypocrisie de certains

Protestations sur les travées du groupe socialiste -EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… qui dénonçaient hier, à propos de l’EPIDE, une militarisation scandaleuse de l’encadrement des jeunes délinquants, et plébiscitent aujourd’hui ce dispositif ! S’il est aussi merveilleux que cela, pourquoi ne pas permettre à de jeunes mineurs délinquants d’en bénéficier également ?

Monsieur le garde des sceaux, si nous étions allés jusqu’au bout de l’examen de ce texte, je pense que nous aurions pu l’améliorer. L’accueil d’un nouveau public dans les centres relevant de l’EPIDE doit tout de même être assorti d’un certain nombre de précautions. Je rappelle que ce sont toujours les magistrats qui sont responsables ; il y avait lieu de débattre de cette proposition de loi.

Nos collègues de gauche ont tenu des discours totalement contradictoires. C’est pour masquer leurs divergences et l’absence de toute proposition nouvelle de leur part qu’ils voteront une motion tendant à opposer la question préalable ; c’est tellement plus facile !

Protestations sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Pour notre part, nous rejetons ces tactiques politiciennes et pensons que le sujet méritait mieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il méritait mieux que la proposition de loi Ciotti !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest. Le Sénat se prive d’un vrai débat, alors qu’il a toujours travaillé dans un esprit de consensus en cette matière. Je déplore que la gauche ait choisi de déposer une motion de procédure plutôt que des amendements !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Rires sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Voici le résultat du scrutin n° 9 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, la proposition de loi est rejetée.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L’ordre du jour appelle la désignation de six membres supplémentaires de la mission commune d’information sur les conséquences pour les collectivités territoriales, l’État et les entreprises de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale.

Je rappelle que la liste des candidats présentés par les groupes a été affichée à seize heures.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame MM. Pierre Camani, Michel Delebarre, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Christian Favier, Dominique de Legge et Mme Patricia Schillinger membres de cette mission commune d’information.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente, pour l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.