Intervention de François Pillet

Réunion du 25 octobre 2011 à 14h30
Service citoyen pour les mineurs délinquants — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi

Photo de François PilletFrançois Pillet :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame le rapporteur, mes chers collègues, la lutte contre la délinquance juvénile doit susciter de la part de tous les élus, en particulier des parlementaires que nous sommes, un intérêt et une attention à la hauteur du questionnement et de l’inquiétude de nos concitoyens.

Madame le rapporteur, vous avez récemment déclaré que « la délinquance ne doit pas coller à la peau toute une vie ». À ce propos bien pensant, politiquement correct, tout responsable politique ne peut qu’adhérer.

Ils sont des nôtres, ils constituent une composante de notre société, ces enfants et ces adolescents en danger, pris dans la spirale infernale de la délinquance. Pourquoi aurions-nous peur de prendre en considération la souffrance de ces jeunes et de leur famille et de proposer aux Français des solutions alternatives à l’enfermement en prison de mineurs tout juste sortis de l’enfance ?

On ne peut pas toujours être les spectateurs assis, passifs, certes philosophant, mais au risque, hélas, d’être trop souvent verbeux !

Face à une évolution constante de la délinquance des mineurs, sous l’impulsion du Président de la République et du Gouvernement a été menée une action déterminée sur le plan tant de la prévention que de la réponse judiciaire. Nous tenons d’ailleurs à saluer la démarche de M. le garde des sceaux, qui a conduit avec une grande détermination des chantiers importants pour apporter des améliorations aux initiatives prises sur le plan judiciaire.

Cependant, en dépit de cette démarche conduite depuis 2002 pour améliorer les dispositifs de prévention de la délinquance et les réponses judiciaires données aux infractions commises par les mineurs, les solutions apportées paraissent encore trop peu variées.

Les délais de mise à exécution des décisions des juridictions pénales sont anormalement longs, au point de faire perdre à la sanction toute vertu pédagogique. En outre, il existe, aujourd’hui encore, un écart trop grand entre, d’une part, des structures au fonctionnement peu contraignant – les internats scolaires, les foyers – et, d’autre part, les structures privatives ou restrictives de liberté, comme les centres éducatifs fermés, les quartiers pour mineurs ou les établissements pénitentiaires pour mineurs.

Au mois de juillet dernier, j’ai cosigné avec mon collègue Jean-Claude Peyronnet un rapport d’information qui a été publié sous le titre Enfermer et éduquer : quel bilan pour les centres éducatifs fermés et les établissements pénitentiaires pour mineurs ?. Nous avons, à cette occasion, émis certaines conclusions et formulé des propositions.

Je souscris pleinement à ce que la commission d’enquête menée en 2002 par notre Haute Assemblée avait conclu : l’enfermement des mineurs doit être repensé, afin de revêtir une véritable dimension éducative et de s’inscrire dans un parcours dynamique vers la réinsertion.

Dès lors, toute proposition de loi respectant ces objectifs doit retenir notre attention et susciter un travail approfondi, surtout lorsque des idées nouvelles, mais semblables, sont portées par des personnes appartenant à des courants de pensée différents, par exemple par M. Ciotti et Mme Royal.

Une telle situation ne peut que renforcer le besoin, voire l’urgence de réfléchir et de légiférer. Notre devoir se situe à ce niveau, ce qui devrait exclure définitivement toutes postures politiciennes abortives. Notre devoir est de nous attacher exclusivement à l’étude du texte qui nous est soumis et d’en analyser objectivement son opportunité et sa portée.

Ce faisant, que constatons-nous ?

Premièrement, la présente proposition de loi prévoit un élargissement des mesures d’ores et déjà à la disposition des magistrats qui devront bien évidemment proposer la mesure visée en prenant en compte la personnalité du mineur.

Deuxièmement, elle a pour objet, non pas d’instaurer une nouvelle sanction, mais d’ouvrir de nouvelles mesures d’éducation et d’insertion.

Troisièmement, les hypothèses dans lesquelles le juge peut envisager cette solution se limitent à trois : la composition pénale, l’ajournement de la peine, le sursis avec mise à l’épreuve.

Quatrièmement, et c’est un point essentiel, le juge ne pourra mettre en œuvre cette mesure qu’avec l’accord du mineur et de ses représentants légaux.

Cinquièmement, l’assistance de l’avocat aux côtés du mineur est obligatoire.

Sixièmement, la Protection judiciaire de la jeunesse intervient pleinement dans le contenu du projet.

Septièmement, enfin, le contrat de service en établissement public d’insertion de la défense ouvre droit à un pécule remis au terme du contrat.

La lecture et l’analyse purement technique de la présente proposition de loi effaçant et contredisant l’image souvent caricaturale dont on affuble ce texte, certains se réfugient derrière l’argument selon lequel l’utilisation des centres EPIDE dans ce nouveau dispositif pourrait nuire au succès qu’ils enregistrent.

Certes, nous devons veiller à ne pas introduire de toxicité dans le fonctionnement des centres EPIDE. Mais pourquoi craindre qu’un fonctionnement qui repose sur le volontariat ne soit affecté par la venue dans l’établissement de mineurs consentants au passé pas plus chargé que celui de ceux qu’ils y rencontreront ?

C’est précisément sans doute à ce stade de notre réflexion que nous ne devons pas refuser de modifier, d’amender, de réécrire la proposition de loi que nous examinons, et que nous devons proposer de confier aux centres EPIDE de plus larges prérogatives dans l’élaboration du projet et dans la décision d’accueillir le mineur concerné.

Les mots excessifs, voire trop indignés pour être crédibles, dissimulent mal des desseins dénués de l’humanisme que nos concitoyens veulent encore espérer.

La création du service citoyen pour les mineurs délinquants ne sera pas la solution miracle : une telle solution n’existe pas ! C’est une option supplémentaire, un nouvel outil bénéficiant du bilan positif des centres EPIDE, pour que ces mineurs prennent conscience de l’avenir qu’ils ont à construire et de leur capacité, et pour qu’ils trouvent une issue sociale et professionnelle grâce à un accompagnement encadré, assorti d’une formation qui leur inculquera des valeurs souvent ignorées, telles que le respect de l’autre, les règles de vie en communauté, l’effort, la citoyenneté et, par-dessus tout, l’estime de soi.

Notre groupe soutient l’idée innovante de ce texte.

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