Intervention de Nicolas Alfonsi

Réunion du 25 octobre 2011 à 14h30
Service citoyen pour les mineurs délinquants — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi

Photo de Nicolas AlfonsiNicolas Alfonsi :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, si, en ma qualité de rapporteur pour avis de la commission des lois pour le programme « Protection judiciaire de la jeunesse », j’estime être astreint à une certaine retenue, cette dernière ne saurait m’interdire de vous livrer quelques réflexions sur la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.

Celle-ci vise à « élargir la palette » de solutions offertes aux juridictions pour mineurs, en leur permettant de placer un mineur délinquant dans un centre relevant de l’EPIDE. Toutefois, pour le dire clairement, cette proposition repose sur deux contrevérités – certains pourraient parler de mensonges, mais je m’en tiens à cette expression – et introduit une confusion majeure.

Première contrevérité : la délinquance des mineurs « exploserait », malgré la dizaine de réformes de l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante qui ont été adoptées depuis 2002.

Contrairement aux idées reçues, la délinquance des mineurs n’explose pas. On constate certes une augmentation en valeur absolue du nombre de mineurs interpellés par les services de police et de gendarmerie, mais – notre collègue Jean-Pierre Michel l’a rappelé à l’instant – la part des mineurs dans la délinquance globale a plutôt tendance sinon à diminuer, du moins à rester stable.

En outre, on sait que les forces de police et de gendarmerie interviennent davantage que par le passé, y compris pour constater des infractions de faible gravité ; il faut donc prendre ces chiffres avec précaution

Seconde contrevérité : les juges des enfants ne disposeraient pas de suffisamment de solutions pour adapter la sanction à la personnalité du mineur.

Pourquoi une telle affirmation alors qu’il suffirait d’augmenter leurs moyens ? En réalité, il existe une grande diversité de mesures en milieu ouvert – mesures d’aide ou de réparation, travail d’intérêt général, stages de citoyenneté, etc. – ainsi que d’établissements prêts à accueillir le mineur délinquant pour un temps plus ou moins long. Je pense notamment aux foyers « classiques », aux centres éducatifs renforcés et aux centres éducatifs fermés.

L’exécution des mesures ordonnées par les juridictions pour mineurs relève exclusivement de la compétence de la Protection judiciaire de la jeunesse, qui dispose d’un savoir-faire reconnu mais manque de moyens.

À cet égard, je vous alertais l’an dernier, monsieur le garde des sceaux, sur la diminution continue des moyens alloués à la PJJ depuis 2008, diminution qui met en danger la rapidité et la qualité de la prise en charge des mineurs.

Sur le fond, le texte que nous examinons prévoit, ni plus ni moins, de détourner un dispositif d’insertion qui fonctionne en lui confiant une mission totalement étrangère aux objectifs qui lui sont fixés.

L’EPIDE a vocation à aider des jeunes en grande difficulté, volontaires, à s’insérer ou à se réinsérer dans la société et à trouver un emploi, comme l’a souligné Mme le rapporteur. L’intensité des programmes qu’il propose suppose une détermination sans faille du jeune stagiaire. Il est donc évident que la formule n’est pas adaptée à l’accueil de mineurs délinquants.

Je sais bien que la proposition de loi prévoit que le mineur devra donner son accord. C’est partir de l’idée que ce consentement ne sera jamais donné et, dès lors, en déduire qu’aucun contact ne se produira jamais entre un jeune en difficulté et un mineur délinquant.

J’ajoute qu’un accord donné sous la menace d’une peine n’en est pas véritablement un.

Beaucoup d’erreurs ont été proférées à propos de ce dispositif. On nous a parlé d’encadrement militaire des délinquants, concept qui est dans l’air du temps, …

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