Intervention de Annick Billon

Réunion du 10 juin 2021 à 10h30
Nommer les enfants nés sans vie — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Annick BillonAnnick Billon :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, notre collègue Anne-Catherine Loisier, dont je tiens à saluer l’initiative, nous invite à débattre d’une proposition de loi visant à nommer les enfants mort-nés. Ce texte permet de clarifier le statut des enfants nés sans vie, qui demeure ambigu, et ainsi d’accompagner le deuil des parents.

L’année dernière a vu la naissance de 8 747 enfants mort-nés – quelle antinomie ! Autant de familles, donc, ont subi cette épreuve. L’adoption de cette proposition de loi permettrait d’accorder à l’enfant né sans vie une reconnaissance mémorielle, en donnant la possibilité aux parents de lui donner un nom. Une telle recommandation a d’ailleurs été formulée dès 2005 par le Médiateur de la République.

La possibilité de donner un nom à l’enfant mort-né existe déjà dans de nombreux pays tels que l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Irlande ou les Pays-Bas.

Le droit positif français, en revanche, ne permet pas la reconnaissance d’un lien de filiation avec un enfant né sans vie. L’officier de l’état civil établit un acte d’enfant sans vie, si l’enfant est mort-né ou est né vivant, mais non viable et décédé avant la déclaration de naissance.

Cet acte d’enfant sans vie doit énoncer l’identité des père et mère ; ceux-ci ont le droit d’attribuer à l’enfant des prénoms qui peuvent être mentionnés, à leur demande, sur le livret de famille.

La possibilité de donner un nom à l’enfant sans vie est la continuité de tout ce processus législatif et réglementaire, comme l’ont rappelé les orateurs précédents.

L’objectif premier de cette proposition de loi reste donc de compléter la reconnaissance symbolique de l’enfant, en lui accordant un nom et en l’inscrivant dans l’acte d’enfant sans vie. Cela permet d’aller plus loin dans l’individualisation de l’enfant sans vie, en renforçant sa reconnaissance par ses parents.

Cette attribution a une portée limitée dans la mesure où elle n’entraîne aucun effet indésirable, en particulier sur le plan successoral, fiscal ou social. D’où le choix de la commission d’écrire expressément, à la fin de la deuxième phrase du second alinéa de l’article 79-1 du code civil, le fait que « cette inscription de prénoms et nom n’emporte aucun effet juridique ».

Notre collègue Anne-Catherine Loisier a clairement spécifié, au moment de déposer cette proposition de loi, que le fait de nommer l’enfant sans vie n’entraînerait aucun droit supplémentaire, aucune filiation et aucune reconnaissance de la personnalité juridique.

La proposition de Mme la rapporteure, suivie par la commission des lois, vise à préciser cette inscription, tout en sécurisant son caractère symbolique. Elle vient détailler la mention du nom de cette manière : « soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit les deux noms accolés dans l’ordre choisi par eux dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux ».

L’enfant mort-né peut ainsi s’inscrire de manière plus complète dans l’histoire familiale. Cette reconnaissance participe d’une logique compassionnelle et vient renforcer cette intention déjà promue par le législateur à l’occasion de la création de l’article 79-1 du code civil en 1993.

Je tiens à remercier une fois encore, au nom du groupe Union Centriste, notre rapporteure, Marie Mercier, pour l’écoute et l’implication qui ont été les siennes sur un sujet qui n’est pas facile.

Dans l’intérêt des familles, ce sujet ayant largement fait consensus et permettant une reconnaissance mémorielle à caractère purement symbolique, je ne doute pas que la Haute Assemblée adoptera cette proposition de loi.

Il s’agit de prendre en compte les souffrances de ces familles endeuillées ; cette proposition, empreinte d’humanité, est une réponse pour mieux les accompagner. Je remercie notre collègue Anne-Catherine Loisier d’avoir permis au Sénat de débattre de ce sujet qui est grave, ainsi que Mme la rapporteure qui nous a proposé d’améliorer la rédaction de ce texte.

Le groupe Union Centriste votera donc le texte issu des travaux de la commission des lois.

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