La séance est ouverte à dix heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi visant à créer un ticket restaurant étudiant, présentée par M. Pierre-Antoine Levi et plusieurs de ses collègues (proposition n° 422, texte de la commission n° 657, rapport n° 656).
Mes chers collègues, je vous informe que, en raison d’un incident technique, seules certaines caméras de l’hémicycle filment nos débats.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l ’ éducation et de la communication. Encore un coup de l’UNEF !
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Pierre-Antoine Levi, auteur de la proposition de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne vous cache pas ma grande satisfaction de me tenir devant vous, aujourd’hui, pour l’examen de ma proposition de loi visant à créer un ticket restaurant étudiant.
Ma satisfaction est double. Tout d’abord, il s’agit de ma première proposition de loi depuis le début de mon mandat de sénateur. Ensuite, sans préjuger de l’issue du vote de tout à l’heure, cette proposition de loi aura de toute façon le mérite de pointer du doigt les inégalités du système de restauration étudiante dans notre pays, qui pénalisent de très nombreux jeunes.
Permettez-moi de revenir brièvement sur la genèse de cette proposition de loi.
Tout d’abord, comme nombre d’entre vous, depuis un an et demi, j’ai été extrêmement sollicité par des étudiants en détresse, en tant que premier adjoint de la ville de Montauban, dans un premier temps, puis, depuis octobre dernier, en tant que sénateur.
Les témoignages de dizaines d’étudiants dont la situation financière est catastrophique, qui n’arrivent parfois plus à manger à leur faim et qui garnissent les files d’attente des Restos du cœur m’ont particulièrement affecté. Ces images et ces situations de détresse ne sont pas tolérables dans notre pays en 2021.
Nombre de familles, notamment celles de la classe moyenne, éprouvent les plus grandes difficultés pour subvenir aux besoins de leurs enfants dans le cadre de leurs études.
Pourtant, en France, a priori, nous n’avons pas à nous plaindre de notre politique d’aide et d’accompagnement, plutôt efficace et généreuse : les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, les Crous, qui offrent bourses, logements étudiants et restauration universitaire apportent une réponse plutôt performante. Peu de pays disposent d’un système aussi développé.
Cependant, souvent, les effets de seuils font qu’un étudiant issu de la classe moyenne s’entendra dire : « Désolé, monsieur, vous ne bénéficiez pas de telle ou telle aide. » Ces étudiants prétendument « trop riches » sont finalement les victimes collatérales des critères d’attributions, mais, pour eux, les fins de mois sont aussi difficiles.
Dans d’autres situations, à ces effets de seuils s’ajoute l’absence de Crous. Que l’on ne voit dans mes propos aucune critique, mais simplement un constat. Les Crous ne peuvent d’ailleurs raisonnablement être présents sur l’ensemble des villes ou des sites où sont dispensées des formations d’enseignement supérieur. Les Crous font le choix de couvrir en priorité – c’est tout à fait compréhensible –, les campus universitaires.
Néanmoins, l’enseignement supérieur dans notre pays ne se résume pas aux seules universités. Bien d’autres acteurs existent : les brevets de technicien supérieur, les BTS, les écoles de commerce, les écoles d’ingénieurs, les écoles d’infirmières, les classes préparatoires et bien d’autres encore.
Mes chers collègues, dans vos départements, vous avez certainement des formations dispensées dans des petites communes ou loin des sites universitaires majeurs. Il y a fort à parier que les Crous ne proposent pas de services de restauration à ces endroits.
Dès lors, doit-on se satisfaire du fait que des centaines de milliers d’étudiants ne bénéficient pas d’un service de restauration, car le Crous n’est pas en mesure de leur proposer ? À ce titre, le passage du repas dans les restaurants du Crous à 1 euro a été une très bonne chose, qui a permis à de très nombreux étudiants de préserver leur pouvoir d’achat. Nous ne pouvons que nous en féliciter, et je salue cette initiative du Gouvernement.
Pour autant, la problématique reste la même lorsqu’il n’y a pas de restaurant universitaire dans la commune où l’on étudie, mais également lorsque ces établissements ne sont pas ouverts le soir ou le week-end. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette situation, qui exclut tant d’étudiants de cette aide qui leur est pourtant due.
Tel est, mes chers collègues, le sens de cette proposition de loi. Elle n’est en aucun cas une attaque contre les Crous, comme certains ont voulu le faire croire avec mauvaise foi. Ce texte permet tout simplement de combler les trous dans la raquette de l’offre actuelle des Crous et de pallier des inégalités.
En pratique, comment se traduirait ce ticket restaurant étudiant ? Il serait inspiré du modèle du ticket restaurant des entreprises, qui a fait ses preuves depuis des décennies. Qui, aujourd’hui, remettrait en cause ce système, qui apporte un véritable gain de pouvoir d’achat à des millions de salariés ?
Le ticket restaurant étudiant serait acheté 3, 30 euros par l’étudiant, soit le même prix qu’un repas de restaurant universitaire avant la période de covid-19. Par l’intermédiaire du Crous, l’État financerait également 3, 30 euros, de la même façon qu’il finance la moitié du prix du repas dans les restaurants universitaires.
S’est posée la question de la territorialisation ou non de la mesure. Comme le rapporteur vous l’expliquera tout à l’heure, cela nous a paru être la meilleure chose, afin de limiter l’accès au ticket restaurant étudiant à ceux qui ne bénéficient pas de restauration universitaire à proximité.
Permettez-moi de prendre un exemple simple de territorialisation, ici, sous nos yeux : nos collaborateurs. Ceux qui exercent au Palais du Luxembourg ont accès au restaurant des collaborateurs du 36, rue de Vaugirard à un tarif préférentiel. Leurs collègues en circonscription bénéficient, eux, de tickets restaurants, car ils n’ont pas accès aux restaurants d’entreprise. C’est une question d’équité, et cela fonctionne très bien.
La question du coût a pu se poser, et elle est légitime, mes chers collègues, car nous sommes tous des élus responsables. Néanmoins, avant d’aborder le coût, il est important de parler du devoir moral que nous avons envers les étudiants, qui représentent l’avenir de notre pays. Nombre d’entre eux souffraient de la précarité bien avant la crise sanitaire ; d’autres l’ont découvert depuis un an et demi.
Il est de notre responsabilité, en tant que responsables politiques, de leur apporter des solutions. C’est ce que fait ce texte. Sera-t-il suffisant pour régler la problématique de la précarité étudiante ? Non, mais il apporte déjà une réponse.
S’agissant du coût, pouvons-nous nous satisfaire d’une analyse tronquée en se disant que cela va créer un surcoût pour les Crous ? Assurément non. Car si tous les étudiants n’ayant pas accès à un restaurant universitaire pouvaient s’y rendre, les Crous seraient bien obligés de les accepter. Pensez-vous vraiment que nous pourrions leur répondre : « Désolé, mais cela va coûter cher à l’État » ?
Ne faisons pas une économie sur un droit qui n’est tout simplement pas exercé, alors que de très nombreux étudiants subissent cet état de fait.
Nous avons entendu, ici et là, des estimations fantaisistes du coût de cette mesure : 2, voire 4 milliards d’euros. Toujours plus, pour essayer de discréditer ce projet. Je pose tout simplement la question à ces organisations : qu’avez-vous fait pour régler la situation des étudiants qui ne bénéficient pas des services du Crous ? N’étiez-vous pas majoritaires pendant toutes ces années ? Ou peut-être que les étudiants en écoles de commerce, écoles d’ingénieurs, BTS ou classes préparatoires ne vous intéressent tout simplement pas.
Au-delà de l’estimation du coût de cette mesure, je suis de ceux qui pensent que, sur certains sujets, nous ne pouvons avoir une vision uniquement comptable. Les étudiants ne le comprendraient pas, et je pense qu’ils auraient tout à fait raison.
Je le demande aux responsables des Crous et à vous, madame la ministre : que jugez-vous le plus coûteux ? Ouvrir un restaurant universitaire pour cinquante étudiants en BTS dans une petite ville ou leur permettre de bénéficier d’un ticket restaurant étudiant ?
Il est important de se poser cette question. J’espère, madame la ministre, que ce projet saura vous séduire et retiendra toute votre attention, comme il a retenu l’attention de plus de quatre-vingts sénateurs, en dépassant les clivages politiques.
Les étudiants ont souffert depuis plus d’un an et demi, et, pour beaucoup, ils souffrent malheureusement encore de cette précarité. Nous leur devons cette innovation sociale et cette équité, car il s’agit bien là d’une innovation sociale et non d’un gadget.
Les étudiants s’approprieront rapidement ce ticket restaurant, avec un grand sens des responsabilités. Ils n’iront pas s’acheter des sandwichs ou de la junk food midi et soir, contrairement aux arguments de nos détracteurs, car il sera tout à fait possible de manger équilibré avec un ticket restaurant étudiant, comme il est tout à fait possible de manger déséquilibré dans un restaurant universitaire. Cessons d’infantiliser les étudiants ! Ils valent bien mieux que cela.
Mes chers collègues, pour l’ensemble des raisons que j’ai évoquées, pour le devoir moral que nous avons envers les étudiants, qui n’ont vraiment pas été épargnés depuis le début de la crise du covid-19, je vous propose une avancée sociale en votant, à l’issue de nos débats, en faveur de la création d’un ticket restaurant étudiant.
J’espère que ce texte, s’il est voté au Sénat, sera étudié rapidement à l’Assemblée nationale. Je remercie à ce propos la députée Anne-Laure Blin, qui a déposé une proposition de loi similaire à l’Assemblée nationale, et avec qui j’ai beaucoup échangé. Je la remercie d’ailleurs de sa présence ce matin.
Je remercie aussi chaleureusement mes collègues du groupe Union Centriste d’avoir collégialement sélectionné ma proposition de loi dans notre espace réservé.
Ce texte ne doit pas rester dans un tiroir. Il doit permettre au plus vite d’offrir du pouvoir d’achat aux étudiants. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous remercie pour eux !
Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme Pierre-Antoine Levi vient de le démontrer avec beaucoup de force et de vigueur, cette proposition de loi entend redonner du pouvoir d’achat, sur le plan alimentaire, aux étudiants durement éprouvés par les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire.
Face à l’aggravation de leur précarité, le Gouvernement a abaissé le tarif du ticket de restaurant universitaire à 1 euro, d’abord pour les étudiants boursiers, puis pour tous les étudiants. Cette mesure, que nous saluons, est bien sûr bénéfique, mais constitue-t-elle la panacée ? Assurément non.
Premièrement, elle ne fait qu’amplifier le problème de l’accès aux structures de restauration universitaire, puisqu’en sont de facto exclus les étudiants éloignés des grands campus et des centres-villes. Nombre d’entre nous avons été alertés, dans nos départements, sur cette inégalité d’accès entre étudiants.
Deuxièmement, le ticket à 1 euro ne constitue pas un modèle économique viable sur le long terme, sachant que la préparation d’un repas en restaurant universitaire coûte de sept à huit fois ce tarif.
Troisièmement, cette mesure a été conçue pour répondre à une situation d’urgence. Or, à ce jour, le ministère n’est pas en mesure de nous dire si elle sera prolongée, ni même si le périmètre de ses bénéficiaires est susceptible d’évoluer. Il y a toutes les raisons de penser qu’elle ne constituera pas une solution pérenne pour notre système de restauration.
C’est dans ce contexte pour le moins incertain que s’inscrit cette proposition de loi. Quel en était l’objectif initial ? Il s’agissait de permettre à tous les étudiants, quels que soient leur statut social, leur établissement de rattachement, leur situation géographique ou le moment de la journée ou de l’année, d’acheter un repas ou de faire des courses alimentaires à tarif social.
Cette portée universelle a suscité des inquiétudes, certaines fondées, d’autres moins, ainsi que des prises de position, certaines mesurées, d’autres plus caricaturales.
Je ne puis ainsi laisser dire que le but aurait été de « mettre en concurrence » le réseau des œuvres universitaires avec les acteurs de la restauration privée. Nous savons tous le rôle structurant que jouent les Crous et les efforts d’adaptation qu’ils ont accomplis depuis une dizaine d’années pour mieux répondre aux attentes des étudiants. Le ticket restaurant ne remet pas cela en cause : il entend élargir l’offre de restauration et donner davantage de souplesse aux étudiants, qui pourront choisir d’aller au restaurant universitaire, de prendre leur repas à l’extérieur ou de cuisiner chez eux.
Je ne puis non plus laisser dire que la création d’un ticket restaurant jetterait les étudiants dans les bras des fast-foods. Ne les infantilisons pas. Ils peuvent parfaitement vouloir faire leurs courses dans des supérettes pour consommer des produits que l’on ne trouve pas forcément dans la restauration collective. Qui plus est, le risque de « malbouffe » peut tout à fait être limité par des moyens techniques qui encadreraient l’utilisation d’un ticket restaurant étudiant dématérialisé.
En tant que rapporteur, j’ai souhaité dépasser ces clivages et, après avoir entendu toutes les parties, dressé un bilan bénéfice-risque le plus complet possible. À la lumière de celui-ci, il nous est apparu nécessaire d’ajuster le dispositif initial en le centrant sur la problématique de l’accès à la restauration universitaire, qui, nous le voyons bien dans nos territoires, constitue la principale pierre d’achoppement.
Les 801 points de vente gérés par les Crous ne sont, en effet, pas répartis de manière homogène. L’existence de « zones blanches », comme pour la couverture en réseau de téléphonie mobile, place les étudiants concernés dans une situation d’inégalité d’accès au service public de la restauration universitaire.
Les étudiants de ces territoires sous-dotés en infrastructures sont, d’ailleurs, aujourd’hui, dans l’impossibilité de bénéficier du ticket de restaurant universitaire à 1 euro. C’est pourquoi la commission a proposé de cibler le dispositif du ticket restaurant sur les étudiants éloignés des structures de restauration universitaire.
Ces étudiants pourront ainsi bénéficier d’un ticket à tarif social pour se restaurer ou faire des achats alimentaires auprès d’établissements conventionnés avec les acteurs territoriaux de la vie étudiante, qu’il s’agisse des établissements d’enseignement supérieur, des Crous ou des collectivités.
Ce ciblage de la mesure, qui fait du ticket restaurant une offre complémentaire à celle de la restauration universitaire, permet, en outre, d’écarter tout risque de déstabilisation du réseau des œuvres.
En posant le principe d’un ticket restaurant étudiant territorialisé, la commission exprime ainsi la nécessité d’offrir à nos étudiants un enseignement supérieur de proximité, notamment en premier cycle, qui ne soit pas cantonné aux grands pôles universitaires traditionnels, avec les prestations d’accompagnement qui vont avec.
La création d’un ticket restaurant étudiant réservé à ceux d’entre eux qui sont isolés mettrait fin à cette profonde inégalité territoriale. À l’instar de ce qui existe dans des pays comme l’Angleterre ou la Suède, cette mesure est donc une solution de substitution pertinente, techniquement bien acceptée par les principaux acteurs concernés.
Le Gouvernement est donc désormais prévenu et ne peut plus détourner le regard face à cette jeunesse qui souffre et qui attend des solutions concrètes et immédiates pour aller de l’avant. C’est désormais chose faite avec le ticket restaurant universitaire.
Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, tout d’abord, permettez-moi de saluer l’initiative prise par le groupe Union Centriste de nous permettre de débattre de cette proposition de loi, dont le premier mérite est d’aborder clairement la question de la précarité alimentaire de certains étudiants.
Cet enjeu n’est pas apparu avec la crise sanitaire, mais force est de constater que celle-ci l’a rendu plus prégnant que jamais.
Nous connaissons tous l’engrenage qui a conduit à cette situation. La perte des emplois étudiants, la suspension des stages rémunérés ou le soutien familial parfois bridé par des difficultés économiques ont fortement entamé les moyens de subsistance de certains étudiants.
Ni la communauté universitaire ni le Gouvernement n’ont attendu que les problématiques de vie étudiante soient un sujet d’opinion publique pour agir. Dès le mois de mars 2020, les établissements d’enseignement supérieur ont mobilisé le produit de la contribution vie étudiante et de campus pour apporter de l’aide à leurs étudiants, y compris de l’aide alimentaire.
De nombreuses initiatives solidaires ont été lancées par les associations étudiantes, avec le soutien financier du Gouvernement, telles que la confection de paniers-repas ou la distribution de colis alimentaires. Les liens ont été resserrés entre les acteurs associatifs, les Crous et les établissements d’enseignement supérieur, au bénéfice des étudiants.
Tout en soutenant ces initiatives, le Gouvernement a, dans le même temps, déployé un arsenal de mesures pour faire refluer la précarité : versement d’aides exceptionnelles, doublement des aides d’urgence, revalorisation des bourses sur critères sociaux, prolongation du droit à bourses en fonction des incidences de la crise sur le cursus, réexamen des situations sociales pour adapter en fonction le niveau des bourses, gel des frais d’inscription, gel des loyers des logements des Crous, création de 20 000 emplois étudiants, mise en place de distributeurs de protections périodiques gratuites, entre autres.
L’instauration du ticket de restauration universitaire à 1 euro pour les boursiers à la rentrée, étendue en janvier dernier à tous les étudiants, boursiers, non boursiers ou étudiants internationaux, et pour deux repas par jour, est emblématique de cet engagement gouvernemental pour la jeunesse. Il est tout aussi emblématique de la mobilisation des Crous et de leurs personnels, que je veux ici remercier infiniment de leur engagement sans faille.
Ils ont fait preuve d’une réactivité et d’une adaptation remarquables pour assurer le déploiement effectif de la mesure, pour proposer de nouveaux services, tels que la vente à emporter, la livraison ou le click and collect, et pour rouvrir leurs restaurants aux étudiants en respectant des protocoles sanitaires parfois très exigeants.
Il faut se rendre compte de ce que cela veut dire de mettre en œuvre, en un week-end, le ticket restaurant universitaire à 1 euro pour tous les étudiants, de déplacer les structures mobiles en bas des cités universitaires, de changer en profondeur la chaîne de production pour délivrer des plats à emporter.
C’est tout à l’honneur de ce service public, qui a été au rendez-vous de cette crise. À ce jour, plus de 10 millions de repas à 1 euro ont été servis, ce qui est inédit. Aucun autre pays européen ne s’est à ce point engagé au service de ses étudiants.
Bien sûr, il reste encore beaucoup à faire. À l’heure où la vie revient partout sur notre territoire, il est plus que jamais nécessaire de tirer collectivement toutes les leçons de l’année écoulée, pour améliorer durablement les conditions de vie étudiante, consubstantielles à la réussite académique et, finalement, à l’émancipation de chacun.
Mon ministère porte ce dossier depuis le début de ce quinquennat, mais cette crise a permis à de nombreux acteurs de considérer l’étudiant dans sa globalité : cette approche globale du jeune et d’un parcours étudiant coordonné est bien le maître mot de la politique d’accompagnement que nous menons. À chaque instant, nous devons considérer l’étudiant comme un jeune adulte.
Les actions de soutien aux étudiants mises en œuvre par le Gouvernement, les établissements d’enseignement supérieur, les Crous, les collectivités territoriales ou le tissu associatif témoignent que la vie étudiante n’est pas un supplément d’âme. Le bien-être étudiant est un objet politique de premier plan, au cœur de l’action de mon ministère.
C’est pourquoi je salue l’initiative du Sénat, qui a su s’emparer, depuis quelques mois, de la question de la précarité étudiante. Il l’a fait au travers de la proposition de loi dont nous débattons ce matin, mais également par la mission d’information sénatoriale sur les conditions de vie étudiante, qui mène ses travaux depuis plus de six mois et qui, j’en suis vaincue, nourrira utilement les réflexions que nous menons sur ce sujet.
C’est bien cette démarche globale, qui envisage la vie étudiante sous l’ensemble de ses facettes, avant, pendant comme après la crise sanitaire, que nous devons mener ensemble.
Par la proposition de loi que nous examinons ce matin, vous avez souhaité, je crois, répondre à un double enjeu.
Le premier est celui de l’adaptation de la restauration à la vie étudiante. Nous partageons tous, ici, la conviction que ce dont nos étudiants ont aujourd’hui besoin, c’est d’une alimentation de qualité, dans un cadre en phase avec leurs habitudes, leurs contraintes et leurs aspirations.
En somme, une offre de restauration qui soit gage de santé, de bien-être et de réussite. Cette approche globale est précisément celle qui est portée par les Crous, lesquels ont fait des efforts considérables, ces dernières années, pour moderniser, adapter et diversifier leur offre. Les étudiants ne s’y sont pas trompés, puisqu’ils sont 80 % à la plébisciter et que, avant la crise, l’activité des restaurants universitaires augmentait en moyenne de 5 % chaque année.
Aujourd’hui, prendre son repas dans un restaurant universitaire signifie avoir accès à un repas complet et équilibré, confectionné avec des produits de qualité dans une démarche de développement durable.
C’est également avoir le choix entre des menus végétariens et une cuisine plus traditionnelle, entre s’attabler ou se restaurer plus rapidement.
C’est surtout retrouver ce lien social qui a fait si cruellement défaut à nos étudiants cette année. Autrement dit, l’offre des Crous va bien au-delà de la simple restauration, pour se prolonger en un véritable accompagnement social, en un lieu faiseur de lien, qui constitue, à part entière, un facteur de réussite dans le parcours de formation.
Je sais – cela a d’ailleurs été rappelé – que vous reconnaissez pleinement la valeur ajoutée des Crous et que vous êtes soucieux de ne pas déséquilibrer un service public de qualité, qui mobilise des agents très investis.
Le véritable enjeu, et c’est un point qui est revenu lors de l’examen du texte en commission, est bien celui de l’égalité d’accès à une restauration universitaire.
Avec plus de 750 implantations réparties dans 221 villes, les Crous maillent déjà l’essentiel du territoire. Sur les 2, 8 millions d’étudiants accueillis dans l’enseignement supérieur, quelque 2, 3 millions ont au moins un restaurant universitaire dans leur environnement immédiat.
La restauration universitaire n’est pas le privilège des grands sites universitaires : dans 190 sites supplémentaires, le réseau des œuvres a noué des partenariats avec les collectivités et les associations, pour apporter une offre de restauration dédiée aux étudiants.
C’est considérable et, pourtant, il est nécessaire d’en faire plus, car, comme vous le soulignez, il subsiste encore des zones blanches, notamment dans certains territoires isolés. Ne négligeons pas non plus la pression étudiante dans certaines grandes villes ou certaines régions, qui peut susciter des problèmes.
Je tiens à être tout à fait claire s’agissant de la position du Gouvernement. Cette proposition de loi pose des questions centrales, et je salue le travail réalisé par la commission et le rapporteur. La commission a souhaité mieux cibler le dispositif, mais il nous faut poursuivre le travail pour construire une solution globale aux disparités territoriales très justement pointées par votre proposition de loi, monsieur le sénateur Levi.
Pour gommer ces disparités, sans pour autant renoncer à la garantie d’une restauration de qualité, je crois qu’il nous faut mobiliser tous les leviers disponibles, en fonction des réalités locales, avec pour boussole la nécessité de construire une offre accessible de repas équilibré ouverte à l’ensemble des étudiants, quel que soit leur lieu d’études.
En l’état, je ne suis pas convaincue que le ticket restaurant étudiant constitue, à lui seul, une réponse suffisante, mais il doit pouvoir s’inscrire comme un outil envisageable dans le cadre d’une solution plus globale, lorsqu’il n’est pas possible de construire une offre sociale assumée directement par l’État ou assurée avec le soutien des collectivités et des associations.
En premier lieu, il n’existe pas, à ce jour, d’offre de titre de paiements réglementés permettant d’ajouter au forfait de 6, 60 euros le complément indispensable pour s’offrir un repas complet et équilibré. Ce sera peut-être le cas si les entreprises se positionnent clairement, mais il faudra du temps pour cela.
Par ailleurs, bien que le dispositif issu des travaux de la commission permette déjà de mieux cibler la mesure, son coût resterait considérable, sans, pour autant, garantir l’équité sociale entre les étudiants pouvant s’offrir un repas complet au-delà du forfait et ceux qui ne peuvent se le permettre.
Pour moi, la réponse doit s’écrire prioritairement au travers de partenariats construits localement avec les collectivités. Elle se trouve dans des dispositifs qui existent déjà et qui ont fait leurs preuves.
Dans les zones dépourvues de restaurants universitaires, les Crous ont mis en place des politiques d’agrément et de conventionnement, qui permettent aux étudiants de bénéficier des structures de restauration, telles que les cantines administratives, scolaires ou hospitalières, soumises aux mêmes exigences de qualité de service public.
Accompagnons ce développement : Dieppe, Draguignan, Guéret, Mende, Morlaix, Saint-Lô, Vienne sont des villes pour lesquelles le Centre national des œuvres universitaires et scolaires, le Cnous, et l’ensemble des Crous sont prêts à engager les discussions avec les collectivités, en vue de solutions concrètes à l’horizon des prochains mois.
Avant la rentrée de 2022, nous pouvons réussir à répondre aux attentes de l’ensemble des territoires encore trop éloignés de la restauration universitaire, et je suis prête à m’y engager avec vous. En novembre dernier, le Sénat a adopté, sur l’initiative de la sénatrice Laure Darcos, le principe, dans le cadre de la loi de la programmation de la recherche, d’une contractualisation entre les sites universitaires et les collectivités, qui, d’ores et déjà, associe les Crous.
En engageant cette nouvelle vague de contractualisation, nous permettrons aux acteurs territoriaux de répondre à l’exigence d’équité territoriale.
Comme je vous l’ai rappelé, ces partenariats permettent aujourd’hui d’apporter des solutions dans près de 190 sites universitaires isolés. À ce jour, près d’une quinzaine relève encore de ces zones blanches, mais je suis convaincue que nous disposons déjà des leviers permettant de répondre à leurs attentes.
Pour faciliter cette démarche, il pourrait être utile de déverrouiller, au bénéfice des collectivités et des associations, l’accès de ces partenaires à la centrale d’achat nationale du Cnous, qui est la clé de l’offre de produits alimentaires, à la fois qualitative et à tarif attractif, des restaurants universitaires. Nous le ferons bien évidemment, partout où c’est nécessaire.
J’ajoute que ce sujet demande un grand renfort de concertation avec les organisations représentatives des étudiants. Les deux principales, que sont la Fédération des associations générales étudiantes, la FAGE, et l’Union nationale des étudiants de France, l’UNEF, ont pris position clairement, mais je ne doute pas qu’il soit possible de trouver un point d’équilibre à travers la définition d’un objectif de couverture complète de l’ensemble des sites universitaires, en renforçant les outils dont nous disposons déjà à cette fin.
Ce que nous visons, au fond, c’est non pas seulement que nos étudiants mangent à leur faim, mais qu’ils gagnent en autonomie et en pouvoir d’agir. Ce que nous voulons leur offrir n’est pas seulement un quotidien digne, mais bien des conditions de vie favorables à leur réussite et à leur émancipation.
C’est pourquoi cette question de la lutte contre la précarité alimentaire doit être intégrée dans une vision globale de l’accompagnement social des étudiants et articulée à la réforme des bourses sur critères sociaux sur laquelle nous sommes en train de travailler.
La précarité étudiante est l’un des grands défis des mois à venir. Elle est aussi une opportunité pour changer notre regard sur les étudiants et penser enfin la singularité de ce statut. J’ai toute confiance en notre capacité à la saisir ensemble.
Nous aurons l’occasion de prolonger le débat lors de l’examen des amendements. Toujours est-il que le travail reste devant nous, à la fois parce que ce texte est perfectible et parce que nous disposons d’ores et déjà des outils permettant de couvrir les dernières zones blanches de notre territoire à l’horizon des prochains mois.
M. Julien Bargeton et Mme Maryse Carrère applaudissent.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la crise sanitaire a profondément aggravé la précarité étudiante : troubles psychologiques, perte de revenus d’appoint, décrochage scolaire… Les conséquences sont nombreuses et jettent les étudiants dans des situations matérielles difficiles.
L’été dernier, le Gouvernement a pris une mesure essentielle d’accompagnement des étudiants en mettant en œuvre des repas à 1 euro dans les restaurants universitaires, pour les étudiants boursiers d’abord.
Cependant, les auteurs de la proposition de la loi, dont mes collègues du groupe RDSE Véronique Guillotin et André Guiol sont cosignataires, soulignent à juste titre que cette décision s’avère inégalitaire à l’usage, en ce qu’elle exclut de fait les étudiants boursiers éloignés des grands campus et des centres-villes, et donc du système de restauration des Crous.
Pour autant, l’instauration d’un ticket restaurant étudiant disponible à tout moment, pour tous les étudiants, que proposaient les auteurs de ce texte était certainement mal adaptée et trop large. En effet, les Crous auraient alors dû faire face à la concurrence de la restauration privée avec de moindres financements.
En outre, ce dispositif ne permettrait pas d’atteindre l’objectif de lutte contre la précarité étudiante, tant il est difficile de trouver un repas complet et équilibré pour 6, 60 euros.
La commission a utilement procédé à des modifications pour centrer la proposition de loi sur la problématique de l’accès à la restauration universitaire. En effet, faute d’une répartition homogène des restaurants universitaires, l’existence de « zones blanches » place certains étudiants en situation d’inégalité d’accès au service public du Crous. Ces étudiants de territoires sous-dotés en infrastructures sont ainsi dans l’impossibilité de bénéficier des tarifs sociaux.
La commission a resserré le dispositif, dont le coût budgétaire initial, évalué entre 2 et 3 milliards d’euros annuels, rendait insoutenable la proposition. Désormais, le ticket sera territorialisé et proposé aux seuls étudiants éloignés des structures de restauration universitaire, lesquels pourront bénéficier d’un ticket à tarif social pour se restaurer ou faire des achats alimentaires auprès d’établissements conventionnés – nous souhaiterions d’ailleurs, madame la ministre, connaître les modalités de ce conventionnement.
Ce ticket restaurant étudiant constituera une offre complémentaire de celle de la restauration universitaire. Cette solution permet aussi d’écarter tout risque de déstabilisation de la situation financière, déjà très délicate, des Crous.
Dans le même temps, ce dispositif créera un cercle vertueux avec les acteurs locaux de la restauration, qui en auront particulièrement besoin au moment où leur activité reprend.
Le groupe RDSE, comme je l’ai souligné, est favorable à cette innovation qui ira dans le sens d’un meilleur service aux étudiants. Nous voterons ce texte avec enthousiasme.
Pour autant, il sera nécessaire d’aller plus loin à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances, en pérennisant le repas à 1 euro qui constitue une mesure sociale fondamentale à destination des étudiants précaires.
Il faudra alors trouver de nouvelles sources de financement, sauf à déséquilibrer totalement les budgets et les capacités d’investissement des Crous. Cette situation risque d’affecter toutes leurs autres missions – logement, accompagnement social, accès à la santé ou à la culture –, autant de secteurs prioritaires pour les conditions de vie des étudiants.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je partage l’émotion collective qui s’est manifestée dans cet hémicycle. Un grand pays comme le nôtre ne peut accepter qu’une partie de sa jeunesse estudiantine souffre de la faim et soit contrainte de trouver sa pitance auprès des associations caritatives.
Cette crise n’est pas seulement la conséquence d’une situation qui a privé les étudiants d’une partie de leurs ressources. Elle est le symptôme, aggravé par la pandémie, d’une augmentation continue et ancienne de la précarité étudiante. Le Sénat a souhaité en analyser précisément les causes et les conséquences dans le cadre d’une mission d’information – vous m’avez fait l’honneur, mes chers collègues, de me confier la présidence de cette mission et je vous en remercie.
Les images des longues files d’attente des étudiants devant les soupes populaires ne doivent pas faire oublier la mobilisation absolument exemplaire du réseau des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires. Nous devons saluer collectivement l’extrême mobilisation de tous leurs agents qui ont su, dans des circonstances très difficiles, adapter en permanence leurs services à des normes sanitaires très changeantes pour offrir aux étudiants, dans les restaurants universitaires, des repas, un accueil et un peu de chaleur humaine. L’action des Crous dans les résidences universitaires a été aussi d’un grand secours et a certainement permis d’éviter de nombreux drames.
L’abaissement du tarif du repas à l’euro symbolique, d’abord pour les boursiers puis pour l’ensemble des étudiants, fut une mesure de salubrité et d’humanité absolument nécessaire. Elle doit être pérennisée.
Aussi, madame la ministre, vous devez nous donner céans l’assurance que la charge budgétaire supplémentaire imposée au réseau des Crous sera compensée dans le projet de loi de finances rectificative, qui sera soumis au Sénat prochainement, et que le coût de la prolongation de cette mesure sera intégré au budget 2022.
Néanmoins, il est incontestable que le réseau des Crous, malgré ses 400 restaurants, ne peut apporter une offre de restauration à tous les étudiants sur l’ensemble du territoire. Pratiquement, il n’est pas raisonnable de demander la création de restaurants dans des communes où la densité d’étudiants est trop faible pour assurer ce service. Je pense, par exemple, aux 175 étudiants de l’antenne de l’université de Perpignan à Mende, en Lozère. En l’occurrence, il serait nécessaire que le Crous passe une convention avec une collectivité pour permettre à ces 175 étudiants d’accéder à la restauration collective disponible à Mende.
C’est à ces deux conditions – absence d’une offre du Crous et accès des étudiants à la restauration collective des organismes publics – que nous considérons que cette proposition de loi est susceptible de contribuer à l’extension du service public de la restauration universitaire, avec l’aide des collectivités.
La crise pandémique a montré que l’action coordonnée des Crous et des collectivités était essentielle pour renforcer les services offerts aux étudiants. Madame la ministre, il faut que vous donniez au réseau des Crous les moyens budgétaires d’un développement de sa politique d’agrément avec les collectivités et les organismes publics pour qu’il puisse assurer le service public de la restauration universitaire sur l’ensemble du territoire national.
Pour reprendre mon exemple, madame la ministre, il n’appartient qu’à vous que les 175 étudiants de Mende puissent accéder à un service de restauration collective d’un organisme public, dès la rentrée prochaine. Sur ce dernier point, je crois que vous nous avez donné votre accord ; je vous en remercie.
Applaudissements.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux remercier nos collègues du groupe Union Centriste de nous proposer l’examen de cette proposition de loi visant à créer un ticket restaurant étudiant et saluer la qualité du travail de notre rapporteur.
J’ai d’abord accueilli plutôt favorablement la perspective offerte par ce texte. En effet, les étudiants n’ont pas tous accès à la restauration universitaire. Cette proposition de loi peut donc paraître frappée au coin du bon sens, car l’utilisation d’un ticket restaurant est simple, souple et peut sembler correspondre aux habitudes des jeunes.
Cependant, plus nous avons travaillé sur le sujet et moins nous avons été convaincus. Les travaux menés en commission la semaine dernière ont encore affermi notre conviction. Beaucoup d’étudiants, par la voix de leurs représentants, s’opposent à cette proposition de loi, évoquant même une « fausse bonne idée » – expression que je peux faire mienne.
Même si les questions budgétaires sont très peu évoquées dans ce texte, l’instauration de ces titres restaurant représenterait un investissement important, dépassant le milliard d’euros par an. Où va aller l’argent ainsi investi ? Le texte est très flou, mais il est à craindre que ce soit dans les enseignes de restauration rapide. Il s’agit donc, manifestement, autant – sinon plus – d’un soutien au secteur privé que d’une aide aux étudiants, conduisant à terme à un affaiblissement du service public des Crous, ce qui pénaliserait les étudiantes et les étudiants les plus précaires.
Quitte à faire un investissement important en direction des étudiants, pourquoi ne pas les soutenir directement à travers une aide financière de 1, 5 milliard d’euros qu’ils réclament ? Elle permettrait de lutter plus efficacement contre la pauvreté étudiante qui s’accroît. Je rappelle que les sénatrices et sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sont favorables à l’extension du RSA aux 18-25 ans, en particulier en ces périodes très difficiles de crise sanitaire.
Les tickets restaurant peuvent également être le vecteur d’une certaine « malbouffe », la solution étant d’avoir recours à la restauration rapide et à ses qualités nutritionnelles souvent discutables…
Cette proposition de loi fait aussi l’impasse sur les enjeux budgétaires, renvoyant presque tout au pouvoir réglementaire. L’exposé des motifs évoque une valeur du ticket restaurant de 6, 60 euros, avec une prise en charge pour les étudiants de 3, 30 euros. Qui de l’État ou des collectivités territoriales prendra en charge le complément ? C’est le grand flou ; un flou qui peut faire craindre aux collectivités territoriales un nouvel alourdissement de leurs charges.
En outre, 3, 30 euros à la charge des étudiants, c’est beaucoup. Les plus précaires ne pourront s’acquitter de cette somme. Et pourquoi paieraient-ils 3, 30 euros, alors que le prix du restaurant universitaire est actuellement de 1 euro, sauf à présupposer que cette mesure bienvenue s’arrête ? Or il faudrait au contraire aider à la pérenniser.
Durant encore de très longs mois, les étudiants vont subir de plein fouet les conséquences économiques de cette crise sanitaire sans précédent, notamment en termes de logement et d’emplois étudiants. Leurs difficultés ne se limitent malheureusement pas à la nourriture, elles sont protéiformes et nécessitent – je le répète – une aide financière directe.
Je crains que l’éventuelle création de tickets restaurant pour les étudiants n’affaiblisse, au bénéfice du privé, les restaurants universitaires, dont la mission n’est pas seulement de nourrir les étudiants de manière équilibrée, ce qu’ils font plutôt bien d’ailleurs. Ils ont aussi une importante mission de socialisation et de repérage des élèves en difficultés ou en décrochage.
La restauration représente environ 30 % du chiffre d’affaires des Crous. Les priver d’une part de cette activité risque de mettre à mal leurs autres missions : logement, aides sociales, culture…
Je veux rappeler que la dotation budgétaire annuelle des Crous s’élève à seulement 10 % du coût prévisionnel de la création des tickets restaurant pour les étudiants : 367 millions d’euros pour 2021, hors crédits supplémentaires du plan de relance pour compenser la baisse à 1 euro du ticket de resto U. Les risques de fermeture de sites, de licenciement de personnels et de baisse de prestations sont donc très importants.
Cette proposition de loi met en avant des solutions inspirées par l’ultralibéralisme économique, l’individualisme et le repli sur la sphère privée. L’alternative consisterait à augmenter les moyens du réseau des œuvres, ce qui permettrait de multiplier les conventions et les partenariats avec les collectivités pour généraliser, à terme, l’accès à la restauration de tous les étudiants sur tous les territoires.
Les modifications apportées par la commission la semaine dernière, sur l’initiative de notre rapporteur, ne nous rassurent malheureusement pas. La restriction du bénéfice du dispositif aux seuls étudiants éloignés des restaurants universitaires introduit un critère uniquement géographique et non social et n’apporte pas davantage de garanties sur les financeurs, les conditions d’entrée dans le dispositif et le tarif du ticket.
Certes, ces nouvelles dispositions diminuent le coût de la mesure, mais les risques d’une prise en charge, par des financements publics, d’une alternative privée non accessible à tous perdurent, au détriment du service public de restauration universitaire et au risque d’un manque à gagner pour ce dernier.
Pour toutes les raisons que je viens d’invoquer, notamment le flou qui entoure la rédaction de ce texte, les sénatrices et sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’opposeront à cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, aujourd’hui, et à l’heure où nous espérons pouvoir sortir de la crise sanitaire que nous subissons depuis des mois, plus personne n’ignore les difficultés économiques et la précarité auxquelles sont confrontés les étudiants.
Au travers de nos auditions, dans le cadre de la mission d’information sur les conditions de la vie étudiante en France, nous avons constaté combien la crise sanitaire a eu un effet de loupe sur les difficultés économiques structurelles du monde étudiant.
D’après les données de l’Observatoire de la vie étudiante, 56 % des étudiants ont souffert de difficultés dans la gestion de leurs dépenses alimentaires durant le premier confinement. Plus inquiétant encore, un quart d’entre eux n’a pas été en mesure de manger à sa faim, contre seulement 6 % avant la pandémie.
Les files d’attente qui s’allongent devant les épiceries sociales et solidaires des campus témoignent de l’aggravation dramatique de la précarité alimentaire. Au-delà de cette difficulté, la question de l’adaptation de l’offre alimentaire à la vie étudiante se pose.
Devant cette situation d’urgence, la proposition de M. Levi de créer un ticket restaurant est une solution bienvenue pour les étudiants privés d’un accès à la restauration universitaire. Je tiens également à remercier le rapporteur, M. Hingray, de son travail fourni.
Certes, le ticket de resto U à 1 euro est une initiative louable, qui a permis de faire face à l’urgence de la crise. Mais ce dispositif n’est pas viable sur le plan budgétaire et n’a pas vocation à être pérennisé. De plus, il ne résout pas le problème de l’inégalité territoriale dans l’accès aux restaurants universitaires.
À l’inverse, le ticket restaurant étudiant présente l’avantage d’élargir la cadre géographique de la restauration étudiante aux territoires les plus reculés. Toutefois, il ne doit pas avoir pour conséquence de précipiter ses bénéficiaires vers les modes de restauration rapide, au détriment de leur santé.
De la même manière, il ne faut pas négliger la difficulté, en termes d’avance de trésorerie, qu’induirait la délivrance de tickets restaurant par lots à des étudiants qui ne sont souvent pas en mesure d’avancer une somme importante ni le coût difficilement soutenable du dispositif initial, évalué entre 2 et 3 milliards d’euros.
Enfin, il ne saurait s’agir de mettre en concurrence les Crous avec les opérateurs privés. Lieux emblématiques de la vie estudiantine, les Crous rivalisent d’efforts depuis de nombreuses années pour adapter leur offre à l’évolution des besoins.
C’est la raison pour laquelle je soutiens la disposition proposée par M. le rapporteur, et adoptée en commission, qui circonscrit le dispositif du ticket restaurant aux étudiants trop éloignés des structures de restauration universitaire. Plus cohérente sur le plan budgétaire, cette modification permet de réaffirmer le caractère complémentaire de la mesure et de répondre au problème des zones blanches, sans pour autant déstabiliser l’écosystème des œuvres universitaires et scolaires.
Avant de conclure, je souhaiterais saluer le formidable travail accompli par de nombreuses associations d’aide alimentaire durant la crise sanitaire, qu’il s’agisse des Restos du cœur, de Linkee ou d’autres, dont les bénévoles ont distribué plus de 40 000 paniers-repas gratuits aux étudiants franciliens depuis le mois d’octobre dernier. Ces acteurs représentent un soutien de taille à l’heure de voler au secours des plus démunis.
En adoptant cette proposition de loi, le Sénat prouvera que leurs efforts n’ont pas été vains et que la représentation nationale a pris la mesure des difficultés rencontrées par une partie de la jeunesse de France.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à créer un ticket restaurant étudiant, valable dans les restaurants et supermarchés conventionnés. D’une valeur de 6 à 7 euros, ces titres seraient financés par l’État avec un reste à charge pour l’étudiant de 3, 30 euros.
Ce dispositif permettrait de réduire les dépenses alimentaires des étudiants et de lutter contre la précarité des jeunes, particulièrement touchés par la crise sanitaire.
En effet, la disparition d’un grand nombre d’emplois étudiants et de contrats d’intérim et l’annulation de nombreux stages rémunérés ont plongé des milliers d’étudiants dans une situation de grande fragilité financière.
Un dispositif similaire, mais temporaire, a été mis en place sur l’initiative, que nous avons saluée, du ministère de l’enseignement supérieur dans le cadre d’un programme d’aide d’urgence, en complément des repas à 1 euro dans les restos U.
Je partage pleinement les objectifs de cette proposition de loi, raison pour laquelle je l’avais cosignée. Toutefois, le dispositif initial appelle un certain nombre de réserves.
Tout d’abord, l’absence de ciblage du dispositif risque de concurrencer les restaurants universitaires et de fragiliser le modèle économique des Crous, dont 30 % des ressources reposent sur la restauration.
Par ailleurs, la distribution de tickets restaurant à l’ensemble de la population étudiante coûterait, comme cela a déjà été souligné, pas moins de 3 milliards d’euros à l’État.
Pour ces raisons, la commission a fait le choix de cibler le dispositif sur les étudiants situés en zone blanche et n’ayant pas accès aux restaurants universitaires, qui proposent des repas équilibrés deux fois par jour à 1 euro. J’adhère pleinement à cet ajustement.
Au-delà de la réponse apportée à la précarité alimentaire des étudiants, cette proposition de loi pose la question du maillage territorial des établissements supérieurs et de l’égalité d’accès de nos étudiants aux dispositifs d’accompagnement.
En effet, l’enseignement supérieur ne compte pas uniquement des universités, il compte aussi des établissements de proximité, parfois éloignés des grands centres urbains. La décentralisation des études supérieures nécessite une décentralisation des prestations d’accompagnement, dont l’accès à l’alimentation est une composante essentielle.
Le ticket restaurant de proximité est une réponse adaptée aux besoins de ces étudiants. Il ne s’agit pas de concurrencer les repas à 1 euro proposés par les Crous, mais de compléter ce dispositif, précisément dans les zones reculées dont les Crous sont absents.
Cette mesure s’inscrit pleinement dans le bouquet d’actions menées par le Gouvernement, bien en amont de la crise, pour améliorer les conditions de vie des étudiants. Je pense notamment à la suppression de la cotisation de sécurité sociale depuis 2018, à l’augmentation des bourses sur critères sociaux, à leur versement anticipé depuis 2020 et au plan de construction de 60 000 logements étudiants supplémentaires d’ici à 2022.
Nous soutenons ces actions indispensables, mais nous souhaitons que le Gouvernement s’engage encore davantage pour permettre à l’ensemble de nos étudiants, quel que soit leur lieu d’étude, de bénéficier des meilleures conditions de vie possible.
Aussi, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera cette proposition de loi.
Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la précarité étudiante ne fait que s’aggraver depuis des années : le coût des études augmente et le logement représente les deux tiers du budget.
Si 36 % des étudiants ont touché des bourses en 2019-2020, ces dernières ne permettent souvent pas de vivre sans travailler à côté. Or le cumul entre études et emplois est la première cause d’échec à l’université.
Au sortir de la crise sanitaire, le constat est d’autant plus frappant : la situation économique des étudiants s’est dégradée. Selon un sondage de la Fondation Abbé-Pierre, 20 % des jeunes ont eu recours à l’aide alimentaire en 2020. La moitié des étudiants a également rapporté des difficultés à payer repas et loyer.
Aussi, je ne peux que saluer l’intention de notre collègue et auteur de cette proposition de loi, M. Levi, qui a voulu répondre aux difficultés alimentaires et d’accès à une structure de restauration collective. Mais cette proposition de loi me semble être une fausse bonne idée et elle n’est pas à la hauteur des attentes des étudiants.
Tout d’abord, le montant du ticket est trop faible pour garantir l’accès à une restauration équilibrée, avec des produits de qualité. Nous courons ainsi le risque de favoriser les chaînes de restauration rapide, qui ne sont saines ni pour notre santé ni pour notre environnement.
Il est primordial de proposer une solution en accord avec les besoins et les attentes des étudiants. Et ce d’autant plus qu’une enquête de satisfaction du Cnous, menée en 2019, a fait ressortir que 59 % des étudiants se rendaient dans les restaurants universitaires pour avoir accès à des repas sains et équilibrés. Les Crous font des efforts considérables pour proposer une alimentation variée et équilibrée. Ils se sont engagés à renforcer une offre bio et végétarienne.
Par ailleurs, les missions des Crous ne se limitent pas à distribuer des repas. Ce sont des lieux de sociabilité et d’échange, qui permettent d’identifier les étudiants les plus fragiles et de les accompagner tout au long de leurs études.
Avec cette mesure, l’État devra effectuer des dépenses publiques pour permettre aux étudiants de consommer dans le privé, sans les avantages ni l’accompagnement qu’un établissement du Crous pourrait garantir.
Dans sa première mouture, cette proposition de loi mettait en danger le fonctionnement des restaurants universitaires, et par extension celui des Crous. Monsieur le rapporteur, lors des auditions, vous avez entendu les critiques des syndicats étudiants et des Crous et proposé de limiter le champ de cette mesure aux zones blanches. Mais cela ne règle pas tous les problèmes que risquent d’engendrer ces tickets restaurant.
Or d’autres solutions sont possibles. On pourrait ainsi déployer le réseau des restaurants universitaires dans les zones blanches, élargir les horaires en soirées et week-ends et permettre aux Crous de conclure et de renforcer des partenariats avec des collectivités, des associations ou divers établissements – lycées, hôpitaux, Ehpad…
On pourrait également pérenniser le repas à 1 euro, mesure rapide et efficace qui a permis de limiter l’insécurité alimentaire pendant la crise du covid-19.
Mieux encore, il existe une mesure simple pour régler en grande partie les difficultés financières et les inégalités entre étudiants. Il s’agit du revenu universel d’autonomie pour tous les jeunes, idée évoquée en 2019 par le Gouvernement. Malheureusement, c’est encore un espoir d’avancée sociale que ce gouvernement aura déçu.
Vous l’aurez compris, et pour toutes les raisons que j’ai invoquées, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi a un objectif louable, que nous partageons tous : lutter contre la précarité alimentaire des étudiants.
Le texte met en avant un certain nombre d’insuffisances et de difficultés, notamment l’éloignement géographique de certains étudiants qui ne peuvent pas avoir accès à un restaurant universitaire, les plages d’ouverture parfois insuffisantes, les files d’attente dissuasives ou l’aspiration à de nouveaux modes de consommation. Le monde change et les étudiants sont demandeurs de davantage de flexibilité.
Si cette proposition de loi met utilement en avant des manques et des besoins, le groupe RDPI ne partage pas entièrement la solution proposée.
En effet, il existe déjà un service public, les Crous, qu’il faut conforter, renforcer, et non fragiliser. Ces derniers ont joué un rôle essentiel dans la mise en place des deux repas par jour à 1 euro, d’abord pour les boursiers puis pour les autres étudiants. Les Crous sont également un lieu important de socialisation et de rencontre pour les étudiants.
Par ailleurs, les émetteurs de tickets restaurant classiques nous ont fait remarquer qu’ils avaient déjà distribué en 2020, à la demande de votre ministère, madame la ministre, des tickets restaurant à des étudiants en détresse sociale. Les choses s’étaient très bien passées.
Sans que cela constitue un obstacle dirimant, il faut aussi noter que deux grandes organisations syndicales, l’UNEF et la FAGE, ne sont pas très favorables à ce dispositif. S’il ne faut pas prendre pour argent comptant, de manière générale, les positions des syndicats, on dit aussi qu’il faut savoir s’appuyer sur les corps intermédiaires… §Ne balayons pas leurs arguments d’un revers de main, mais ne collons pas non plus à leur position.
Ces organisations insistent sur le fait qu’il faut continuer d’améliorer la qualité de la restauration collective. Il ne faudrait pas que les dispositions de ce texte remettent en cause un mouvement déjà en œuvre, qui consiste à renforcer les dimensions collective et qualitative de la restauration universitaire.
Ce sont des raisons qui plaident contre le vote de ce texte par notre groupe. Reconnaissons-le, la commission a substantiellement modifié le dispositif, qui paraît désormais mieux ciblé : autant la première version soulevait de grandes difficultés, autant celle-ci cible mieux les étudiants qui auraient besoin de tickets restaurant. Qui plus est, elle s’avère d’un coût moindre, même s’il est difficile de prévoir le montant exact de la mesure, puisque ces tickets sont utilisés à la demande.
Peut-être conviendrait-il de poursuivre la concertation, afin d’affiner encore plus le dispositif. Le rapporteur et l’auteur du texte ont d’ores et déjà mené un travail intéressant. Sans doute une étape supplémentaire est-elle encore nécessaire. Dans cette attente, le groupe RDPI s’abstiendra, de façon positive, sur ce texte.
M. le rapporteur applaudit.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec le logement, les dépenses d’alimentation constituent la principale charge des étudiants.
En fonction de leurs moyens financiers et des charges fixes auxquelles ils ne peuvent se soustraire, parmi lesquelles figurent notamment les frais de téléphonie et d’internet, les achats de nourriture, essentiels par définition, deviennent une variable d’ajustement qui se traduit souvent par de petites quantités et une mauvaise qualité, ou bien rien !
Les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire que nous avons vécue n’ont en rien arrangé la situation des étudiants. Cette crise a accentué les inégalités au sein de cette population très hétérogène, affectant tout particulièrement les étudiants ne bénéficiant pas d’un soutien financier familial et/ou exerçant une activité rémunérée pour subvenir à leurs besoins.
Les confinements successifs et la fermeture des restaurants universitaires les ont souvent privés d’un repas équilibré par jour. Un quart des étudiants dont les difficultés financières se sont aggravées pendant le confinement ont déclaré ne pas toujours avoir pu manger à leur faim pour des raisons financières.
La hausse de la fréquentation des épiceries sociales et solidaires dans les campus et l’affluence constatée lors des distributions de colis alimentaires organisées par les acteurs associatifs témoignent de l’aggravation du phénomène de précarité étudiante qui préexistait à la crise.
Le 25 janvier dernier, le Gouvernement a mis en place le repas à 1 euro pour tous les étudiants, qu’ils soient boursiers ou non. Si nous avons salué cette mesure, force est de constater qu’il existe, un peu à l’image de la cartographie des réseaux téléphoniques, des « zones blanches ». Une part trop significative d’étudiants est exclue de ce dispositif. Comme mon collègue Pierre-Antoine Levi, auteur de ce texte, aime à le rappeler, les étudiants peuvent télétravailler, mais ils ne peuvent pas « télémanger » !
Nous avons tous, dans nos circonscriptions, des territoires sous-dotés en structures de restauration universitaire. En Vendée, par exemple, la faculté d’Angers propose une formation pour les L3 située aux Sables-d’Olonne ; le Crous le plus proche est à 30 kilomètres, à La Roche-sur-Yon, ce qui rend impossible toute restauration universitaire pour ce type d’étudiants.
Nous examinons aujourd’hui une proposition de loi au service de ces derniers : elle vise à améliorer leurs conditions d’accès à une restauration au tarif étudiant. Comment ? En dupliquant un dispositif social accessible aux salariés, c’est-à-dire en créant un ticket restaurant à destination des étudiants, qui leur permettra d’accéder à une offre de restauration de proximité à moindre coût.
Cette idée n’est pas nouvelle, mon jeune §collègue Jean Hingray la défendait déjà sur les bancs de l’université, avant de la porter dans notre assemblée. Au regard des conséquences de la crise sanitaire, une telle mesure devient urgente.
Ce ticket restaurant permettra un élargissement du cadre de la restauration étudiante à la fois géographique et temporel. De nombreux Crous, en effet, n’ouvrent que pendant la pause méridienne et seulement quelques mois dans l’année. Ce dispositif donnera également plus de souplesse aux étudiants, qui pourront utiliser ces tickets au restaurant ou bien pour faire leurs courses et cuisiner chez eux.
L’amendement proposé par le rapporteur lors de l’examen du texte par la commission, que nous avons adopté, a permis de réajuster le dispositif qui se concentre uniquement, désormais, sur les étudiants éloignés de toute structure. Je ne doute pas du fait que les étudiants qui assistent aujourd’hui à notre séance partagent cette perspective !
Une telle clarification permet de contrer les abus éventuels. Elle s’inscrit dans une démarche d’offre complémentaire et non concurrentielle avec le réseau des œuvres universitaires et scolaires, évitant ainsi tout risque de déstabilisation de ce dernier.
Pour conclure, je souhaite saluer notre collègue Pierre-Antoine Levi, auteur de cette proposition de loi, ainsi que le rapporteur Jean Hingray, pour leurs travaux précis et efficaces au service de l’amélioration des conditions de vie de nos étudiants, lourdement affectés par la crise sanitaire et trop souvent oubliés ces derniers mois.
Le groupe Union Centriste votera unanimement cette proposition de loi. Madame la ministre, entendez l’appel des étudiants éloignés des sites ! Ils sont aujourd’hui dans les tribunes, et je les salue. Ce texte pourrait aboutir rapidement, si vous vous en saisissez.
Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la détresse dans laquelle se trouvent plongés bon nombre d’étudiants depuis le début de la crise sanitaire que nous traversons s’est singulièrement illustrée par les images de longues files d’attente occasionnées par la distribution de repas gratuits.
Ce phénomène, certes largement conjoncturel, a mis en exergue les difficultés matérielles rencontrées par les étudiants, dont la vie est loin d’être un long fleuve tranquille. Se nourrir, au même titre que se loger, ressemble pour certains à un véritable parcours du combattant, dans lequel on cherche plus des mesures palliatives qu’un confort idéal. C’est une situation dans laquelle on se satisfait de conditions juste acceptables pour poursuivre ses études.
Au travers de la proposition de loi déposée au Sénat par Pierre-Antoine Levi et à l’Assemblée nationale par ma collègue du Maine-et-Loire Anne-Laure Blin, il s’agit de prendre en considération la précarité alimentaire, dont souffrent certains étudiants, et de proposer, pour l’estomper, une mesure de ticket restaurant, dont chacun connaît le fonctionnement pour les salariés du secteur privé.
Comment adapter un tel dispositif au public estudiantin ? La question n’est pas si simple, et je veux saluer le travail de M. le rapporteur, Jean Hingray, qui, tout au long des auditions qu’il a menées, a bien mesuré les écueils, les difficultés d’application et les impacts d’une telle mesure.
Une instauration généralisée des tickets restaurant pour tous les étudiants, quel que soit le campus fréquenté, comportait à mon sens un potentiel risque de déstabilisation du réseau des Crous qui, rappelons-le, a la charge à la fois des restaurants et des résidences universitaires.
Mon dernier rapport budgétaire mettait en lumière les pertes financières des Crous, qui sont concentrées sur la partie restauration. De plus, de nouvelles exigences en matière d’approvisionnements locaux et en aliments bio, liées notamment à l’application de la loi Égalim, engendreront un surcoût non négligeable. Il me semble par conséquent délicat de les solliciter davantage sans une augmentation de la subvention pour charges de service public. Nous pourrons avoir ce débat lors de l’examen du prochain projet de loi de finances.
Cependant, il reste les fameuses zones blanches évoquées par M. le rapporteur, soit, pour l’essentiel, les antennes universitaires non pourvues de resto U, où chacun doit se débrouiller pour accéder à une alimentation à un tarif raisonnable et, si possible, équilibrée.
Je félicite M. le rapporteur d’avoir trouvé, via un amendement largement adopté par la commission, une nouvelle rédaction de l’article 1er qui introduit une judicieuse territorialisation de la mesure. Le décret d’application devra préciser les modalités de mise en œuvre de ce ticket restaurant étudiant, notamment son périmètre et son usage.
Il subsiste toutefois, semble-t-il, quelques interrogations, voire certains griefs contre cette initiative législative. C’est bien connu, quand on veut se débarrasser de son chien, on dit qu’il a la rage…
J’estime ainsi que le coût de la mesure est largement surévalué. La subvention de 3, 30 euros par repas ne saurait être multipliée par le nombre d’étudiants – quasiment 2, 8 millions – et le nombre de repas que compte une année universitaire. D’une part, la territorialisation évoquée précédemment réduit considérablement « l’assiette », si je puis dire. D’autre part, les habitudes des étudiants sont diverses, et une étude montre que moins d’un étudiant sur deux fréquente les restaurants universitaires. Rappelons-le également, comme pour les salariés du secteur privé, il s’agit d’une possibilité que chaque étudiant exercera à sa guise – il n’y a donc rien de systématique.
Par ailleurs, la mesure est considérée par certains comme une faveur, dont il conviendrait de faire le procès, accordée aux chaînes de restauration rapide, comme si chaque étudiant, muni de son ticket restaurant dûment acquis, achètera et avalera, jour après jour, son hamburger favori, sans aucune considération diététique. Curieusement, il n’a pas été mis en avant que ces tickets pourraient aussi être utilisés chez les restaurateurs, qui souffrent depuis maintenant dix-huit mois.
Je rappelle que nous parlons ici de jeunes adultes, régulièrement sensibilisés à la problématique de l’alimentation et de ses conséquences sur leur santé, de jeunes gens dotés d’une certaine capacité à avoir une attitude responsable.
Si je reprends cet argument, faudrait-il envisager que toute mesure d’aide sociale, des allocations logement au RSA, en passant par les indemnités chômage, soit accompagnée d’un mode d’emploi, d’un règlement pour son usage, voire d’un conseiller délivrant les autorisations de décaissement ? Je ne souscris évidemment pas à une telle vision de mise sous tutelle.
Pour les raisons que je viens d’invoquer, les sénateurs du groupe Les Républicains ont choisi de faire confiance à ce dispositif novateur et aux étudiants pour son usage. Par conséquent, ils voteront pour l’adoption de ce texte.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu ’ au banc des commissions.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Le chapitre Ier du titre II du livre III du code de l’éducation est complété par un article L. 821-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 821 -5. – Le ticket restaurant étudiant est un titre spécial de paiement remis aux étudiants n’ayant pas accès à une structure de restauration universitaire pour leur permettre d’acquitter en tout ou en partie le prix d’un repas consommé ou acheté auprès d’un organisme ayant conventionné, sur le territoire considéré, avec les établissements d’enseignement supérieur, les collectivités territoriales ou le réseau des œuvres universitaires et scolaires.
« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. »
L’amendement n° 1, présenté par Mmes Van Heghe et S. Robert, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Sabine Van Heghe.
La mise en place d’un ticket restaurant universitaire, même restreint au bénéfice des seuls étudiants éloignés des centres universitaires, permettra à l’initiative privée de se substituer partiellement au service public de restauration universitaire, tout en bénéficiant de financements publics.
La mise en place de ce ticket risque d’entraîner une diminution de la fréquentation des restaurants universitaires et, donc, une baisse de leurs moyens, qui sera lourde de conséquences sociales et sur la pérennité de leur réseau.
Le dispositif est en outre extrêmement flou quant aux financeurs et à leur participation respective dans le dispositif. Il ne présente aucune garantie d’exigence de qualité nutritive des repas accessibles grâce au ticket. Ce dernier ne sera vraisemblablement pas accessible aux étudiants les plus précaires, puisqu’il apparaît, à la lecture de l’exposé des motifs de la proposition de loi, qu’une part non négligeable restera à la charge des destinataires.
Il aurait été préférable de rediriger les fonds publics prévus pour financer ce ticket restaurant étudiant vers le renforcement des aides sociales.
Par conséquent, nous demandons la suppression de l’article 1er.
La commission est bien entendu défavorable à cet amendement.
Pour répondre à votre intervention à la tribune, ainsi qu’à nos échanges en commission, madame la sénatrice, j’aurais préféré, au lieu de cet amendement de suppression, un amendement prévoyant la mise en place d’un critère social. Si vous teniez à ce critère, nous aurions pu en discuter, voire y être favorables.
Je profite de l’opportunité qui m’est donnée pour remercier l’ensemble des sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, de leur hommage appuyé, auquel je m’associe, aux Cnous et aux Crous, et à leurs agents, qui seront très sensibles à la reconnaissance du rôle essentiel qu’ils jouent auprès de nos étudiants.
Je veux également remercier l’auteur du texte et le rapporteur de la commission d’avoir mis un coup de projecteur sur ce sujet, qui est bien réel. Je salue, enfin, la très grande qualité des débats.
Plus précisément sur cet amendement, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 1 er est adopté.
(Supprimé)
I. – Les éventuelles conséquences financières résultant pour l’État de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
II. – Les éventuelles conséquences financières résultant pour les collectivités territoriales de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L’amendement n° 2, présenté par Mmes Van Heghe et S. Robert, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Sabine Van Heghe.
Cet amendement de coordination n’ayant plus de raison d’être, je le retire, monsieur le président.
L ’ article 3 est adopté.
Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi visant à créer un ticket restaurant étudiant.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à onze heures cinquante-cinq.
L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi visant à nommer les enfants nés sans vie, présentée par Mme Anne Catherine Loisier et plusieurs de ses collègues (proposition n° 189, texte de la commission n° 655, rapport n° 654).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, auteure de la proposition de loi.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui est le fruit de rencontres et d’échanges avec des familles durement éprouvées par la perte d’un enfant né sans vie. Je salue celles qui sont présentes ce matin en tribune.
Ce texte vise à donner un nom de famille à ces enfants afin d’accompagner le deuil des parents et de figer ainsi dans la loi les premiers éléments d’une reconnaissance sociale. La disposition proposée n’emporte pas de droits supplémentaires, mais elle permet aux familles comme à tous les professionnels qui les accompagnent dans ces moments si pénibles, les sages-femmes, le personnel médical et les agents de l’état civil, des services funéraires, mais aussi des caisses d’allocations familiales ou de la Mutualité sociale agricole, de s’appuyer sur un cadre juridique à même – je l’espère – de faire évoluer les pratiques et de résorber les trop nombreuses inégalités territoriales constatées.
Je voudrais ici remercier les juristes et les sociologues que j’ai sollicités pour qu’ils m’éclairent dans la compréhension de ce dossier. Je salue le travail d’analyse et de sensibilisation qu’ils réalisent sur ce sujet délicat. J’attire d’ailleurs l’attention de ceux qui ne le connaîtraient pas sur le rapport Périsens (périnatalité, statuts, enregistrement, statistiques), publié en juin 2019 dans le cadre de la mission de recherche « Droit et justice ».
En matière de reconnaissance des enfants sans vie, la situation est bel et bien préoccupante. Leur nombre est estimé à 8 000 par an, mais leur recensement est difficilement fiable puisque certains parents choisissent, semble-t-il, de ne pas faire enregistrer leurs enfants.
En l’absence de personnalité juridique, la loi ne reconnaît pas socialement ces enfants, pas plus qu’elle ne reconnaît le deuil périnatal.
Nous entendons franchir ce pas, en permettant aux parents qui le souhaitent d’attribuer un nom de famille à ces enfants et en inscrivant dans la loi la possibilité de choisir un prénom. Cette dernière faculté est reconnue aux parents par un texte normatif, la circulaire du 19 juin 2009, aux termes de laquelle « un ou des prénoms peuvent être donnés à l’enfant sans vie, si les parents en expriment le désir », mais elle n’est jusqu’à présent pas prévue à l’article 79-1, alinéa 2, du code civil. J’ajoute que l’ouverture d’une telle possibilité se ferait sans créer de personnalité juridique ni de lien de filiation.
La disposition que nous soumettons au débat a été formulée sous forme de recommandation, dès 2005, par le Médiateur de la République.
La situation des enfants nés sans vie pose de nombreuses questions qui restent en suspens d’un point de vue juridique : au motif qu’il n’a pas de personnalité juridique, l’enfant né sans vie doit-il être juridiquement considéré comme l’enfant de personne ? Pourquoi ne pas attribuer un nom et un lien de filiation à un enfant né sans vie, alors qu’il peut être inscrit sur le livret de famille et se voir attribuer un prénom ? Qui porte un prénom sans avoir de nom ?
Inversement, malgré la non-reconnaissance d’un lien de filiation, l’acte d’enfant sans vie doit énoncer l’identité des père et mère en application de l’article 79-1 du code civil.
Il y a là autant de questions auxquelles cette proposition de loi ne répond que partiellement.
En ce sens, elle constitue à mes yeux une étape dans la prise de conscience juridique de ces situations, mais également dans l’organisation d’un accompagnement des familles qui reste à construire.
Je remercie notre rapporteur, Marie Mercier, pour le travail d’ajustement qu’elle a accompli, ainsi que mes collègues pour leurs propositions, en particulier l’amendement visant à ce que soit remis chaque année au Parlement un rapport sur la protection sociale à laquelle ont droit les parents d’enfants nés sans vie.
Ces dispositions constituent de réelles avancées sur le chemin de la reconnaissance des enfants nés sans vie et de l’accompagnement social du deuil des familles.
Ces nom et prénom individualisent l’enfant, lui accordent une place « officielle » dans la famille et dans son histoire, l’affirment aux yeux de l’administration, des services publics et des différents acteurs qui accompagnent la famille. Supports mémoriels et de deuil essentiels pour la famille, ils représentent un pas supplémentaire vers la reconnaissance sociétale de cette épreuve.
Ils permettront, je l’espère, d’avancer encore, à l’avenir, vers une plus grande considération sociale et surtout, monsieur le garde des sceaux, vers une meilleure uniformisation du traitement de ces situations et de l’accompagnement des familles sur l’ensemble du territoire.
Tels sont les objets de cette proposition de loi que vous me permettrez de qualifier d’humaniste et que je vous invite à voter.
Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et RDSE. – Mmes Éliane Assassi et Esther Benbassa applaudissent également.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l’objet de la proposition de loi de notre collègue Anne-Catherine Loisier est volontairement très circonscrit : il s’agit de donner un nom aux enfants nés sans vie pour mieux accompagner les familles qui subissent un deuil périnatal. C’est cela, tout cela, mais rien que cela qui nous occupe ce matin.
La notion d’enfant sans vie est une notion juridique issue de l’article 6 de la loi du 8 janvier 1993 modifiant le code civil relative à l’état civil, à la famille et aux droits de l’enfant et instituant le juge aux affaires familiales, qui a distingué les enfants sans vie des enfants nés vivants et viables, dotés, eux, d’une personnalité juridique.
Bien que les enfants sans vie ne se voient reconnaître aucune personnalité juridique, le législateur a fait le choix d’accompagner les parents dans leur deuil, en permettant l’enregistrement de ces enfants à l’état civil.
L’acte d’enfant sans vie est directement inscrit dans le registre des décès. Il s’agit, pour les parents, d’un acte optionnel qui n’est soumis à aucun délai particulier, contrairement à l’acte de naissance qui doit être établi dans les cinq jours après l’accouchement.
Les parents sont désignés, dans l’acte, sous l’appellation de « père » et « mère », ce qui peut sembler paradoxal puisque l’enfant, n’ayant pas de personnalité juridique, n’a pas de filiation. Nous aurons un débat tout à l’heure sur cette notion de « père » et « mère » ; le sujet n’est pas là et cette question ne doit pas compliquer l’examen de la présente proposition de loi.
L’inscription à l’état civil vient ici donner l’apparence d’une existence juridique et l’apparence d’une filiation, bien que celles-ci ne soient en réalité que mémorielles. Il y va d’« un accompagnement bienveillant » par le droit, selon l’expression utilisée par un universitaire que nous avons auditionné, une sorte d’« accommodement raisonnable » du droit.
Depuis 2008, l’acte d’enfant sans vie est conditionné à la production d’un certificat médical attestant de l’accouchement de la mère, que celui-ci ait eu lieu de manière spontanée ou ait été provoqué pour raison médicale, selon un modèle défini par arrêté du ministre de la santé.
N’ouvrent pas la possibilité d’un tel certificat d’accouchement, et donc d’une inscription à l’état civil, les interruptions de grossesse du premier trimestre, c’est-à-dire les interruptions spontanées précoces – les fausses couches – et les interruptions volontaires de grossesse. Je précise qu’auparavant une circulaire imposait aux officiers de l’état civil d’appliquer les seuils de viabilité reconnus par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), soit un poids de 500 grammes ou une aménorrhée de vingt-deux semaines. Mais la Cour de cassation, par trois arrêts du 6 février 2008, a jugé qu’une simple circulaire ne pouvait limiter les droits des parents ni ajouter au texte des conditions qu’il ne prévoit pas. C’est donc désormais aux médecins qu’il revient de constater s’il y a eu ou non accouchement.
Depuis 2008, les couples non mariés dont le premier enfant est mort-né ou non viable peuvent également se faire délivrer un livret de famille par l’officier de l’état civil afin d’y inscrire leur enfant, ce qui n’était possible auparavant que pour les couples mariés ou ayant déjà un enfant.
Une circulaire du 19 juin 2009 a ensuite reconnu aux parents le droit de choisir un ou des prénoms pour leur enfant sans vie. Les parents peuvent également organiser des funérailles et bénéficier de certains droits sociaux tels que les congés de maternité et de paternité ou le congé de deuil.
L’auteure de cette proposition de loi veut autoriser l’inscription de l’enfant sans vie à l’état civil sous un nom. Elle souhaite par ailleurs inscrire dans la loi, et non plus dans une simple circulaire, la possibilité de lui donner un prénom.
L’intention de l’auteure est de limiter la portée de l’attribution d’un nom au seul acte d’enfant sans vie, afin d’éviter tout effet de bord potentiellement indésirable. La rédaction proposée précise à cette fin que l’acte d’enfant sans vie « emporte uniquement modification de l’état civil de l’enfant ».
La question qui se pose à nous est celle de savoir si nous souhaitons aller plus loin dans la reconnaissance de l’enfant sans vie. Les parents peuvent déjà inscrire leur enfant à l’état civil sous un prénom, l’inscrire sur leur livret de famille et organiser pour lui des funérailles. Faut-il leur accorder le droit supplémentaire de lui donner un nom ?
Oui, a répondu la commission des lois. Elle a estimé qu’il était légitime d’aller au bout du processus d’identification de l’enfant mort-né ou non viable pour mieux l’inscrire dans l’histoire familiale et matérialiser symboliquement le lien de filiation du père, ce dernier n’ayant pas le même rapport charnel avec l’enfant que la mère, qui a accouché.
Par ailleurs, donner un nom en plus du prénom rendrait plus cohérente la reconnaissance symbolique de l’enfant sans vie et procéderait de la même logique compassionnelle que celle qui présida à la création par le législateur de l’article 79-1 du code civil en 1993. Les familles ne comprennent pas « l’entre-deux » actuel, en vertu duquel on peut choisir un prénom, mais pas un nom.
Toutefois – c’est un point important –, la commission a souhaité inscrire expressément dans le texte le caractère symbolique de ce pas supplémentaire. Il ne s’agit pas d’ouvrir la voie à la reconnaissance d’une personnalité juridique à l’enfant sans vie via l’attribution de prénoms et d’un nom.
Le prénom et le nom sont des attributs de la personnalité juridique. C’est parce qu’il y a personnalité juridique que la personne peut avoir un prénom et un nom, puis une filiation, et ainsi entrer en ligne de succession.
À l’inverse, si le législateur décide de donner un prénom et un nom à une personne dépourvue de personnalité juridique, cette attribution lui confère-t-elle de facto une personnalité juridique ? Les professeurs de droit que j’ai entendus ont estimé que non. En droit français, seul le fait d’être né vivant et viable confère la personnalité juridique.
Néanmoins, pour éviter tout risque de construction prétorienne et dans la mesure où l’auteure de la proposition de loi s’était déjà engagée dans cette voie, la commission a ajouté la précision selon laquelle « cette inscription de prénoms et nom n’emporte aucun effet juridique ». Ainsi se trouverait expressément écarté tout éventuel effet, en matière de filiation et de succession notamment, sans qu’il soit fait mention, comme initialement proposé, d’un « état civil » dont l’enfant sans vie est dépourvu, car – je vous le rappelle – il n’a pas de personnalité juridique.
Compte tenu de la valeur simplement mémorielle de l’acte d’enfant sans vie, cette mention écarterait également l’application de l’alinéa 3 de l’article 311–21 du code civil en matière de dévolution du nom de famille – « le nom précédemment dévolu ou choisi vaut pour les autres enfants communs » –, ce qui n’empêcherait évidemment pas les parents de choisir le même nom de famille pour leurs enfants nés postérieurement.
Enfin, conformément à la volonté initiale de l’auteure, la rédaction adoptée par la commission marque de manière plus claire le caractère optionnel de l’attribution d’un ou de prénoms et d’un nom à l’enfant sans vie. Par ailleurs, elle précise les modalités du choix du nom par les parents.
Au bénéfice de ces observations, la commission des lois vous propose d’adopter la proposition de loi de notre collègue Anne-Catherine Loisier, ainsi modifiée avec son assentiment.
Je veux le répéter encore : il s’agit simplement d’offrir un accompagnement à ces familles qui sont et resteront pour toujours pleines de larmes. Aidons-les un tout petit peu dans ce deuil impossible qu’est le deuil de l’avenir.
Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, en 2020, 740 000 naissances ont eu lieu dans notre pays.
Parfois, hélas, le chagrin est au rendez-vous d’un événement qui se voulait heureux. Je pense bien sûr à la peine des parents et des familles qui ne pourront pas entendre le premier cri de cet enfant attendu, né sans vie. L’année dernière, 8 747 actes d’enfant sans vie ont été dressés. Derrière ce chiffre se cachent des douleurs immenses. Ce deuil nécessite un accompagnement et beaucoup d’empathie de notre part.
Aujourd’hui, un acte juridique permet de reconnaître cet enfant : c’est l’acte d’enfant sans vie, créé par la loi du 8 janvier 1993 relative à l’état civil, à la famille et aux droits de l’enfant.
L’article 79-1 du code civil distingue ainsi deux hypothèses.
Lorsque le certificat d’accouchement atteste que l’enfant est né vivant et viable, mais que celui-ci décède avant l’établissement de l’acte de naissance, l’officier d’état civil dresse simultanément un acte de naissance et un acte de décès. L’enfant qui est né vivant et viable, même s’il n’a vécu que quelques instants, a été une personne avec tous les attributs de la personnalité juridique.
Au contraire, lorsqu’il n’est pas attesté par le certificat d’accouchement que l’enfant est né vivant et viable, un acte d’enfant sans vie peut être établi. Cet acte est enregistré seulement sur les registres de décès. L’enfant sans vie peut recevoir un prénom et être inscrit sur le livret de famille avec indication du nom de ses père et mère, alors même que la filiation n’est pas juridiquement établie.
Ceux que la loi désigne comme « enfants sans vie » sont, d’une part, les enfants qu’on appelait jadis « mort-nés » et, d’autre part, les enfants décédés peu après la naissance, car ils n’étaient pas viables.
Avec votre proposition de loi, madame la sénatrice Loisier, vous souhaitez donner un nom de famille aux enfants sans vie pour accompagner le deuil des parents.
Je veux saluer la grande humanité de votre démarche ; je partage avec vous l’objectif visant à mieux prendre en compte la situation des familles touchées par de tels drames. Il s’agit d’un enjeu essentiel pour nous tous, notamment pour le Gouvernement. L’implication de chacun est nécessaire pour accompagner ces familles à la hauteur de leur souffrance.
Je tiens à exprimer ici devant vous une pensée chaleureuse et particulière à l’attention de l’ensemble des familles qui ont été frappées par la douleur de la perte d’un enfant né sans vie. L’épreuve immense qu’elles traversent mérite toute notre attention ; nous nous devons de le leur dire.
Votre proposition de loi, madame la sénatrice Loisier, fait œuvre utile en ce qu’elle permet de poser le débat et de faire connaître des situations trop souvent ignorées.
J’entends être au rendez-vous des demandes légitimes qui s’expriment en faveur d’un traitement digne et respectueux des enfants nés sans vie et de leurs familles.
Je veux vous assurer que le ministère de la justice, le ministère des solidarités et de la santé et le ministère de l’intérieur, ainsi que le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, s’emploient avec détermination à améliorer l’accompagnement des familles. Il s’agit de répondre à leur demande légitime d’un traitement digne et respectueux des enfants nés sans vie. Or, à cette demande, plusieurs réponses ont été apportées, dont je voudrais faire le bref rappel devant vous.
Tout d’abord, pour les familles qui le souhaitent, l’inscription dans l’histoire familiale des enfants nés sans vie est déjà possible.
Cette inscription passe en premier lieu, comme je l’ai dit, par l’établissement d’un acte officiel : l’acte d’enfant sans vie. Elle passe aussi par la mention du prénom de l’enfant dans un livret de famille remis aux parents, à leur demande, par l’officier d’état civil, et qui porte la mention des parents. Elle passe également par l’organisation de funérailles à la demande de la famille. Les communes peuvent d’ailleurs autoriser des funérailles, même en l’absence d’acte d’enfant sans vie.
Le travail mémoriel peut en outre se traduire par l’apposition d’un prénom, mais aussi d’un nom de famille, sur la sépulture. En effet, le code général des collectivités territoriales n’impose pas que l’identité gravée sur le monument funéraire soit strictement identique aux données de l’état civil. Les titulaires de la concession funéraire peuvent demander une inscription différente.
À notre connaissance, la mise en œuvre de l’article 79-1 du code civil ne donne lieu à aucune difficulté d’application, pour les officiers de l’état civil comme pour les professionnels de santé ou pour les communes – et je tiens à vous assurer que le Gouvernement est vigilant sur ce point.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les instructions qui ont été données vont dans le sens d’une appréhension des situations empreinte d’humanité. Les professionnels qui sont amenés à intervenir y sont évidemment sensibilisés.
Ensuite, l’accompagnement des familles a été renforcé. Des recommandations générales concernant la prise en charge du deuil périnatal ont été définies par la Haute Autorité de santé. En complément, certains réseaux de santé périnatale ont travaillé à la définition de recommandations régionales permettant d’harmoniser l’accompagnement du parcours de deuil.
Tous les efforts sont donc faits pour proposer à la famille un accompagnement individualisé et pour lui délivrer l’intégralité des informations nécessaires en matière d’investigations cliniques complémentaires, de procédures administratives, de droits aux prestations sociales ou aux congés parentaux, d’inscription à l’état civil ou d’obsèques.
Enfin, le droit actuel tient compte de toutes les sensibilités. En effet, chacun est libre de faire établir un acte d’enfant sans vie. Chacun est libre de donner un prénom à l’enfant. Chacun est libre d’organiser des funérailles ou de s’en remettre aux établissements de santé. Chacun est libre d’associer au prénom un nom sur la sépulture.
Faut-il aller plus loin et introduire dans le code civil la possibilité d’inscrire à l’état civil un nom de famille ? Cette proposition, dont je comprends et respecte les motivations, me conduit à émettre deux réserves, mesurées, que je voudrais partager avec vous.
La première est qu’une telle inscription peut être de nature à rigidifier les règles applicables en matière d’état civil. En effet, le cadre actuel, dans sa souplesse, permet à chacun de faire son deuil comme il l’entend face à l’épreuve terrible que constitue la perte de l’enfant tant attendu. Car je ne crois pas qu’il y ait une seule façon de faire son deuil. Certains souhaitent oublier ; ceux-là aussi doivent être pris en compte.
La seconde concerne le code civil et le droit des personnes : le risque existe d’un déplacement des équilibres acquis.
La proposition qui consiste à introduire dans le code civil la possibilité de donner un nom à l’enfant né sans vie pose une difficulté juridique : comment justifier que le nom soit dévolu sans qu’une filiation soit établie ? Et comment donner à l’enfant un nom à l’état civil, en lui déniant toute personnalité juridique ?
J’ai bien sûr relevé que les travaux de la commission menés par la rapporteure Marie Mercier, que je tiens à remercier pour son implication, avaient permis de préciser le texte, garantissant que les nouvelles propositions de rédaction ne consacrent pas la personnalité juridique de l’enfant, ce qui emporterait des conséquences très importantes en matière civile, en particulier en termes de dévolution successorale.
Les travaux de la commission sont de nature à encadrer la portée de ce texte, ou plutôt, ce qui peut d’ailleurs paraître paradoxal, à lui ôter sa pleine efficacité juridique ; mais – je souhaite y insister – le nom de famille est un attribut de la personnalité juridique et seules les personnes ont un nom de famille.
Or l’enfant sans vie n’a pas de personnalité juridique. Aussi son statut juridique ne relève-t-il pas du domaine de la loi et du code civil. Le rattachement dans la loi d’éléments de l’état civil à l’enfant sans vie est de nature à faire naître des incertitudes et de la confusion quant au cadre juridique applicable.
Ces équilibres, vous le savez, sont particulièrement sensibles et toujours fragiles ; il nous faut n’y toucher que d’une main des plus tremblantes – le cœur a ses raisons que la raison juridique ne connaît pas forcément. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, depuis 1993, l’article 79-1 du code civil définit le cadre juridique applicable aux enfants nés sans vie ou non viables, qui les distingue des enfants nés vivants et viables, dotés d’une personnalité juridique. Ce même article permet aux parents de demander l’établissement d’un acte d’enfant sans vie.
Deux décrets, en 2008, ainsi qu’une circulaire, en 2009, sont venus compléter le dispositif, conditionnant notamment l’établissement d’un acte d’enfant sans vie à la production d’un certificat médical attestant de l’accouchement de la mère, que celui-ci ait été spontané ou provoqué pour raison médicale.
L’autrice de cette proposition de loi a souhaité aller plus loin dans l’individualisation de l’enfant sans vie et dans la reconnaissance de ses parents, en autorisant l’inscription d’un nom dans l’acte d’enfant sans vie.
La commission a abondé en ce sens : donner un nom à ces enfants rend plus cohérente leur reconnaissance symbolique, selon la même logique compassionnelle que le législateur a entendu faire prévaloir en 1993 à l’attention des parents, une précision importante étant dans le même temps apportée selon laquelle « cette inscription de prénoms et nom n’emporte aucun effet juridique ». Tout éventuel effet, en matière de filiation et de succession notamment, est ainsi écarté, ne s’agissant que d’une reconnaissance de filiation symbolique, et non juridique.
Cet apport à notre droit civil reste donc de l’ordre du symbole et doit être vu comme un accompagnement bienveillant des familles endeuillées – c’est à elles que nous pensons. Tout en ne bénéficiant toujours d’aucune personnalité juridique, l’enfant sans vie apparaîtra désormais nommé sur l’acte d’enfant sans vie et dans le livret de famille des parents.
Cette reconnaissance d’une filiation symbolique est bienvenue. La désignation des parents étant prévue depuis 1993, il s’agit en effet de reconnaître la réciprocité du lien : s’il y a un père et une mère, il y a un fils ou une fille.
C’est également à cette solution qu’invite la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Celle-ci a en effet estimé, dans un arrêt du 2 juin 2005, que le refus d’admettre l’existence d’un lien de filiation entre un parent et un enfant mort-né constituait une violation du droit au respect de la vie privée et familiale.
Cependant, d’un point de vue sanitaire et « progressiste », je me permets d’insister : conserver cet apport au niveau du symbole, comme l’a précisé Mme la rapporteure, est primordial pour éviter toute éventuelle remise en cause de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) via la reconnaissance d’une personnalité juridique à l’enfant sans vie. L’IVG comme l’interruption spontanée précoce de grossesse, en tant qu’interruptions intervenant au premier trimestre, sont d’ailleurs expressément exclues du dispositif depuis le décret de 2008 précédemment évoqué.
De la même façon, il me semble qu’il faut se méfier des arguments à tendance quelque peu « réactionnaire », tel que celui de la commission consistant à justifier ce texte par la nécessité de « matérialiser symboliquement le lien de filiation du père qui n’a pas le même rapport charnel avec l’enfant que la mère ». Cette vision patriarcale de la filiation est paradoxale compte tenu des modalités de choix du nom définies dans le texte et précisées dans le rapport de la commission : qu’en est-il si seul le nom de la mère est choisi ? Qu’en est-il si les parents se contentent, dans le cas d’un premier enfant, d’un acte d’enfant sans vie sans demander de livret de famille ? Qu’en est-il des parents homosexuels ? Ceux-ci n’ont pas moins besoin que les parents hétérosexuels d’un accompagnement face à la douleur que représente la mort d’un nourrisson.
Le droit de la filiation évolue ; prenons-le en compte dans tous les textes que nous élaborons.
Quoi qu’il en soit, et sous réserve de ces quelques remarques, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste partage la lettre de ce texte et votera pour son adoption.
Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme l e rapporteur et Mme Esther Benbassa applaudissent également.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, notre collègue Anne-Catherine Loisier, dont je tiens à saluer l’initiative, nous invite à débattre d’une proposition de loi visant à nommer les enfants mort-nés. Ce texte permet de clarifier le statut des enfants nés sans vie, qui demeure ambigu, et ainsi d’accompagner le deuil des parents.
L’année dernière a vu la naissance de 8 747 enfants mort-nés – quelle antinomie ! Autant de familles, donc, ont subi cette épreuve. L’adoption de cette proposition de loi permettrait d’accorder à l’enfant né sans vie une reconnaissance mémorielle, en donnant la possibilité aux parents de lui donner un nom. Une telle recommandation a d’ailleurs été formulée dès 2005 par le Médiateur de la République.
La possibilité de donner un nom à l’enfant mort-né existe déjà dans de nombreux pays tels que l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Irlande ou les Pays-Bas.
Le droit positif français, en revanche, ne permet pas la reconnaissance d’un lien de filiation avec un enfant né sans vie. L’officier de l’état civil établit un acte d’enfant sans vie, si l’enfant est mort-né ou est né vivant, mais non viable et décédé avant la déclaration de naissance.
Cet acte d’enfant sans vie doit énoncer l’identité des père et mère ; ceux-ci ont le droit d’attribuer à l’enfant des prénoms qui peuvent être mentionnés, à leur demande, sur le livret de famille.
La possibilité de donner un nom à l’enfant sans vie est la continuité de tout ce processus législatif et réglementaire, comme l’ont rappelé les orateurs précédents.
L’objectif premier de cette proposition de loi reste donc de compléter la reconnaissance symbolique de l’enfant, en lui accordant un nom et en l’inscrivant dans l’acte d’enfant sans vie. Cela permet d’aller plus loin dans l’individualisation de l’enfant sans vie, en renforçant sa reconnaissance par ses parents.
Cette attribution a une portée limitée dans la mesure où elle n’entraîne aucun effet indésirable, en particulier sur le plan successoral, fiscal ou social. D’où le choix de la commission d’écrire expressément, à la fin de la deuxième phrase du second alinéa de l’article 79-1 du code civil, le fait que « cette inscription de prénoms et nom n’emporte aucun effet juridique ».
Notre collègue Anne-Catherine Loisier a clairement spécifié, au moment de déposer cette proposition de loi, que le fait de nommer l’enfant sans vie n’entraînerait aucun droit supplémentaire, aucune filiation et aucune reconnaissance de la personnalité juridique.
La proposition de Mme la rapporteure, suivie par la commission des lois, vise à préciser cette inscription, tout en sécurisant son caractère symbolique. Elle vient détailler la mention du nom de cette manière : « soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit les deux noms accolés dans l’ordre choisi par eux dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux ».
L’enfant mort-né peut ainsi s’inscrire de manière plus complète dans l’histoire familiale. Cette reconnaissance participe d’une logique compassionnelle et vient renforcer cette intention déjà promue par le législateur à l’occasion de la création de l’article 79-1 du code civil en 1993.
Je tiens à remercier une fois encore, au nom du groupe Union Centriste, notre rapporteure, Marie Mercier, pour l’écoute et l’implication qui ont été les siennes sur un sujet qui n’est pas facile.
Dans l’intérêt des familles, ce sujet ayant largement fait consensus et permettant une reconnaissance mémorielle à caractère purement symbolique, je ne doute pas que la Haute Assemblée adoptera cette proposition de loi.
Il s’agit de prendre en compte les souffrances de ces familles endeuillées ; cette proposition, empreinte d’humanité, est une réponse pour mieux les accompagner. Je remercie notre collègue Anne-Catherine Loisier d’avoir permis au Sénat de débattre de ce sujet qui est grave, ainsi que Mme la rapporteure qui nous a proposé d’améliorer la rédaction de ce texte.
Le groupe Union Centriste votera donc le texte issu des travaux de la commission des lois.
Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Marc Laménie et Mme le rapporteur applaudissent également.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, parfois, le Parlement fait œuvre d’humanisme. C’est incontestablement le cas aujourd’hui.
Chacun l’a souligné, l’ambition de cette proposition de loi est non pas de faire une révolution juridique, mais bien de prendre en compte une situation. Il s’agit de poursuivre un travail, entamé depuis maintenant une trentaine d’années, de prise en compte de la douleur des parents par la reconnaissance de la naissance de l’enfant.
Nombre de mes collègues l’ont rappelé, ce travail a commencé en 1993, puis a été poursuivi en 2005 et en 2009. Peu à peu, grâce à l’inscription dans des documents officiels, la reconnaissance de l’existence d’un enfant mort-né a été rendue possible.
Certes, comme en attestent les chiffres évoqués tout à l’heure, nul ne connaît exactement le nombre d’enfants concernés par ces dispositifs, car aucune obligation n’est faite aux parents – et c’est sans doute bien ainsi – de s’engager dans la démarche ayant vocation à inscrire officiellement dans l’histoire familiale la naissance de cet enfant.
Le garde des sceaux et Mme la rapporteure l’ont souligné, les situations sont diverses. Il peut s’agir d’enfants nés sans vie, appelés autrefois mort-nés, ou d’enfants qui vivent quelques heures et décèdent avant le délai permettant leur déclaration à l’état civil. Il peut aussi s’agir d’enfants décédés dans le ventre de leur mère, d’où la nécessité de se montrer vigilant et de bien cantonner cette démarche à des enfants qui auraient pu, en raison de la durée de la grossesse, naître si tout s’était passé dans des conditions favorables.
Il me semble, au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, que la démarche proposée par ce texte complète ce travail et honore le Sénat. J’espère d’ailleurs que l’Assemblée nationale se saisira de cette proposition de loi pour la mener jusqu’au terme de son parcours législatif.
Nous avons eu un débat sur l’existence ou non, la nécessité ou non, de la personnalité juridique. Le problème est, en réalité, très complexe. On pourrait penser que, puisque l’enfant est décédé, la personnalité juridique disparaît. Mais il a semblé nécessaire de le préciser, ce qui est sans doute mieux pour bien marquer le caractère symbolique de cette démarche.
Mon groupe a déposé deux amendements. L’un d’entre eux a été évoqué par l’auteure de la proposition et tend – c’est le format du débat parlementaire qui l’impose – à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur l’accompagnement proposé aux parents et sur sa mise en œuvre.
Depuis désormais plusieurs années, les parents bénéficient d’un certain nombre de droits en termes de congés, de fiscalité, de prime, etc. Il est possible que la mise en œuvre de ces dispositifs soit hétérogène sur l’ensemble du territoire. Par ailleurs, la question de la formation et de l’accompagnement des soignants n’est pas évoquée. Or quiconque a pu parler avec les soignants sait que c’est pour eux quelque chose de très particulier : ils sont certes formés à cette problématique depuis maintenant un certain nombre d’années, mais c’est néanmoins un sujet qui nécessite une grande vigilance.
C’est en ce sens qu’il nous a semblé intéressant de demander que le Parlement soit informé, afin qu’il puisse s’assurer que le Gouvernement reste attentif à la mise en œuvre de cet accompagnement qui est nécessaire aussi bien pour les parents que pour les soignants.
Le second amendement que nous avons déposé a vocation à remplacer dans l’article du code civil que cette proposition de loi vise à modifier les mots « père » et « mère » par le terme de « parents », conformément aux évolutions législatives de ces dernières années. D’ailleurs, d’autres articles du code civil utilisent le terme de « parents », sans recourir spécifiquement à l’expression de « père et mère ». Il serait problématique de revenir sur ce changement de terminologie qui vise à tenir compte de la diversité des situations. Qui pourrait considérer qu’une famille homoparentale souffre moins qu’une famille hétéroparentale de la perte d’un enfant ?
De ce point de vue, et afin d’éviter toute critique sur la façon dont le Sénat appréhende les évolutions de la forme des familles et du droit, il nous a semblé sain de mettre en phase avec ces évolutions les dispositions législatives concernées par les modifications qui sont aujourd’hui proposées.
Au-delà de ces deux modifications, que nous proposons d’introduire dans le texte, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est favorable à cette proposition de loi. Certes, elle peut sembler relativement limitée dans son objet, mais elle constitue une étape supplémentaire pour accompagner la souffrance des parents et des familles. C’est en ce sens que nous lui manifesterons notre soutien.
Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mme le rapporteur applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, jusqu’à récemment, les enfants nés sans vie étaient très souvent qualifiés de « pièces anatomiques », de « déchets hospitaliers », de « produits innommés » ou encore de « débris humains ». En tant que tels, ils étaient incinérés dans les services hospitaliers ad hoc, avec les autres pièces opératoires.
Dans le contexte de la perte d’un enfant, de telles formules, de telles classifications, ainsi que les procédures en découlant, étaient psychologiquement traumatisantes et ajoutaient à la douleur incommensurable des parents.
Prendre en compte la réalité d’une existence – même in utero, fugitive, elle est porteuse de l’espérance d’un couple –, est une démarche nécessaire, d’autant que nous avons très tôt au cours de la grossesse la possibilité technique d’avoir une représentation de la vie du fœtus, qu’elle soit visuelle ou sonore. L’interruption de cette vie en est ressentie encore plus douloureusement, et le travail de deuil est plus que jamais indispensable.
Aussi, en complétant la reconnaissance mémorielle de ces enfants nés sans vie, l’initiative de notre collègue Anne-Catherine Loisier est sensible et honorable.
Au cours de ces dernières années, beaucoup a été fait pour mieux prendre en compte la détresse de ces parents venant de perdre un enfant mort-né ou non viable.
Tout d’abord, la loi du 8 janvier 1993 a donné un cadre juridique à ces enfants. Elle permet aux parents d’obtenir un acte d’enfant sans vie qui figure dans le registre des décès.
Ensuite, deux décrets du 20 août 2008 ont apporté des précisions : l’un prévoit que l’acte d’enfant sans vie est conditionné à la production d’un certificat médical attestant de l’accouchement de la mère ; l’autre autorise les couples non mariés dont le premier enfant est né sans vie à faire inscrire celui-ci dans un livret de famille.
L’année suivante, la circulaire du 19 juin 2009 a permis aux parents de donner un ou plusieurs prénoms à leur enfant mort-né ou non viable.
L’établissement d’un acte d’enfant sans vie reconnaît aux parents la possibilité de faire jouer à l’état civil un rôle symbolique : désormais, il existe une trace de l’existence de leur enfant et une individualisation de celui-ci par l’attribution d’un ou de plusieurs prénoms.
Surtout, l’établissement d’un acte d’enfant sans vie permet aux parents de réclamer à l’établissement de santé, dans les dix jours de l’accouchement, le corps de leur enfant décédé et d’en obtenir la remise afin d’organiser, s’ils le souhaitent, des obsèques. Il donne aussi accès à certains droits sociaux, comme l’attribution d’un congé de maternité et de paternité.
La proposition de loi que nous examinons constitue une étape supplémentaire dans ce processus de reconnaissance symbolique de l’enfant mort-né ou non viable, en permettant de porter sur l’acte d’enfant sans vie le nom de l’enfant.
Il s’agirait d’une simple faculté offerte aux parents confrontés à un deuil périnatal, et non d’une obligation. L’attribution de ce nom serait limitée au seul acte d’enfant sans vie. Elle ne créerait donc aucune filiation. Elle ne reconnaîtrait aucune personnalité juridique à l’enfant mort-né ou non viable.
C’est pourquoi le groupe Les Indépendants – République et Territoires est favorable à cette évolution dans la reconnaissance mémorielle de l’enfant sans vie et votera ce texte.
Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Marc Laménie et Mme Maryse Carrère applaudissent également.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, devenir parent est un long processus. Il s’initie à la rencontre de deux personnes, qui décident de s’aimer, de construire ensemble, de faire famille. Ce processus est plein de réflexion, d’enthousiasme, de moments où l’on se projette, de doutes parfois aussi.
Devenir parent, c’est également comprendre la belle responsabilité qui nous incombe d’aimer inconditionnellement son enfant, avant même qu’il ne vienne au monde. Car devenir parent, c’est avant tout dévouer à un être autre une partie de son avenir, de ses projets, une partie de soi, et ce tout au long de sa vie.
Alors, perdre un enfant n’est jamais une épreuve vécue sans une grande souffrance. Et perdre son enfant avant qu’il ne vienne au monde ne rend pas la douleur moins forte ; cela ne change pas non plus le fait que l’on est déjà son parent.
En France, chaque année, ce sont 8 000 familles qui sont confrontées à la naissance d’un enfant sans vie.
La situation actuelle de notre droit est la suivante : conformément au deuxième alinéa de l’article 79-1 du code civil, l’enfant né sans vie n’acquiert pas la personnalité juridique. De ce fait, il peut recevoir un prénom, mais il n’y a ni filiation ni nom de famille, car il n’y a pas établissement d’un acte de naissance.
Je salue alors la visée de cette proposition de loi, qui entend aller plus loin dans l’individualisation de l’enfant sans vie et dans la reconnaissance de ses parents.
L’inscription d’un nom dans l’acte d’enfant sans vie, en plus des mentions déjà prévues au deuxième alinéa de l’article 79-1 du code civil, est d’une valeur symbolique forte pour ces parents et pour ces 8 000 familles françaises touchées chaque année par le drame.
Comme en Allemagne, au Royaume-Uni, en Irlande, aux Pays-Bas ou en Suisse, où un nom peut déjà être attribué à l’enfant né sans vie, le choix est ici fait de donner l’apparence d’un lien de filiation par la voie mémorielle, sans accorder de droits supplémentaires.
Ainsi que je l’ai souligné en introduction, devenir parent est un long processus. C’est le roman familial qui débute. Il s’agit maintenant d’inscrire l’enfant né sans vie dans l’histoire familiale et de matérialiser symboliquement le lien de filiation avec ses parents.
La proposition de loi que nous étudions touche à l’affect et à l’humain. Il s’agit d’un texte qui vise à apporter un peu de paix, là où la douleur prévaut.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutient cette proposition de loi et votera en sa faveur.
Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Michelle Meunier et Mme le rapporteur applaudissent également.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, prendre en compte la douleur d’une famille en lui permettant de faire son deuil, tel est l’objet de la proposition de loi de notre collègue Anne-Catherine Loisier que nous examinons aujourd’hui.
C’est un objet pleinement légitime et important, qui a d’ailleurs justifié plusieurs évolutions du droit applicable aux situations d’enfants sans vie afin de mieux accompagner le deuil des parents.
Ainsi, depuis 2008, et à la suite d’arrêts de la Cour de cassation, l’acte d’enfant sans vie est établi sur production d’un certificat attestant de l’accouchement de la mère, sans condition de seuil de viabilité du fœtus.
Surtout, aux termes d’une circulaire du 19 juin 2009, il est possible de donner à cet enfant un prénom. Toutefois, il ne peut lui être donné de nom de famille ni lui être reconnu de filiation, ces deux éléments constituant des attributs de la personnalité juridique qui résulte elle-même du fait d’être né vivant et viable.
Cela a été dit, la proposition de loi vise à aller plus loin que le droit en vigueur, en permettant aux parents de donner un nom à l’enfant dans l’acte d’enfant sans vie.
Comme en témoignent les réactions d’une partie de la doctrine aux arrêts de 2008, mais également les précautions prises par l’auteure, puis par Mme la rapporteure, tout l’enjeu consiste à trouver un équilibre entre les principes juridiques, notamment ceux qui sont relatifs à la personnalité juridique de l’enfant.
À cet égard, l’auteure de la proposition de loi précise, dans l’exposé des motifs, que le seul effet recherché est la modification de l’état civil de l’enfant et qu’il ne s’agit pas d’accorder de droits supplémentaires.
Dans l’objectif de lever les incertitudes qui subsistaient, la commission des lois, sur l’initiative de Mme la rapporteure, Marie Mercier, a réécrit l’article unique afin d’y mentionner expressément que « cette inscription de prénoms et nom n’emporte aucun effet juridique ».
Cette démarche bienvenue de Mme la rapporteure tendait à rechercher un équilibre entre l’objectif de la proposition de loi et la nécessité de ne pas induire d’effets de bord et de ne pas remettre en cause les principes du droit civil concernant la personnalité juridique.
Certes, la nouvelle écriture de l’article unique vise à aller au bout du processus d’identification de l’enfant sans vie dans la continuité des évolutions antérieures, pour mieux inscrire celui-ci dans l’histoire familiale.
Toutefois, nous nous interrogeons sur la portée de la mention générale et indéterminée d’un « nom », ainsi que de la précision selon laquelle « cette inscription de prénoms et nom n’emporte aucun effet juridique » : est-elle suffisante pour éviter les effets de bord, comme entend utilement le faire Mme la rapporteure ?
L’objectif de cette proposition de loi, à savoir accompagner les parents d’enfant sans vie dans leur deuil, est bien sûr partagé par les membres du groupe RDPI.
Le rôle de l’État est bel et bien, ici, de soutenir et de mieux accompagner les familles, en simplifiant les démarches administratives et en facilitant l’accès à un suivi psychologique pour celles qui sont confrontées au deuil d’un enfant.
C’est d’ailleurs le sens de l’annonce faite par Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, et Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques, du lancement d’un plan d’action en la matière ; le groupe RDPI y sera particulièrement attentif.
L’importance du sujet et la souffrance des familles qui sont confrontées à de telles situations impliquent de dépasser le champ exclusivement symbolique, même s’il est aussi nécessaire.
Pour toutes ces raisons, et saluant les objectifs de ce texte, ainsi que la recherche d’équilibre par Mme la rapporteure, les membres présents du groupe RDPI voteront cette proposition de loi, même si certaines interrogations subsistent.
Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Patricia Schillinger et Mme le rapporteur applaudissent également.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, certains sujets sont lourds à traiter autant qu’ils sont nécessaires. Nous modifions quelques mots dans une loi et, derrière eux, se trouvent des situations familiales tragiques. Ainsi, certains parents sont confrontés au décès de leur enfant avant que sa naissance n’ait été déclarée.
Derrière la mort d’un enfant, nous découvrons alors un tabou de notre langage qui ne sait pas nommer la situation de ces parents dont les enfants décèdent, tout simplement parce qu’elle est inacceptable et que devoir faire le deuil d’un enfant est toujours une injustice.
C’est pourquoi toute mesure susceptible d’accompagner les parents dans ce drame doit être envisagée. Je salue donc le travail engagé tant par l’auteure de cette proposition de loi, notre collègue Anne-Catherine Loisier, que par notre rapporteure, Marie Mercier.
L’élaboration de ce texte suit jusqu’à présent un cheminement exemplaire.
D’abord, il s’agit d’une bonne initiative. Cela fait déjà plusieurs années que la difficulté a été soulevée. Je pense aux débats qui ont eu lieu à la fin des années 2000, sous l’impulsion du Médiateur de la République, desquels sont ressorties différentes jurisprudences, ainsi qu’une série de décrets, débouchant notamment sur la reconnaissance du droit à un congé de paternité, ainsi que sur une simplification du statut de l’enfant né sans vie. Le Sénat avait d’ailleurs participé à ce mouvement, en publiant à ce sujet une étude de législation comparée, laquelle est encore à ce jour particulièrement éclairante.
Plus de dix ans après, cette nouvelle proposition permettrait donc d’inscrire expressément dans la loi que l’acte d’enfant sans vie établi par l’officier d’état civil comportera non seulement le prénom de l’enfant, mais également son nom. Je veux vraiment saluer cette mesure en ce qu’elle poursuit l’objectif de renforcer encore davantage l’individualisation de l’enfant en vue d’aider les parents dans leur deuil.
Ensuite, les ajustements faits par la commission des lois sont d’autant plus bienvenus qu’ils sont respectueux des intentions initiales de l’auteure du texte. Ainsi, sur l’initiative de notre rapporteure, Marie Mercier, un amendement a été adopté : il vise notamment à préciser que le choix demeure laissé aux parents de donner ou non un ou des prénoms et un nom à leur enfant sans vie, sans que cela soit une mention obligatoire. Toujours dans un esprit de liberté, le nom choisi pourra être celui du père ou de la mère ou les deux accolés.
Il faut saluer cette modification qui permet à cette disposition de répondre parfaitement à son objectif, en offrant une liberté aux parents sans qu’ils ne soient jamais contraints. Chacun fait son deuil suivant un cheminement singulier et il nous incombe de le respecter.
Ces modifications soulèvent néanmoins certaines interrogations : fallait-il par exemple parler de père et de mère ou utiliser plutôt le terme de parents, plus générique, donc plus à même de saisir chaque situation familiale ?
Cette réserve n’enlevant rien à l’intérêt de cette proposition, le groupe du RDSE se prononcera, à l’unanimité, en sa faveur.
Mme Annick Billon et Mme le rapporteur applaudissent.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je remercie sincèrement Anne-Catherine Loisier, auteure de cette proposition de loi visant à nommer les enfants nés sans vie. C’est un sujet hautement sensible, à forte valeur humaniste, comme elle l’a rappelé dans son intervention liminaire.
Je salue également le travail de la commission des lois, qui a fait évoluer la rédaction du texte. Le volet humain a été privilégié grâce à un travail de qualité mené en concertation avec les familles, durement éprouvées, des juristes et de nombreux autres intervenants.
La commission, qui nous a également fourni un utile document de synthèse, a estimé qu’il convenait de compléter la reconnaissance mémorielle de l’enfant né sans vie, en accordant aux parents le droit de lui donner un nom et en inscrivant dans le code civil la possibilité, déjà ouverte en pratique, de lui donner un prénom. Elle a ainsi adopté cette proposition de loi, tout en modifiant la rédaction de son article unique.
L’acte d’enfant sans vie accompagne le deuil des parents par l’inscription mémorielle à l’état civil. Monsieur le garde des sceaux, vous avez évoqué des chiffres qui nous interpellent : 740 000 naissances sont enregistrées dans nos communes par les officiers d’état civil, auxquelles viennent s’ajouter 8 747 actes d’enfants sans vie – ce chiffre doit nous rappeler la profonde épreuve vécue par les parents et familles concernés.
Depuis la loi du 8 janvier 1993, lorsque l’enfant n’est malheureusement pas né vivant ou viable, les parents peuvent demander l’établissement d’un acte d’enfant sans vie qui est inscrit dans le registre des décès. Deux décrets du 20 août 2008 et une circulaire du 19 juin 2009 ont complété le dispositif pour reconnaître aux parents le droit de pouvoir choisir un ou des prénoms pour leur enfant sans vie.
Jusque-là, le lien de filiation n’est pas reconnu faute de personnalité juridique. Cette proposition de loi vise à compléter la reconnaissance symbolique de l’enfant, en lui accordant un nom, tout en limitant la portée de cette attribution au seul acte d’enfant sans vie.
La commission des lois est intervenue pour sécuriser le caractère purement symbolique de l’inscription du nom. Il s’agit avant tout d’identifier et reconnaître l’enfant mort-né ou non viable pour l’inscrire dans l’histoire de la famille – le volet mémorial est ici fondamental – et de matérialiser le lien de filiation du père, qui n’a pas le même rapport charnel avec l’enfant que la mère.
Compte tenu de la qualité de cette proposition de loi, qui recueille un consensus et a le mérite d’aider des parents et familles durement éprouvés, le groupe Les Républicains soutiendra avec force et conviction ce texte aux fortes valeurs humanistes.
Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Bernard Bonne et Mme l e rapporteur applaudissent également.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par Mmes de La Gontrie et Meunier, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport sur la protection sociale auxquels des parents d’enfants nés sans vie, tels que le congé maternité et le congé paternité, les arrêts de travail, l’allocation forfaitaire versée en cas de décès d’un enfant, la prime à la naissance ou encore le nombre de parts reconnus lors de la déclaration de revenus. Ce rapport devra également informer des mesures mises en place en faveur de l’accompagnement des parents.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
J’ai présenté cet amendement dans mon intervention en discussion générale. Je laisse maintenant le Sénat l’approuver…
Sans surprise, puisqu’il s’agit d’une demande de rapport, l’avis est défavorable, d’autant que nous avons d’autres moyens de contrôle.
Cependant, j’entends bien la demande qui est faite. En effet, nous nous sommes rendu compte qu’il n’y avait pas vraiment d’homogénéité dans la mise en œuvre des dispositifs, bien que les droits sociaux existent. Je laisse M. le garde des sceaux vous répondre sur ce point.
Sur la question de la prise en charge des funérailles, la situation n’est pas identique d’une commune à l’autre. Là encore, il y a des choses à faire.
Je tiens à le dire : quoi que l’on fasse, les mots « enfant sans vie » ne vont pas bien ensemble. Les familles qui le désirent doivent pouvoir être accompagnées sur ce chemin douloureux. L’intérêt de la proposition de loi, et j’en remercie encore Anne-Catherine Loisier, c’est qu’elle nous a permis de débattre de ce sujet. Malheureusement, dans ces situations, le silence est le linceul des tout-petits. Les familles doivent être aidées.
Madame la sénatrice de La Gontrie, vous le savez, il n’est pas de texte sur lequel le Gouvernement n’est pas saisi d’une telle demande.
Vous exercez un droit de contrôle, bien légitime, du travail de l’exécutif ; il résulte des dispositions de l’article 24 de la Constitution. Cela nous paraît amplement suffisant.
Par ailleurs, si vous souhaitez que la liste des droits vous soit communiquée, nous la tenons évidemment à votre disposition.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
Je comprends la démarche de Mme de La Gontrie, parce que j’ai pu, dans le cadre de mes échanges avec les acteurs qui suivent ce type de situations, mesurer combien l’information – cela a été dit – circule mal et combien elle est hétérogène sur l’ensemble du territoire.
Il est important, monsieur le garde des sceaux, qu’un effort supplémentaire soit fait pour que l’information soit diffusée dans tous les services, auprès de l’ensemble des agents, notamment de l’État et des collectivités locales, qui sont confrontés à des situations souvent difficiles pour eux-mêmes.
Même si je comprends la position, que je vais suivre, de Mme la rapporteure, je voudrais insister sur la nécessité de collecter les informations et de suivre la manière dont l’accompagnement est fait sur le terrain.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Après la deuxième phrase du second alinéa de l’article 79-1 du code civil, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Peuvent également y figurer, à la demande des père et mère, le ou les prénoms de l’enfant, ainsi qu’un nom qui peut être soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par eux dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux. Cette inscription de prénoms et nom n’emporte aucun effet juridique. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 1 rectifié est présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 2 rectifié est présenté par Mmes de La Gontrie et Meunier, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces amendements sont ainsi libellés :
I. – Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – À la deuxième phrase du second alinéa de l’article 79-1 du code civil, les mots : « des père et mère » sont remplacés par les mots : « du ou des parents ».
II. – Remplacer les mots :
des père et mère
par les mots :
du ou des parents
et les mots :
du père, soit le nom de la mère
par les mots :
du parent, de l’un des parents
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié.
« De son père ou de sa mère », « des père et mère » : comme cela a été souligné lors de l’examen du projet de loi relatif à la bioéthique, notre droit, du code civil au code de la santé publique, tend souvent à ignorer la diversité des modèles familiaux. Les nombreuses occurrences de ces termes genrés ne correspondent plus à l’image de notre société.
Mes chers collègues, si le modèle unique de la famille constituée d’un père et d’une mère est certes toujours fortement majoritaire, il n’en est pas moins vrai que les modèles de familles évoluent et que le droit ne saurait les exclure.
Les familles homoparentales existent. Pour cette raison, elles méritent d’être « validées » dans nos textes juridiques. Je l’ai dit lors de la discussion générale, il s’agit d’un texte qui touche à l’affect et à l’humain. Cette proposition de loi vise, au-delà de la cohérence des normes, à apporter un peu de paix, là où apparaît de la douleur. N’invisibilisons pas une partie des familles de France, n’invisibilisons pas leurs souffrances !
Concevons la nouvelle possibilité que nous offrons aux parents d’enfants nés sans vie de manière inclusive, pour y intégrer les familles homoparentales. Englobons tous les types de familles qui existent dans notre société, afin de leur donner non seulement une existence juridique tangible, mais également une légitimité sociale non négligeable.
C’est l’objet de cet amendement qui vise à remplacer les termes de père et mère par la notion plus neutre de parents.
La parole est à Mme Michelle Meunier, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié.
Cet amendement est identique à celui qui vient d’être présenté. Comme Mme de La Gontrie l’a dit lors de la discussion générale, il convient de tirer les conséquences des évolutions législatives récentes et de tenir compte de la diversité familiale.
Cet amendement traduit une volonté d’égalité sociale entre toutes les formes de famille et de respect des principes constitutionnels d’égalité et de non-discrimination devant le service public.
Mes chers collègues, vous le savez, je suis moi aussi très sensibilisée aux évolutions sociétales et je me suis tout de suite posé la question du remplacement des termes « père » et « mère » par le mot « parent ». Finalement, j’ai préféré maintenir sur ce point la rédaction actuelle de l’article 79-1 du code civil.
Pour les parents, cette douleur sans fin, profonde, intime, est une douleur qui, de toute façon, durera toujours et ne s’effacera jamais tout au long des années. C’est davantage cette question qui est en jeu ici.
Je rappelle que la procréation médicalement assistée (PMA) n’est pas encore autorisée en France pour les couples de femmes. Surtout, ce n’est pas notre débat du jour ; aujourd’hui, il s’agit d’accompagner le deuil périnatal.
Le projet de loi relatif à la bioéthique est encore en discussion ; il est inscrit à notre ordre du jour pour le 24 juin prochain. Il comprend, à son article 31, une disposition permettant une mise en cohérence du code civil par ordonnances, une fois que la loi sera adoptée – l’article 79-1 pourra donc être réécrit à cette occasion.
C’est pourquoi je vous propose de nous en tenir aux jolis mots de père et mère.
Mesdames les sénatrices, je suis comme vous sensible et profondément attaché à l’égalité entre les familles, qu’elles soient homoparentales, hétéroparentales ou monoparentales.
Le code civil fait de très nombreuses mentions aux pères et aux mères, sans que cela pose de problème particulier. Vous vous souvenez sans doute qu’au moment de l’adoption de la loi sur le mariage pour tous, le législateur avait envisagé de remplacer les mots « père » et « mère » par celui de « parents ». Néanmoins, comme la notion de parentalité est plus extensive, il y avait finalement renoncé.
Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs tranché cette question le 17 mai 2013, en jugeant que les termes de « père » et « mère » ne posaient pas problème, dès lors que l’égalité entre tous les enfants était proclamée à l’article 6-1 du code civil.
Par ailleurs, dès que la loi relative à la bioéthique sera votée et promulguée, les dispositions réglementaires seront adaptées afin de reproduire pour les enfants nés sans vie dans des couples de femmes ce que cette proposition de loi permettra, si elle est adoptée. Il sera dès lors possible d’établir un acte d’enfant sans vie avec les deux mères et de le mentionner sur le livret de famille.
En l’état, je suis défavorable à ces amendements pour les raisons que je viens d’expliciter.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
J’imagine donc que le Sénat va rejeter cette demande et qu’encore une fois, il va faire une distinction, défavorable aux secondes, entre les familles hétéroparentales et les familles homoparentales, avec des prétextes que je n’ai d’ailleurs absolument pas compris. Vous nous dites qu’il y aura bientôt une loi sur la PMA pour toutes, mais ce n’est pas le sujet !
Nous parlons de parents qui forment des familles de toutes configurations.
Pour notre part, comme je l’ai dit en commission, si le Sénat refusait cette modification, ce serait la confirmation qu’il considère que les familles homoparentales n’ont pas droit à la même considération que les familles hétéroparentales et que leur deuil n’est pas le même.
Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme l e rapporteur et des sénateurs du groupe UC protestent.
Je n’avais pas prévu d’intervenir, mais je rejoins la position de Mme de La Gontrie sur ces amendements.
Madame la rapporteure, pardonnez-moi, mais la loi relative à la bioéthique qui – je l’espère – ouvrira la PMA à toutes n’a rien à voir avec le contenu de ces amendements, qui ont un champ beaucoup plus large : M. le garde des sceaux l’a évoqué, toutes les familles sont concernées, qu’elles soient monoparentales, homoparentales ou hétéroparentales. Je ne comprends donc pas votre position.
Je m’adresse à ceux qui ont rédigé cette proposition de loi : puisque ce texte – cela a été dit – a une portée plus symbolique que juridique, pourquoi ne pas aller jusqu’au bout du symbole, en utilisant le mot « parents » à la place de « père et mère » ?
Je voterai donc ces amendements.
Je réfléchis à votre propos, madame la rapporteure. Vous avez évoqué le fait que les mots de père et mère étaient « jolis », mais, dans un couple homosexuel, il y a deux pères ou deux mères… Ces mots ne disparaîtraient pas, si l’on utilisait le terme « parents » dans le code civil. Je ne vois pas ce que votre réponse a à voir avec cette proposition de loi.
Vous êtes pour les « jolis » mots, mais des couples qui ne sont pas hétérosexuels voudraient simplement exister. Le Sénat va rejeter ces amendements pour des raisons que, moi non plus, je ne comprends pas, et il laisse une partie de la société en dehors des textes. Il faudrait tout de même répondre à cet argument.
Mme le rapporteur et M. le garde des sceaux protestent.
Je le dis très simplement à Mme de La Gontrie, je n’accepte pas de subir l’anathème qu’elle vient de jeter sur chacun ou chacune d’entre nous, et sur le Sénat en général.
Je n’accepte pas de l’entendre dire que nous aurions une appréciation différente de la douleur selon la situation familiale.
Madame, je ne l’accepte pas et je peux vous dire que je suis profondément choqué à titre personnel.
Je ne vous demande pas de commenter mon propos, je vous explique simplement que je n’accepte pas ce que vous dites.
Je fais mien, s’il en est d’accord, l’argumentaire du garde des sceaux qui me paraît, d’un point de vue juridique, parfaitement clair et précis. Il a notamment indiqué que, dans le projet de loi relatif à la bioéthique…
… qui va être voté – ne trompons personne, nous savons tous qu’il le sera ! –, une disposition spécifique réglera le problème pour l’ensemble de nos codes et textes.
Madame, je le redis, votre propos n’est absolument pas acceptable.
J’entends les problèmes soulevés par mes collègues, et je les en remercie, car cela permet de clarifier la situation : M. le garde des sceaux et M. le président de la commission des lois viennent de le dire, il n’y a pas de traitement différencié, même en préservant l’appellation « père et mère », et une uniformisation du droit aura lieu, si nécessaire, à l’issue de l’examen du projet de loi relatif à la bioéthique.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 1 rectifié et 2 rectifié.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je vais mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi.
Je rappelle que le vote sur l’article vaudra vote sur l’ensemble de la proposition de loi.
Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi visant à nommer les enfants nés sans vie.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à treize heures quinze, est reprise à quinze heures quinze, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.