Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, parfois, le Parlement fait œuvre d’humanisme. C’est incontestablement le cas aujourd’hui.
Chacun l’a souligné, l’ambition de cette proposition de loi est non pas de faire une révolution juridique, mais bien de prendre en compte une situation. Il s’agit de poursuivre un travail, entamé depuis maintenant une trentaine d’années, de prise en compte de la douleur des parents par la reconnaissance de la naissance de l’enfant.
Nombre de mes collègues l’ont rappelé, ce travail a commencé en 1993, puis a été poursuivi en 2005 et en 2009. Peu à peu, grâce à l’inscription dans des documents officiels, la reconnaissance de l’existence d’un enfant mort-né a été rendue possible.
Certes, comme en attestent les chiffres évoqués tout à l’heure, nul ne connaît exactement le nombre d’enfants concernés par ces dispositifs, car aucune obligation n’est faite aux parents – et c’est sans doute bien ainsi – de s’engager dans la démarche ayant vocation à inscrire officiellement dans l’histoire familiale la naissance de cet enfant.
Le garde des sceaux et Mme la rapporteure l’ont souligné, les situations sont diverses. Il peut s’agir d’enfants nés sans vie, appelés autrefois mort-nés, ou d’enfants qui vivent quelques heures et décèdent avant le délai permettant leur déclaration à l’état civil. Il peut aussi s’agir d’enfants décédés dans le ventre de leur mère, d’où la nécessité de se montrer vigilant et de bien cantonner cette démarche à des enfants qui auraient pu, en raison de la durée de la grossesse, naître si tout s’était passé dans des conditions favorables.
Il me semble, au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, que la démarche proposée par ce texte complète ce travail et honore le Sénat. J’espère d’ailleurs que l’Assemblée nationale se saisira de cette proposition de loi pour la mener jusqu’au terme de son parcours législatif.
Nous avons eu un débat sur l’existence ou non, la nécessité ou non, de la personnalité juridique. Le problème est, en réalité, très complexe. On pourrait penser que, puisque l’enfant est décédé, la personnalité juridique disparaît. Mais il a semblé nécessaire de le préciser, ce qui est sans doute mieux pour bien marquer le caractère symbolique de cette démarche.
Mon groupe a déposé deux amendements. L’un d’entre eux a été évoqué par l’auteure de la proposition et tend – c’est le format du débat parlementaire qui l’impose – à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur l’accompagnement proposé aux parents et sur sa mise en œuvre.
Depuis désormais plusieurs années, les parents bénéficient d’un certain nombre de droits en termes de congés, de fiscalité, de prime, etc. Il est possible que la mise en œuvre de ces dispositifs soit hétérogène sur l’ensemble du territoire. Par ailleurs, la question de la formation et de l’accompagnement des soignants n’est pas évoquée. Or quiconque a pu parler avec les soignants sait que c’est pour eux quelque chose de très particulier : ils sont certes formés à cette problématique depuis maintenant un certain nombre d’années, mais c’est néanmoins un sujet qui nécessite une grande vigilance.
C’est en ce sens qu’il nous a semblé intéressant de demander que le Parlement soit informé, afin qu’il puisse s’assurer que le Gouvernement reste attentif à la mise en œuvre de cet accompagnement qui est nécessaire aussi bien pour les parents que pour les soignants.
Le second amendement que nous avons déposé a vocation à remplacer dans l’article du code civil que cette proposition de loi vise à modifier les mots « père » et « mère » par le terme de « parents », conformément aux évolutions législatives de ces dernières années. D’ailleurs, d’autres articles du code civil utilisent le terme de « parents », sans recourir spécifiquement à l’expression de « père et mère ». Il serait problématique de revenir sur ce changement de terminologie qui vise à tenir compte de la diversité des situations. Qui pourrait considérer qu’une famille homoparentale souffre moins qu’une famille hétéroparentale de la perte d’un enfant ?
De ce point de vue, et afin d’éviter toute critique sur la façon dont le Sénat appréhende les évolutions de la forme des familles et du droit, il nous a semblé sain de mettre en phase avec ces évolutions les dispositions législatives concernées par les modifications qui sont aujourd’hui proposées.
Au-delà de ces deux modifications, que nous proposons d’introduire dans le texte, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est favorable à cette proposition de loi. Certes, elle peut sembler relativement limitée dans son objet, mais elle constitue une étape supplémentaire pour accompagner la souffrance des parents et des familles. C’est en ce sens que nous lui manifesterons notre soutien.