Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, jusqu’à récemment, les enfants nés sans vie étaient très souvent qualifiés de « pièces anatomiques », de « déchets hospitaliers », de « produits innommés » ou encore de « débris humains ». En tant que tels, ils étaient incinérés dans les services hospitaliers ad hoc, avec les autres pièces opératoires.
Dans le contexte de la perte d’un enfant, de telles formules, de telles classifications, ainsi que les procédures en découlant, étaient psychologiquement traumatisantes et ajoutaient à la douleur incommensurable des parents.
Prendre en compte la réalité d’une existence – même in utero, fugitive, elle est porteuse de l’espérance d’un couple –, est une démarche nécessaire, d’autant que nous avons très tôt au cours de la grossesse la possibilité technique d’avoir une représentation de la vie du fœtus, qu’elle soit visuelle ou sonore. L’interruption de cette vie en est ressentie encore plus douloureusement, et le travail de deuil est plus que jamais indispensable.
Aussi, en complétant la reconnaissance mémorielle de ces enfants nés sans vie, l’initiative de notre collègue Anne-Catherine Loisier est sensible et honorable.
Au cours de ces dernières années, beaucoup a été fait pour mieux prendre en compte la détresse de ces parents venant de perdre un enfant mort-né ou non viable.
Tout d’abord, la loi du 8 janvier 1993 a donné un cadre juridique à ces enfants. Elle permet aux parents d’obtenir un acte d’enfant sans vie qui figure dans le registre des décès.
Ensuite, deux décrets du 20 août 2008 ont apporté des précisions : l’un prévoit que l’acte d’enfant sans vie est conditionné à la production d’un certificat médical attestant de l’accouchement de la mère ; l’autre autorise les couples non mariés dont le premier enfant est né sans vie à faire inscrire celui-ci dans un livret de famille.
L’année suivante, la circulaire du 19 juin 2009 a permis aux parents de donner un ou plusieurs prénoms à leur enfant mort-né ou non viable.
L’établissement d’un acte d’enfant sans vie reconnaît aux parents la possibilité de faire jouer à l’état civil un rôle symbolique : désormais, il existe une trace de l’existence de leur enfant et une individualisation de celui-ci par l’attribution d’un ou de plusieurs prénoms.
Surtout, l’établissement d’un acte d’enfant sans vie permet aux parents de réclamer à l’établissement de santé, dans les dix jours de l’accouchement, le corps de leur enfant décédé et d’en obtenir la remise afin d’organiser, s’ils le souhaitent, des obsèques. Il donne aussi accès à certains droits sociaux, comme l’attribution d’un congé de maternité et de paternité.
La proposition de loi que nous examinons constitue une étape supplémentaire dans ce processus de reconnaissance symbolique de l’enfant mort-né ou non viable, en permettant de porter sur l’acte d’enfant sans vie le nom de l’enfant.
Il s’agirait d’une simple faculté offerte aux parents confrontés à un deuil périnatal, et non d’une obligation. L’attribution de ce nom serait limitée au seul acte d’enfant sans vie. Elle ne créerait donc aucune filiation. Elle ne reconnaîtrait aucune personnalité juridique à l’enfant mort-né ou non viable.
C’est pourquoi le groupe Les Indépendants – République et Territoires est favorable à cette évolution dans la reconnaissance mémorielle de l’enfant sans vie et votera ce texte.