Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, prendre en compte la douleur d’une famille en lui permettant de faire son deuil, tel est l’objet de la proposition de loi de notre collègue Anne-Catherine Loisier que nous examinons aujourd’hui.
C’est un objet pleinement légitime et important, qui a d’ailleurs justifié plusieurs évolutions du droit applicable aux situations d’enfants sans vie afin de mieux accompagner le deuil des parents.
Ainsi, depuis 2008, et à la suite d’arrêts de la Cour de cassation, l’acte d’enfant sans vie est établi sur production d’un certificat attestant de l’accouchement de la mère, sans condition de seuil de viabilité du fœtus.
Surtout, aux termes d’une circulaire du 19 juin 2009, il est possible de donner à cet enfant un prénom. Toutefois, il ne peut lui être donné de nom de famille ni lui être reconnu de filiation, ces deux éléments constituant des attributs de la personnalité juridique qui résulte elle-même du fait d’être né vivant et viable.
Cela a été dit, la proposition de loi vise à aller plus loin que le droit en vigueur, en permettant aux parents de donner un nom à l’enfant dans l’acte d’enfant sans vie.
Comme en témoignent les réactions d’une partie de la doctrine aux arrêts de 2008, mais également les précautions prises par l’auteure, puis par Mme la rapporteure, tout l’enjeu consiste à trouver un équilibre entre les principes juridiques, notamment ceux qui sont relatifs à la personnalité juridique de l’enfant.
À cet égard, l’auteure de la proposition de loi précise, dans l’exposé des motifs, que le seul effet recherché est la modification de l’état civil de l’enfant et qu’il ne s’agit pas d’accorder de droits supplémentaires.
Dans l’objectif de lever les incertitudes qui subsistaient, la commission des lois, sur l’initiative de Mme la rapporteure, Marie Mercier, a réécrit l’article unique afin d’y mentionner expressément que « cette inscription de prénoms et nom n’emporte aucun effet juridique ».
Cette démarche bienvenue de Mme la rapporteure tendait à rechercher un équilibre entre l’objectif de la proposition de loi et la nécessité de ne pas induire d’effets de bord et de ne pas remettre en cause les principes du droit civil concernant la personnalité juridique.
Certes, la nouvelle écriture de l’article unique vise à aller au bout du processus d’identification de l’enfant sans vie dans la continuité des évolutions antérieures, pour mieux inscrire celui-ci dans l’histoire familiale.
Toutefois, nous nous interrogeons sur la portée de la mention générale et indéterminée d’un « nom », ainsi que de la précision selon laquelle « cette inscription de prénoms et nom n’emporte aucun effet juridique » : est-elle suffisante pour éviter les effets de bord, comme entend utilement le faire Mme la rapporteure ?
L’objectif de cette proposition de loi, à savoir accompagner les parents d’enfant sans vie dans leur deuil, est bien sûr partagé par les membres du groupe RDPI.
Le rôle de l’État est bel et bien, ici, de soutenir et de mieux accompagner les familles, en simplifiant les démarches administratives et en facilitant l’accès à un suivi psychologique pour celles qui sont confrontées au deuil d’un enfant.
C’est d’ailleurs le sens de l’annonce faite par Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, et Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques, du lancement d’un plan d’action en la matière ; le groupe RDPI y sera particulièrement attentif.
L’importance du sujet et la souffrance des familles qui sont confrontées à de telles situations impliquent de dépasser le champ exclusivement symbolique, même s’il est aussi nécessaire.
Pour toutes ces raisons, et saluant les objectifs de ce texte, ainsi que la recherche d’équilibre par Mme la rapporteure, les membres présents du groupe RDPI voteront cette proposition de loi, même si certaines interrogations subsistent.