Intervention de Laurence Harribey

Commission des affaires européennes — Réunion du 3 juin 2021 à 8h35
Proposition de résolution européenne visant à rendre pérenne l'augmentation du temps de télétravail autorisé pour les travailleurs frontaliers — Présentation du rapport

Photo de Laurence HarribeyLaurence Harribey, rapporteure :

Ma collègue vous a dressé un panorama de la législation existante en matière de régime fiscal et social des travailleurs transfrontaliers. Mais celle-ci a été bouleversée par la crise sanitaire et a dû être adaptée en raison de l'impossibilité pour les frontaliers de se rendre sur le lieu de leur travail.

Afin de neutraliser les effets de ces réglementations sur la situation des frontaliers, des accords ont été trouvés par la France et les pays voisins pour maintenir les régimes existants des frontaliers s'agissant de leur État d'affiliation au régime de sécurité sociale et leur État d'imposition.

Sur le volet social, cette entente entre les États, dans un souci d'efficacité et de souplesse, n'a pas fait l'objet d'accord formel ; à l'inverse, sur le volet fiscal, les conventions bilatérales ont dû être adaptées par le biais d'accords amiables. Des communiqués de presse à destination des travailleurs et employeurs concernés ont donc été diffusés sur le site des autorités compétentes en matière de sécurité sociale, notamment ceux du ministère et du Centre des Liaisons Européennes et Internationales de Sécurité Sociale (CLEISS) côté français, que nous avons auditionné.

Nous saluons ainsi la réactivité des services, ainsi que le choix qui a été fait de ne prévoir aucun formalisme particulier pour régulariser ces situations, afin de ne pas alourdir la charge administrative des employeurs comme des travailleurs concernés.

Au regard de l'évolution de la situation sanitaire, une première échéance de cette flexibilité avait été fixée au 31 août 2020, prolongée jusqu'au 31 décembre dernier, puis à nouveau étendue jusqu'au 30 juin 2021. Il semblerait, d'après les informations qui nous ont été communiquées lors des auditions, que cette échéance soit prolongée jusqu'au 30 septembre 2021 du fait du contexte de confinement et de déconfinement partiel.

Il en serait de même pour les accords amiables intervenus pour les conventions fiscales liant la France aux pays frontaliers. Ces accords amiables avaient également été renouvelés plusieurs fois durant la crise, en cohérence avec le volet relatif à la sécurité sociale.

La question qui se pose maintenant est celle de la sortie de crise, et donc de la pérennisation de tels dispositifs, eu égard au possible maintien dans le temps de cette nouvelle méthode de travail qu'est le télétravail.

Si la problématique concernant le volet « sécurité sociale » relève du droit de l'Union européenne, la question fiscale ressort quant à elle de conventions bilatérales, qui n'entrent normalement pas dans le champ de compétence de notre commission. Nous nous permettrons toutefois quelques observations puisque la proposition de résolution traite des deux volets et que le volet fiscal demeure étroitement lié à la question de l'affiliation au régime de sécurité sociale pour les travailleurs frontaliers.

Sur le volet social, nous considérons ainsi, comme notre collègue Cyril Pellevat, qu'il est nécessaire d'encourager, tout en l'encadrant, l'évolution de l'organisation du travail permise dans le contexte de la pandémie. Il nous semble toutefois raisonnable, d'une part, de ne pas aller au-delà de deux jours de télétravail par semaine et, d'autre part, de limiter ce dispositif aux frontaliers, pour éviter des effets d'aubaine ou d'optimisation qui risqueraient de conduire à des formes d'ubérisation du travail. Les frontaliers pourraient ainsi télétravailler jusqu'à deux jours par semaine dans leur État de résidence sans que cela n'ait d'incidence sur la détermination de l'État auquel leurs cotisations sociales doivent être versées. On passerait donc de 25 % à 40 %. Ce dispositif spécifique serait toutefois à dissocier des règles générales déjà complexes, liées à la pluriactivité, qu'il convient de ne pas remettre en question.

Il faut, par ailleurs, garder à l'esprit que le travail frontalier peut constituer une charge pour l'État français. Ma collègue et moi avions déjà travaillé sur ce sujet il y a deux ans dans le cadre d'une mission d'information. L'indemnisation du chômage des frontaliers coûte environ 600 millions d'euros par an à l'Unédic, et elle est en grande partie due aux frontaliers travaillant en Suisse.

Mais il nous semble que la France pourrait retirer d'un recours accru des frontaliers au télétravail, des avantages économiques certains, en évitant notamment des investissements coûteux en termes d'infrastructures, et en bénéficiant du fort pouvoir d'achat des frontaliers qui consommeraient davantage sur le territoire. Cela permettrait également de retenir des frontaliers qui souhaiteraient déménager dans leur État d'emploi si le télétravail devenait problématique. Par ailleurs, une telle réglementation pourrait inciter à une contractualisation des travailleurs indépendants, et constituer une forme de garantie contre le phénomène d'ubérisation.

Nous sommes donc favorables au dispositif proposé par la PPRE sur le volet social et nous encourageons le Gouvernement à porter ce sujet dans les négociations au sein du Conseil. Toutefois, nous nous interrogeons sur le fait de savoir si ce sujet devrait être discuté dès à présent dans les négociations en cours - qui sont déjà difficiles - des règlements de coordination de sécurité sociale, au risque d'introduire de la complexité supplémentaire. Des travaux préparatoires sont notamment engagés au sujet d'une initiative européenne sur une facilitation du recours au télétravail et le droit à la déconnexion. De fait, seront envisagés, dans ce texte, des aménagements pour les frontaliers.

Concernant le sujet des conventions fiscales bilatérales, relativement sensible, et normalement hors de notre champ de compétences, nous proposons de laisser figurer les dispositions prévues par notre collègue. D'abord, parce que nous considérons comme cohérent de lier les volets social et fiscal, et ensuite parce que nous estimons que la France aurait des intérêts à voir se développer le télétravail, et notamment celui des frontaliers.

Nous vous proposons ainsi d'adopter cette propositions de résolution de Cyril Pellevat, légèrement amendée au vu des éléments qui sont ressortis de nos auditions et que nous venons de vous exposer. Elle sera renvoyée pour examen au fond à la commission des affaires sociales.

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