Monsieur le Délégué général, je vous remercie de venir devant notre commission, au surlendemain de la date anniversaire de la création de la délégation ministérielle pour l'armement par le Général de Gaulle, il y a 60 ans par un décret du 5 avril 1961. C'est une occasion pour nous tous de saluer l'extraordinaire travail accompli par les personnels de la Délégation générale de l'armement au service de la souveraineté nationale et de la sécurité de nos concitoyens. Nous regrettons tous que la pandémie nous empêche de donner plus d'éclat à la célébration de cet anniversaire. Mais si vous êtes ici aujourd'hui, c'est surtout pour nous éclairer sur l'avenir de nos systèmes de défense et les moyens de conserver notre autonomie stratégique.
Comme vous le savez, nous avons entendu le 17 mars dernier la Ministre des armées sur l'actualisation de la revue stratégique de 2017 et sur les ajustements à apporter à la loi de programmation militaire 2019-2025. Selon les termes employés par le Président de la République, l'environnement international est devenu « plus complexe, plus incertain et plus dangereux ».
L'actualisation stratégique pointe le risque de déclassement face à l'émergence de nouvelles puissances régionales. En quelques années, le paysage a beaucoup changé au Moyen-Orient, en Méditerranée orientale. Nous avons vu l'exacerbation des tensions entre l'Ukraine et la Russie. Nous observons aussi la compétition mondiale dans laquelle est entrée la Chine face aux États-Unis. De nouveaux défis ne cessent de modifier nos grilles de lecture : la cyberdéfense, l'intelligence artificielle, les drones, l'espace et les grands programmes européens aériens et terrestres - le SCAF et le MGCS - ou nationaux avec le porte avion nouvelle génération et la 3ème génération de SNLE). Notre adaptation à ce nouvel environnement stratégique doit logiquement se traduire dans l'adaptation de notre programmation pluriannuelle des dépenses de défense.
Sur la méthode, nous avons informé la ministre du lancement d'un rapport d'information sur l'actualisation de la loi de programmation militaire, dont je rapporterai les travaux avec Jean-Marc Todeschini et le soutien de nos rapporteurs budgétaires que je remercie. Nous lui avons également adressé une première série de questions. La ministre nous a assuré, je cite, que « ces questionnaires sont l'amorce d'un débat et, [que] s'il y a des questions complémentaires, nous restons bien évidemment à votre entière disposition pour y répondre ».
Votre présence aujourd'hui, Monsieur le Délégué général, s'inscrit donc dans ce dialogue et je vous remercie d'avoir accepté, à votre tour, de nous apporter des précisions dans un délai très court aux questions qui relèvent de la DGA, en complément des premières réponses - malheureusement partielles - que nous a transmises la ministre dans un premier temps. Aussi, nous attendons de cette audition que vous puissiez nous éclairer :
- d'abord sur les arbitrages de la programmation militaire, résultant notamment de l'ajustement annuel de la programmation militaire (A2PM), qui relèvent de la compétence de la DGA ;
- ensuite sur les conséquences à tirer de l'actualisation stratégique 2021 dans la loi de programmation militaire ;
- et enfin, sur les grands arbitrages de cette actualisation, ainsi que sur les écueils qu'il faut encore éviter, par exemple en ce qui concerne les coopérations capacitaires ambitieuses mais difficiles avec nos amis allemands.
À titre d'exemple, et sans préempter les questions de mes collègues rapporteurs sur les programmes budgétaires de la mission « Défense », plusieurs sujets nous semblent nécessairement impacter l'enveloppe de la LPM :
- il y a les dépenses supplémentaires nouvelles : la commande d'avions neufs pour remplacer les 12 Rafale livrés à la Grèce, l'usure accélérée des matériels utilisés en OPEX, ou dernièrement la commande supplémentaire d'une frégate de défense et d'intervention à livrer en 2025 ;
- il y a, bien sûr, la sous-budgétisation des OPEX, qui va ponctionner pas loin d'un milliard d'euros sur les trois premiers exercices de la LPM ;
- il y a également les menaces nouvelles contre lesquelles il faut renforcer les moyens investis dans la recherche et l'innovation. À cet égard, dans son rapport annuel pour 2021, la Cour des comptes a relevé plusieurs difficultés pour intégrer l'innovation dans les matériels destinés aux forces, la cyberdéfense et les drones.
Monsieur le Délégué général, nous avons toujours pu compter, depuis votre entrée en fonction, à la fois sur votre franchise et sur la clarté de votre vision des enjeux : aujourd'hui, nous avons besoin de transparence et de savoir ce qui se joue exactement dans cette actualisation.
Vous avez la parole pour une première intervention liminaire sur l'actualisation de la LPM. Nous engagerons ensuite le dialogue avec les questions de nos rapporteurs budgétaires et des membres de la commission.