Monsieur le président, monsieur le président Longeot, madame la présidente Primas, mesdames les rapporteures, messieurs les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, quelle transition écologique voulons-nous pour notre pays ? C’est aujourd’hui la question centrale, celle de la méthode, de la vitesse, des moyens, celle du concret.
En effet, concernant le diagnostic, il n’existe, au fond, plus d’opposition frontale au sein de notre société. Nous savons tous que chaque jour, chaque heure, chaque minute qui passe rend l’urgence climatique plus pressante.
Nous savons tous que le dérèglement climatique abîme la nature et les humains partout, que ce soit en Amazonie, territoire qui émet désormais plus de dioxyde de carbone qu’il n’en séquestre, ou que ce soit ici, dans nos communes, nos maisons, nos champs, nos forêts où nous subissons des inondations, des sécheresses, des épisodes de gel, des canicules et des incendies avec une intensité croissante.
Face à cela, nous n’avons qu’une seule issue, ici comme partout dans le monde : la neutralité carbone, la sortie de la civilisation des énergies fossiles, le plus vite possible et dans des conditions soutenables pour tous.
Ce constat fait l’objet d’un large consensus, ce qui est en soi une grande victoire, car c’est un préalable à l’action. Cependant, nous savons aussi que passer à l’action n’a rien d’aisé, dans la mesure où, justement, il s’agit d’opérer une grande bascule et de sortir d’un modèle qui structure nos vies depuis des décennies, d’interroger nos habitudes et nos modes de vie, de passer des paroles et des constats aux actes.
Avec ce texte, nous traçons un chemin pour relever ce défi : le chemin d’une écologie qui frappe à la porte des Français, qui s’immisce dans notre quotidien pour intégrer pleinement le modèle français, c’est-à-dire notre économie, notre manière de travailler, notre habitat, notre alimentation, nos déplacements, notre éducation ; tout, en fait !
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, l’écologie est une chance et non une contrainte.
Dans quelques années, nous comprendrons combien ce texte a fait bouger les lignes et permis d’accélérer les choses. Nous respirerons un air plus pur dans nos grandes villes et vivrons dans des logements mieux isolés. Nous ne verrons plus la nature systématiquement dévorée par le béton. Nous aurons une alimentation plus diversifiée et des modes de consommation plus vertueux.
Bien sûr, pour y parvenir, pour faire advenir cette France du XXIe siècle dont je veux vous parler, nous devons franchir les obstacles, bousculer certaines idées reçues et avancer ensemble. Et si je dis ensemble, c’est parce que je crois profondément que c’est ce dont notre pays a besoin.
En effet, face au changement climatique et à la dégradation de la biodiversité, il ne peut plus y avoir de partis ou de polémiques. Lorsque la maison brûle, on ne regarde pas ailleurs : on affronte les problèmes.
Répondre ensemble à cet immense défi, auquel notre génération est confrontée ici dans cet hémicycle comme au dehors, partout, dans chaque ville et dans chaque village, c’est l’occasion de retrouver ce que nous avions peut-être oublié un temps : le goût d’un avenir partagé, la nécessité de laisser un héritage aux enfants de cette République, d’où qu’ils viennent et quoi qu’ils fassent.
Oui, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, l’écologie est la réponse à une grande partie des maux contemporains de notre pays.
Si vous en doutez, j’en ai cent cinquante preuves ! Ils s’appellent Muriel, Nicolas, Vita, Malik, Pierre ou Mélanie. Ils viennent de métropole, d’outre-mer, des grandes villes, des petits villages, de partout, de tous les coins de France. Ils sont agriculteurs, cadres, retraités, lycéens ou issus de bien d’autres catégories sociales.
Pendant neuf mois, ils sont venus prêter directement leur concours à la République. Ils ont fait vivre ce beau mot de citoyen dans ce qu’il a de plus sincère, de plus juste et de plus noble : examiner un problème, en débattre et faire des propositions, tout en ayant toujours à cœur le sens de l’intérêt général, l’envie d’être utile au pays, le goût de changer les choses en mieux. C’est une grande bouffée d’air démocratique dont notre pays avait, là encore, bien besoin.
En effet, si ces cent cinquante citoyens nous laissent un héritage écologique majeur, qui va bien au-delà de ce seul projet de loi, je veux aussi redire ici ma fierté devant l’héritage démocratique qu’ils nous laissent.
Avant, on entendait monter une petite musique selon laquelle notre démocratie était fatiguée et souffrait d’un manque de légitimité : les citoyens avaient déserté la politique, car ils n’avaient d’intérêt que pour eux-mêmes et plus du tout pour la chose commune, la res publica.
Cet exercice inédit qu’est la Convention citoyenne pour le climat apporte une première réponse. Il montre que les femmes et les hommes de ce pays veulent s’engager, qu’ils veulent participer et contribuer aux grandes décisions qui engagent l’avenir du pays, qu’ils ont soif de connaissances et de débats. C’est une force immense.
En effet, pour faire face à un problème aussi complexe que la transition énergétique, il est nécessaire que tout le monde soit à bord. L’intelligence collective, ce n’est pas qu’un mot ou un concept de marketing : c’est le sens même d’une assemblée.
Rien ne remplacera jamais le Parlement démocratiquement élu dans son rôle souverain de législateur, mais je crois qu’il ne faut pas pour autant avoir peur des citoyens, de leur capacité d’innovation, de leur inventivité et de leur hauteur de vues.
Oui, la démocratie représentative est le moteur de notre pays. Ancienne parlementaire, j’y suis viscéralement attachée, comme chacune et chacun d’entre vous le sait. Mais elle peut s’enrichir de cette démocratie participative, et je m’étonne de constater que certains se sentent menacés dans leur légitimité par des citoyens qui réfléchissent et font des propositions.
Cette expérience inédite le démontre : la démocratie participative renforce et affermit nos institutions. Elle apporte un nouveau regard dont nous sortons collectivement grandis. J’en profite pour saluer les nombreux membres de la Convention citoyenne pour le climat ayant décidé de prolonger leur engagement en se présentant aux prochaines élections : la boucle est bouclée.
Maintenant, c’est à vous, naturellement, qu’il revient de poursuivre cette dynamique. Je sais combien le temps du Parlement est important pour améliorer et préciser la loi, pour faire naître des consensus, pour passer de cent cinquante citoyens à 67 millions de Françaises et de Français.
Notre génération ne peut plus être celle du renoncement, de l’inaction, de la petitesse de vues. Nous savons et nous n’avons aucune excuse.
Le texte que j’ai l’honneur de vous présenter, enrichi par le travail de l’Assemblée nationale, est une nouvelle pierre de cette République écologique que nous voulons pour notre pays, une République qui n’hypothèque plus l’avenir de ses enfants, qui ne souille plus le monde, mais le préserve, une République forte, qui protège et accompagne. C’est toute l’ambition de ce projet de loi.
Je parlais d’intégrer l’écologie au modèle français. Pour l’ensemble des enfants de notre pays, l’apprentissage de la citoyenneté commence à l’école de la République. Grâce à ce projet de loi, nous faisons pleinement entrer l’écologie dans les salles de classe, afin de former les écocitoyens de demain.
Mais, au-delà, nous donnons enfin à chacune et à chacun les moyens de participer à une consommation responsable et vertueuse tout au long de sa vie.
Connaître le coût environnemental des produits, transformer la publicité, c’est amorcer un sérieux virage par rapport au modèle de surconsommation qui règne en maître depuis beaucoup trop longtemps. Voilà, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, tout l’enjeu du titre Ier.
Inscrire la transition écologique au cœur de notre modèle économique, mobiliser les milliards d’euros de la commande publique en prévoyant des clauses environnementales obligatoires, adapter notre code minier aux enjeux écologiques, mobiliser les instances de représentation des salariés : même si la portée des dispositions qui ont trait à cette question a été revue à la baisse lors de l’examen en commission, je continue de croire que l’entreprise peut être le lieu d’une démocratie sociale écologique. Tel est l’esprit du titre II.
Je vous parlais à l’instant d’une République écologique qui protège, qui peut – oui, je le dis ! – sauver des vies.
Vous le savez, chaque année, 40 000 personnes meurent dans notre pays à cause de la pollution de l’air, une pollution principalement liée à la circulation automobile. C’est, avec l’alcool et le tabac, l’une des principales causes de mortalité évitable en France. Ce sont des maladies au long cours qui pèsent sur la vie de tous les jours. Face à cette urgence sanitaire, sociale, écologique, nous prenons nos responsabilités.
Demain, dans toutes les grandes villes de France, des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) seront mises en place pour limiter la circulation des véhicules les plus polluants.
À ce titre, je regrette que la portée de l’article 27 ait été réduite lors de l’examen en commission. La généralisation des ZFE-m, ce sont en effet autant de maladies respiratoires épargnées à nos enfants et autant de vies sauvées. Telle est l’ambition du titre III.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, l’écologie, c’est souvent du bon sens. C’est aussi la philosophie de ce texte.
Par exemple, mettre un terme à cette hérésie qui consiste à prendre l’avion, alors qu’il existe une alternative en train en moins de deux heures trente, c’est du bon sens !