Séance en hémicycle du 14 juin 2021 à 16h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à seize heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 10 juin 2021 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (projet n° 551, texte de la commission n° 667, rapport n° 666, avis n° 634, 635, 649 et 650).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre de la transition écologique.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili

Monsieur le président, monsieur le président Longeot, madame la présidente Primas, mesdames les rapporteures, messieurs les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, quelle transition écologique voulons-nous pour notre pays ? C’est aujourd’hui la question centrale, celle de la méthode, de la vitesse, des moyens, celle du concret.

En effet, concernant le diagnostic, il n’existe, au fond, plus d’opposition frontale au sein de notre société. Nous savons tous que chaque jour, chaque heure, chaque minute qui passe rend l’urgence climatique plus pressante.

Nous savons tous que le dérèglement climatique abîme la nature et les humains partout, que ce soit en Amazonie, territoire qui émet désormais plus de dioxyde de carbone qu’il n’en séquestre, ou que ce soit ici, dans nos communes, nos maisons, nos champs, nos forêts où nous subissons des inondations, des sécheresses, des épisodes de gel, des canicules et des incendies avec une intensité croissante.

Face à cela, nous n’avons qu’une seule issue, ici comme partout dans le monde : la neutralité carbone, la sortie de la civilisation des énergies fossiles, le plus vite possible et dans des conditions soutenables pour tous.

Ce constat fait l’objet d’un large consensus, ce qui est en soi une grande victoire, car c’est un préalable à l’action. Cependant, nous savons aussi que passer à l’action n’a rien d’aisé, dans la mesure où, justement, il s’agit d’opérer une grande bascule et de sortir d’un modèle qui structure nos vies depuis des décennies, d’interroger nos habitudes et nos modes de vie, de passer des paroles et des constats aux actes.

Avec ce texte, nous traçons un chemin pour relever ce défi : le chemin d’une écologie qui frappe à la porte des Français, qui s’immisce dans notre quotidien pour intégrer pleinement le modèle français, c’est-à-dire notre économie, notre manière de travailler, notre habitat, notre alimentation, nos déplacements, notre éducation ; tout, en fait !

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, l’écologie est une chance et non une contrainte.

Dans quelques années, nous comprendrons combien ce texte a fait bouger les lignes et permis d’accélérer les choses. Nous respirerons un air plus pur dans nos grandes villes et vivrons dans des logements mieux isolés. Nous ne verrons plus la nature systématiquement dévorée par le béton. Nous aurons une alimentation plus diversifiée et des modes de consommation plus vertueux.

Bien sûr, pour y parvenir, pour faire advenir cette France du XXIe siècle dont je veux vous parler, nous devons franchir les obstacles, bousculer certaines idées reçues et avancer ensemble. Et si je dis ensemble, c’est parce que je crois profondément que c’est ce dont notre pays a besoin.

En effet, face au changement climatique et à la dégradation de la biodiversité, il ne peut plus y avoir de partis ou de polémiques. Lorsque la maison brûle, on ne regarde pas ailleurs : on affronte les problèmes.

Répondre ensemble à cet immense défi, auquel notre génération est confrontée ici dans cet hémicycle comme au dehors, partout, dans chaque ville et dans chaque village, c’est l’occasion de retrouver ce que nous avions peut-être oublié un temps : le goût d’un avenir partagé, la nécessité de laisser un héritage aux enfants de cette République, d’où qu’ils viennent et quoi qu’ils fassent.

Oui, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, l’écologie est la réponse à une grande partie des maux contemporains de notre pays.

Si vous en doutez, j’en ai cent cinquante preuves ! Ils s’appellent Muriel, Nicolas, Vita, Malik, Pierre ou Mélanie. Ils viennent de métropole, d’outre-mer, des grandes villes, des petits villages, de partout, de tous les coins de France. Ils sont agriculteurs, cadres, retraités, lycéens ou issus de bien d’autres catégories sociales.

Pendant neuf mois, ils sont venus prêter directement leur concours à la République. Ils ont fait vivre ce beau mot de citoyen dans ce qu’il a de plus sincère, de plus juste et de plus noble : examiner un problème, en débattre et faire des propositions, tout en ayant toujours à cœur le sens de l’intérêt général, l’envie d’être utile au pays, le goût de changer les choses en mieux. C’est une grande bouffée d’air démocratique dont notre pays avait, là encore, bien besoin.

En effet, si ces cent cinquante citoyens nous laissent un héritage écologique majeur, qui va bien au-delà de ce seul projet de loi, je veux aussi redire ici ma fierté devant l’héritage démocratique qu’ils nous laissent.

Avant, on entendait monter une petite musique selon laquelle notre démocratie était fatiguée et souffrait d’un manque de légitimité : les citoyens avaient déserté la politique, car ils n’avaient d’intérêt que pour eux-mêmes et plus du tout pour la chose commune, la res publica.

Cet exercice inédit qu’est la Convention citoyenne pour le climat apporte une première réponse. Il montre que les femmes et les hommes de ce pays veulent s’engager, qu’ils veulent participer et contribuer aux grandes décisions qui engagent l’avenir du pays, qu’ils ont soif de connaissances et de débats. C’est une force immense.

En effet, pour faire face à un problème aussi complexe que la transition énergétique, il est nécessaire que tout le monde soit à bord. L’intelligence collective, ce n’est pas qu’un mot ou un concept de marketing : c’est le sens même d’une assemblée.

Rien ne remplacera jamais le Parlement démocratiquement élu dans son rôle souverain de législateur, mais je crois qu’il ne faut pas pour autant avoir peur des citoyens, de leur capacité d’innovation, de leur inventivité et de leur hauteur de vues.

Oui, la démocratie représentative est le moteur de notre pays. Ancienne parlementaire, j’y suis viscéralement attachée, comme chacune et chacun d’entre vous le sait. Mais elle peut s’enrichir de cette démocratie participative, et je m’étonne de constater que certains se sentent menacés dans leur légitimité par des citoyens qui réfléchissent et font des propositions.

Cette expérience inédite le démontre : la démocratie participative renforce et affermit nos institutions. Elle apporte un nouveau regard dont nous sortons collectivement grandis. J’en profite pour saluer les nombreux membres de la Convention citoyenne pour le climat ayant décidé de prolonger leur engagement en se présentant aux prochaines élections : la boucle est bouclée.

Maintenant, c’est à vous, naturellement, qu’il revient de poursuivre cette dynamique. Je sais combien le temps du Parlement est important pour améliorer et préciser la loi, pour faire naître des consensus, pour passer de cent cinquante citoyens à 67 millions de Françaises et de Français.

Notre génération ne peut plus être celle du renoncement, de l’inaction, de la petitesse de vues. Nous savons et nous n’avons aucune excuse.

Le texte que j’ai l’honneur de vous présenter, enrichi par le travail de l’Assemblée nationale, est une nouvelle pierre de cette République écologique que nous voulons pour notre pays, une République qui n’hypothèque plus l’avenir de ses enfants, qui ne souille plus le monde, mais le préserve, une République forte, qui protège et accompagne. C’est toute l’ambition de ce projet de loi.

Je parlais d’intégrer l’écologie au modèle français. Pour l’ensemble des enfants de notre pays, l’apprentissage de la citoyenneté commence à l’école de la République. Grâce à ce projet de loi, nous faisons pleinement entrer l’écologie dans les salles de classe, afin de former les écocitoyens de demain.

Mais, au-delà, nous donnons enfin à chacune et à chacun les moyens de participer à une consommation responsable et vertueuse tout au long de sa vie.

Connaître le coût environnemental des produits, transformer la publicité, c’est amorcer un sérieux virage par rapport au modèle de surconsommation qui règne en maître depuis beaucoup trop longtemps. Voilà, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, tout l’enjeu du titre Ier.

Inscrire la transition écologique au cœur de notre modèle économique, mobiliser les milliards d’euros de la commande publique en prévoyant des clauses environnementales obligatoires, adapter notre code minier aux enjeux écologiques, mobiliser les instances de représentation des salariés : même si la portée des dispositions qui ont trait à cette question a été revue à la baisse lors de l’examen en commission, je continue de croire que l’entreprise peut être le lieu d’une démocratie sociale écologique. Tel est l’esprit du titre II.

Je vous parlais à l’instant d’une République écologique qui protège, qui peut – oui, je le dis ! – sauver des vies.

Vous le savez, chaque année, 40 000 personnes meurent dans notre pays à cause de la pollution de l’air, une pollution principalement liée à la circulation automobile. C’est, avec l’alcool et le tabac, l’une des principales causes de mortalité évitable en France. Ce sont des maladies au long cours qui pèsent sur la vie de tous les jours. Face à cette urgence sanitaire, sociale, écologique, nous prenons nos responsabilités.

Demain, dans toutes les grandes villes de France, des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) seront mises en place pour limiter la circulation des véhicules les plus polluants.

À ce titre, je regrette que la portée de l’article 27 ait été réduite lors de l’examen en commission. La généralisation des ZFE-m, ce sont en effet autant de maladies respiratoires épargnées à nos enfants et autant de vies sauvées. Telle est l’ambition du titre III.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, l’écologie, c’est souvent du bon sens. C’est aussi la philosophie de ce texte.

Par exemple, mettre un terme à cette hérésie qui consiste à prendre l’avion, alors qu’il existe une alternative en train en moins de deux heures trente, c’est du bon sens !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Il faut aussi penser à ceux qui essaient de travailler !

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili

Arrêter de couler la nature sous le béton, c’est du bon sens ! Arrêter de construire des centres commerciaux au milieu des champs, c’est aussi du bon sens !

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili

La lutte contre l’artificialisation des sols, qui nous permet de diviser son rythme par deux, contribue tout simplement à la naissance d’une écologie des territoires dont nous avons tout à gagner.

Depuis beaucoup trop longtemps, en effet, notre pays a vécu sur cette idée fausse que l’on pouvait sans cesse agrandir les villes et avaler les espaces naturels et agricoles, sans que cela nous mette en danger. Cette machine infernale n’a fait que précipiter le déclin de la biodiversité, augmenter la dépendance à la voiture et favoriser le sentiment d’oubli et d’exclusion d’une partie de la population. Enfin, nous y mettons un terme : il était plus que temps !

Il était aussi largement temps de s’occuper de la vie quotidienne des millions de foyers français qui vivent dans des passoires thermiques, ces logements dans lesquels on ressent une chaleur étouffante l’été, un froid glacial l’hiver, toujours dispendieux et émettant massivement du CO2 pour le chauffage.

Je vais le dire simplement : cette situation n’a que trop duré. C’est pourquoi le titre IV du présent projet de loi prévoit d’interdire la mise en location des passoires, afin de pousser les propriétaires à effectuer des rénovations de qualité.

Grâce à l’Assemblée nationale, nous avons dorénavant une trajectoire claire et précise pour y parvenir : nous commencerons par interdire la location des logements de classe G – les plus énergivores – dès 2025, et finirons par interdire celle des logements de classe E. À cet égard, je regrette – mais je pense que l’on pourra en reparler – que le Sénat ait souhaité repousser de 2034 à 2040 l’échéance concernant les logements de classe E, car nous ne laissons pas les propriétaires seuls, je vous l’assure !

Mme Dominique Estrosi Sassone s ’ exclame.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili

Je suis fière que l’Assemblée nationale ait significativement enrichi ce texte. Je pense à la création des « accompagnateurs rénovation » pour soutenir les ménages depuis la conception des projets jusqu’à leur réalisation. C’est un grand pas en avant pour convaincre ceux qui hésitaient encore.

Je sais combien le fait d’entreprendre des travaux importants peut inquiéter. Soyons francs : nous demandons un effort à des millions de propriétaires. Le minimum que nous leur devons, c’est de la prévisibilité et de la cohérence. Il nous faut entretenir un climat de confiance, le seul à même de nous faire progresser.

C’est pourquoi la loi fixe dorénavant un principe d’engagement financier de l’État, qui grave dans le marbre la garantie d’un reste à charge faible.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, telles sont les dispositions du titre IV.

Ce texte constitue également une nouvelle étape dans la manière dont notre pays se nourrit.

Nous amplifions la transition agroécologique pour les territoires, les humains et notre santé. Nous luttons plus que jamais contre la déforestation importée. Nous laissons le choix à chacune et à chacun d’un menu végétarien dans les cantines scolaires. J’ai bien noté qu’en commission vous aviez supprimé la mesure tendant à généraliser un menu hebdomadaire végétarien, alors que l’évaluation de cette mesure était positive.

J’ai cette conviction, que je tiens à la partager avec vous, …

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili

… que notre société évolue vite et profondément sur ces questions.

Notre rôle, notre responsabilité est aussi d’accompagner l’évolution de la société en la matière, tout en soutenant l’excellence agroalimentaire de notre pays.

M. Laurent Duplomb s ’ exclame.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili

Nous devons offrir un choix juste, qui permette à ceux qui mangent de la viande d’en consommer de meilleure qualité, et qui permette de soutenir les producteurs locaux et de consommer avec responsabilité. Tel est l’esprit du titre V.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, dans la perspective de cette transformation majeure pour notre pays, je crois que la justice, loin d’être un problème, fait partie de la solution.

Grâce à ce projet de loi, nous renforçons notre droit, notre justice, celle du peuple français, qui ne tolère plus les dépôts sauvages, les pollutions volontaires, les destructions préméditées de la nature. Chaque génération a ses lignes directrices. Voici les nôtres : diligence et sévérité contre ceux qui portent atteinte à l’environnement.

En commission, vous avez souhaité supprimer le terme d’« écocide » pour en réserver l’usage au droit international. Pourtant, lorsque l’on détériore notre écosystème dans la durée, on commet bien un écocide. Tel est le contenu du titre VI.

Ce combat pour notre planète et notre avenir nous force à garder le cap sur le temps long, sur une durée qui dépasse nos mandats propres et nos responsabilités. C’est là le signe de la maturité de notre démocratie : garantir que nos décisions se déploient et que nos efforts payent.

Le texte que je vous présente aujourd’hui est complété par un nouveau titre, le titre VII : fruit du travail des députés, il vient transformer notre gouvernance climatique.

L’évaluation annuelle de la mise en œuvre de cette loi par le Haut Conseil pour le climat et la Cour des comptes est un bon moyen de nous assurer ensemble que notre œuvre transformatrice se poursuit.

Ce projet de loi est riche et dense. Ce texte apporte beaucoup d’évolutions, attendues, espérées, parfois même oubliées. Il est une nouvelle pierre de notre République.

Je parle d’une nouvelle pierre, car ce projet de loi n’est pas isolé : il s’ajoute à des décisions courageuses qui ont permis de mettre fin à de grands projets datés et incompatibles avec notre projet écologique, que ce soit l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, EuropaCity, la Montagne d’or ou le terminal T4 de Roissy.

Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili

Ce texte va de pair avec un plan de relance historique qui consacre 30 milliards d’euros à la décarbonation de notre économie.

M. Fabien Gay s ’ exclame.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili

Ce projet de loi s’inscrit dans le cadre de notre mobilisation internationale, une mobilisation de chaque instant qui, demain, fera de l’Europe la première puissance écologique de la planète.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, à présent, ce texte est vôtre. Il vous revient de continuer et d’amplifier le travail entamé par les cent cinquante citoyennes et citoyens de la Convention citoyenne. Il vous revient de faire vivre notre démocratie et de relever ce grand défi de notre génération. Enfin, il vous revient d’engager, plus vite et partout, la transformation écologique dont notre pays a tant besoin.

Je sais que, ensemble – nous avons déjà un peu commencé –, nous y arriverons.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme la rapporteure et M. le président de la commission de l ’ aménagement du territoire applaudissent également.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Marta de Cidrac

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous entamons aujourd’hui l’examen de ce projet de loi. Je crois pouvoir dire que l’ensemble des groupes politiques se réjouissent du retour des préoccupations environnementales dans notre agenda législatif.

Issu de la Convention citoyenne pour le climat et inspiré des 149 propositions qui en ont résulté, ce texte est apparu intéressant, mais souvent inabouti, et parfois même en trompe-l’œil. Il comporte une idée, qui est, hélas ! sans portée normative ; il s’inscrit bien souvent dans la reprise, le prolongement et le complément de mesures déjà adoptées, voire déjà entrées en vigueur.

Face à ces paradoxes, le Sénat a décidé de jouer pleinement le jeu. Nous avons donc rencontré un grand nombre d’acteurs, afin de les écouter, de cerner leurs attentes et de recueillir leurs propositions pour clarifier, enrichir et compléter ce texte.

Ce travail de fond, engagé il y a plusieurs mois, s’est fondé sur deux principes directeurs : la clarté de la loi pour tous, particulièrement lorsqu’elle vient affecter notre vie quotidienne, et l’acceptabilité des mesures d’un point de vue social, notamment pour nos concitoyens les plus modestes.

En effet, à l’instar de nombreux collègues, j’ai cherché à réconcilier les transitions écologique, sociale et économique, c’est-à-dire à améliorer l’ambition environnementale des mesures qui nous ont été soumises par le Gouvernement et nos collègues députés, tout en prêtant une attention constante aux conséquences sur la société de ce qui nous est proposé, car la transition écologique doit se faire avec l’ensemble des Français.

Le texte issu des travaux de l’ensemble des commissions est le reflet de ce travail au long cours et des équilibres nouveaux que nous avons cherché à établir ou à conforter. Le texte de la commission est le fruit d’un travail collectif, qui croise les expertises de plusieurs commissions. Je tiens à cet égard à saluer l’ensemble de nos collègues rapporteurs et rapporteurs pour avis.

S’agissant des articles sur lesquels j’ai travaillé, le projet de loi s’articule désormais autour de trois axes principaux.

D’abord, notre texte prévoit de fixer un cap clair pour engager durablement notre économie dans la transition bas-carbone. Je pense notamment aux modifications adoptées concernant l’affichage environnemental, la régulation de la publicité ou encore l’écoblanchiment.

Ensuite, nous entendons qu’il soit un trait d’union entre la vie quotidienne des Français, la structure de notre économie et nos engagements internationaux. Je fais référence ici aux mesures relatives au vrac dans les grandes et moyennes surfaces, aux compléments apportés à la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi AGEC, au soutien au déploiement des infrastructures nécessaires au réemploi ou encore à la vente à emporter.

Enfin, nous avons cherché à garantir l’effectivité et l’efficacité des dispositions de ce texte. Je pense aux amendements que nous avons déposés pour mieux territorialiser le pouvoir de police concernant la publicité, en renonçant à sa décentralisation systématique. Je pense également à tout le travail effectué sur la protection judiciaire de l’environnement : nous avons cherché à rééquilibrer le quantum des peines proposées et à sécuriser le dispositif pénal sanctionnant les atteintes graves aux milieux physiques.

Vous le voyez, madame la ministre, le Sénat a pleinement joué son rôle. Il vous propose aujourd’hui de discuter sur le fondement d’un texte dont l’ambition et l’efficacité sont renforcées.

Je forme le vœu que les discussions que nous entamons pour les deux semaines à venir se déroulent dans le souci constant de la préservation de l’environnement, du renforcement de notre économie face à la crise que nous traversons, sans pour autant, évidemment, que l’on oublie le volet social de ce texte.

J’espère que le Gouvernement saura répondre de la manière la plus constructive possible aux propositions que lui feront les sénateurs.

Vous l’avez compris, face à l’urgence climatique, nous devons collectivement nous employer à faire appliquer ce texte le plus rapidement possible. C’est pourquoi je forme le vœu que nous puissions débattre sereinement et sérieusement dans les prochaines semaines.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Martin

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma collègue Marta de Cidrac vient de le rappeler à l’instant : nous nous sommes pleinement engagés sur ce texte. Je salue également le travail partenarial conduit avec les commissions concernées.

Nos travaux préparatoires ont mis en lumière un paradoxe évident : si le retour au premier plan des préoccupations environnementales dans notre agenda législatif est un symbole majeur que je salue, en l’état, le texte qui nous était soumis contentait peu de personnes.

Les mesures qu’il comporte sont en effet inégales tant du point de vue de leur effet sur le climat que de leur normativité. Entre les renoncements inavoués, les ajouts opportuns, les mesures ambitieuses et certaines fausses bonnes idées, il n’a pas été simple de faire le tri. Il faut souvent regarder dans le détail et lever le voile sur des mesures, dont l’effet peut paraître très positif pour l’environnement, mais qui, dans les faits, peuvent se révéler contre-productives à court, à moyen et même à long terme.

Par ailleurs, je regrette que le Parlement ait à se prononcer dans la précipitation sur deux réformes majeures, qui sont à l’étude depuis des années et qui auraient chacune mérité un examen parlementaire spécifique : je pense à la réforme du code minier et à celle de la gestion du recul du trait de côte.

Cela étant rappelé, n’allez pas croire, madame la ministre, mes chers collègues, qu’il s’agit d’une critique univoque : des avancées existent, et si nous votons ce texte, nous donnerons davantage de leviers à nos concitoyens et à nos collectivités pour accélérer la transition écologique, soutenir le mouvement de relocalisation industrielle grâce à la réforme du code minier, renforcer la protection des écosystèmes sensibles et mieux maîtriser l’empreinte carbone de notre alimentation.

Pour ma part, j’ai d’abord œuvré pour un relèvement de l’ambition environnementale du texte, efforts que nous pourrons amplifier en séance.

Je pense par exemple à l’entrée en vigueur anticipée de deux ans du verdissement des contrats de concession, même si nous n’avons pas pu aller aussi loin que je l’aurais souhaité sur la question de l’insertion. Je pense aussi et surtout aux mesures innovantes et ambitieuses destinées à renforcer la lutte contre la déforestation importée que nous avons introduites en commission.

Ensuite, j’ai cherché à conforter nos collectivités dans leur rôle d’acteur majeur de la transition écologique, en leur donnant des outils pour y parvenir. En témoignent les modifications que nous avons introduites en commission avec mon collègue Jean-François Rapin : elles concernent le recul du trait de côte et visent à créer un droit d’option pour nos collectivités. Nous attendons des engagements clairs, madame la ministre, sur le financement de cette extension de compétence qui ne dit pas son nom.

Je pense aussi au travail effectué sur la stratégie nationale pour les aires protégées et sur l’hyperfréquentation des espaces protégés.

Enfin, j’ai tenu à mieux concilier transition écologique, justice sociale et développement économique. Je pense par exemple à notre travail sur les engrais azotés : nous prévoyons un accompagnement renforcé des agriculteurs, afin de ne pas compromettre à terme leur capacité à réaliser la transition agroenvironnementale. Je pense plus généralement aux mesures qui visent à mieux territorialiser notre politique alimentaire.

Vous le voyez, madame la ministre, nous avons répondu présent là où l’on ne nous attendait pas forcément. Il est indéniable que le texte dont nous commençons l’examen aujourd’hui est plus ambitieux que celui qui nous a été transmis.

À ce stade, je n’aurai qu’une question à vous poser : allez-vous vous saisir des propositions que nous vous faisons, afin de mieux territorialiser notre politique de lutte contre le changement climatique et de donner les moyens à nos collectivités de promouvoir une écologie de l’intelligence territoriale ?

Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tabarot

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les urgences écologique, sanitaire et économique sont-elles conciliables ? Voilà la vraie question à laquelle nous aurons à répondre pendant ces deux semaines de débats.

J’ai l’espoir que nous parvenions à allier ces trois ambitions : la protection de l’environnement, la viabilité économique et le progrès, et la justice sociale.

Encourager, convaincre, stimuler et, surtout, ne pas proposer comme unique solution l’interdiction, la punition, la culpabilisation. En France, nous avons des marges de progrès, notamment dans les transports qui représentent 32 % des émissions de gaz à effet de serre. C’est sur ce dossier que je me suis investi.

Comme pour mes collègues, mon ressenti à la première lecture de ce projet de loi peu abouti était plutôt mitigé. Vous tentez de contenter tout le monde à l’image du « en même temps » que vous affectionnez tant…

Ce texte a tout de même des effets très importants sur de nombreux secteurs de notre économie, ce qui nous donne une responsabilité, celle de transformer en partie et d’améliorer ce qui doit l’être, le tout en excluant les points marquants symboles d’une écologie punitive.

Nous ne ferons pas accepter cette nouvelle ambition écologique par la contrainte. Personne ne doit se sentir injustement pénalisé par les mesures écologiques qui seront votées. Sinon, nous échouerons.

Après avoir connu les « bonnets rouges » et les « gilets jaunes », explorons enfin le « chemin vert » des mesures de soutien, en somme une vision positive et incitative de la transition.

Bien sûr, nous aurions pu nous contenter de constater une mauvaise partition. Toutefois, nous avons fait le choix de jouer le jeu en nous montrant responsables et force de propositions.

Dès lors, la difficulté de notre exercice consiste à vous sensibiliser, madame la ministre, sur l’intérêt que pourrait avoir le Gouvernement à travailler de manière pragmatique avec le Sénat.

Nous avons envisagé de multiples options en tenant compte des crises sanitaire, sociale et économique. Nous avons retenu trois axes principaux : fixer un cap clair, garantir l’acceptabilité et créer un trait d’union entre la vie quotidienne de nos concitoyens, la transition écologique et nos engagements.

J’insisterai sur quelques mesures relatives aux transports.

D’abord, en ce qui concerne le déploiement des zones à faibles émissions mobilité, nous voulons redonner de la souplesse aux collectivités territoriales.

S’agissant de l’accompagnement vers la décarbonation du secteur, il ne s’agit pas d’opposer les modes, mais au contraire de les associer.

Pour les voyageurs, nous proposons d’appliquer un taux réduit de TVA de 5, 5 %, afin d’acter que le train est un produit de première nécessité, ainsi qu’un tarif minimum pour les billets d’avion.

Nous proposons d’accompagner les ménages modestes pour qu’ils puissent acquérir des véhicules propres, via la création d’un prêt à taux zéro.

Pour ce qui concerne les marchandises, nous souhaitons inscrire dans la loi l’objectif d’un doublement de la part modale du fret ferroviaire et de celle du fret fluvial, totalement oubliés pendant des années.

Ensuite, s’agissant du verdissement de la flotte, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et l’écotaxe, nous proposons d’accompagner le secteur par le biais de dispositifs de suramortissement, ainsi que par plusieurs prêts à taux zéro, et de subordonner toute augmentation de fiscalité à la disponibilité d’une offre alternative.

Enfin, nous prévoyons que cette contribution soit opérante si et seulement si le secteur n’a pas réduit significativement ses émissions de gaz à effet de serre.

S’agissant des mesures relatives au transport aérien, nous proposons que le secteur continue de prendre sa part pleine et entière dans la décarbonation, sans être stigmatisé.

Pour conclure, nous considérons que nos propositions sont sérieuses, parce qu’elles sont responsables, techniquement réalisables et, enfin, parce que nous sommes sûrs de leur portée.

Nous vous proposons de vous engager avec nous sur un chemin de croissance, à la fois porteur d’unité, de justice et de progrès. En effet, comme le disait Victor Hugo, « le progrès n’est autre chose que la révolution faite à l’amiable ».

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est naturellement avec beaucoup de sérieux et de sens des responsabilités que nous avons examiné ce projet de loi.

La commission des affaires économiques s’est appuyée sur l’expertise et la compétence reconnues de quatre rapporteurs spécialistes de leur domaine : Anne-Catherine Loisier pour les sujets concernant la consommation, l’alimentation, l’agriculture et la forêt, dans le prolongement des travaux menés sur la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Égalim) dont elle était l’un des rapporteurs ; Dominique Estrosi Sassone pour le volet logement, spécialiste de ces questions, qui a notamment été rapporteure la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ÉLAN ; Daniel Gremillet, président du groupe d’études « Énergie » et rapporteur de la loi Énergie-climat ; et enfin Jean-Baptiste Blanc pour le volet artificialisation des sols, dans le prolongement du groupe de travail qu’il a animé depuis le début de l’année.

Je voudrais, dans le temps beaucoup trop limité qui m’est imparti, relayer leur voix afin de donner à cette intervention une portée générale, et afin aussi de rendre hommage à leur travail passionné, fait d’écoute et de réflexion avec leurs collègues des différentes commissions et avec les administrateurs.

Madame la ministre, notre préoccupation constante a été d’améliorer l’efficacité de ce texte. Nous partageons en effet avec le Gouvernement l’idée qu’une transition vers une économie plus sobre en carbone n’est pas une option, mais une nécessité absolue.

Nous souhaitons une transition écologique ambitieuse, créatrice de valeur et d’emplois. C’est une priorité identifiée depuis longtemps par notre commission. De ce point de vue, l’opposition entre l’économie et l’environnement est pour nous un total contresens. Le dérèglement climatique et la destruction de la biodiversité sont des dangers majeurs pour l’économie et, à l’inverse, la transition écologique est un formidable gisement de croissance et d’emplois. Pour la mener, la France dispose de nombreux atouts.

Mes chers collègues, n’oublions pas que la France se distingue d’ores et déjà par un très faible niveau d’émissions de gaz à effet de serre. Elle dispose, par ailleurs, de très nombreux acteurs économiques, également très performants, puisqu’ils sont des leaders mondiaux en matière de croissance verte !

C’est pourquoi nous avons la conviction que la transformation de notre économie se fera grâce au dynamisme des entreprises, des agriculteurs, de tous les acteurs, et grâce au sens des responsabilités des consommateurs, bref grâce aux Français.

Nous souhaitons une transition qui se fonde sur les découvertes scientifiques, sur l’innovation, l’entrepreneuriat, la liberté et la responsabilité individuelle. L’avenir, c’est pour nous une croissance verte et vertueuse.

Pendant trop longtemps, la France a amélioré son empreinte carbone en délocalisant ses émissions, puis en important massivement des biens, notamment industriels. Or désindustrialiser la France, ce n’est pas décarboner la planète.

C’est pourquoi nous souhaitons une transition écologique qui soit compatible non seulement avec la compétitivité des entreprises françaises et avec notre souveraineté, mais aussi avec notre responsabilité morale dans le monde.

De même, dans le secteur agricole, veillons à ce que nos exigences environnementales, légitimes, ne renchérissent pas le prix des denrées alimentaires. Veillons aussi à ce que, en créant les conditions d’une concurrence tellement déloyale, elles ne favorisent pas toujours plus les importations en provenance de pays qui ne les respecteraient pas !

Oui, il existe une complémentarité entre l’objectif à atteindre d’une économie plus décarbonée et la recherche d’une plus grande souveraineté économique !

Vous l’aurez compris, notre commission a visé, dans l’examen de ce texte, un juste équilibre entre des préoccupations environnementales et économiques, auxquelles j’ajouterai, évidemment, des préoccupations sociales.

La crise des « gilets jaunes » nous a en effet montré le risque de créer des laissés-pour-compte de la transition écologique. Nous avons eu à cœur, grâce à nos amendements, d’y embarquer tous les Français et dans tous les domaines. Telles sont les convictions qui ont animé notre commission.

Par conséquent, quel jugement portons-nous sur ce texte ? Je dirai sobrement qu’il comporte des dispositions de portée inégale. Il fixe indéniablement des objectifs pertinents et prévoit certaines mesures utiles, alors que d’autres visent selon nous davantage l’affichage que l’efficacité. En outre, certains articles sans portée juridique relèvent plus de l’effet d’annonce que de la loi.

Enfin, le projet de loi fait des impasses que nous avons cherché à combler, notamment dans le domaine de l’énergie ou dans celui des forêts, cher à Anne-Catherine Loisier.

Le texte que nous examinons aujourd’hui, issu des travaux de la commission, a donc été à notre sens considérablement enrichi, puisque nous avons adopté 200 amendements !

Qu’avons-nous cherché à faire ? Le premier objectif a été de relever l’ambition du projet de loi initial. Sous l’impulsion des rapporteurs, quand cela était possible et utile, nous avons rapproché certaines échéances, et élargi certaines cibles ou le champ d’application de certaines mesures. Je pense notamment, chère Dominique Estrosi Sassone, à la rénovation énergétique des logements, à l’affichage environnemental, ou à la lutte contre la déforestation importée.

Nous avons deuxièmement cherché à combler les angles morts du texte. Il nous a semblé important de muscler le volet énergétique, dans la mesure où la décarbonation de notre économie passe en premier lieu par celle de notre mix énergétique. C’est pourquoi nous avons ajouté des dispositions relatives à l’hydroélectricité, à l’hydrogène renouvelable et bas-carbone, et au nucléaire.

De la même façon, nous avons ouvert le sujet de la connaissance de nos sous-sols, dans le cadre de la réforme du code minier. À l’heure d’une transition économique inédite, reposant sur le numérique et sur les batteries électriques, il est inenvisageable de ne pas connaître les richesses de nos propres sous-sols, et de seulement compter sur l’exploitation de ceux des pays en voie de développement, dans des conditions environnementales et sociales souvent loin d’être vertueuses.

C’est une question de souveraineté, mais je vous le dis, c’est aussi une question de morale.

Nous avons prévu, troisièmement, des dispositions pour accompagner les ménages les plus précaires et les petites entreprises dans cette transition. La commission a adopté des amendements qui tendent à lutter contre la précarité énergétique en améliorant l’accès aux aides, en facilitant la réalisation de travaux, en garantissant un reste à charge minimal, ou en rendant possible la gratuité des « accompagnateurs Sichel ». Les pouvoirs publics doivent préserver le pouvoir d’achat des plus modestes dans cette transition, à défaut de quoi nous nous heurterions à une opposition frontale à tout changement !

Nous avons adopté, quatrièmement, des amendements pour recalibrer certains dispositifs. Je pense, par exemple, à la liste des produits à privilégier dans la restauration collective, qui est aujourd’hui trop restrictive. Nous l’avons élargie aux produits locaux et aux circuits courts.

Je pense aussi à l’adoption d’un plan « Éco’Azote », plus incitatif et plus opérationnel que des taxes qui ont comme défauts majeurs – je le redis – de mettre les agriculteurs en situation de concurrence déloyale au sein même de l’Europe, et de les taxer tous, même ceux qui sont bons élèves. Nous ne sommes pas des adeptes de la punition collective.

Nous avons, cinquièmement, souhaité simplifier les dispositifs proposés, chaque fois que cela était possible. Il est en effet paradoxal que la transition écologique se traduise par la multiplication de normes réglementaires qui souvent, voire toujours, freinent les initiatives.

C’est en ce sens que nous avons simplifié les dispositions sur le réemploi des friches, ou sur l’exploitation de la petite hydroélectricité. Il faut veiller, en effet, à ce que cette transition ne se traduise pas par une immixtion croissante dans notre quotidien d’un dirigisme étatique et technocratique qui nous veut du bien, malgré nous, tout en bridant les initiatives les plus vertueuses et les plus innovantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Nous avons enfin souhaité – cela ne vous étonnera pas – remettre les collectivités territoriales au centre du processus. La transition environnementale ne doit pas être le prétexte d’une recentralisation. Dans ce pays jacobin, il faut décentraliser certaines décisions à un échelon de proximité qui est aussi celui de la responsabilité. C’est le cas, notamment, en matière de lutte contre l’artificialisation des sols, ou encore en matière d’urbanisme commercial.

Au total, mes chers collègues, nous considérons que ce texte sort renforcé des travaux en commission, malgré vos réserves, madame la ministre. Nous le trouvons plus ambitieux, plus opérationnel, plus lisible, plus efficace, plus pragmatique. Bien loin de nous opposer à la démarche du Gouvernement et de nos collègues de l’Assemblée nationale, nous avons souhaité saisir cette occasion pour consolider la transition du pays vers une économie plus sobre en carbone, en misant sur les dispositifs les plus efficaces pour leur impact positif sur le climat.

J’espère que la voie de l’intelligence collective que vous nous indiquiez précédemment, madame la ministre, ira jusqu’à la volonté commune d’une commission mixte paritaire conclusive.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. Nous n’en sommes pas encore à la commission mixte paritaire…

Sourires.

Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Laugier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le secteur de l’éducation, de la culture et de la communication doit prendre toute sa place dans la protection de notre environnement.

Est-ce que ce projet de loi constitue le texte fondateur qui était promis ? Malheureusement, non ! Il comprend une profusion de mesures, mais celles-ci n’auront pas de conséquences réelles, faute de volonté.

C’est pourquoi la commission de la culture s’est efforcée de soumettre plusieurs mesures, intégrées dans le texte de la commission, qui devraient avoir un véritable effet sur les comportements.

En ce qui concerne l’éducation, tout d’abord, nous avons constaté que les apports du projet de loi initial étaient principalement symboliques. L’éducation au développement durable existe depuis près de quarante-cinq ans à l’école. La première instruction relative au développement durable date de 1977 !

Plus récemment, la circulaire de la rentrée 2020 met notamment en œuvre la refonte des programmes, de la maternelle jusqu’au lycée, pour y renforcer les enseignements relatifs au changement climatique, à la biodiversité et au développement durable.

Concernant la publicité dans les médias, le Gouvernement n’a pas réussi à concilier son ambition pour l’environnement et le modèle économique des médias privés. Les recettes publicitaires représentent 95 % des ressources des chaînes privées. Toute restriction aura donc des conséquences immédiates sur la qualité des programmes.

L’interdiction des publicités pour les énergies fossiles, prévue à l’article 4, ne représenterait qu’une perte de 0, 1 % des recettes publicitaires pour les chaînes de télévision, et de 0, 3 % pour les radios. On mesure le caractère symbolique de cette disposition.

Quant à l’autorégulation prévue à l’article 5, elle ne fixe aucun véritable objectif ni aucun délai. On peut donc penser que ce dispositif ne fera qu’accompagner l’évolution naturelle de la consommation sans essayer de faire évoluer les comportements.

Par conséquent, la commission de la culture a considéré que ces dispositions étaient insuffisantes et qu’il fallait aller plus loin sans pour autant menacer le modèle économique des médias.

La commission de la culture et celle de l’aménagement du territoire et du développement durable ont inscrit dans le texte la création d’un code de bonne conduite spécifique à France Télévisions, Radio France et France Médias Monde. Celui-ci organisera, d’ici le 1er janvier 2023, la disparition des communications commerciales promouvant des produits néfastes pour l’environnement, dès lors qu’il existe des alternatives qui ne le sont pas.

La publicité ne représente que 10 % des ressources de l’audiovisuel public. Il n’y a donc pas de difficulté à lui demander d’être exemplaire. L’État est le seul actionnaire de ces sociétés, il doit être cohérent et refuser qu’elles se financent au détriment de l’environnement.

S’agissant des dispositions qui modifient le régime de la publicité extérieure, à savoir les articles 6 et 7, la commission de la culture et celle de l’aménagement du territoire et du développement durable sont tombées d’accord pour proposer une solution qui offre aux maires davantage de pouvoirs, tout en empêchant que les inégalités ne se creusent exagérément sur le territoire en matière d’affichage.

La publicité extérieure constitue, en effet, un véritable enjeu d’intérêt local, ce qui justifie que les élus locaux disposent de responsabilités plus étendues dans ce domaine.

Cependant, pour lutter correctement contre la pollution visuelle, il faut veiller à ce que des prescriptions minimales s’appliquent sur tout le territoire. Il faut aussi que les élus des petites communes qui n’auraient pas les moyens humains ou techniques nécessaires pour exercer la police de la publicité puissent transférer cette compétence. Tel est l’objet de la réécriture des articles 6 et 7 que nous vous proposons.

Pour finir, je veux mentionner les dispositions du projet de loi destinées à faciliter la rénovation énergétique des logements.

Sur la proposition de la commission de la culture, et en accord avec la commission des affaires économiques, le texte prévoit désormais un équilibre grâce auquel notre pays pourra mieux répondre à cet enjeu essentiel, tout en tenant compte des contraintes propres aux différents types de bâti.

La commission de la culture croit fermement que le patrimoine et le développement durable sont compatibles, et qu’il faut en améliorer et renforcer l’articulation.

Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Madame la ministre, la commission des finances a étudié seulement huit articles de ce projet de loi qui est arrivé au Sénat – nous l’avons déploré – comme un texte essentiellement programmatique, de sorte que dans sa rédaction actuelle il entraîne finalement peu de charges pour les finances publiques.

En outre, quand des charges sont à prévoir, elles restent malheureusement difficilement évaluables, comme suffit à le montrer l’article 60 bis qui vise à créer un chèque alimentaire. En effet, les échanges que nous avons pu avoir avec différents interlocuteurs laissent envisager que le coût d’un tel dispositif pourrait être très élevé et varier en fonction du périmètre d’application qui sera décidé.

L’article 60 bis est d’autant plus caractéristique de la nature du texte qu’il prévoit que la mise en œuvre de cette disposition devra s’accompagner du dépôt de deux rapports. Ce projet de loi affiche donc beaucoup de grandes idées, dont la réalisation concrète se fera sur le long terme.

Nous avons également déploré que l’étude d’impact se révèle souvent défaillante. Les conséquences socioéconomiques du texte, notamment, ne sont pas suffisamment appréhendées. Par exemple, nous avons pu lire, au sujet des différentes mesures qui concernent les interdictions de circulation des poids lourds ou des véhicules, qu’il n’était pas incertain qu’elles puissent avoir des effets sur le secteur de l’automobile !

Or les articles que la commission des finances a eu à examiner prévoient des mesures dont les répercussions concernent 400 000 emplois dans le secteur de la construction automobile, 400 000 emplois dans celui du transport routier de marchandises, et 320 000 emplois dans le domaine de l’aviation civile. On voit bien que ce texte engage notre économie sur le long terme.

De même, l’absence d’étude d’impact fouillée fait que les conséquences techniques des différentes dispositions ont été mal ou peu appréhendées. Par exemple, il ne sera pas possible d’interdire la circulation des camions à moteur thermique si nous ne disposons pas d’une offre alternative.

Or, aujourd’hui, pour les camions d’un poids total autorisé en charge supérieur à 3, 5 tonnes, il n’existe pas d’offre alternative suffisante. Celle-ci n’est pas non plus équivalente, puisqu’elle entraînera des transferts dans le plan de transport, liés à la nécessité de s’avitailler plus régulièrement. Dans la mesure où les bornes de recharge n’existent pas partout, il faudra construire le plan en fonction des endroits où l’on pourra s’avitailler.

L’offre alternative n’est pas non plus équivalente, parce que les capacités d’emport seront réduites, le réservoir d’hydrogène ou le moteur électrique empiétant sur le volume utile pour charger des marchandises.

Enfin, comme je le disais, la question de l’avitaillement est un point crucial, dans la mesure où les bornes font encore défaut. On dénombrait au 1er mai dernier 38 000 points de recharge pour les véhicules à hydrogène ou les véhicules électriques, alors même que l’ambition de la France était de disposer de 100 000 points au 1er janvier 2022. Nous en sommes très loin…

Telles sont les raisons pour lesquelles mes collègues, notamment Philippe Tabarot, et moi-même avons choisi d’accompagner la transition.

Madame la ministre, vous pourrez me dire qu’un certain nombre de dispositifs existent déjà. Cependant, si j’en crois un article publié, ce jour, dans un grand journal national, les citoyens ont le sentiment d’être laissés pour compte. Le phénomène risque de s’accentuer lorsqu’ils auront besoin d’entrer dans une zone à faibles émissions.

Certes, vous allez me dire que le Gouvernement a prévu dans son plan de relance, près de 1, 5 milliard d’euros pour accompagner le développement des avions verts ! Vous me direz aussi qu’il y a des bonus pour les camions ! Nous restons quand même très loin du compte.

Aujourd’hui, un camion à hydrogène représente un coût complet d’utilisation deux à trois fois plus élevé que n’importe quelle autre motorisation. Les seules offres alternatives, à peu près équilibrées quant à leur durée de vie, aux camions à moteur thermique sont les motorisations au bioéthanol. Nous sommes donc loin du compte, et c’est la raison pour laquelle nous avons choisi d’accompagner cette transition.

Philippe Tabarot a déjà énoncé un certain nombre des mesures que nous défendons, et qui consistent notamment à compléter les prêts à taux zéro, à prolonger le dispositif de suramortissement, à mettre en place une trajectoire de diminution de l’exonération partielle de TICPE, uniquement si des moyens de substitution sont mis en place, c’est-à-dire à la fois une offre de camions et un nombre de points d’avitaillement suffisant pour qu’il soit possible de livrer des marchandises en tout point du territoire national, et pas uniquement le long des axes autoroutiers.

Dans le secteur agricole, nous avons décidé de mettre en place un plan « Éco’Azote » qui aidera nos agriculteurs à accomplir la transition.

Enfin, la commission des finances s’est prononcée sur le besoin impératif d’engager une discussion avec nos partenaires européens, car de nombreux sujets nécessitent une convergence en matière de fiscalité. Nous ne pouvons pas agir seuls.

Par exemple, le taux de fiscalité sur les carburants que nous appliquons en France est au-dessus de la moyenne européenne. Parmi les pays qui nous entourent, seule l’Allemagne a une fiscalité plus « désavantageuse » pour les transporteurs que la nôtre, si je puis le dire en ces termes. Les transporteurs installés près d’une frontière iront donc acheter leur essence de l’autre côté, sans que rien les empêche ensuite de rouler sur le territoire national.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Le Rudulier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des lois s’est saisie pour avis d’une trentaine d’articles sur les 218 que comportait le texte transmis par l’Assemblée nationale, dans des domaines assez variés, qu’il s’agisse de la protection judiciaire de l’environnement, de la commande publique, de la lutte contre l’orpaillage en Guyane, des mesures sur les transports, ou de la lutte contre l’artificialisation des sols.

Madame la ministre, je ne partage pas votre enthousiasme au sujet de ce texte, car, à y regarder de près, il est d’une facture juridiquement décevante. Il comporte, comme cela a déjà été dit par plusieurs collègues, des dispositions peu normatives ou relativement peu abouties. J’en veux pour preuve les dispositions pénales destinées à réprimer plus sévèrement les atteintes graves et durables à l’environnement.

Nous nous sommes attachés à réécrire l’article 68, afin de tenir compte des remarques du Conseil d’État. En effet, la rédaction figurant dans le projet de loi initial semblait fragile au regard des principes constitutionnels.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, en suivant sa rapporteure, Mme Marta de Cidrac, est allée beaucoup plus loin que la commission des lois, et a également trouvé un juste équilibre. En effet, elle a fait évoluer à la fois le quantum des peines et le seuil retenu pour définir l’atteinte durable à l’environnement.

Un deuxième point de divergence porte sur le terme d’« écocide ». À consulter la littérature juridique, on s’aperçoit très vite qu’il désigne un crime qui pourrait, d’ailleurs, être reconnu à l’échelle du droit international. L’utiliser pour désigner un délit dans notre droit interne paraît quelque peu inapproprié.

La commission des lois a également veillé à mieux encadrer l’utilisation des drones par les agents de contrôle chargés de veiller au respect des normes environnementales, à la lumière des travaux qu’elle avait menés sur la proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés, et plus récemment sur la décision du Conseil constitutionnel.

Quelques mots sur le volet relatif aux transports pour vous dire que la perspective de la création d’une écotaxe régionale a suscité un débat assez intense et riche au sein de notre commission. Nous avions initialement proposé de supprimer purement et simplement cette mesure, pour la réétudier et la renvoyer au débat du futur projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit 3DS. En effet, nous avions trouvé quelque peu inconvenant de bâtir un dispositif fiscal régional sur une domanialité qui n’était pas encore transférée aux régions.

Néanmoins, la rédaction retenue par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, sur la proposition de Philippe Tabarot, répond à notre préoccupation, puisqu’elle subordonne l’éventuelle création de cette taxe aux efforts réalisés pour le secteur routier de marchandises à l’horizon de 2028.

Enfin, si notre commission adhère à l’objectif d’une réduction du rythme de l’artificialisation des sols, il ne faudrait pas néanmoins contraindre excessivement les collectivités territoriales, notamment les communes, qui sont les mieux à même de décliner localement les ambitions définies à l’échelon national.

Ainsi, s’il est légitime que les schémas régionaux d’aménagement et de développement durable du territoire (Sraddet) fixent les grandes orientations, il est tout aussi légitime que les collectivités territoriales conservent de la souplesse pour les mettre en œuvre. Les élus locaux, dans le cadre des organes délibérants, se doivent de concilier la protection de l’environnement et les objectifs de construction de logements et de développement économique et social, au plus près des spécificités de chaque territoire, et sous l’œil avisé de leurs électeurs.

Telles sont, mes chers collègues, très succinctement, les principales conclusions de la commission des lois, qui a souhaité, comme vous l’aurez compris, garantir l’efficacité du texte tout en le consolidant sur un plan juridique. Elle a également veillé à sa cohérence avec les principes constitutionnels et avec notre droit pénal.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi que vous nous présentez a une méthode, qui nous interroge, un contenu, qui ne mérite ni l’excès d’honneur de ses thuriféraires ni surtout l’excès d’indignité des « décibelocrates » de la deep ecology qui protestent le samedi dans des cortèges assez maigrelets, et enfin un contexte, la lutte contre le dérèglement climatique que, je l’espère, personne ici ne conteste.

La méthode est celle de la Convention citoyenne pour le climat. Depuis les « gilets jaunes » se multiplient les suggestions d’objets votants non identifiés, sortes d’hybrides entre une pseudo-démocratie directe et un panel pour institut de sondages, tels que le référendum d’initiative populaire ou les conventions citoyennes, qui posent question à la démocratie représentative.

Le Parlement aura le dernier mot, nous dites-vous. Peut-être, mais sous la pression médiatique d’une convention à la légitimité non définie, aux participants désignés par la providence et dont il a fallu faire « une mise à niveau préalable », si bien que les propositions ont en fait dépendu de quelques animateurs chevronnés, choisis, eux, sans tirage au sort.

Ces garde-fous ont, hélas ! vite cédé, le plus activiste de ces pygmalions ne cessant désormais de mordre la main qui lui a offert sa soudaine notoriété, dans un exercice de dépit amoureux qui a beaucoup moins à voir avec le réchauffement climatique qu’avec son propre échauffement !

Nouvelle forme de la démocratie, nous dites-vous. Je ne suis pas sûr qu’elle soit plus vertueuse que l’ancienne…

J’en viens au contenu de la loi, et sur ce point je serai plus nuancé. Un projet qui met dans la rue les quelques milliers de décroissantistes, collapsologues et zadistes, qui a fait l’objet à l’Assemblée nationale d’une motion de rejet de la France soumise à Bolivar

Rires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

La Convention citoyenne, à laquelle vous proclamez votre amour, vous a donné une note de 3, 3 sur 10. Son animateur échauffé crie partout que vous n’avez repris, horresco referens, que moins d’un tiers de ses propositions. Je veux pour ma part y voir le signe de votre lucidité.

Rires sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Laurent Duplomb applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Car cette convention a accouché de trois sortes de mesures : des mesures techniques, parfois déjà entreprises, comme la rénovation de logements, l’économie circulaire, la décarbonation des transports, qui vont dans le bon sens. Ensuite, des solutions à la française qui proclament de bons sentiments et rendent les lois bavardes – la modification de la Constitution par exemple, qui n’ajoutait rien et préparait des contentieux innombrables. Et enfin, un catalogue de contraintes, fonds de commerce des décroissants.

Vous avez choisi les mesures qui vous paraissaient les plus pertinentes et surtout les moins chimériques. Le Sénat a donc choisi de les étudier de façon sérieuse et constructive en conciliant développement durable et justice sociale, en privilégiant une écologie décentralisée, qui n’aggrave pas les fractures économiques, sociales ou territoriales, mais cherche à les réparer, et enfin en tentant de maîtriser l’explosion normative qui s’annonce et qui angoisse déjà chefs d’entreprise, agriculteurs, artisans, commerçants et beaucoup d’élus.

Il me reste à parler du contexte, marqué par l’opposition des partisans de la croissance verte et de ceux de la décroissance. « L’écologie est un champ de bataille », déclarait à l’Assemblée nationale Mathilde Panot, de La France insoumise. Je suis d’accord avec elle sur ce point, même si nous en tirons des conclusions opposées.

Faire de la décroissance un modèle est inapplicable économiquement et politiquement, et donc voué à l’échec. Quel sens peut avoir la décroissance pour le milliard d’habitants du tiers-monde et du quart-monde qui vivent avec moins de deux euros par jour ? Quel sens pour les deux autres milliards qui vivent de lopins de terre épuisés, de petits boulots, de travail au noir ? Quel sens même, chez nous, pour les ménages à petits budgets, mal logés, exposés au chômage, au surendettement, à l’insécurité ?

M. Laurent Duplomb applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

La décroissance n’est pas que le mot d’ordre des Verts, énième avatar de la haine du libéralisme. C’est aussi l’opium des « bobos », comme nous l’a prouvé avec éclat, en une du journal Le Monde, il y a quelques mois, dans une tribune aussi subversive que du fromage à tartiner, une brochette de stars-kérosène au bilan carbone le plus élevé de la planète. Ces gens n’imaginent pas une seconde s’appliquer à eux-mêmes les principes défendus dans cette tribune, principes qui, s’ils devaient être adoptés, ne contribueraient au développement durable que des ronds-points.

Réorienter la croissance vers un mode de vie plus respectueux de la Terre et des hommes : tel est l’extraordinaire et passionnant défi de notre génération. Malheureusement, la Convention n’a pas répondu aux questions essentielles : comment parvenir à une énergie décarbonée si l’on se prive du nucléaire ? Comment cesser d’entraver les nouvelles techniques de génomique agricole, nécessaires pour résoudre l’impossible équation des pesticides et préserver le climat, alors même que ces techniques ont valu le prix Nobel a une Française en 2020 ? Comment faire payer les émissions de carbone à nos frontières ? Et bien d’autres…

L’Europe a largement raté la grande révolution du numérique. La prochaine est celle des industries de la transition écologique. C’est là qu’est l’enjeu majeur du plan de relance post-covid.

Si nous manquons l’occasion de ces milliards d’euros pour investir dans cette révolution qui s’appelle hydrogène vert, stockage électrique, ciment, acier et engrais zéro carbone, fusion nucléaire, géothermie, nouvelles techniques génomiques agricoles et tout ce que les milliers d’étudiants de vingt ans sont en train d’étudier sans que nous le sachions encore, si nous choisissons de sombrer dans l’écologie du « gentil avec les arbres, méchant avec les hommes », alors nous échouerons deux fois : une première fois, parce que nous serons définitivement relégués derrière les États-Unis et la Chine ; une seconde fois, ce qui est bien plus grave, parce qu’il sera trop tard pour répondre à l’urgence climatique. Quand vous prenez le train dans la mauvaise direction, rien ne sert de courir en sens contraire dans le couloir !

Tel est le défi qui vous attend, madame la ministre, qui attend tous les gouvernements à venir et qui nous attend tous.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a deux mois, le vignoble français était frappé par le gel, entraînant la destruction de la majorité des bourgeons. Si ce coup de froid, assez fréquent au mois d’avril, a été aussi catastrophique, c’est parce qu’il avait fait particulièrement chaud au mois de mars et que les bourgeons étaient anormalement avancés. De plus, si le vignoble est aujourd’hui aussi fragilisé économiquement, notamment dans mon département de Loire-Atlantique, c’est aussi du fait de la sécheresse de l’été dernier, qui, durant les trois semaines précédant les vendanges, avait déjà durement affecté et desséché les grains.

Cet exemple concret, parmi tant d’autres, témoigne de l’impact réel du réchauffement climatique. Il n’y a plus débat sur le fait, établi par consensus scientifique, de la responsabilité humaine dans cette situation.

Nous avons ainsi enregistré une augmentation des températures de 1, 1 degré depuis les temps préindustriels, et cette hausse s’accélère dans un monde qui n’a jamais autant brûlé de charbon ou de pétrole et, donc, émis autant de CO2 et autres gaz à effet de serre. Une augmentation de 1, 1 degré, cela suffit pour menacer l’avenir de toute l’activité viticole française, au point de voir de grandes maisons de champagne acheter des terres en Écosse ; mais c’est aussi, à l’échelle mondiale, une sécheresse terrible en Californie et des températures record enregistrées au Mexique ou en Iran.

Dira-t-on jamais assez – Al Gore l’explique très bien dans ses conférences – que, parmi les soubassements de la crise syrienne, il y a ces sécheresses à répétition qui ont chassé les paysans de leurs terres et contribué à la déstabilisation du pays ? La crise climatique entre toujours en résonance avec d’autres crises et tensions – on le voit aussi, par exemple, avec Boko Haram autour du lac Tchad. Et nous ne sommes qu’à 1, 1 degré…

L’horizon de la neutralité carbone en 2050 ne peut suffire. Tout se jouera dans les prochaines années. Si nous ne réduisons pas rapidement nos émissions mondiales de l’ordre de 50 % d’ici à 2030, alors nous vivrons, au XXIe siècle, avec des températures en hausse de 3 ou 4 degrés, ce qui apparaît totalement incompatible avec l’autonomie alimentaire mondiale et le maintien de centaines de millions d’habitants de cette planète sur leurs territoires ancestraux.

Ce n’est pas être catastrophiste, mais lucide, que de rappeler que, sans une réponse résolue et rapide de la communauté mondiale, notre monde sera demain, du fait du réchauffement climatique, en situation d’affrontements multiples, pour ne pas dire généralisés. Face à ce risque connu et admis – le G7 l’a encore réaffirmé ce week-end –, il faut une réponse mondiale. Celle-ci est coordonnée, aujourd’hui, dans le complexe et fragile accord de Paris, qui fut un vrai succès de la diplomatie française.

L’accord de Paris repose sur un principe simple : chacun doit faire sa part et, surtout, à la suite de l’échec de la négociation de Copenhague en 2019 – j’y étais –, chacun s’engage à atteindre l’objectif qu’il s’est volontairement fixé. Les États se réunissent tous les cinq ans pour vérifier qu’ils ont atteint l’objectif précédent et proposer des engagements plus ambitieux. Ainsi, par cycle de cinq ans, nous avançons vers l’objectif que s’est fixé le monde à Paris en 2015 : stabiliser l’augmentation sous les 2 degrés, au plus près de 1, 5 degré.

Nous sommes donc réunis au Sénat pour répondre à cette question, finalement très simple : la France s’organise-t-elle pour décliner et crédibiliser le nouvel objectif européen d’une baisse de 55 %, qui sera présenté à la COP de Glasgow et qu’elle a soutenu dans les sommets européens ? C’est là que le bât blesse, car la réponse est non.

Les différentes estimations qui ont été faites sur ce projet de loi, notamment par le Haut Conseil pour le climat ou par le Boston Consulting Group, montrent que les mesures que vous proposez, madame la ministre, ne nous permettront d’atteindre qu’une réduction de 30 % à 35 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030, bien loin de l’objectif européen. Nous avons donc quinze jours pour changer en profondeur ce projet de loi et montrer au monde que la France est aujourd’hui un pays moteur de l’accord de Paris.

Le groupe écologiste a tracé la voie avec sa vraie loi Climat, qui montre que la France peut réussir à réduire de 55 % ses émissions d’ici à 2030 par des mesures finalement assez simples : obligation de rénovation thermique, sortie accélérée de la mobilité thermique fossile, réduction drastique de l’utilisation d’engrais azotés et augmentation de nos puits de carbone, en lien avec la reconquête de la biodiversité. Surtout, nous défendons une vision de cet effort collectif qui en fasse aussi un outil de solidarité et de redistribution. C’est la clé de la nécessaire adhésion collective à cette transition.

Nos deux semaines de débat seront donc l’occasion de discuter de ces mesures ambitieuses, mais en rien inaccessibles. Pour cette vraie loi Climat, nous nous sommes évidemment inspirés de la Convention citoyenne pour le climat, ces 150 citoyens tirés au sort que le Gouvernement avait mandatés pour définir des mesures, en trouvant des consensus ou des points d’équilibre au sein de la société française, permettant d’atteindre – c’était l’objectif de l’époque – une baisse de 40 % en 2030.

Ce processus démocratique novateur, précisément conçu pour créer des consensus et s’assurer de l’adhésion de la société, avait suscité beaucoup d’intérêt et aussi – nous venons de nouveau de l’entendre – quelques craintes au Sénat. Malheureusement, promesse n’a pas été tenue. Il s’agit – disons le mot – d’une forme de parjure par rapport à l’engagement du Président de la République de reprendre « sans filtre » les propositions de ce travail inédit. Il en résulte un affaiblissement dangereux de la parole politique et le sentiment que la France renâcle devant l’effort à accomplir pour assumer sa part de la responsabilité mondiale.

Nous avons donc quinze jours, je le redis, pour montrer notre sens des responsabilités, pour montrer aux grands émetteurs mondiaux – la Chine, les États-Unis, l’Inde – que la France fait sa part et que nous sommes, de ce fait, en droit de réclamer, notamment dans le cadre d’échanges économiques mondiaux régulés, qu’ils assument aussi leur part de l’effort. C’est tout l’enjeu de ce texte. Le groupe écologiste sera donc totalement mobilisé pour que sorte du Sénat un projet de loi enfin à la hauteur de l’enjeu, qui est tout simplement l’avenir même de l’humanité.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER. – M. Jean-Pierre Corbisez et Mme Marie-Claude Varaillas applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous commençons l’examen aujourd’hui nous adresse un double défi : d’une part, conjuguer démocratie participative et démocratie représentative et, d’autre part, accélérer la transition écologique.

J’ai encore, comme beaucoup d’entre nous, présents à l’esprit les propos tenus par le Président de la République, Emmanuel Macron, en 2017 : « Le changement climatique est l’un des plus grands défis de notre temps. […] Si nous ne faisons rien, nos enfants connaîtront un monde fait de migrations, de guerres, de pénuries […]. » Peu importe où nous vivons, nous partageons la même responsabilité.

Beaucoup de chemin a été parcouru depuis cette date grâce à la politique volontariste de la France. Le dernier rapport de l’institut I4CE témoigne de ce chemin, de cette volonté.

Relever le défi de la transition écologique engage notre responsabilité, celle d’additionner les volontés sur tous nos territoires, sans exclure ni diviser. Le mouvement des « gilets jaunes » nous a d’ailleurs rappelé à quel point l’acceptation de la transition par la population était cruciale et n’allait pas de soi.

Permettez-moi à ce stade de saluer l’extraordinaire travail mené par les rapporteurs, à marche forcée, certes, mais dans un climat d’exigence, d’ouverture et d’écoute.

Non, cette loi n’est pas une loi des petits pas, comme certains la caricaturent ! Les faits sont têtus : cette loi est une contribution engagée et engageante au respect de l’accord de Paris de 2015, à l’agenda 2030 des ODD et au pacte Vert pour l’Europe.

Quand ce sont 200 milliards d’euros de commandes publiques par an qui sont engagés pour la transition écologique, ce n’est pas un petit pas !

Quand est planifiée la rénovation de plus de quatre millions de logements qui sont des passoires thermiques, ce n’est pas un petit pas !

Quand est décidée la réduction par deux du rythme d’artificialisation des sols pour l’ensemble du pays, ce n’est pas un petit pas !

Quand le verdissement de l’ensemble des flottes de véhicules de l’État, des collectivités, des entreprises est accéléré, ce n’est pas un petit pas !

Quand est adoptée la fin des lignes aériennes au profit du train dans le pays qui est le leader mondial de l’aéronautique, ce n’est pas un petit pas !

Quand, enfin, est généralisée l’obligation d’intégrer 50 % de produits durables, dont des produits bio, dans la composition des 300 millions de repas servis chaque année par la restauration collective privée, ce n’est pas un petit pas !

Ce sont des pas de géant pour une transformation écologique profonde de notre société.

Le travail mené par les rapporteurs a bien évidemment fait bouger les lignes du texte. Il nous appartiendra, dans le cadre de notre débat, de porter propositions et arguments visant à corriger certains points contraires à l’ambition initiale du texte et à en rehausser d’autres. Je pense plus particulièrement aux titres Ier, III et V, sur des sujets comme l’information du consommateur, les prolongements de la loi AGEC, le transport ferroviaire et le sujet des mobilités douces, ou bien encore les sujets relatifs à l’alimentation durable, véritable enjeu des années à venir, tout comme l’est celui du logement, notamment l’épineuse question de la rénovation du bâti ancien.

Mes chers collègues, la transformation écologique passera avant tout par un changement des comportements. Assumons collectivement le fait de privilégier l’information des consommateurs et les incitations, plutôt que les interdictions arbitraires, souvent teintées d’anticapitalisme primaire.

Méfions-nous de ces nouveaux idéologues qui appellent au grand dérangement, comme d’autres, avant eux, à de grands bonds en avant : ils mènent à l’autoritarisme et à la misère collective. Ce n’est pas notre conception de l’écologie, ce n’est pas ma conception de l’écologie. L’écologie partagée est celle qui tend vers l’idéal mais qui comprend le réel.

Il y a bien un chemin entre ceux pour qui aucune mesure ne sera jamais satisfaisante et ceux qui considèrent qu’il ne faudrait jamais rien changer. Entre une écologie de l’injonction permanente, devenue une véritable rente politique, et un immobilisme coupable face à l’impératif climatique, cette voie centrale de bon sens, pour une écologie de terrain et du quotidien, est celle qui est tracée par la majorité : une écologie qui investit massivement dans le progrès technique et l’innovation, une écologie des solutions concrètes, de l’incitation et de l’accompagnement, une écologie de l’éducation et de l’adhésion de la population. C’est tout le sens de la politique menée depuis 2017, du plan de relance vert de 100 milliards d’euros et de ce projet de loi Climat et résilience.

Ce texte nous aidera à tenir nos engagements climatiques ; il contribuera à amplifier la transformation écologique de la société et à orienter notre économie vers la décarbonation. Économie et écologie sont compatibles : nous ne cessons d’œuvrer à leur conjugaison.

Je ne doute pas que nos débats permettront d’aller plus loin, plus haut, plus fort pour une transition écologique au service de toutes et tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Corbisez

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous y sommes ! Nous nous apprêtons à débattre d’une loi annoncée comme l’une des réformes phares du quinquennat. Au moins, sur ce sujet, le Président de la République aura tenu son engagement d’inscrire ce texte à l’ordre du jour de la Haute Assemblée. S’agit-il d’une grande loi, comme cela nous a été présenté ? Rien n’est moins sûr, mais le groupe du RDSE, comme d’autres, sera là pour le faire grandir.

Le texte initial comportait six titres et 69 articles. Le nombre d’articles a été multiplié par trois après le passage du texte à l’Assemblée nationale et en commission. Cela reflète l’ampleur du chantier qui nous sépare de nos objectifs en matière de climat.

Une réelle ambition est affichée par le Gouvernement et courageusement portée par vous, madame la ministre, mais la quantité fera-t-elle la qualité ? Notre ambition pour ce texte n’est visiblement pas la même que celle affichée par le Gouvernement. Nous aurions collectivement souhaité aller beaucoup plus loin. Malheureusement, le poids des lobbies est encore très présent, trop sans doute. Certains souhaitaient d’ailleurs la suppression des moulins, mais nous avons su résister, en tout cas au sein de notre commission. Surtout, les modes de pensée n’ont pas encore opéré leur mutation.

Sur ce dernier point, nous devons réaliser un virage à 180 degrés et placer l’environnement et sa préservation au cœur de toutes nos actions. La révolution intellectuelle à opérer est du même ordre que celle concernant la mise en place du revenu universel.

Nous devons mettre l’intégralité des secteurs d’activité au service de l’environnement, notamment l’énergie, les transports et, plus généralement, l’économie et la finance ; nous devons en faire la priorité, et non l’inverse. Oui, il y a des impacts ! Oui, il y a des résistances ! Oui, il y a des enjeux économiques et sociaux ! Oui, il y a des adaptations complexes ! Mais c’est un mal nécessaire, une dette que nous détenons envers les générations futures.

Surtout, le rôle de l’État et le nôtre en tant que parlementaire sont de créer les conditions nécessaires à cette transition, avec des mesures incitatives, un calendrier progressif et réaliste, de la pédagogie, de l’écoute et de la concertation. En résumé, il faut créer une véritable feuille de route et avant tout de la clarté et de la visibilité pour les acteurs.

Bien que dense et multipolaire, ce projet de loi n’en relève pas moins, malgré tout, d’une forme de saupoudrage sans véritable ligne directrice. C’est l’une des raisons qui m’ont poussé, ainsi que d’autres collègues de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, à déposer un amendement de principe visant à engager résolument notre pays dans le respect des objectifs européens de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit d’un symbole fort, dans la perspective de la présidence française à venir, d’une France qui doit être le moteur de la transition écologique de l’Europe, comme elle l’a été pour de nombreuses autres politiques européennes, et comme s’y est engagé le Président de la République.

Nous savons que nous en sommes loin. Les lois adoptées jusqu’à aujourd’hui ne permettront pas d’atteindre les 40 % de réduction à l’horizon de 2030. Que dire, alors, du rehaussement de cette ambition à 55 % au niveau européen ?

Il est d’ailleurs frappant d’observer la profusion d’amendements que nous avons reçus les uns et les autres visant à compléter, à infléchir ou à renforcer les dispositions adoptées au travers des lois ÉLAN, Égalim, AGEC ou encore Biodiversité. Il s’agit donc bien d’une loi de correction qui reprend le sens d’amendements déposés au Parlement dans le passé par certains d’entre nous.

Pour le reste, s’il est évidemment impossible d’entrer dans le détail de chacun des articles, tant ces derniers sont nombreux et disparates, j’évoquerai tout de même quelques points d’accroche. Je commencerai par un sujet qui me tient particulièrement à cœur, en tant qu’élu issu du bassin minier du Pas-de-Calais.

L’exploitation minière a durement touché et touche encore de nombreuses communes, qu’il s’agisse de la fragilisation et de la pollution des sols, de la remontée des eaux, de la gestion des friches industrielles ou encore des conséquences sociales et sanitaires pesant sur leurs habitants. N’ayons pas peur des mots : c’est encore un véritable traumatisme.

Le prix payé par les régions minières justifie amplement que la réforme du code minier annoncée et promise donne lieu à un véritable débat parlementaire, un débat dans lequel le Sénat pourra pleinement défendre les intérêts des collectivités concernées. Aussi, je réitérerai ma proposition, formulée en commission, de supprimer l’article 21 habilitant le Gouvernement à légiférer sur ce sujet par ordonnances, même si, par le passé – il ne faut pas l’oublier – le Parlement a pleinement participé à inscrire « en dur » une partie des habilitations.

Sur un sujet proche, je souhaite que soit apportée une attention particulière à la présentation, lors de nos débats en séance, des articles émanant de la proposition de loi de nos collègues Gisèle Jourda et Maryse Carrère visant à refonder la politique de gestion et de protection des sites et sols pollués en France. Ces dispositions fondamentales ont fait l’objet d’un travail et d’une concertation approfondis dans le cadre de la commission d’enquête qui a rendu son rapport en septembre dernier.

Par ailleurs, on peut regretter que le texte fasse l’impasse sur certains secteurs, pourtant sensibles pour l’environnement, comme le numérique ou le transport ferroviaire. À quand l’hydrogène dans le transport ferroviaire ?

Il en va de même de la question des aspects sociaux de la transition écologique, principalement au regard de notre principe républicain d’égalité : les bienfaits de la transition écologique doivent pouvoir être accessibles à tous.

À titre personnel, je souhaite aussi exprimer mon interrogation quant à l’application parfois très stricte de l’article 45 de la Constitution. S’il est légitime de souhaiter ne pas polluer le débat par l’examen de cavaliers, cette lecture de l’article 45 a conduit à l’irrecevabilité de certains amendements pourtant en cohérence avec l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre que poursuit le texte. Nous les déposerons de nouveau lors l’examen du projet de loi 3DS. Ces amendements visaient, conformément au principe que j’énonçais en introduction de mon propos, à accompagner au mieux les acteurs affectés par des évolutions législatives, certes justifiée par nos ambitions environnementales, mais parfois difficilement applicables, voire intenables pour les secteurs concernés.

Nos commissions se sont malgré tout efforcées d’enrichir le texte, au travers de dispositions relatives à la lutte contre l’écoblanchiment, au verdissement de la commande publique ou au parc de poids lourds, à la protection des écosystèmes ou encore à la lutte contre la déforestation. Le groupe du RDSE n’a pas été en reste, puisqu’il a déposé pas moins de 145 amendements. J’en profite d’ailleurs pour saluer le travail effectué par notre chargée de mission.

Madame la ministre, les enjeux sont considérables, et ce projet de loi ne suffira pas à y répondre, c’est entendu. Mais les choses évoluent et continueront à évoluer, et on se doit de souligner les initiatives vertueuses prises par de nombreuses collectivités, filières industrielles ou entreprises. Les projets autour des circuits courts, de l’économie circulaire ou encore de la conception 100 % d’origine naturelle des produits ménagers ou cosmétiques fleurissent. Nous pouvons donc être résolument optimistes.

En tant que parlementaires, si nous devons être des vigies, nous devons aussi être des précurseurs et donner un élan, une direction. Les deux semaines de débat qui s’ouvrent devant nous seront déterminantes. Gageons que nous aurons tous à cœur, avec vous, madame la ministre, d’améliorer encore ce texte pour engager notre pays sur la voie nécessaire et urgente de la transition écologique.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et au banc des commissions, ainsi que sur des travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Claude Varaillas

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que la création de la Convention citoyenne avait suscité une certaine forme d’enthousiasme, le projet de loi qui nous est soumis, après de multiples renoncements, brise les promesses et ne crée pas les conditions pour répondre à la feuille de route initiale, celle de baisser les émissions de 40 % à l’horizon de 2030, et ce dans un esprit de justice sociale.

Je commencerai cette intervention par quelques remarques de forme.

Vous le savez, le groupe CRCE est particulièrement attentif au renforcement de l’irruption démocratique. Dans ce cadre, la Convention citoyenne représente un outil utile, malheureusement dévoyé et instrumentalisé par le pouvoir en place au travers de manœuvres dilatoires et électoralistes.

Par ailleurs, la procédure parlementaire qui en découle nous semble soulever un certain nombre d’interrogations. En effet, cette « innovation » démocratique ne peut se traduire par une forme de musellement du Parlement, cantonné au rôle de simple chambre d’enregistrement de mesures définies ailleurs, soit qu’elles fassent l’objet d’un veto ou d’une réécriture présidentielle, soit qu’elles soient « reprises sans filtre ». Il est d’ailleurs regrettable de constater que ce projet de loi prévoit une multitude d’habilitations à légiférer par voie d’ordonnances. Cela confirme, une fois de plus, une forme de dessaisissement du Parlement.

Je dirai un mot sur les conditions d’examen de ce texte par nos commissions : leurs travaux ont malheureusement dû être menés au pas de charge, ce que nous avons regretté.

La création de la Convention citoyenne n’épuise donc pas les besoins de renouvellement des pratiques démocratiques, de rééquilibrage des pouvoirs ni d’exigence de démocratisation du dialogue social, tant s’en faut.

Sur le fond, ce projet de loi marque un recul par rapport aux propositions des 150 citoyens et génère – il faut le dire – frustration et déception. Aucune des propositions du projet de loi Climat et résilience n’a d’ailleurs obtenu la moyenne auprès des conventionnels, qui lui ont attribué la note très sévère de 3 sur 10.

Les associations sont également critiques sur ce projet de loi, tout comme le CESE, le Haut Conseil pour le climat ou encore le CNTE.

Tous déplorent que les nombreuses mesures du projet de loi restent « souvent limitées, souvent différées, souvent soumises à des conditions telles qu’on doute de les voir mises en œuvre à terme rapproché ». Ils regrettent l’absence de changement de logiciel et le manque de moyens. Ils dénoncent, enfin, des « délais manifestement incompatibles avec le rythme attendu de l’action contre le changement climatique et le rattrapage du retard pris par la France dans l’atteinte de ses budgets carbone ».

Au fond, on a le sentiment d’une liste à la Prévert de « mesurettes », parfois dénuées de cohérence entre elles, déjà traitées dans les différents projets de loi soumis à notre assemblée, parfois même il y a très peu de temps.

Pour être plus précis, nous regrettons notamment que le projet de loi fasse l’impasse sur des propositions importantes. Je tiens toutefois à souligner les apports faits en commission par le Sénat ; nous y reviendrons dans le débat.

Nous continuons ainsi de regretter que ce projet de loi ne prévoie toujours pas l’obligation de rénovation globale de l’ensemble des logements, qu’il n’interdise pas les passoires thermiques en prévoyant les sanctions adéquates, mais seulement leur mise en location.

Si le texte pose un principe général d’interdiction de création de nouveaux centres commerciaux, de trop nombreuses dérogations restent possibles, puisque ce principe ne concerne que 20 % des projets.

L’objectif de fin de vente des véhicules thermiques les plus émetteurs est fixé, non pas à 2025, mais à 2030. Il ne concernera que 1 % à 3 % des véhicules neufs vendus.

L’interdiction des vols intérieurs si une alternative ferroviaire existe ne concernera, elle, que trois lignes.

La suppression des niches fiscales favorables aux énergies fossiles n’est qu’un vague objectif, alors même que l’on déplore que 70 % du plan de relance ait un impact négatif sur le climat.

Rien n’est prévu pour concrétiser les annonces d’Emmanuel Macron concernant les petites lignes, le fret ferroviaire et les trains de nuit, puisque le ferroviaire reste le grand absent, et ce malgré les efforts de la commission, que je tiens à souligner.

Notons enfin un point de grande inquiétude relatif à la refonte du code minier, prévue par voie d’une simple habilitation.

Plus grave encore, aucune remise en cause des accords de libre-échange n’est prévue. Il s’agissait pourtant d’une demande de la Convention citoyenne.

Aucune de ces mesures ne remettra en cause l’ordre existant. Avec ce projet de loi, le climat attendra, puisque nous resterons loin des objectifs affichés, alors même que cette ambition a été relevée par la Commission européenne à 55 % de baisse des émissions – le Conseil d’État a d’ailleurs récemment enjoint l’État de respecter ses engagements.

Il aurait fallu pour cela plus d’ambition : créer de nouvelles ressources pour financer la transition écologique, prévoir des moyens budgétaires renforcés. Or, de cela, il n’est jamais question.

Nous regrettons également que les outils de puissance publique que sont la SNCF ou EDF ne soient aucunement utilisés comme des leviers de la transition. Nous pensons pourtant que la maîtrise publique des soutiens industriels dans les secteurs fortement émetteurs de gaz à effet de serre est un gage de progression important pour la transition écologique, qui constitue par ailleurs, vous le savez, un formidable gisement d’emplois dans un contexte de fort chômage.

Plus fondamentalement, alors que la Convention citoyenne est censée être une réponse au grand débat national et, donc, au mouvement des « gilets jaunes », ce texte ne contient aucune mesure sociale et n’articule pas enjeux sociaux et environnementaux, performances écologiques et services publics. Pourtant, nos concitoyens les plus fragiles sont bien les plus touchés par les enjeux écologiques, victimes de la malbouffe et de l’insalubrité des logements. Notre pays compte 10 millions de pauvres et 12 millions de personnes souffrent de précarité énergétique.

Les urgences sociale et climatique doivent se traiter dans un même mouvement. Une partie de la réponse passe par l’exigence d’une meilleure répartition des richesses, mais le texte, tout comme la majorité sénatoriale, est silencieux sur ces enjeux : rien sur le rétablissement de l’ISF ; rien non plus sur le CICE, dont les « gilets jaunes » souhaitaient l’abrogation. La taxe sur les dividendes a fait l’objet d’un veto présidentiel, tout comme la conditionnalité des aides publiques, soutenues par les conventionnels.

Pourtant, une politique climatique ambitieuse nécessite de remettre en cause les droits acquis des investisseurs, les intérêts de court terme des industriels, les logiques financières et commerciales, pour y remettre de l’intérêt commun et protéger nos biens publics. Comment passer sous silence l’étude d’Oxfam, qui indique qu’avec leur modèle actuel les entreprises du CAC 40 nous amènent vers une trajectoire à plus de 3, 5 degrés d’ici à 2100 ?

Dans l’esprit des initiateurs de la tribune « Plus jamais ça » pour la construction d’un monde post-covid, nous appelons donc à « reconstruire un futur, écologique, féministe et social, en rupture avec les politiques menées jusque-là et le désordre néolibéral ». C’est ce que le groupe CRCE tentera de proposer au travers de ses amendements.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bigot

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, malgré toutes les précautions de langage de Mme la ministre, je crois bien que nous nous dirigeons vers une nouvelle défaite dans la lutte contre le réchauffement climatique. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, que j’ai l’honneur de représenter, tentera bien sûr d’améliorer ce texte, qui ne transcrit que très fébrilement les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, sans compter les jokers pavloviens du Président de la République.

Née du mouvement des « gilets jaunes », cette expérience inédite de démocratie participative a fait naître des attentes et des espérances qui seront déçues en l’état actuel du texte. Missionnés par le Premier ministre d’alors, nos héliastes contemporains ont planché durant des mois sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre et sur la justice climatique avec les meilleurs experts dont dispose le pays, si bien que leur rapport et leurs propositions concrètes touchent là où le bât blesse : information du consommateur, régulation de la publicité, rehaussement des engagements des entreprises, décarbonation des mobilités, rénovation thermique des logements, transition agroécologique, pénalisation des atteintes à l’environnement.

Or nous constatons que la justice sociale est la grande absente de ce texte. La titulature de votre ministère devrait pourtant rappeler à chacun la nécessité d’une transition écologique et solidaire. Le refus initial d’une taxation sur les dividendes, proposée par la Convention, annonçait cette coupable lacune que les rapporteurs pointent à juste titre.

Une nouvelle fois, vendredi dernier, lors d’une audience au Conseil d’État, le rapporteur public a estimé que la plus haute juridiction administrative devait ordonner à l’exécutif d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national pour respecter les objectifs que nous avions fixés durant le quinquennat précédent. Cette injonction, prononcée juste avant l’examen du projet de loi Climat dans cet hémicycle, replace utilement nos débats.

Nous sommes nombreux sur ces travées à espérer des évolutions significatives du Gouvernement. Nous représentons une majorité de Français qui souhaitent que leur pays retrouve la voie d’un leadership écologique. C’est le moment, madame la ministre, d’accorder vos discours d’autocongratulation à l’efficacité des mesures de ce texte.

D’ici à la fin du mois de juin, le Conseil d’État pourrait ainsi rejoindre l’ensemble des organismes consultés qui jugent plus que sévèrement la copie gouvernementale : le CESE, le Haut Conseil pour le climat, le Conseil national de la transition écologique ont tous désavoué la faible ambition de ce projet de loi au regard de la SNCB. Vous me permettrez de considérer que ces instances, moins conciliantes que le cabinet d’affaires Boston Consulting Group, sont bien plus dans le vrai. C’est en s’appuyant sur leur expertise démocratique et transparente que nous défendrons, lors du débat, des amendements structurants.

En matière d’information du consommateur, traitée dans le titre Ier, nous plaidons pour un affichage unique, simple à comprendre pour le citoyen-consommateur désireux de connaître la valeur environnementale de ses achats.

Par ailleurs, cela ne vous surprendra guère, l’inclusion de critères sociaux, de respect des droits humains dans la fabrication des biens et des services nous paraît essentielle. La responsabilité écologique ne peut s’émanciper d’une responsabilité sociale faisant fi des conditions de travail. À l’heure de la casse du droit du travail par les plateformes numériques, il est temps de redonner aux citoyens les moyens d’une consommation éthique et durable.

En outre, il convient d’encadrer plus farouchement la publicité en dépassant les simples engagements volontaires, de mettre en adéquation les messages publicitaires et les objectifs de développement durable, quel que soit le support, afin d’éviter un déport de la publicité carbonée vers internet. Parallèlement, nous défendrons la création d’un fonds pour une publicité responsable dans le but de développer l’écoresponsabilité et d’influer sur les comportements.

Nous insisterons aussi sur les délais des mesures proposées. Il est majeur de les raccourcir pour accélérer la transition et donner un calendrier de conversion clair aux acteurs privés, qui sont d’ailleurs nombreux à se saisir de l’enjeu écologique. Fixer un cap trop lointain affaiblit les stratégies de décarbonation et laisse trop de portes ouvertes au détricotage légistique, tandis que des objectifs rapprochés obligent à l’action concrète. C’est à la collectivité qu’il revient de définir la trajectoire, d’où, par exemple, notre volonté d’accélérer encore l’interdiction des plastiques à usage unique ou la rénovation thermique. Cela peut s’apparenter à une lapalissade, mais nous connaissons bien ici toute la force qu’à une date inscrite dans la loi.

Sur le volet « Produire et travailler », on ne peut que regretter les coupes sèches de la majorité sénatoriale. À l’issue des travaux en commission, il ne reste quasiment plus rien du dialogue social et des clauses d’insertion dans les marchés publics, pourtant adoptées à l’Assemblée nationale. Ainsi, pour dessiner un chemin différent entre ces deux majorités, nous porterons l’attention sur le développement de l’économie sociale et solidaire, qui, localement, constitue un outil efficace pour une transition écologique et inclusive. Pour anticiper les efforts, nous défendrons la création d’une stratégie nationale concertée de programmation des emplois et des compétences de la transition écologique pour garantir la résilience de notre système économique – elle est si peu envisagée dans ce texte.

En faveur de la résilience et de la justice sociale, nous souhaitons créer une garantie à l’emploi vert. La démarche des territoires zéro chômeur de longue durée entamée sous le précédent quinquennat a fait ses preuves. Nous proposerons de nous en inspirer en développant massivement les éco-activités, pour ainsi réconcilier politique de l’emploi et transition écologique.

Le titre III a recueilli toute notre attention, car les mobilités figurent en bonne place de nos émissions de gaz à effet de serre. Favoriser les transports durables représente un enjeu immense pour lutter contre notre dépendance aux énergies fossiles. Développer les frets ferroviaire et fluvial – grands absents du texte – en créant une redevance kilométrique nationale pour les poids lourds, renforcer le malus par rapport au poids des véhicules, réaffirmer le principe du « pollueur-payeur » acté par la loi de 2015, accompagner les ménages modestes pour renouveler leur voiture : voilà les solutions que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain défendra ; elles constituent une alternative étayée et argumentée face à l’immobilisme.

Je veux enfin évoquer l’abandon du crime d’écocide, issu d’une proposition de loi de notre collègue Jérôme Durain. Le sujet est le respect du vivant et l’habitabilité de la Terre : si nous voulons mettre fin à l’impunité écologique, ceux qui s’y attaquent doivent en payer les conséquences.

« À long terme, nous serons tous morts », disait Keynes, pour expliquer l’horizon temporel des économistes. Dans « le temps du monde fini » dont parlait Paul Valéry dès 1931, nous n’avons pas d’autres moyens que de ménager les ressources naturelles pour les générations futures. Là est le réalisme écologique, là est la véritable révolution culturelle qui, pour quelque temps encore, échappe aux tenants de l’immobilisme.

Nous tenterons, malgré tout, de vous convaincre pour que le Sénat s’inscrive dans la poursuite de la loi AGEC et démontre un volontarisme écologique à la hauteur des enjeux et de nos objectifs climatiques.

Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mandelli

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous y sommes ! Il aura fallu attendre deux ans, depuis l’annonce faite par le Président de la République de la création de la Convention citoyenne pour le climat, en avril 2019, pour que le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets puisse être débattu dans notre hémicycle. Ce projet de loi intervient après une série de textes qui ont amorcé, depuis plus de dix ans, chacun à leur niveau, la transition énergétique et écologique de notre pays.

Depuis 2018, nous avons examiné deux textes importants relatifs à la transition écologique et énergétique : la loi d’orientation des mobilités et la loi AGEC. Le présent projet de loi, lui, traduit l’aspiration des Français à vivre dans un environnement préservé, à se déplacer et à consommer différemment. Avant tout, il permet au Président de la République de cocher la case « climat ».

La transition écologique est nécessaire, mais elle ne saurait être contraignante. Elle doit tenir compte des réalités économiques et sociales de notre pays ; c’est la définition même du développement durable. C’est au législateur que revient la tâche de définir ce qui est à la fois indispensable, raisonnable et acceptable. C’est un subtil équilibre. Nous devons être attentifs à ce que la transition ne devienne pas l’exclusion. C’est pourquoi le fruit de nos travaux ne saurait être frappé du sceau du dogmatisme. Je l’ai souvent dit dans cet hémicycle, ce chemin vers une économie décarbonée et respectueuse de l’environnement ne se fera pas sans intégrer l’ensemble des acteurs et chacun de nos concitoyens dans les réflexions et dans l’action.

Pour en venir au texte, je dirai que ce dernier souffre de sa construction difficile et des attentes qu’il a légitimement suscitées. La Convention citoyenne pour le climat a fait part de sa déception quant à la prise en compte par le Gouvernement des mesures qu’elle avait proposées, les jugeant insuffisantes et déplorant une forme de trahison puisque le Président de la République s’était engagé à les reprendre « sans filtre ».

Selon l’avis rendu par le Haut Conseil pour le climat, ce projet de loi manque de portée stratégique et ne contribuerait pas à atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Lors de son audition au Sénat dans le cadre du projet de loi constitutionnelle, j’ai fait part au garde des sceaux d’une certaine incohérence entre la volonté affirmée de modifier la Constitution sur la question environnementale et ce texte, taxé d’être insuffisant par presque tous les acteurs. Ce n’est donc pas une surprise si le projet de loi, qui comptait 69 articles lors de son dépôt à l’Assemblée nationale, a été transmis au Sénat avec 218 articles, soit plus du triple.

Je rappelle, une fois de plus, que le temps dont nous avons disposé pour examiner ce texte est tout simplement insuffisant. Pour preuve, le Gouvernement n’a pas eu la possibilité d’évaluer l’impact environnemental des nouvelles mesures votées à l’Assemblée nationale, et ce malgré les recommandations du Haut Conseil pour le climat.

Je dois vous avouer que, en examinant la nouvelle version de ce texte, j’ai été d’abord frappé par la faible portée normative des différentes dispositions. On navigue très souvent entre des mesures symboliques ou anecdotiques ; je pense notamment à la suppression de la publicité aérienne et aux nombreuses demandes de rapport.

Les objectifs fixés par l’accord de Paris sur le climat – réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici à 2030 par rapport à 1990 et neutralité carbone d’ici à 2050 – semblent tout simplement inatteignables au regard de la portée normative du texte. Nous avons souhaité mettre l’accent sur ce manque d’ambition à travers un amendement tendant à insérer un article additionnel avant le titre Ier A, rédigé collectivement et soutenu par la plupart des groupes politiques.

Il n’est pas dans les habitudes du Sénat de se résigner devant un projet de loi dont l’étude d’impact comporte de nombreuses zones d’ombre. Le Haut Conseil pour le climat a demandé au Parlement de compléter et d’améliorer la portée des mesures : c’est ce que nous avons décidé de faire ici. Nous avons souhaité, via le travail en commission, redonner au texte une véritable ambition ; en bonne intelligence et en responsabilité avec tous les groupes politiques, nous en avons retravaillé chaque aspect.

À ce titre, je souhaite saluer le travail des commissions saisies au fond et pour avis, de mes collègues rapporteurs, en particulier Marta de Cidrac, Philippe Tabarot et Pascal Martin pour la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui ont eu à entendre et à examiner les positions de plus de deux cents acteurs. Je tiens également à saluer le travail essentiel accompli par les personnels du Sénat, notamment ceux de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ; je les remercie de leur mobilisation.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 1 960 amendements ont été déposés en commission, 697 ont été adoptés. Je n’oublie pas les 1 800 élus locaux qui se sont mobilisés sur ce sujet via une consultation en ligne proposée par le Sénat. Si nous avons le rôle de définir la politique en matière de transition écologique, ces élus ont, quant à eux, la tâche de la décliner dans nos territoires et sont une force de proposition.

Ce travail d’écoute et ces nombreuses modifications permettent, avant l’examen en séance publique, de présenter un texte davantage en adéquation avec les objectifs climatiques. Je ne reviendrai pas sur les mesures votées en commission, qui ont été détaillées, pour la plupart, par les différents rapporteurs.

Les présidents de groupe de la majorité sénatoriale, les présidents de commission et les rapporteurs ont su traduire la volonté du président du Sénat d’aboutir à une position équilibrée qui réponde aux objectifs fixés dans le cadre des négociations climatiques internationales et aux impératifs économiques et sociaux. Les débats qui vont suivre devraient conforter ces orientations – je m’en félicite !

Mes chers collègues, madame la ministre, je vous remercie par avance de votre présence et de vos riches contributions.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Demilly

Madame la ministre, le groupe Union Centriste est globalement d’accord avec les grands objectifs de votre projet de loi. Nous vous trouvons courageuse et pugnace dans cette vaste entreprise de vous attaquer, à juste titre, au mur solidifié par le temps d’un certain nombre d’habitudes et de comportements, dont on mesure dorénavant, au vrai sens du terme, combien ils sont inadaptés et néfastes pour notre environnement. Mais – car il y a un « mais » – être d’accord sur les objectifs ne signifie pas approuver les moyens employés pour les atteindre.

Nous siégeons dans un hémicycle parlementaire national qui légifère sur des textes concernant 67 millions de personnes, alors que notre belle planète – nous partageons tous l’envie de la rendre plus belle et plus vivable – est peuplée par près de 8 milliards de Terriens… Nous légiférons donc sur le comportement de 0, 8 % de la population mondiale, alors que nos débats ont pour objet des pollutions d’ampleur internationale qui circulent – c’est le cas de le dire –, au gré du vent, par-delà les frontières.

Cette lapalissade vise à ne pas perdre de vue qu’un comportement national vertueux, dans un pays aussi beau et regardé soit-il, n’aura que peu d’effets concrets face à l’évolution du réchauffement climatique mondial et à ses dramatiques conséquences sur la biodiversité. Mais, me rétorquerez-vous, et vous aurez raison, ce n’est pas parce que les autres feignent d’ignorer leurs responsabilités individuelles que nous pouvons nous exonérer des nôtres. Même si j’apprécie la métaphore du colibri de Pierre Rabhi, je pense néanmoins, en l’occurrence, que donner l’exemple ne suffira pas.

Une fois de plus, j’entends bien le rôle moteur et déclencheur que vous souhaitez voir jouer par notre pays ; c’est en cela que je trouve votre démarche audacieuse et courageuse. « Chacun rêve de changer l’humanité, mais personne ne pense à se changer lui-même », disait Léon Tolstoï… Néanmoins, ne balayons pas d’un revers de main les éventuels impacts économiques que peuvent avoir de sages et légitimes décisions, prises de façon solitaire dans un univers économique impitoyablement concurrentiel.

L’équation n’est donc pas simple : comment agir localement pour être en adéquation avec ses convictions et contribuer à donner l’impulsion aux autres, sans pour autant se sacrifier corps et âme, notamment sur le plan économique ?

À l’occasion de cette discussion générale, il me paraissait nécessaire de resituer le contexte global des débats que nous allons avoir, en rappelant qu’avoir raison tout seul est loin de nous garantir une place au paradis… Je vais essayer de traduire de façon plus précise mes propos.

En 2020, 34 milliards de tonnes de CO2 ont été émises dans le monde. Cela représente une baisse historique de 2, 4 milliards de tonnes par rapport à 2019. Malheureusement, cette chute est liée non pas à la qualité des décisions législatives des 195 pays de notre petite planète, mais bel et bien à une situation pandémique conjoncturelle durant laquelle, cloîtrés à domicile, nous avons assisté à une baisse de 3, 4 % du PIB mondial – du jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale !

Cette corrélation éclatante entre les analyses environnementales et économiques apporte d’ailleurs de l’eau au moulin, si j’ose dire, des partisans de la décroissance. Nous ne pouvons pas l’ignorer, même si nous sommes nombreux sur ces travées à partager le souhait d’une croissance différente, d’une croissance revisitée, d’une croissance responsable, d’une croissance intelligente, d’une croissance soucieuse de l’avenir… Mais d’une croissance quand même ! En d’autres termes, nous préférons un développement qualitatif partagé à une course égoïstement effrénée à la croissance quantitative.

Comme au siècle des Lumières, lors duquel la France a joué un rôle moteur pour dépasser l’obscurantisme et promouvoir la connaissance, l’idée qu’elle soit aujourd’hui un guide mondial sur le chemin vertueux du progrès responsable paraît assez séduisante. Cela répond à l’appel à la cohérence de Michel de Montaigne, qui prônait une harmonie entre le « dire » et le « faire ».

Mais tout de même, madame la ministre, comment ne pas regretter que ce ne soit pas nos institutions internationales qui prennent le lead devant de tels enjeux planétaires ? Comment raisonnablement tenter de résoudre localement un problème planétaire ? Sans aller jusqu’à la gouvernance mondiale, il est vraiment regrettable que nous n’ayons pas a minima une approche partagée et décisionnelle à l’échelle de l’Union européenne. Cela aurait eu plus d’allure, et l’effet d’entraînement aurait été nettement plus contagieux. Mais là, rien !

Notre vieux continent est aux abonnés absents. Il ne peut pas déclencher de dynamique sur le sujet, puisqu’il n’est ni exemplaire, ni cohérent, ni volontaire, ni solidaire. Il faut donc encore et toujours remettre l’ouvrage sur le métier européen. C’est pour cela que je remercie les présidents Longeot et Marseille d’avoir rappelé, par le biais d’un amendement tendant à insérer un article additionnel avant le titre Ier A, l’adhésion déterminée de la France au cadre climatique multilatéral qu’elle a, plus que n’importe quel autre pays, contribué à établir.

Je veux prendre un seul exemple, lourd de sens. Notre voisin et meilleur allié européen, l’Allemagne, qui émet à elle seule un quart des émissions de CO2 de l’Union européenne, a sur son territoire une quarantaine de centrales à charbon. Or je vous l’ai dit lors d’un échange en commission, et j’avais d’ailleurs initialement du mal à le croire, une seule centrale à charbon allemande émet plus de CO2 que tout le trafic domestique et international de l’aviation française. Tout est dit !

Une fois de plus, il est louable de dénoncer combien il est stupide de maintenir trois ou quatre lignes aériennes quand on peut effectuer le même parcours aussi vite en train, sans formalités de contrôle chronophages, sans dépenses onéreuses de parking et en étant écologiquement responsable. Sauf que ces lignes ne représentent qu’un pourcentage infime de la totalité du transport aérien, qui lui-même n’est responsable que de 0, 8 % des émissions totales de gaz à effet de serre… Devant cette décision aux conséquences environnementales epsilonesques, mais qui génère des crispations pour des raisons plus légitimes que vous ne l’imaginez – nous en reparlerons lors de l’examen de l’article 36 –, on est en droit de se demander si, en définitive, elle ne relève pas du registre des décisions cosmétiques.

Madame la ministre, je souhaitais, à l’occasion de cette discussion générale, vous alerter sur les risques que nous prendrions à être les pionniers de décisions légitimes mais solitaires. Le groupe Union Centriste abordera ce texte de façon constructive, tout en regrettant, j’y insiste, l’absence de coordination européenne sur ces grands sujets environnementaux.

Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bouloux

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au XXIe siècle, la lutte contre le dérèglement climatique est certainement l’enjeu le plus crucial de l’humanité. Comment pourrons-nous gérer une planète portant à peu près 7, 8 milliards d’hommes et de femmes ? Le climat est une sorte de compteur que l’on relève, tributaire essentiellement des activités humaines et de la démographie ; ces deux éléments sont au cœur du sujet.

Depuis toujours, l’être humain cherche à améliorer son sort. Au fil du temps, des avancées notoires sont apparues. Cependant, c’est avec l’ère industrielle que le démarrage exponentiel fut lancé : au progrès indéniable, accompagné des inconvénients du système tels que les pollutions et les gaspillages, a succédé un développement difficile à contrôler.

Face à une situation considérée comme alarmante, le Conseil et le Parlement européens veulent parvenir à la neutralité climatique en 2050 et atteindre les objectifs renforcés de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Sur la scène internationale, les principaux États déclarent faire un effort significatif : les États-Unis de Joe Biden, le Royaume-Uni, le Canada, le Japon, la Chine, la Russie. Ce sont de bonnes nouvelles, si toutefois les promesses sont tenues.

Le texte issu de la première lecture à l’Assemblée nationale laisse à désirer, pour ne pas dire plus. Point cocasse : il se veut lutter contre le dérèglement climatique alors qu’aucune décision sur l’énergie n’est prise.

On retrouve la mauvaise idée de modifier des dispositions législatives récentes qui posent problème. Comment légiférer sérieusement dans l’instabilité ? C’est le cas, par exemple, des Sraddet, des zones à faibles émissions mobilité, de la loi Égalim, avec les nouvelles expérimentations des menus végétariens, le diagnostic de performance énergétique (DPE), etc. En outre, les collectivités territoriales, pour intégrer un objectif en matière d’artificialisation des sols, devront revoir leurs documents d’urbanisme, ce qui ne sera pas sans coût.

Le logement est particulièrement important dans notre société, mais, une fois encore, on ne prend pas en compte la demande de nombreux locataires. Rénover les passoires thermiques est une évidence, mais comment y procéder quand les aides ne sont pas là ? Par ailleurs, pour les propriétaires immobiliers, en particulier les copropriétaires, les obligations pèsent lourdement. Quant à l’exclusion du marché locatif des biens classés F et G en 2028, comment va-t-on gérer et financer les 1, 5 million de logements concernés ?

Enfin, la ruralité et l’agriculture sont encore malmenées. Nos concitoyens ruraux ne disposent généralement pas de transports en commun ; ils ont accès, au mieux, à des services très lacunaires. Par conséquent, seule la voiture est source de mobilité. En outre, dans nos campagnes reculées, les salaires sont notoirement faibles. Si les véhicules plus décarbonés sont une excellente chose, il faut laisser du temps, à moins que le Gouvernement ne décide de renflouer les émoluments des citoyens pauvres… Quant à l’objectif « zéro artificialisation nette », ce sont essentiellement les territoires ruraux qui seront encore perdants en termes d’attractivité et de développement.

La majeure partie de notre population ne connaît plus l’agriculture. Si, en d’autres temps, de véritables abus de pesticides ont existé, nous en sommes aujourd’hui bien loin. Nos agriculteurs font un travail excellent, l’agriculture française est un modèle, mais les Français ne le savent pas !

Alors, le texte de l’Assemblée nationale, technocratique, quelque peu hors sol, avec ses panoplies de taxes et d’interdits, souffle un relent de « gilets jaunes » : prenons garde ! Le projet de loi arrive ce jour en séance à la Haute Assemblée. À l’issue de la première lecture des débats sénatoriaux, il serait étonnant de trouver un consensus parfait. Mais, compte tenu de l’enjeu, je souhaite vivement que nous puissions nous accorder au moins sur les sujets cruciaux. Cela représente du travail pour le Sénat !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Nadège Havet

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte, adopté par l’Assemblée nationale, a fait l’objet de l’un des plus longs débats parlementaires de la Ve République. Félicitons, d’entrée, le travail réalisé par nos collègues députés.

Nous nous apprêtons à notre tour à examiner 2 200 amendements, dans une période très particulière : alors que la sortie progressive de la crise sanitaire et la campagne vaccinale se poursuivent, se tient la campagne en vue de l’élection des représentants de nos départements et de nos régions. Ces collectivités jouent et joueront un rôle fondamental dans ces politiques environnementales ; mon groupe et moi-même défendrons plusieurs amendements les concernant, sur des problématiques littorales, maritimes, rurales, urbaines, en attendant l’examen du projet de loi 4D.

L’ère que nous vivons est singulière : le réchauffement climatique ne cessera plus jamais de préoccuper les citoyens et les responsables que nous sommes. Face à cet autre état d’urgence, ce texte entend apporter des réponses très concrètes. Mon groupe tient, en introduction, à saluer l’engagement du Gouvernement – le vôtre en particulier, madame la ministre – et celui des rapporteurs des commissions saisies au fond et pour avis.

L’objectif, sur toutes les travées, est commun : faire de l’écologie notre quotidien, du lever au coucher, à notre domicile, dans la rue, dans les transports, au bureau, dans nos assiettes, dans les salles de classe, lors de nos courses ; bref, dans toutes nos activités. Nous partageons aussi un état d’esprit qui se veut positif et constructif.

Traduction de la Convention citoyenne pour le climat, ce texte fait suite à un exercice démocratique inédit. Certaines mesures sont déjà actées – elles ne relevaient pas toutes de la compétence du législateur –, d’autres vont être abordées dès ce soir, avec pour perspective la recherche aussi nécessaire que difficile d’une écologie non pas punitive, mais incitative.

Il s’agit de rechercher un point d’équilibre pour que la protection de l’environnement ne s’oppose pas au social, à cet autre impératif, celui de relever ensemble ces immenses défis. Qu’ils habitent les monts d’Arrée, l’île de Sein, la Cornouaille ou le centre de Paris, il est nécessaire d’accompagner financièrement celles et ceux qui en ont le plus besoin. Nous devons avancer avec détermination, en échangeant constamment avec tous les acteurs concernés, quitte à trouver des compromis.

J’ai suivi les débats à l’Assemblée nationale. Sur la problématique des lignes aériennes, les différences de position au sein même de certains groupes m’ont marquée. Où mettre le curseur ? Je voudrais rappeler ce qui semble être deux vérités.

J’entends souvent qu’en matière climatique nous n’aurions pas fait assez par le passé ; nous pouvons tous ici le reconnaître. Le Conseil d’État vient d’ailleurs de le rappeler. Il nous faudra toujours aller plus loin, et ce sur chaque texte. J’entends parfois aussi que notre majorité ne serait pas au rendez-vous. Je ne peux être d’accord : l’année dernière, pour la première fois, nous avons adopté un budget vert. La France est le seul pays à l’avoir fait. Elle est désormais une référence incontournable.

Le plan de relance, voté en réponse à cette période économique si compliquée et rendu possible grâce à l’action de la France, réserve 30 milliards d’euros à la transition écologique ! La hausse sensible du budget est vouée à financer des baisses, celles de nos émissions de CO2, du rythme de bétonisation des sols, du nombre de vols intérieurs, de véhicules les plus polluants en ville, de logements très énergivores.

Il faut le dire, nous ne sommes pas seuls, nous devons nous battre à l’échelle internationale. La présidence française de l’Union européenne au premier semestre de l’année 2022 sera l’occasion, avec nos amis européens, de porter haut la voix de la France.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Moga

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous y voici : nous abordons l’examen tant attendu de la dernière loi environnementale du quinquennat, celle qui a pour ambition d’ancrer l’écologie dans le quotidien des Français. À l’aune d’un examen qui nous réunira pendant deux semaines, qu’en est-il réellement ?

Tout d’abord, nous craignons que ce projet de loi ne vous permette pas d’atteindre vos objectifs, madame la ministre. Trop de mesures sont symboliques ou programmatiques et pas assez pragmatiques – je pense notamment à l’article 10, qui oblige à fournir soi-même le contenant nécessaire au recueil d’un échantillon commercial.

Ensuite, il est incompréhensible de lancer des missions sur la rénovation énergétique des bâtiments ou sur la publicité, censées alimenter le projet de loi, alors que la discussion de celui-ci a commencé.

Enfin, malgré un texte passé de 69 à 218 articles, certaines questions ont été totalement oubliées. Tel est le cas de l’impact environnemental du numérique, de la prévention des risques et du secteur ferroviaire, mais aussi de la forêt, qui absorbe pourtant 11 % de nos émissions de gaz à effet de serre.

Au total, nous commençons l’examen d’un projet de loi laissant planer le doute sur sa capacité à entraîner une réelle réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ce doute est partagé par le Haut Conseil pour le climat, par le CESE et par la Convention citoyenne elle-même.

Dès lors, pour le groupe Union Centriste, l’examen sénatorial de ce projet de loi doit avoir une seule finalité : le rehaussement de son ambition. Nous souhaitons résolument nous engager et faire des propositions en ce sens, avec une approche pragmatique par le bilan carbone, afin de rehausser l’ambition de ce projet de loi et d’assurer, in fine, la crédibilité de notre pays en amont de la COP26 et de la présidence française de l’Union européenne.

D’une part, nous défendrons une approche territoriale visant à replacer les collectivités au cœur de la transition. C’est notamment le cas quand il s’agit du « zéro artificialisation nette », avec une application différenciée et territorialisée de l’article 49.

D’autre part, nous adopterons une approche assurément incitative, afin d’esquisser une véritable écologie sociale, qui veille à accompagner toute mesure coercitive de dispositifs redistributifs.

L’exemple des engrais azotés, dont traite l’article 62, est pertinent : à une hypothétique taxation, synonyme d’ultimatum punitif, nous préférons des mesures d’accompagnement.

L’examen en commission a été l’occasion d’apports majeurs de la part du Sénat : la prise en compte des enjeux environnementaux dans le cadre de la réforme du code minier ; l’ajout de dispositions relatives à l’hydroélectricité ; la structuration de notre politique de lutte contre la déforestation importée ; ou encore la baisse de la TVA sur les travaux de rénovation énergétique dans le logement social.

En résumé, si la Convention citoyenne pour le climat a démontré que certaines formes de démocratie participative pouvaient trouver leur place dans la Ve République, éloignons-nous d’un idéal athénien de tirage au sort. La Convention citoyenne pour le climat n’a jamais eu vocation à se substituer au pouvoir législatif, et le Parlement a démontré qu’il n’abandonnerait sous aucun prétexte son droit d’amendement !

Enfin, ce texte nous permet de nous interroger sur l’écologie que nous souhaitons pour notre génération comme pour les suivantes.

Le groupe Union Centriste défendra des amendements cohérents, suivant une ligne de crête bien identifiée : ne pas opposer écologie et économie ; réduire les émissions de gaz à effet de serre ; saisir les nombreuses chances que nous offre cette transformation, qu’il s’agisse de la croissance, de l’innovation ou de l’emploi, afin de tracer un chemin heureux de la transition écologique. Nous proposerons par exemple de faciliter l’agrivoltaïsme, de développer le stockage d’énergie ou encore de relever notre ambition nucléaire.

Sur ce dernier point, permettez-moi une précision. Face au dogme de l’écologie politique selon lequel il faudrait bannir une énergie souveraine, décarbonée et compétitive, en améliorant l’empreinte carbone de notre pays uniquement au prix de la délocalisation de ses émissions, nous défendons la complémentarité entre l’énergie nucléaire et les énergies renouvelables afin de verdir véritablement notre mix électrique.

Mes chers collègues, le risque politique réside assurément aujourd’hui dans le fait de ne pas agir : en matière climatique, personne n’est innocent, tout le monde sera victime, et nous avons tous une part de responsabilité. N’attendons pas non plus que tout vienne de l’État : ce sont d’abord les collectivités territoriales qui doivent piloter la transition écologique.

Pour compléter la conclusion de mon excellent collègue Stéphane Demilly, je vous certifie que le groupe Union Centriste s’engagera résolument dans ces débats, avec cette attitude : l’envie d’agir collectivement, ambitieusement et de manière pragmatique.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Jean-Pierre Corbisez et Mme Sophie Primas applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, en 1778 déjà, le grand naturaliste et scientifique Buffon écrivait dans Les Époques de la nature : « La face entière de la Terre porte aujourd’hui l’empreinte de la puissance de l’homme. »

En décembre 2015, la France devenait, le temps d’une conférence, le phare d’un monde qui prenait la résolution de s’engager dans un changement de paradigme existentiel pour contenir les effets problématiques du réchauffement climatique sur le globe terrestre et l’ensemble du règne vivant. Ainsi, pour la première fois de son histoire, l’humanité prenait acte de son entrée dans l’anthropocène et de l’urgence d’une action collective tout entière tournée vers la durée, la durabilité.

Depuis, dans notre pays, les actes législatifs et réglementaires se sont succédé. Ils ont été assortis de nombreuses déclarations, de beaucoup de communication, d’une programmation pluriannuelle de l’énergie et d’une stratégie nationale bas-carbone.

Les filières industrielles infléchissent plus ou moins activement leurs stratégies pour s’adapter aux temps nouveaux. En effet, le constat s’impose à tous – je le rappelle à mon tour – : à ce rythme-là, nous ne contiendrons jamais le réchauffement dans les limites nécessaires à une planète vivable, à tel point que l’Union européenne a relevé de 40 % à 55 % le seuil de réduction des émissions.

Alors, le texte dont nous allons discuter est nécessaire, oui ! Il est important au regard des enjeux que nous avons à relever collectivement, oui ! Mais il est d’ambition faible. On le sait d’ores et déjà : ses mesures ne permettront pas d’atteindre la cible de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Mme la ministre de la transition écologique elle-même qui nous l’a confié en audition.

En réalité et sur le fond, pour le Gouvernement, ce texte est davantage dicté par la contrainte extérieure qu’il ne résulte d’une stratégie assumée de transformation et d’adaptation de la société française aux grandes mutations du monde qui sont à l’œuvre. Le phare de 2015 est bien pâle aujourd’hui. Je crois même qu’il est éteint !

Significative à cet égard est aussi la place donnée à la démocratie dans le processus de concertation.

Si nous jugeons opportune et bienvenue la méthode d’ouverture à la société civile qui a conduit aux propositions de la Convention citoyenne pour le climat, nous nous interrogeons sur ce qui restera des propositions formulées. Ce devait être « du sans filtre » ; or le filtre s’est bouché entre la Convention et l’Assemblée nationale.

En outre, qu’en est-il, dans ce texte, de la prise en compte de l’acceptabilité sociale, condition indispensable à la réussite de la transition ? De bonnets rouges en gilets jaunes, on a mis les problèmes sous le tapis le temps que le soufflé retombe. Le peuple de la ruralité le sait, parce qu’il le vit au quotidien. À ce titre, rien n’est résolu sur le fond, et nous ferons des propositions pour donner à la ruralité la reconnaissance qu’elle mérite de la part de la Nation.

L’occasion nous est donnée de fonder juridiquement la notion d’aménités rurales. J’espère que notre chambre haute saisira cette occasion de reconnaître les externalités positives de la ruralité, dont bénéficient l’ensemble des Français.

De cette conversion du regard pourraient découler de nouvelles politiques en faveur des populations rurales et des agriculteurs. Or, s’il est un sujet qui nous inquiète tout particulièrement, c’est bien le développement et l’accueil des populations nouvelles en milieu rural.

Le « zéro artificialisation nette » ne doit pas brider ou annihiler les capacités d’accueil des communes rurales françaises. Or, sur ce point, la majorité de l’Assemblée nationale n’a pas pris ses responsabilités. Elle s’en tient à une démarche d’imposition verticale, définie par décret, échappant donc à tout débat démocratique, une fois de plus !

À terme, les maires et, plus largement, les élus locaux ne pourront que constater les effets négatifs d’une procédure qui leur a complètement échappé. Pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, ce n’est pas acceptable ; il ne suffit pas, comme l’a proposé la commission des affaires économiques, de s’affranchir de l’objectif pour que le problème disparaisse. Il faut, dans la négociation avec les acteurs concernés, construire un calendrier réaliste qui nous permettra d’être au rendez-vous de 2050. C’est possible, mais pas avec le texte proposé.

Nous, nous avons été constructifs et responsables sur cette question. Nous pensons que la transition écologique, l’économie agricole et les aspirations de nombreux Français à la ruralité sont compatibles et que ces dernières doivent être saisies comme une chance, comme un levier de développement.

Dans le même esprit, nous proposerons que toutes les formes de production d’alimentation de qualité soient mieux reconnues.

En matière de politique énergétique, peut-on penser un seul instant que le projet Hercule, l’affaiblissement d’EDF et de ses filiales nous permettront de mieux répondre aux enjeux de la programmation pluriannuelle de l’énergie, dont la trajectoire reste par ailleurs floue et incertaine ?

Les mesures d’accompagnement que contient ce texte ne sont pas non plus à la hauteur des difficultés du quotidien que rencontrent beaucoup de Français. Les aides au logement et à la rénovation font fi des moyens nécessaires pour les ménages de condition modeste. Nous ferons des propositions pour qu’ils soient mieux aidés.

Je l’évoquais, la question qui se pose aujourd’hui est aussi celle du débat public : il faut éviter un rejet de la société. La transition ne se fera pas sans les Français ou contre eux. À cet égard, le texte est insuffisant, et nous regrettons que nos propositions visant à développer le dialogue social aient toutes été rejetées en commission.

Pour terminer, je tiens, au nom de mon groupe, à souligner les grands manques de ce texte.

Des pans entiers de l’économie, générateurs de gaz à effet de serre, ont été laissés de côté. La gouvernance envisagée échappe largement au Parlement et aux citoyens, une fois de plus. Les questions touchant à la publicité ont été expurgées ou presque. Ce sujet tabou illustre parfaitement la difficulté à prendre en compte la dimension culturelle et anthropologique de la transition.

La clé de notre efficacité collective nationale se situe dans le pilotage des processus, la fixation d’objectifs clairs et concrets pour chaque acteur, les moyens financiers publics d’accompagnement et l’évaluation permanente. L’État doit donc aussi se remettre en question face aux enjeux de transformation de la société.

La situation budgétaire engendrée par la pandémie, intenable, se rappelle à nous. Comment allez-vous gérer la dette publique abyssale, la réduire tout en soutenant les acteurs de la transition et les Français dont la vie s’est dégradée pendant les dix-huit mois de covid ? Le « quoi qu’il en coûte » qui a prévalu jusqu’ici va-t-il être prolongé au service du financement de la transition vers un modèle socialement inclusif, que nécessitent l’urgence de la situation et le retard que nous avons déjà pris ? Où allez-vous trouver les ressources pour mener à bien, dans les temps impartis, les transitions à opérer dans les domaines les plus contributeurs au réchauffement climatique ?

Dans le secteur des entreprises et de l’économie en général, les préoccupations majeures sont la relance immédiate et la résorption de la dette covid accumulée. Dès lors, je vous le dis, ce texte ne pourra être dissocié du projet de loi de finances pour 2022, qui lui donnera, ou pas, les moyens de son existence.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Blanc

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que l’influence des activités humaines sur le climat, en raison des émissions de CO2 et des gaz à effet de serre, fait l’objet d’un accord quasi unanime, il est tout de même bien curieux que le Gouvernement puisse présenter un texte si faible, qui n’atteindra pas les objectifs qu’il annonce.

Ce texte provient de la crise dite « des gilets jaunes », laquelle engendra une bien curieuse institution : la Convention citoyenne pour le climat. On dit que cette instance fut constituée par tirage au sort. Mais, lorsque le sort ouvre la porte à plus de 50 % de représentants d’associations, de militants proches des milieux environnementaux, lesquels recueillent à peine 10 % des voix aux élections nationales, on ne peut s’empêcher de penser que, finalement, le sort a de bien mauvaises manières…

Pour les Grecs, au temps de la démocratie athénienne, le tirage au sort était absolument insoupçonnable. Il n’était pas le fruit du hasard : c’étaient les dieux qui choisissaient à la place des hommes, lesquels ne pouvaient pas choisir. D’ailleurs, madame la ministre, pendant le long débat qui s’annonce, vous ne manquerez pas de nous dire à quel dieu nous devons ce résultat aussi surprenant qu’improbable !

Mais voilà que, désormais, les tirés au sort se rebellent. Ils se rebellent contre un texte qu’ils jugent notoirement insuffisant.

Les Français pensaient qu’en 2020 le palais de l’Élysée avait enfin trouvé le système démocratique idéal, celui sur lequel le monde réfléchit depuis Platon, et que le génie créatif de La République En Marche avait trouvé la martingale permettant, ainsi, de lutter contre le changement climatique. Rien que cela ! Patatras ! Cela n’a pas marché comme on l’espérait. Mais c’était à prévoir. Le constituant de 1958, lui, l’avait bien prévu, puisqu’il écrivait dans l’ordonnance du 17 novembre : « Il est interdit d’apporter des pétitions à la barre des deux assemblées. »

En fait, vous avez confondu consultation et décision. Dès lors, le texte que vous nous présentez contient une foule de mesures anecdotiques, brouillonnes et désordonnées, produites par des lobbies divers et par des associations qui, s’ils sont actifs, sont issus d’un sort sur lequel pèse évidemment le soupçon. De surcroît, nous le savons, la mise en œuvre de cette foule de mesures sera coûteuse, pour des résultats marginaux.

Ce texte contient plus de trente-cinq mesures d’interdiction, sur la base desquelles votre administration ne manquera pas de produire une réglementation foisonnante. Il va bien falloir qu’elle s’assure que les interdictions et les sanctions qui les accompagnent seront mises en œuvre. On le sait, en la matière, au ministère de l’environnement, on ne fait pas dans la demi-mesure ; en tout cas, on ne manque pas de ressources.

Pour contrôler la publicité dans les échoppes et dans les magasins ; pour former, sensibiliser, éduquer – surtout rééduquer – dans tous les domaines ; pour inspecter les cantines scolaires et leurs frigidaires ; pour s’assurer que les échantillons de parfum ne seront distribués qu’à bon escient ; pour surveiller et contrôler les agriculteurs, déjà accablés par une réglementation qu’ils n’arrivent pas à suivre, vous allez bien sûr créer des postes de fonctionnaires. Surtout, vous allez produire des normes, encore plus de normes, toujours plus de normes ! Le respect du Parlement aurait d’ailleurs mérité que vous nous fournissiez une étude d’impact précise, digne de ce nom, pour mesurer l’ampleur des conséquences financières de ce projet de loi.

Enfin, ce projet de loi est une belle occasion manquée. Vous auriez dû l’organiser en partant des sources du réchauffement climatique, qui sont aujourd’hui parfaitement identifiées, chacune contribuant à hauteur d’environ un tiers : l’habitat, le transport et l’industrie.

Nous le savons, en l’état des données actuelles de la science, c’est l’électricité qui permet d’apporter une réponse solide : utilisée directement ou indirectement avec la filière hydrogène, elle permet des activités humaines, économiques ou industrielles absolument neutres en émission de carbone. Mais, pour produire cette électricité, la filière nucléaire est indispensable, sauf à poursuivre le massacre de nos paysages, par l’implantation d’éoliennes produites d’ailleurs pour la plupart en Chine, ou par la couverture de panneaux solaires, désormais exclusivement produits en Chine eux aussi, puisque la filière européenne n’existe plus. Las, les dieux qui ont influencé le sort de la Convention citoyenne pour le climat semblaient ne pas connaître, ou en tout cas ne pas soutenir, cette filière contemporaine, qui est désormais absente du présent texte.

Alors, nous allons discuter et améliorer ce projet de loi. Nous allons travailler sur un certain nombre de mesures utiles : l’artificialisation des sols, l’écotaxe régionale ou l’isolation des logements, par exemple. Mais, d’ores et déjà, nous le savons, votre texte n’est pas à la hauteur des enjeux. Pis encore, il va créer une nouvelle déception, dans une démocratie déjà bien fatiguée !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sur ce texte, nous pourrions dire un tas de choses. Pour ma part, je ne reviendrai pas sur la problématique de l’évolution du climat ; je me focaliserai sur un élément, à savoir le renforcement de la résilience.

Je me suis amusé à regarder la véritable définition de ce mot. Originellement, la résilience désigne la résistance d’un matériau aux chocs ou, dit autrement, la capacité à surmonter les épreuves. À mon sens, ce projet de loi en donne une tout autre image : il culpabilise encore un peu plus avec arrogance, il punit encore un peu plus sans discernement, il interdit encore un peu plus sans limite et par la peur.

Dans mon métier, la résilience, je connais cela : c’est semer tous les ans sans être sûr de récolter, et pourtant toujours semer. Au lieu de punir et d’interdire, la résilience voudrait qu’on bâtisse et qu’on trouve des solutions. Je pense notamment à l’eau. Pendant des siècles, nos ancêtres ont cherché à la maîtriser, à la conserver et à la stocker. Les exemples sont légion dans l’ensemble de notre territoire : les étangs de la Dombes, les aqueducs romains ou encore le marais poitevin. Or, avec ce projet de loi, notre génération fait tout l’inverse : on détruit les ouvrages les plus vieux, les seuils qui ont fait notre force hydroélectrique. Par pur dogmatisme, on est contre, archicontre l’hydroélectricité ; on refuse de stocker l’eau pour l’irrigation ; on refuse même de l’utiliser, afin de mieux faire comprendre aux consommateurs et plus largement aux Français, s’ils ne l’avaient pas compris, qu’avec le réchauffement climatique ils seront sûrs d’une chose : c’est d’avoir soif !

Je ne comprends pas qu’on persiste dans cette politique d’interdits. En la matière, ce que nous visons sans cesse, comme si c’était une ligne directrice, c’est la destruction de notre économie. On y va par tous les moyens et tout y passe !

Tous les métiers sont dans le viseur. C’est le cas dans l’industrie. Il suffit de regarder l’évolution du prix du métal : puisqu’on n’en produit plus, on la prend directement dans la figure ; ce prix a été multiplié par deux en quinze jours ! Il en est de même dans l’agriculture : puisque nous produisons moins, nous importons ce que nous refusons de produire chez nous et, souvent, ce que nous refusons de faire chez nous.

Je suis élu d’un département où la plasturgie est un important secteur d’activité. Eh bien, on préfère importer de Chine des gobelets en carton et des couverts en bambou plutôt que de moderniser notre filière de la plasturgie ! Et tout cela pour quoi ? Pour réduire les émissions de CO2 de la France et de l’Europe, qui représentent respectivement 0, 9 % et 9 % de la production mondiale.

À ce titre, vous pouvez retenir la règle suivante : moins un pays émet de CO2, plus sa balance commerciale est déficitaire. J’ai là une foule d’exemples ! La France émet 0, 9 % du CO2 mondial : sa balance commerciale est en déficit de 84 milliards d’euros. L’Allemagne émet plus : elle a 200 milliards d’euros d’excédent. L’Italie émet plus : elle a 64 milliards d’euros d’excédent. Ce que je constate, ni plus ni moins, c’est que plus on punit, moins on produit.

En outre, ce sont toujours les mêmes qui trinquent : ceux qui travaillent. La suppression des lignes aériennes pour lesquelles il existe une liaison ferroviaire équivalente en moins de deux heures et demie en est l’exemple typique – vous vous en êtes même vantée, madame la ministre. Qui concerne-t-elle ? Uniquement ceux qui travaillent ! Ceux qui chercheront une correspondance pour les Caraïbes trouveront toujours un avion ! En revanche, ceux qui ont besoin d’un avion pour venir travailler à Paris seront punis : ils devront prendre le train.

Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

En parallèle, avec le « zéro artificialisation des sols », on refuse de regarder les différences entre les territoires. C’est toujours pareil : du jacobinisme à tous les étages, au prétexte que tous les territoires se vaudraient ! On fait donc du zéro artificialisation partout, sans se poser de questions.

Madame la ministre, vous avez connu le mouvement des « gilets jaunes ». Demain, on connaîtra le mouvement des rats des villes et des rats des champs : quand vous aurez interdit à la campagne de construire, qu’est-ce qui lui restera ? Elle n’aura plus qu’à crever la bouche ouverte : c’est déjà ce qu’elle fait !

Enfin, votre projet de loi, c’est toujours plus de taxes et de punitions. La taxe azote est l’exemple typique : encore un nouvel impôt, censé nous permettre d’être compétitifs par rapport à nos voisins, de limiter nos importations et de gagner notre souveraineté alimentaire.

Vous voulez faire manger du végétal à nos concitoyens ; mais, pour cela, il faut de l’azote. Je n’ai jamais vu une plante pousser sans azote, sans phosphore et sans potasse. Pour l’anecdote – j’ai fait des recherches –, sachez que, quand on mange un kilo de salade, on absorbe 1 500 milligrammes de nitrates, alors que, quand on boit de l’eau, la teneur en nitrates est limitée à 50 milligrammes par litre !

Pour conclure

Marques d ’ impatience sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

, je reprendrai ces mots prononcés par Pompidou en 1966 : « Mais arrêtez donc d’emmerder les Français ! Il y a trop de lois, trop de textes, trop de règlements dans ce pays ! On n’en peut plus ! Laissez-les vivre un peu et vous verrez que tout ira mieux ! Foutez-leur la paix ! Il faut libérer ce pays ! » Pompidou disait également

Nouvelles marques d ’ impatience sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

M. Fabien Gay. Allez, encore une petite dernière !

Sourires sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

M. Laurent Duplomb. … « Comment se ruiner ? Par le jeu ? C’est le plus rapide. Par la technocratie ? C’est le plus sûr ! »

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. J’appelle chacun à rester calme. Gardez vos forces, mes chers collègues, nous en avons encore pour deux semaines…

Sourires.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili

Je ne reviendrai évidemment pas sur tous les points qui viennent d’être abordés : nous aurons tout le temps de le faire pendant l’examen des amendements.

Avant tout, je tiens à remercier les orateurs de cette discussion générale, qui est déjà très riche et qui est assez représentative des débats que nous avons connus à l’Assemblée nationale.

J’ai entendu des arguments dans un sens comme dans l’autre. Pour les uns, ce texte est trop symbolique, ne contient pas assez de mesures, n’imprime pas assez de changements et n’est pas à la hauteur des ambitions ; pour les autres, il contient trop de mesures punitives, qui vont « emmerder » les Français – pardon du terme –, qui vont faire beaucoup de victimes, etc.

Nous sommes face à l’éternelle question en matière de transition écologique. Certains d’entre vous l’ont rappelée : c’est celle du curseur. Comment trouver les solutions les plus adaptées face à un enjeu qui nous dépasse tous ?

Je crois que nous sommes tous d’accord sur ce point : ceux qui subiront les conséquences de ce que nous faisons, c’est nous-mêmes, un peu, mais surtout ceux qui nous suivent. Notre responsabilité est donc très grande : il s’agit de trouver les bonnes mesures pour réussir.

On a évoqué tel ou tel manque. À cet égard, il est important de rappeler que ce projet de loi s’inscrit dans le cadre de réformes plus générales, menées depuis le début du quinquennat. Certaines d’entre elles prolongeaient d’ailleurs des mesures prises précédemment. Il est donc normal que certains aspects ne soient pas développés ici, ou qu’ils le soient peu, puisqu’ils sont détaillés ailleurs. Nous avons déjà eu une loi d’orientation des mobilités ; une loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire ; une loi relative à l’énergie et au climat. Le Boston Consulting Group l’explique bien dans l’analyse qu’il a consacrée à cette réforme : si l’on regarde l’ensemble des mesures prises au cours du quinquennat, on constate que tout le spectre de l’action en faveur de la transition écologique est couvert. L’est-il suffisamment ou pas assez ? C’est un autre débat. En tout cas, aucune thématique n’a été oubliée.

Un certain nombre d’entre vous ont également évoqué l’ajout de mesures lourdes dans ce projet de loi. Il s’agit notamment du code minier et du trait de côte. C’est un choix qui a été fait en toute connaissance de cause, en voyant la fin du quinquennat arriver : sur ces deux points, nous avions besoin, d’urgence, d’actualiser notre droit face à un certain nombre de réalités qui posent problème.

Le fameux immeuble du Signal, bien connu d’un certain nombre d’entre vous, montre la réalité du recul du trait de côte et des problèmes qu’il entraîne dans les territoires. Nous avons besoin d’adapter notre droit très vite.

Il se trouve que des parlementaires, notamment des députés, mais aussi des sénateurs, ont beaucoup travaillé sur cette question, si bien que les textes étaient prêts : il suffisait de trouver le moment législatif opportun. Nous avons saisi l’occasion qui se présentait à nous.

S’agissant du code minier, le sujet me tient particulièrement à cœur, parce que, comme un certain nombre d’entre vous, je suis issue du bassin minier et je sais ce qui s’y passe. Mes grands-parents étaient tous deux mineurs, je vois très bien quel est le sujet aujourd’hui, c’est une des raisons pour lesquelles je considère que l’on ne peut plus traîner pour réformer ce texte.

Nous étions, en outre, confrontés à des litiges concernant, par exemple, la Montagne d’or, un projet compliqué en Guyane. Cela démontre que notre droit n’était plus adapté et qu’il fallait très vite le modifier en conséquence.

À mon sens, nous avons réussi à trouver un équilibre à l’Assemblée nationale sur cette question, dans la mesure où une grande majorité des points importants du code ont été inscrits en dur dans le projet de loi, l’ordonnance renvoyant surtout à du nettoyage de texte.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili

« À quoi bon prendre des mesures alors que la France ne représente que 0, 8 % de la population mondiale et que, quand bien même nous fournirions nos meilleurs efforts, nous ne pourrions, à nous seuls, changer le cours du réchauffement climatique ? », me demandent certains d’entre vous. Penser ainsi, c’est ne pas prendre la mesure de notre place aux niveaux européen et international.

Nous avons connu quelques années durant lesquelles les États-Unis se sont complètement retirés du jeu des relations multilatérales ; il a alors fallu prendre la main pour continuer à mener le combat climatique vis-à-vis des autres acteurs.

La France a joué un rôle, j’en suis très fière et nous pouvons l’être collectivement, en maintenant cette question à l’agenda politique internationale. Ainsi, les One Planet Summit s ont été organisés et de nombreuses réunions internationales ont permis de faire avancer cette question.

Dès lors que la France a été présente, qu’elle a une réputation internationale, que les accords de Paris ont été signés sur son sol, chaque fois que nous évoquons le réchauffement climatique, nous sommes regardés à l’international. C’est pourquoi nous devons mener une politique cohérente, afin de ne pas nous trouver confrontés à des incohérences entre nos paroles et les politiques que nous mettons en place. Ce n’est pas si simple.

Enfin, nous jouons également un rôle au niveau européen. Je suis très souvent d’accord avec Stéphane Demilly, mais je ne partage pas ses propos selon lesquels l’Union européenne ne ferait rien en ce moment au sujet du réchauffement climatique. Pardonnez-moi, mais la nouvelle Commission a donné une impulsion très forte en augmentant l’exigence de baisse d’émissions de gaz à effet de serre à 55 %, avec un paquet législatif, avec des lois lourdes, qui vont être présentées le 14 juillet – le jour de notre fête nationale, cela ne s’invente pas.

Ces textes contiendront des mesures très fortes pour baisser nos émissions de gaz à effet de serre, pour améliorer l’efficacité énergétique, pour augmenter la part des énergies renouvelables, mais aussi pour travailler sur l’économie circulaire, sur les batteries, sur la relance de notre industrie et surtout sur un prix du carbone, et sur ce qu’on appelle une taxe carbone aux frontières européennes. Ces textes sont portés par la volonté que le travail que nous faisons entraîne le reste du monde et devront bien sûr être couplés avec ce que nous faisons au niveau international pour aider les pays qui en ont besoin.

Ce que nous sommes en train de faire s’inscrit donc dans un cadre plus global. J’espère que nous réussirons.

Je remercie les rapporteurs, le travail qui a déjà été fait est très important, et je partage un certain nombre de leurs choix, d’autres me semblent au contraire constituer des reculs ; ce sont les règles du débat démocratique, et cela me va très bien.

Je souhaitais dire cela en réponse à cette riche discussion générale. J’ai hâte d’entendre la suite, en espérant toutefois que nous laisserons les dieux et les religions là où ils sont, c’est-à-dire en dehors de cet hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La séance est reprise.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je suis saisi de six amendements identiques.

L’amendement n° 126 est présenté par MM. Dantec, Gontard, Fernique, Labbé, Salmon et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

L’amendement n° 128 rectifié ter est présenté par MM. Longeot, Marseille, S. Demilly et Moga, Mme Jacquemet, MM. Capo-Canellas, Bonnecarrère, Henno, Guerriau et Laugier, Mmes Vermeillet et Billon, M. Menonville, Mme Loisier, M. Prince, Mme Dindar, M. J.M. Arnaud, Mme Saint-Pé, MM. Pellevat, A. Marc, Kern et Le Nay, Mme Gatel, MM. Cigolotti, Delcros, Wattebled, Canévet et Chasseing, Mmes Perrot et Férat, MM. Maurey et Duffourg, Mme Morin-Desailly et les membres du groupe Union Centriste.

L’amendement n° 141 est présenté par Mme Varaillas, MM. Lahellec, Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 235 est présenté par M. Mandelli.

L’amendement n° 673 rectifié est présenté par MM. Corbisez et Cabanel, Mme N. Delattre, MM. Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.

L’amendement n° 1684 est présenté par MM. J. Bigot, Montaugé et Kanner, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert et Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Préville, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces six amendements sont ainsi libellés :

I. – Avant le titre Ier A : Dispositions liminaires

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

En cohérence avec l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 qu’elle a ratifié, et dans le cadre du Pacte Vert pour l’Europe auquel elle a librement souscrit, la France s’engage à respecter les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre découlant de la révision prochaine du règlement (UE) 2018/842 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 contribuant à l’action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris.

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Titre …

Atteindre les objectifs de l’accord de Paris et du Pacte Vert pour l’Europe

La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 126.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Je suis heureux de présenter cet amendement avec d’autres groupes du Sénat. Il est simple, mais il manquait à ce texte.

Madame la ministre, nous savons où doit se situer le curseur ! C’est l’objet de cet amendement, que l’on pourrait qualifier de « précision ». Il vise à ce que la France s’engage à respecter l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre inscrit dans le règlement dit de « partage de l’effort », qui devrait se situer aux alentours de 50 % pour notre pays en 2030, d’après les échos que nous avons de la négociation européenne. Peut-être nous en direz-vous plus ? C’est extrêmement important ; de plus, c’est sans doute la première fois que le Sénat, dans sa diversité, affirme son accord avec cet objectif européen et son soutien politique à la négociation internationale.

Cet amendement est un peu un cadeau que le Sénat vous fait. Quand vous allez arriver à Glasgow pour la COP, vous aurez en face de vous, par exemple, les membres de la délégation chinoise et d’autres délégations. Je les connais, je les ai un peu pratiqués. Ils vous demanderont pourquoi vous leur réclamez de faire tant d’efforts, alors même que votre Haut Conseil pour le climat a produit une évaluation critique de votre propre loi, indiquant que vous n’atteindrez pas l’objectif de 55 %. Vous pourrez alors leur répondre que vous avez derrière vous toute la représentation nationale unie pour respecter cet objectif, renforçant ainsi la position de la France et celle de l’Union européenne dans cette négociation.

Bien sûr, si l’on est un peu mal intentionné – ce qui n’est évidemment pas notre cas –, on ne peut manquer de constater que cet amendement emporte deux conséquences.

D’abord, son adoption ne comblera pas les 20 points manquants entre cet objectif et la réduction de 35 % à laquelle ce texte devrait aboutir en 2030. Vous avez quinze jours pour nous dire comment les trouver.

Ensuite, cela signifie que les groupes qui présentent ces amendements sont d’accord avec cet objectif et que tous, avec, peut-être, des visions différentes, vont proposer des améliorations de la loi qui permettront à la France de respecter l’objectif européen de 55 %.

Applaudissements sur des travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° 128 rectifié ter.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Le présent amendement vise à conforter le respect de nos engagements européens de réduction des émissions de gaz à effet de serre, lesquels découleront de la révision prochaine du règlement sur la répartition de l’effort. Cette révision devra fixer, pour chaque État membre et de manière différenciée, des objectifs nationaux de réduction des émissions cohérents avec le nouvel objectif européen que la France a contribué à façonner au sein de la proposition de règlement, dite loi européenne.

Le Haut Conseil pour le climat juge le présent projet de loi insuffisant pour atteindre les objectifs climatiques de la France. À l’aune de la COP26 et de la présidence française de l’Union européenne, il nous semble donc indispensable de rappeler cet engagement, alors que le Conseil européen a validé un nouvel objectif rehaussé lors de sa réunion des 10 et 11 décembre dernier.

Plusieurs instruments devraient faire l’objet d’une révision, comme la directive de 2003 sur le marché européen des quotas de carbone ou encore le règlement de 2018 sur la répartition de l’effort ; le présent projet de loi se doit d’accompagner cette dynamique européenne dans laquelle notre pays joue un rôle moteur.

Dès lors, cet amendement, en rappelant la nécessité de respecter les objectifs de l’accord de Paris et du pacte Vert, vise à conforter la crédibilité de notre pays, qui se considère à raison comme l’un des États les plus actifs en matière environnementale et climatique au sein de l’Union européenne. L’adoption de cet amendement sera l’occasion d’en apporter la preuve.

Applaudissements sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour présenter l’amendement n° 141.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Claude Varaillas

Par cet amendement, porté par l’ensemble des groupes, nous souhaitons collectivement rappeler l’engagement de la France en matière d’écologie et de lutte contre le changement climatique.

Tout le monde, ou presque, reconnaît aujourd’hui l’urgence ; la remise du cinquième rapport du GIEC souligne la nécessité de limiter la hausse des températures pour maintenir des conditions compatibles avec la vie. Pourtant, selon certains scenarii et sans action concrète de la France, cette hausse risque d’atteindre 3 ou 4 degrés d’ici à 2100.

La prise en compte de la question environnementale a connu une longue évolution historique, notamment depuis le sommet de la Terre à Rio. Les travaux des conférences des parties de l’ONU ont permis des avancées concrètes, avec le protocole de Kyoto en 2007 et, plus récemment, l’accord de Paris en 2015. L’ONU a également élaboré des objectifs de développement durable afin de promouvoir les droits humains et le développement. L’Union européenne, quant à elle, a produit des normes imposant des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2007, en 2014 et, plus récemment, à l’occasion du Green Deal de septembre 2020, qui vise à réduire d’au moins 55 % les émissions par rapport à 1990 à l’horizon de 2030.

L’article 3 du traité de l’Union européenne et l’article 191 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne reconnaissent en outre le droit de l’environnement.

La loi Énergie-climat affirme la volonté de la France de réduire de 40 % la consommation d’énergie fossile par rapport à 2012 d’ici à 2030 ; cet objectif est confirmé par la présente loi.

Au-delà de cette loi du « blabla », comme on l’appelle désormais, la France a contracté des obligations contraignantes avec l’accord de Paris et les directives européennes ; l’État peut être condamné, comme cela avait été le cas avec l’affaire du siècle. Je rappelle également la récente décision du juge constitutionnel allemand, lequel a censuré une loi qui ne respectait pas les engagements climatiques.

Cet amendement vise à rappeler cette exigence.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Didier Mandelli, pour présenter l’amendement n° 235.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mandelli

Comme les collègues qui m’ont précédé l’ont exprimé, nous souhaitons, au travers de cette démarche collective, portée pratiquement par tous les groupes, signifier notre attachement au respect des engagements pris par notre pays dans le cadre de l’accord de Paris et au niveau européen.

À la différence d’un certain nombre de nos collègues, mon groupe ne souhaite pas mettre en avant l’objectif de 55 %, dans la mesure où ce taux peut varier en fonction de la répartition des efforts entre les pays européens. Peut-être serons-nous ainsi à 49 % ou à 50 %. Même si une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre peut représenter, pour certains de nos collègues, un objectif à atteindre à tout prix, ce n’est pas notre positionnement. Le G7 a défini hier 50 %, par exemple, et on entend parfois parler de 40 %.

Au-delà des chiffres, l’important est d’affirmer la démarche à adopter pour notre pays pour atteindre l’objectif qui sera fixé. Ce texte, avec les nombreux amendements qui seront adoptés et les évolutions dues aux rapporteurs, nous permettra de tendre vers cet objectif.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour présenter l’amendement n° 673 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Corbisez

À l’instar des amendements qui viennent d’être présentés, le présent amendement vise à affirmer dans la loi que la France respectera les engagements forts qu’elle a pris au niveau international à travers l’accord de Paris et le pacte Vert européen.

En reprenant les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, ce projet de loi devait permettre, en complément de l’action que le Gouvernement mène par ailleurs, d’atteindre une réduction de 40 % de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Comme nous le savons, cette ambition a été renforcée depuis au niveau européen, qui porte désormais cet objectif à 55 %. Or nous assistons à un nouveau rendez-vous manqué. Après la loi Égalim, la LOM, la loi Énergie-climat et la loi AGEC, nous craignons qu’il ne faille à nouveau légiférer rapidement pour remettre la France sur les rails.

Il n’est malheureusement plus rare, pour les parlementaires que nous sommes, de devoir nous prononcer une nouvelle fois sur des mesures à peine promulguées, voire encore en attente d’application. Lorsque les mesures de la Convention citoyenne sont reprises, elles le sont malheureusement à des échéances bien trop lointaines par rapport à la trajectoire et aux responsabilités qui nous incombent.

Le présent amendement vise donc à ce que la France respecte les objectifs qui lui seront fixés lors de la révision du règlement européen sur la répartition de l’effort, qui fixera pour chaque État membre de l’Union des objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Joël Bigot, pour présenter l’amendement n° 1684.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bigot

Nous souhaitons, par cet amendement, alerter le Gouvernement sur le fait que nos engagements pris lors du précédent quinquennat s’imposent à nous dès maintenant. La condamnation récente de l’État vient de confirmer l’urgence à agir.

Les signaux envoyés dans le domaine environnemental par le Gouvernement ne sont pas bons. Ce dernier a ainsi revu la stratégie nationale bas-carbone en abaissant ses objectifs en 2020. L’objectif de réduction de 2, 3 % des émissions de gaz à effet de serre a été reculé à 1, 5 %, de manière à faire passer la performance de 1, 7 % pour une prouesse écologique. Est-ce bien à la hauteur du défi climatique ?

Il ne doit pas revenir aux générations suivantes d’assumer notre inaction climatique ; le réchauffement climatique est un enjeu contemporain, nous ne pouvons plus barguigner devant l’objectif d’une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 et de neutralité climatique d’ici à 2050.

De plus, ces objectifs ne peuvent être décorrélés d’une politique de justice sociale volontariste, comme le préconisait très justement la Convention citoyenne pour le climat ; la France ne peut être en retrait sur ces dossiers, pour lesquels elle a beaucoup œuvré.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain en appelle donc à la cohérence et à la responsabilité écologique et sociale de l’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Marta de Cidrac

Comme vous l’avez compris, madame la ministre, il nous semble important de rappeler les objectifs climatiques de la France. C’est la raison pour laquelle la commission est favorable à ces six amendements identiques, qui visent à inscrire au début de ce projet de loi le nouvel objectif européen de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili

Vous souhaitez, à travers ces amendements, introduire l’obligation pour la France de respecter un règlement européen et, plus largement, l’accord de Paris.

Vous avez raison de souligner que la révision de l’objectif européen – 55 % net de réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990 – nécessitera que la France relève son objectif de réduction des émissions, fixé à 40 % en 2030 par rapport à 1990. Ce relèvement dépendra des négociations sur la répartition de l’effort entre les pays de l’Union européenne, lesquelles devraient aboutir dans les prochaines semaines ou les prochains mois.

Reste que les excellents légistes que vous êtes savent qu’il n’est pas nécessaire de le rappeler dans la loi, puisque les accords internationaux prévalent dans la hiérarchie des normes. Il s’agit donc d’une disposition tautologique, relevant du symbole.

On dit parfois que cette loi est bavarde et qu’elle contient beaucoup de symboles. Je ne suis pas opposée aux symboles, il y en a dans ce texte, et j’y suis attachée, surtout lorsqu’il s’agit d’honorer nos engagements internationaux et de répondre à notre ambition environnementale. Pour cette raison, je m’en remets à la sagesse de cette assemblée. Je suis persuadée que le Sénat saura garder en tête cette ambition lorsque les amendements visant à améliorer le texte et, surtout, ceux qui tendront à en abaisser l’ambition seront présentés pendant les deux prochaines semaines.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

J’entends bien que l’amendement a un caractère tautologique, mais la loi elle-même ne respecte pas l’engagement européen. C’est bien là la difficulté. Il faudra bien que, durant ces quinze jours, à un moment de notre discussion, vous nous expliquiez comment vous comptez faire pour que la loi le respecte. Il serait également bien de nous dire – on est là pour se dire les choses – ce que la France va défendre par rapport au règlement européen.

Le groupe écologiste a fait un travail sérieux en rédigeant une vraie loi Climat avec une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre pour la France et en la quantifiant mesure par mesure. Cet objectif nous semble tout à fait réalisable. Je pense qu’en tant que grande puissance porteuse de l’accord de Paris, la France devrait se caler sur l’objectif européen de baisse de 55 % des émissions de gaz à effet de serre.

Quelle est la stratégie française par rapport à la négociation du partage de l’effort ? Voilà notre première interrogation. Elle est importante. Or, pour l’instant, vous ne lui avez pas apporté de réponse.

Même si la France parvenait à atteindre une baisse de 49 % à 50 % des émissions, où trouvera-t-elle les 15 ou 20 points manquants pour y parvenir ? Boston Consulting Group, dont j’ai lu la totalité du rapport, ne parvient pas à évaluer votre projet de loi, le Haut Conseil pour le climat a émis une critique au vitriol sur son impact, tandis que la totalité des ONG qui sont penchées dessus trouve à peu près les mêmes résultats : on gagne 10 à 15 points par rapport à ce qui a été gagné entre 1990 et 2020. Nous avons donc vraiment besoin de vous entendre sur la stratégie.

En outre, comme nous mettons tous en œuvre des politiques publiques dans les territoires depuis longtemps, je peux vous dire qu’il faut dix ans entre le vote d’une loi et son impact maximum. C’est donc bien la loi que nous allons voter maintenant qui définira le niveau des émissions françaises dans dix ans. Si ce niveau n’est pas crédible par rapport aux projections, y compris mondiales – vous le savez comme moi, les négociations internationales sont extrêmement tendues –, c’est bien la mécanique de l’accord de Paris qui s’en trouvera fragilisée, notamment la régulation et la taxe climat aux frontières, sur laquelle nous sommes d’accord. Nous avons donc besoin que vous nous donniez des informations plus précises.

Applaudissements sur des travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Frédéric Marchand, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

Nous n’avons pas déposé d’amendement, non pas parce que le respect de l’accord de Paris et du pacte Vert européen nous est complètement inconnu, mais parce que nous considérons que cette loi constitue une étape supplémentaire qui fait suite aux nombreux dispositifs déjà mis en œuvre sur l’initiative du Président de la République et du Gouvernement depuis 2017 afin que la France soit en mesure de respecter ce qui a été gravé dans le marbre en 2015 et d’être au rendez-vous vis-à-vis de ses engagements européens.

Cela étant, nous voterons bien évidemment ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Madame la ministre, vous avez raison, la politique peut être affaire de symboles. Néanmoins, ce n’est pas du tout le cas s’agissant de ces amendements déposés par la plupart des groupes.

Faire de la politique, c’est avoir une vision d’avenir. Or comme vous nous dites qu’il s’agit du grand projet de loi fondateur sur la question climatique, nous vous répondons que nous devons nous fixer un objectif ambitieux, le décliner via des propositions et prévoir un calendrier pour le respecter.

Dans sa très grande majorité, le Sénat veut inscrire le respect de l’accord de Paris et de nos engagements européens, avec la perspective que vous avez donnée à la Convention citoyenne pour le climat, à savoir une baisse de 50 % des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon de 2030. En effet, après le détricotage de l’ensemble de ses propositions, on voit qu’on est loin de pouvoir tenir cet engagement !

Si nous retenons cet objectif, vous avez raison, madame la ministre, l’ensemble des propositions que nous allons devoir adopter devront s’y conformer. Si nous-mêmes ne respectons pas l’objectif que nous nous fixons, il y aura un problème. Sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, nous ferons beaucoup de propositions pour l’atteindre.

Ces amendements, je le répète, ne sont pas une affaire de symbole : on ne peut pas parler d’alimentation et d’agriculture sans évoquer les traités de libre-échange ou discuter d’énergie sans évoquer l’avenir d’EDF. Or vous parlez d’un grand projet de loi Climat sans évoquer l’objectif à atteindre collectivement.

Vous êtes donc en difficulté, car, si nous votons ces amendements ambitieux, tout le débat se réorientera dans les quinze prochains jours de façon différente.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili

Je le répète – je l’ai déjà dit lors de la discussion générale –, cette loi à elle seule ne résoudra pas tous les problèmes liés aux émissions de gaz à effet de serre.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili

Ce n’est absolument pas sa vocation. Elle fait partie d’un ensemble de mesures que nous avons prises depuis le début du quinquennat.

La petite difficulté que nous avons, c’est que l’analyse du Haut Conseil pour le climat se focalise uniquement sur cette loi. Seul le Boston Consulting Group a réalisé une analyse qui tient compte des autres mesures prises depuis le début du quinquennat. D’après ce cabinet, si tout ce qui a été lancé depuis le début du quinquennat est mis en œuvre de façon volontariste – il ne suffit pas d’adopter des règles, il faut aussi bien évidemment qu’elles soient suivies d’effets –, nous serons dans les clous : nous atteindrons une baisse de 40 %.

Par ailleurs, il y a effectivement eu un rehaussement, proposé par la Commission européenne. Aujourd’hui, nous travaillons pour nous adapter à cette hausse ; c’est l’objet des négociations dont je vous ai parlé. Je pense que vous comme moi trouverions assez bizarre, au milieu d’amendements, d’augmenter d’un seul coup ceci ou cela pour tenir l’engagement de 55 %. Agissons de manière organisée et ordonnée. Faisons déjà en sorte d’atteindre les 40 %, puis travaillons aux mesures complémentaires qu’il faudra prendre pour atteindre l’objectif, pas encore défini, qui sera dévolu à la France. Voilà qui me paraît de bonne organisation.

Si nous réussissons, rien que dans ce projet de loi, à tenir l’objectif que nous nous sommes collectivement fixé, nous aurons déjà fait œuvre utile.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je mets aux voix les amendements identiques n° 126, 128 rectifié ter, 141 et 235, 673 rectifié et 1684.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 131 :

Nombre de votants343Nombre de suffrages exprimés341Pour l’adoption341Le Sénat a adopté.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Frédéric Marchand applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant le titre Ier A.

TITRE Ier A

DISPOSITIONS LIMINAIRES

(Division et intitulé nouveaux)

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 1039, présenté par MM. Dantec, Fernique, Labbé, Salmon et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Soutenir l’action des collectivités territoriales

La parole est à M. Ronan Dantec.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

En adoptant les amendements précédents, nous avons fait passer un message puissant du Sénat en faveur du respect de nos engagements européens.

Je remercie la rapporteure, Marta de Cidrac, d’avoir permis qu’un amendement extrêmement important de notre groupe soit adopté en commission. J’espère qu’il survivra à la CMP – nous avons été nombreux à dire que nous sommes ouverts à un accord.

Cet amendement, qui est devenu l’article 1er A, permet enfin de mettre en place une dotation climat pour les collectivités territoriales, mesure que nous avons votée si souvent à la quasi-unanimité, voire à l’unanimité au Sénat. Christine Lavarde s’en souvient, puisqu’elle l’a plusieurs fois défendue avec moi.

Madame la ministre, vous nous avez indiqué que, si l’on est très volontariste – ce que vous avez dit est tout de même quelque peu exagéré par rapport à ce qu’a écrit le Boston Consulting Group –, on pourra atteindre l’objectif de 40 %. Reste que l’on ne pourra pas l’atteindre sans la mobilisation des collectivités territoriales. La moitié des émissions de gaz à effet de serre sont liées à la vie quotidienne des Français, notamment à la manière de se loger, de se nourrir ou de se déplacer.

Sans une mise en cohérence de toutes les grandes politiques publiques structurantes dans les territoires, nous ne tiendrons pas les engagements – nous l’avons démontré. À l’inverse – je peux m’appuyer sur l’exemple de ma bonne ville de Nantes et de Nantes Métropole –, les territoires qui ont fait cet effort ont des résultats.

Nous vous proposons donc une dotation climat adossée à la mise en œuvre des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) et du volet énergie des Sraddet. En outre, avec le contrat de relance et de transition écologique, que je soutiens, nous avons le cadre de la contractualisation. Tout est donc en place. Il faut maintenant que ce milliard d’euros, par un fléchage ou non d’une part de la recette de la contribution climat-énergie, soit vraiment dévolu aux territoires.

Il fallait un amendement rédactionnel pour introduire l’article 1er A. C’est la raison pour laquelle nous proposons le présent amendement. Ainsi, plutôt que d’écrire « Dispositions liminaires », ce qui ne veut pas dire grand-chose, nous proposons l’intitulé suivant : « Soutenir l’action des collectivités territoriales ».

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 2210, présenté par Mme de Cidrac et MM. P. Martin et Tabarot, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi l’intitulé de cette division :

Financer une écologie de l’intelligence territoriale

La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 1039.

Debut de section - PermalienPhoto de Marta de Cidrac

Les deux amendements ont le même objet. Les termes « Dispositions liminaires » ne nous semblent pas non plus tout à fait adaptés. Aussi, mes collègues corapporteurs Pascal Martin, Philippe Tabarot et moi-même proposons un autre intitulé : « Financer une écologie de l’intelligence territoriale », ce qui permet de mieux le lier à l’objet de l’article 1er A.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 1039.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili

Vous souhaitez introduire un titre préliminaire mettant en valeur les actions des collectivités locales et, s’agissant de l’amendement de la commission, le financement de leur transition écologique.

L’action des collectivités locales est absolument clé pour la réussite de la transition bas-carbone, nous en sommes tous d’accord. Nous avons estimé que les deux tiers des orientations de la stratégie nationale bas-carbone nécessitaient une action locale ou un soutien de celle-ci. Néanmoins, nous avons souhaité garder dans ce projet de loi les entrées thématiques de la Convention citoyenne pour le climat, et non prévoir une entrée par acteurs. Ainsi, nous n’avons pas de titre spécifique sur l’action de l’État, des entreprises ou des citoyens. C’est pourquoi je suis défavorable à ces deux amendements.

Par ailleurs, comme vous le savez, le Gouvernement s’est engagé à soutenir les actions des collectivités locales en matière de transition énergétique et bas-carbone, notamment via des financements des actions locales en faveur du climat, comme le dispositif Cit’ergie, porté par l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, dite Agence de la transition écologique), ou encore les contrats de relance et de transition écologique.

Ainsi, même si nous avons fait le choix de ne pas déposer d’amendement de suppression dans un souci de conserver le caractère paisible des débats, le Gouvernement n’est pas favorable aux dispositions de l’article 1er A. Cet article attribue en effet une partie du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques aux collectivités territoriales ayant adopté un PCAET, ce qui pérennise une nouvelle source de financement pour les collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Madame la ministre, c’est une demande ancienne des collectivités territoriales. La somme de 10 euros par habitant pour un PCAET et de 5 euros par habitant pour un Sraddet correspond à des analyses assez précises de leur coût d’animation.

Dans la loi NOTRe – j’en ai été l’un des artisans, puisque je présidais le groupe de travail Gouvernance –, qui a précédé la première loi Royal sur l’énergie et le climat, nous avions simplifié, en prévoyant un seul grand plan Climat à l’échelle des intercommunalités. Depuis a été instaurée une compétence obligatoire pour les intercommunalités et le bloc communal, sans aucun financement. On a créé la charge, mais pas la recette !

À plusieurs reprises, au Sénat, nous avons proposé de donner un signal fort pour la mise en place de ces PCAET, mais l’État a refusé à chaque fois. Je me rappellerai évidemment toujours la réponse de Gérald Darmanin à mon interpellation. Quand il lui a été dit que l’augmentation de la contribution climat-énergie n’allait pas être acceptée, il nous a répondu, en rigolant : « Pourquoi pas les bonnets rouges ! » Quelques mois après, on avait les « gilets jaunes », précisément parce qu’on n’avait pas expliqué comment on créait une dynamique et comment on venait en soutien des territoires, notamment des petits territoires ruraux.

Maintenant, avec le CRTE, c’est l’occasion de mettre en place cette dotation de fonctionnement, et cela peut passer par une contractualisation avec des objectifs. C’est une vraie opportunité ! Dans le cas contraire, vous n’aurez pas les moyens d’être vraiment volontariste.

Il est extrêmement important que vous donniez enfin ce signal aux collectivités. Toutes soutiennent ce dispositif. Je le répète, ne ratez pas cette vraie opportunité, qui vous permettra peut-être d’atteindre l’objectif de 40 %.

Cela étant, comme j’ai eu le plaisir de voir mon amendement adopté en commission avec l’avis positif de Marta de Cidrac, je retire celui-ci au profit de l’amendement de la commission, ce qui me paraît équilibré.

M. Joël Labbé applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 1039 est retiré.

La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote sur l’amendement n° 2210.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Je partage l’objet des deux amendements en discussion commune. Néanmoins, j’ai un peu de mal à comprendre l’amendement de la commission : que signifie une « écologie de l’intelligence territoriale » ? L’écologie au sens d’un corpus, cela n’aurait pas de sens, et, au sens d’une doctrine, comme il peut y avoir une écologie de la pensée, cela ne fait pas non plus sens. À la limite, on pourrait parler d’une écologie « par » l’intelligence territoriale.

Je ne prétends pas être un linguiste professionnel, mais j’ai quelques difficultés à comprendre l’intitulé proposé par la commission. Celui de M. Dantec me paraissait beaucoup plus clair. Si la possibilité existe, j’invite la rapporteure à remplacer le mot « de » par le mot « par », ce qui, pour le coup, ferait sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

L’amendement évoqué par M. Dantec est le premier que j’ai défendu dans cet hémicycle. Aussi, je m’en souviens très bien.

À chaque fois, le Gouvernement nous renvoie à plus tard. À l’époque, on nous avait dit que le projet de loi de finances n’était pas le bon vecteur et qu’il allait y avoir une loi de financement des collectivités territoriales. On attend toujours cette loi, et j’ai bien compris qu’elle ne verrait pas le jour durant ce quinquennat. Plus tard, lorsque j’ai interrogé de nouveau Emmanuelle Wargon, alors secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, on m’a parlé des futurs contrats de transition écologique. Aujourd’hui, ces contrats ont disparu, même s’ils ont été repris dans les contrats de relance et de transition écologique.

Cet amendement traduit donc notre volonté d’inscrire dans le dur que les collectivités locales sont les acteurs les plus proches des citoyens pour mettre en œuvre les mesures de transition écologique. D’ailleurs, elles le font déjà avec les agences locales de l’énergie et par un grand nombre de dispositifs, mais, pour rénover leurs parcs immobiliers vétustes, par exemple, elles ont besoin de financement.

Vous nous répondrez que l’État alloue déjà des moyens via le plan de relance et autres, mais tout cela nécessite de passer par des appels d’offres. Si les collectivités en avaient les moyens, elles pourraient agir pour les citoyens au plus près de leur quotidien.

Debut de section - PermalienPhoto de Marta de Cidrac

L’amendement de notre collègue Dantec – je le remercie de l’avoir retiré – visait seulement le soutien à l’action des collectivités territoriales. Notre intitulé fait mieux le lien entre l’objet de l’article 1er A et le financement des politiques climatiques des intercommunalités et des régions.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Je ne sais pas ce qu’est « l’intelligence territoriale ». Quelqu’un ici pourrait-il m’en donner la définition ? Cela nous aiderait peut-être à parfaire notre compréhension de cet amendement, qui a vocation à être intégré dans un texte important.

L ’ amendement est adopté.

I. – Une fraction du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques prévue à l’article 265 du code des douanes revenant à l’État est attribuée aux collectivités territoriales, collectivités à statut particulier et établissements publics territoriaux ayant adopté un plan climat-air-énergie territorial en application de l’article L. 229-26 du code de l’environnement.

Cette fraction est calculée de manière à ce que le montant versé à chaque collectivité concernée s’élève à 10 € par habitant pour les établissements publics de coopération intercommunale et la métropole de Lyon.

II. – Une fraction du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques prévue à l’article 265 du code des douanes revenant à l’État est attribuée aux collectivités territoriales ayant adopté un schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie conformément à l’article L. 222-1 du code de l’environnement ou un schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires conformément à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales.

Cette fraction est calculée de manière à ce que le montant versé à chaque collectivité concernée s’élève à 5 € par habitant.

III. – Les modalités d’attribution de la fraction prévue aux I et II sont fixées dans le contrat de relance et de transition écologique conclu entre l’État et la collectivité ou le groupement concerné, la région pouvant être cocontractante des contrats avec les collectivités locales de son territoire.

IV. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Claude Varaillas

J’interviens sur cet article, parce que le groupe communiste républicain citoyen et écologiste avait déposé un amendement n° 142 qui a été déclaré irrecevable. Je le regrette, car cet amendement portait sur l’opportunité de définir un moratoire sur les baisses d’effectifs du ministère de la transition écologique. Si l’on ne se pose pas la question des moyens, cette loi n’aura aucun effet.

Le Conseil national de la transition écologique s’est inquiété de la baisse insuffisante des émissions de gaz à effet de serre induite par cette loi. Il a également demandé la mobilisation des moyens, leviers d’action et outils de politique publique nécessaires, notant notamment des réductions d’effectifs opérés ces dernières années – et encore aujourd’hui – dans les services régionaux et départementaux de l’État, ainsi que parmi ses opérateurs que sont l’Ademe, l’ANAH et le Cerema, chargés, avec les collectivités locales, d’animer, de soutenir et de suivre les actions de rénovation.

Nous dénonçons cet état de fait à chaque loi de finances. Par conséquent, nous réitérons notre demande qu’un rapport soit remis par le Gouvernement au Parlement, à compter de 2022, afin de dresser une évaluation du budget au regard des objectifs de la France en matière d’environnement et de biodiversité. Nous pensons notamment que ce rapport doit intégrer les conséquences des coupes budgétaires et de réduction des effectifs au détriment d’un réel pilotage de la transition écologique.

L’action du Gouvernement en matière de politique de développement durable se réduit. Les moyens manquent, tant en qualité qu’en quantité. Une politique de coupes budgétaires drastiques et de réduction des effectifs de la fonction publique est actuellement conduite. C’est toute l’expertise de l’État qui, à terme, est menacée par cette situation. Il est donc temps de dresser le bilan et de tirer les conséquences de cette politique de dégraissage, qui condamne l’État à l’impuissance, au moment même où les enjeux environnementaux et climatiques sont à leur paroxysme.

Nous souhaitions, par cet amendement, affirmer qu’il ne pourra y avoir de réelle transition énergétique et écologique sans les moyens correspondants, comme l’a rappelé le Haut Conseil pour le climat dans son avis sur ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.

L ’ article 1 er A est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 770 rectifié, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Dantec, Fernique, Labbé, Salmon et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Après l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À compter du 1er janvier 2022, les articles du code général des impôts modifiés par l’article 31 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la même loi, à l’exception de l’article 885 U du même code, rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. 885 U. – 1. Le tarif de l’impôt est fixé par la somme :

« a) D’un tarif applicable à une fraction de la valeur nette taxable tel que disposé dans le tableau suivant :

«

en pourcentage

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Fraction de la valeur nette taxable du patrimoine

Tarif applicable

N’excédant pas 800 000 €

Supérieure à 800 000 € et inférieur ou égale à 1 300 000 €

Supérieure à 1 300 000 € et inférieure ou égale à 2 570 000 €

Supérieure à 2 570 000 € et inférieure ou égale à 5 000 000 €

Supérieure à 5 000 000 € et inférieure ou égale à 10 000 000 €

Supérieure à 10 000 000 €

« b) De tarifs de référence applicables à la valeur nette taxable des placements financiers tels que disposés dans le tableau suivant :

«

en pourcentage

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Type de placements financiers

Tarif applicable

Parts ou actions de société avec engagement collectif de conservation 6 ans minimum

Parts ou actions détenues par les salariés, mandataires sociaux et retraités

Autres valeurs mobilières (toutes les parts ou actions de sociétés dans lesquelles pas de fonction exercée : actions, FCP, Sicav, etc.)

Liquidités (CC, livrets, BT, épargne en tous genres)

Contrats d’assurance-vie

Titres ou parts de FIP, FCPI, FCPR reçus en contrepartie de la souscription au capital d’une PME

Droits sociaux de sociétés dans lesquelles le contribuable exerce une fonction ou une activité

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Face au dérèglement climatique, nous ne sommes pas égaux : nous ne le subissons pas tous de la même manière. Les inégalités climatiques se creusent aujourd’hui et, à terme, elles empireront. On sait déjà que des migrations climatiques vont invariablement arriver dans les années qui viennent, en lien avec ces inégalités.

Ces dernières sont tant sociales que géographiques. Ceux qui, chaque été ou chaque week-end, ont les moyens de s’abriter avec des climatisations ou peuvent partir dans des lieux de villégiature plus frais ne vivent pas de la même manière le réchauffement que ceux qui habitent au douzième étage d’une tour mal isolée, sans même un ventilateur – et même avec un ventilateur.

Face à la pollution non plus, nous ne sommes pas égaux. Ceux qui subissent le moins le dérèglement sont ceux qui polluent le plus. Selon un rapport d’Oxfam datant de septembre 2020, les 1 % les plus riches de la planète polluent deux fois plus, à eux seuls, que les 50 % les plus pauvres de la population. Ces inégalités sont croissantes.

En France, la tendance est la même : l’empreinte carbone moyenne d’un individu appartenant aux 10 % les plus riches est de 17, 8 tonnes de CO2 par an contre seulement 3, 9 tonnes pour les 50 % les plus pauvres, soit quatre fois et demie plus. L’écart est treize fois plus important quand on compare les 1 % les plus riches aux 50 % les plus pauvres dans notre pays.

Le Gouvernement doit donc pouvoir disposer d’un outil de justice sociale et de responsabilisation des catégories sociales dont le bilan carbone est le plus élevé. Cet amendement vise ainsi à rétablir une mesure de justice à la fois sociale et environnementale en instaurant un impôt sur la fortune basé sur l’empreinte carbone des ménages au patrimoine supérieur à 800 000 euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Marta de Cidrac

L’adoption de cet amendement conduirait à accroître encore davantage la pression fiscale, dans un contexte de crise.

Par ailleurs, le lien entre revenus et empreinte carbone n’est pas aussi simple que le laisse supposer la rédaction de cet amendement. Des ménages aisés peuvent avoir des empreintes faibles en raison de leurs choix de consommation, notamment alimentaire. De même, certains biens vertueux pour l’environnement ont parfois un coût élevé…

Votre argumentaire ne nous satisfait ni sur le fond ni sur la forme, raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili

Les auteurs de cet amendement souhaitent rétablir l’ISF, en l’ajustant au regard de l’empreinte écologique des biens qui composent le patrimoine.

La rédaction proposée est ambiguë et risque d’exposer le texte à la censure du Conseil constitutionnel. Je pense notamment à la mesure consistant à rétablir, dans leur version antérieure, les dispositions du code général des impôts, modifiées par l’article 31 de la loi de finances pour 1997, ce qui laisse supposer que l’impôt sur la fortune immobilière serait maintenu dans l’ordonnancement juridique. Si tel était le cas, la mesure proposée reviendrait à surtaxer, sans justification, le patrimoine, qui serait soumis aux deux impôts.

La rédaction proposée entretient également le doute sur la façon dont s’articulent les tarifs affectant la valeur nette taxable du patrimoine et les placements financiers.

Les dispositions de cet amendement sont source d’insécurité juridique et aucune précision ni justification ne sont apportées sur la hiérarchisation des tarifs applicables aux différents placements financiers, ce qui est également problématique au regard du principe d’égalité devant l’impôt.

Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je mets aux voix l’amendement n° 770 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 132 :

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 859 rectifié, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Dantec, Fernique, Labbé, Salmon et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Après l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’instauration d’une taxe carbone aux frontières européennes, pour contribuer à la réindustrialisation des États membres et inciter à la décarbonation des industries dans le monde, figure parmi les principaux objectifs de la présidence française de l’Union européenne en 2022. Cette taxe carbone prend en compte les émissions liées au transport de marchandises.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Cet amendement va peut-être davantage satisfaire Mme la rapporteure, qui craignait que les dispositions de l’amendement précédent ne soient trop mécaniques ou trop aveugles.

Les personnes les plus riches n’ayant pas forcément une empreinte écologique importante, nous proposons de cibler la consommation, critère tout à fait probant.

Avec l’abandon de l’impôt de solidarité sur la fortune et l’instauration de la flat tax, les récentes réformes fiscales ont fait exploser la fortune des milliardaires français : 40 % de plus en moyenne entre mars 2020 et mars 2021, selon Oxfam, alors que la majorité des Français, qui souffrent de la crise sanitaire et sociale, multiplient les privations dans leur quotidien.

Les inégalités sociales se doublent également d’inégalités écologiques. Le rapport qu’Oxfam a publié le 8 décembre 2020 révèle que, depuis les années 1990, …

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Madame Poncet Monge, l’amendement n° 859 rectifié porte sur la taxe carbone aux frontières européennes. Nous allons considérer qu’il est défendu…

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marta de Cidrac

Cet amendement vise à créer une taxe carbone aux frontières européennes.

Le mécanisme d’ajustement aux frontières est un projet de réforme ambitieux et pertinent que la France entend porter lors de sa présidence de l’Union européenne. Ce mécanisme doit permettre d’éviter les phénomènes de fuite carbone. Nous en avons déjà débattu, et nous sommes d’accord.

Si l’on ne peut que souscrire à l’objectif poursuivi, cet amendement ne me semble pas satisfaisant. Il constitue une forme d’injonction au Gouvernement dans la conduite de sa politique européenne, ce qui pose un problème de conformité à la Constitution. Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili

Cet amendement vise à inscrire dans la loi que l’instauration d’une taxe carbone figure parmi les principaux objectifs de la présidence française de l’Union européenne.

Madame la sénatrice, votre amendement est d’ores et déjà satisfait dans la mesure où la France soutient activement l’instauration d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, compatible avec les règles de l’OMC, en vue de sa mise en œuvre au 1er janvier 2023.

Nous attendons une proposition législative de la Commission européenne sur ce sujet, parmi d’autres, mi-juillet prochain. Je vous confirme que la mise en œuvre de ce mécanisme sera l’une des priorités de la présidence française. Nous y travaillons déjà dans le cadre de la préparation de cette présidence.

Pour ces raisons, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 606 rectifié bis, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Chasseing, Decool, Guerriau et Lagourgue, Mme Mélot et MM. Menonville, A. Marc et Capus, est ainsi libellé :

Après l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 1er septembre 2022, puis tous les cinq ans, une loi de programmation détermine les objectifs et les priorités d’action de la fiscalité écologique.

Chaque loi prévue au premier alinéa précise :

1° Le périmètre des taxes environnementales ;

2° Les objectifs visés par cette fiscalité, en cohérence avec les objectifs prévus aux articles L. 110-1, L. 541-1 et L. 211-1 du code de l’environnement et L. 100-4 du code de l’énergie ;

3° Une trajectoire prévoyant les taux de chaque taxe environnementale pour une période d’au moins cinq ans. Elle indique à ce titre le montant des recettes anticipées pour chacune des taxes concernées, en tenant compte des différentes exemptions ;

4° Les grands principes d’affectation des recettes des taxes concernées, en cohérence avec les objectifs mentionnés au 2°, ces principes garantissent l’équité de la fiscalité écologique et la protection des ménages modestes et la territorialisation partielle de ces dispositifs.

La parole est à M. Joël Guerriau.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Dégager des recettes afin de développer des alternatives écologiques sur l’ensemble des territoires est un enjeu majeur. La fiscalité écologique s’est d’ailleurs considérablement développée ces dernières années, en particulier avec la mise en place de la taxe carbone, qui représente aujourd’hui environ 8 milliards d’euros de recettes, et de la taxe générale sur les activités polluantes, qui représente environ 450 millions d’euros.

Le mouvement des « gilets jaunes », qui a débouché sur la création de la Convention citoyenne pour le climat, s’est notamment constitué en réaction à la hausse initialement prévue de la taxe carbone et a mis un coup d’arrêt au développement de cet outil.

Afin de pouvoir créer les conditions d’un débat apaisé sur le financement de la transition écologique et d’éviter les accusations de manque de transparence, cet amendement vise à ce que soit examinée une grande loi de financement de la transition écologique pour refonder les règles d’une fiscalité écologique plus juste, plus efficace, plus incitative, plus cohérente et surtout plus protectrice des Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Marta de Cidrac

L’organisation d’une loi-cadre de la fiscalité écologique ne relève pas réellement du domaine des lois ordinaires : avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili

Cet amendement vise à demander l’examen d’une loi quinquennale pour déterminer les objectifs et les priorités d’action de la fiscalité écologique.

En ce qui concerne les mesures de fiscalité écologique que nous avons portées depuis le début du quinquennat, nous avons toujours privilégié la lisibilité et la progressivité au service d’objectifs clairement annoncés, notamment en matière de déchets ou de réduction des dépenses fiscales en rapport avec les énergies fossiles. Nous avons aussi fait œuvre de transparence pour un débat parlementaire serein sur ces questions, conformément aux recommandations du rapport du Comité pour l’économie verte, rédigé par Mme Peyrol.

De nouveaux documents budgétaires ont ainsi été élaborés et annexés aux projets de loi de finances pour 2020 et pour 2021. Je pense notamment au fameux « budget vert », qui comporte une information très complète sur toutes les questions de fiscalité environnementale et de financement de la transition écologique. Je vous invite à vous saisir de ce document évolutif, qui sera sans doute encore amélioré dans les années à venir.

La loi quinquennale que vous appelez de vos vœux ne me semble donc pas nécessaire. Raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 606 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 772 rectifié, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Dantec, Fernique, Labbé, Salmon et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Afin de participer à l’effort de la nation pour lutter contre le réchauffement climatique et organiser l’adaptation face à ses effets dans un esprit de justice sociale, de contribuer au respect de la stratégie bas-carbone mentionnée à l’article L. 222-1 B du code de l’environnement et de favoriser les investissements durables pour verdir l’économie, les entreprises qui distribuent plus de 10 millions d’euros de dividendes annuels, participent, chaque année, à l’effort de financement à la hauteur de 4 % et celles dont les dividendes sont inférieurs ou égaux à dix millions d’euros participent à hauteur de 2 %.

Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2022, sous réserve de son adoption et des modalités déterminées en loi de finances.

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigé :

Chapitre …

Dispositions de programmation

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

D’après le rapport d’Oxfam, grâce aux bénéfices réalisés durant la crise sanitaire, Jeff Bezos pourrait verser une prime de 105 000 dollars à chacune des 876 000 personnes employées par Amazon dans le monde, y compris aux quelque 10 000 salariés français, tout en restant aussi riche qu’il ne l’était avant la pandémie de coronavirus.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Les grandes entreprises françaises ne font pas exception : selon l’entreprise d’information économique IHS Markit, relayée par Les Échos, elles devraient verser 52 milliards d’euros de dividendes en 2021 au titre de l’exercice 2020, soit un rebond de 42 % en un an.

Alors que le Président de la République répète régulièrement qu’il n’existe pas d’« argent magique », cet amendement, défendu par la Convention citoyenne pour le climat, vise justement à en trouver en poussant les grandes entreprises émettant d’importants dividendes à participer à l’effort général de financement de la transition écologique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marta de Cidrac

Les auteurs de cet amendement reprennent une des propositions de la Convention citoyenne pour le climat qui n’a pas été retenue par le Président de la République.

Au regard de la crise actuelle, il n’est pas souhaitable d’augmenter la pression fiscale. Sur ce point, ma réponse ne doit pas vous étonner…

En outre, dans le contexte de la relance de notre économie, il ne faut pas non plus brouiller le message adressé aux investisseurs étrangers, au service de l’attractivité de notre pays.

Pour ces raisons, ma chère collègue, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili

Il s’agit de l’une des trois propositions de la Convention citoyenne pour le climat que le Président de la République a rejetées.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Les 147 autres n’ont pas toutes été acceptées !

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili

Vous ne serez donc pas étonnée, madame la sénatrice, que le Gouvernement émette un avis défavorable sur votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je mets aux voix l’amendement n° 772 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 133 :

Le Sénat n’a pas adopté.

TITRE Ier

CONSOMMER

Chapitre Ier

Informer, former et sensibiliser

I. – Après la sous-section 1 de la section 2 du chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l’environnement, est insérée une sous-section 1 bis ainsi rédigée :

« Sous -section 1 bis

« Affichage de l ’ impact environnemental des biens et services

« Art. L. 541 -9 -9 -1. – Un affichage destiné à apporter au consommateur une information relative aux impacts environnementaux ou aux impacts environnementaux et au respect de critères sociaux d’un bien, d’un service ou d’une catégorie de biens ou de services mis sur le marché national est rendu obligatoire, dans les conditions et sous les réserves prévues à l’article L. 541-9-9-2.

« Cet affichage s’effectue par voie de marquage ou d’étiquetage ou par tout autre procédé adapté, en cas d’impossibilité technique de procéder par voie de marquage ou d’étiquetage. Il doit être visible ou accessible pour le consommateur, en particulier au moment de l’acte d’achat.

« L’information apportée fait ressortir, de façon fiable et facilement compréhensible pour le consommateur, les impacts environnementaux des biens et services considérés. Elle tient compte de l’ensemble des impacts environnementaux des biens et services considérés, notamment en termes d’émissions de gaz à effet de serre, d’atteintes à la biodiversité et de consommation d’eau et d’autres ressources naturelles, sur l’ensemble de leur cycle de vie. Elle tient également compte des externalités environnementales des systèmes de production des biens et services considérés, évaluées scientifiquement, en particulier pour les produits agricoles, sylvicoles et alimentaires.

« Art. L. 541 -9 -9 -2. – Un décret fixe la liste des catégories de biens et de services pour lesquelles, au terme et après validation des expérimentations mentionnées au II de l’article 1er de la loi n° … du … portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, l’affichage environnemental mentionné à l’article L. 541-9-9-1 du présent code est rendu obligatoire.

« Il définit, pour chaque catégorie de biens et de services concernés, la méthodologie à utiliser ainsi que les modalités d’affichage retenues et prévoit des conditions adaptées à la nature des biens et services concernés et à la taille de l’entreprise, en particulier pour les très petites, petites et moyennes entreprises, sous réserve de tenir compte des volumes qu’elles traitent.

« Pour les autres catégories de biens et de services, l’affichage volontaire se conforme aux prescriptions prévues par ce décret.

« Art. L. 541 -9 -9 -3. – Sous réserve du respect de l’article L. 151-1 du code de commerce, lorsqu’un motif d’intérêt général le justifie, un décret définit les produits et services dont les metteurs sur le marché mettent à disposition, dans un format ouvert librement utilisable et exploitable par un système de traitement automatisé, les données prises en compte dans l’affichage environnemental prévu à l’article L. 541-9-9-1 du présent code ainsi que les critères de taille applicables aux metteurs sur le marché assujettis à cette obligation.

« Art. L. 541 -9 -9 -4. – Tout manquement aux obligations d’affichage prévues à l’article L. 541-9-9-1 est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale. Cette amende est prononcée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V du code de la consommation. »

II. – Des expérimentations sont menées pour une durée maximale de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, pour chaque catégorie de biens et de services mentionnée à l’article L. 541-9-9-1 du code de l’environnement, afin d’évaluer différentes méthodologies de calcul des impacts environnementaux et modalités d’affichage. La sélection des territoires où sont menées les expérimentations tient compte d’un double objectif de diversité et de représentativité.

Ces expérimentations débutent dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi et prévoient des modalités spécifiques adaptées à la nature des biens et services concernés et à la taille de l’entreprise, en particulier pour les très petites, petites et moyennes entreprises, sous réserve de tenir compte des volumes qu’elles traitent.

L’évaluation de chaque expérimentation est transmise par le Gouvernement au Parlement et rendue publique.

III. – À l’issue des expérimentations mentionnées au II du présent article et après évaluation de celles-ci, l’affichage environnemental est rendu obligatoire, dans les conditions prévues à l’article L. 541-9-9-2 du code de l’environnement, prioritairement dans les secteurs du textile d’habillement, des produits alimentaires, de l’ameublement, de l’hôtellerie et des produits électroniques.

IV. – Après le 26° de l’article L. 511-7 du code de la consommation, il est inséré un 27° ainsi rédigé :

« 27° De la sous-section 1 bis de la section 2 du chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l’environnement. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 1609, présenté par MM. J. Bigot, Montaugé et Kanner, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert et Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Préville, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 4

Après le mot :

affichage

insérer le mot :

unique

II. - Alinéa 8

Remplacer les mots :

ainsi que les modalités d’affichage retenues

par les mots :

pour établir l’affichage environnemental mentionné à l’article L. 541-9-9-1

III. - Alinéa 12, première phrase

Remplacer les mots :

modalités d’affichage

par les mots :

de concevoir des modalités identiques d’affichage

La parole est à M. Joël Bigot.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bigot

Cet amendement tend à ce que l’affichage environnemental prévu à l’article 1er soit un dispositif unique, conformément à la préconisation n° 20 du rapport du Conseil économique, social et environnemental de mars 2019, rédigé par M. Philippe Dutruc, « afin que, d’un seul coup d’œil, les consommateurs et les consommatrices retrouvent les principales informations et puissent faire les comparaisons entre différents produits et services ».

Le CESE envisage notamment de s’inspirer soit de la méthode Ademe, soit de la méthode PEF, qui utilisent une échelle de classement A, B, C, D, E très identifiable par le consommateur, de recourir à des logos indiquant le classement du produit au regard d’indicateurs ad hoc non pris en compte dans l’ACV, de mettre en place un dispositif de type QR code renvoyant vers un site permettant d’obtenir des informations détaillées sur la notation obtenue.

Les sénateurs socialistes partagent cette analyse et estiment important d’envisager la mise en place de ce cadre unique dès le stade des expérimentations afin de pouvoir ajuster aussi bien les méthodologies que leurs convergences. Gage d’efficacité de cette mesure, l’uniformité du futur affichage environnemental est donc indispensable pour la clarté de l’information et ouvre plus sereinement la voie à la généralisation pour tous les types de biens et services.

Debut de section - PermalienPhoto de Marta de Cidrac

Je partage l’esprit de cet amendement, qui vise à obtenir un cadre unique pour l’affichage environnemental permettant ainsi aux consommateurs de saisir en un coup d’œil les informations nécessaires à leur choix. Toutefois, la rédaction retenue me paraît conduire à une rigidification du dispositif adopté en commission. En outre, il faut laisser de la souplesse au stade de l’expérimentation pour envisager plusieurs types de modalités d’affichage avant leur généralisation.

Pour ces raisons, mon cher collègue, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili

C’est un peu prématuré. Le but des expérimentations est justement de définir le meilleur affichage possible. Chaque chose en son temps.

Les expérimentations ont lieu en ce moment et plusieurs types d’affichage ont déjà été testés. Je suis allée voir celui de l’entreprise Décathlon, déjà en place dans les rayons, et qui peut encore être fortement amélioré, notamment en termes de visibilité.

L’objectif est donc bien de tester plusieurs méthodologies et modalités d’affichage afin de définir le cadre le plus pertinent pour le consommateur et pour le secteur concerné. On peut très bien imaginer que l’affichage du secteur textile et celui du secteur alimentaire, par exemple, soient différents. Laissons les expérimentations avoir lieu pour obtenir une réponse adaptée.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bigot

J’ai entendu les explications de la commission et du Gouvernement.

Il me semble que la mise en place de cet affichage unique serait une bonne chose. Tout le monde est d’accord sur l’esprit, mais j’entends que c’est prématuré. Nous aurons l’occasion de revenir sur ces sujets.

En attendant, je retire mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 1609 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 1378, présenté par MM. J. Bigot, Montaugé et Kanner, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert et Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Préville, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer les mots :

ou aux impacts environnementaux

La parole est à M. Joël Bigot.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bigot

Cet amendement vise à rendre obligatoire la prise en compte de critères sociaux dans l’élaboration de l’affichage environnemental. La rédaction actuelle, malgré l’adoption d’un amendement de précision en commission, n’en fait qu’une faculté, ce qui ne semble pas aller dans le sens du mieux produire et de façon durable.

Au regard des attentes sociétales, les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain considèrent que ce futur affichage ne saurait occulter les conditions de travail dans lesquelles les biens ont été produits. Comment tolérer, demain, qu’un produit bénéficie d’un affichage environnemental élogieux, alors qu’il aura été fabriqué dans des conditions déplorables, proches de l’esclavage moderne, ou par des enfants ?

En outre, la prise en compte du respect de critères sociaux permettrait de s’assurer contre une concurrence déloyale entre les biens en se basant sur des normes de production identiques.

Madame la ministre, nous savons qu’il faut éviter d’ajouter trop de critères pour que le dispositif reste applicable, mais vous comprendrez également qu’il nous semble indispensable de faire cet effort pour certains d’entre eux, notamment ceux visant à prendre en compte la dimension humaine, dans la construction du nouvel affichage.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 766 rectifié, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Dantec, Fernique, Labbé, Salmon et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

ou aux impacts environnementaux et au respect de critères sociaux

par les mots :

, au respect de critères sociaux et des droits humains dans la production

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Les plus grandes entreprises françaises ont l’obligation, depuis 2017, d’établir un plan de vigilance des risques de violation des droits humains et environnementaux que leur activité et celle de leurs sous-traitants induisent, mais cette mesure législative n’est pas totalement respectée. Aujourd’hui encore, des groupes, des sociétés et des enseignes bafouent les droits sociaux et humains d’individus, y compris d’enfants, à travers le monde, tout au long de la chaîne de production. Le respect des critères sociaux et des droits humains ne saurait être une dimension facultative de l’information du consommateur.

Comme M. Bigot, nous estimons qu’il faut aller plus loin que la rédaction actuelle de l’article 1er, qui laisse entendre que l’affichage de critères sociaux serait facultatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Marta de Cidrac

En commission, nous avons rétabli l’esprit de la rédaction prévue à l’article 15 de la loi AGEC sur l’affichage environnemental, qui permettait de faire soit un affichage environnemental, soit un affichage environnemental et social. Il faut conserver cette double possibilité pour appliquer l’affichage environnemental de façon pertinente aux différents secteurs concernés.

Par ailleurs, l’adoption de l’amendement n° 1378 pourrait rendre beaucoup plus complexe le déploiement de l’affichage environnemental alors même que nous devons avancer vite sur ce sujet, les premiers travaux méthodologiques ayant été engagés voilà plus de quinze ans.

Compte tenu du fort impact de ce dispositif d’affichage sur l’orientation des consommateurs vers des biens vertueux en termes environnementaux, je tiens à ne pas en faire un système trop rigide ou trop difficile à déployer.

Pour ces raisons, monsieur le sénateur, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

L’amendement n° 766 rectifié, quant à lui, est satisfait : les droits humains font partie des critères sociaux qui devront, à mon sens, être pris en compte dans l’affichage environnemental et social. Je vous demande donc, madame la sénatrice, de bien vouloir le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili

En ce qui concerne l’amendement n° 1378, qui vise à rendre obligatoire la prise en compte des critères sociaux dans l’affichage environnemental, l’article 1er prévoit déjà la possibilité d’étendre l’affichage environnemental à des critères sociaux. Je ne souhaite pas que cela soit systématique, mais circonscrit aux cas pertinents.

L’amendement n° 766 rectifié, quant à lui, vise à ajouter des critères relatifs aux droits humains dans l’affichage social. Bien évidemment, tout le monde ici partage cet objectif. La France s’est d’ailleurs engagée, en avril dernier, dans une démarche auprès de l’Organisation internationale du travail pour accéder au statut de pays pionnier en matière d’éradication du travail des enfants, du travail forcé, de la traite des êtres humains et des formes contemporaines de l’esclavage.

Ces travaux, qui vont mobiliser cinq ministères, les partenaires sociaux, les associations, visent à accélérer les efforts de notre pays dans l’atteinte de cet objectif sur son territoire national, mais aussi dans le cadre de sa coopération européenne et internationale, ainsi que tout le long des chaînes d’approvisionnement mondiales de ces entreprises multinationales, notamment en ce qui concerne ses commandes publiques.

Le Gouvernement a missionné la plateforme RSE de France Stratégie, qui doit remettre son rapport fin 2021, afin de bien définir non seulement le champ qui sera couvert par cette obligation d’affichage social, mais aussi les moyens d’y parvenir. Ce sont ensuite les expérimentations, en associant les parties prenantes, qui permettront de définir le type de critères sociaux et les produits dont l’impact social devra être pris en compte. Or la loi ne saurait préjuger les résultats de ce rapport.

Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bigot

J’entends ces objections, mais je crois savoir que la France est le pays des droits de l’homme. Or les conditions de fabrication de certains produits et la main-d’œuvre qui est parfois employée m’interpellent. Cet affichage permettrait au moins d’assurer une transparence ; au consommateur de se faire ensuite son idée.

Je maintiens donc cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je mets aux voix l’amendement n° 766 rectifié.

La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

J’invite les membres de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable à se réunir en salle Médicis dès la suspension.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Mes chers collègues, M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République en date du 14 juin 2021 portant convocation du Parlement en session extraordinaire à compter du 1er juillet 2021.

La conférence des présidents, qui se réunira mercredi à quatorze heures, permettra d’établir le programme de la session extraordinaire.

L’ordre du jour vous sera communiqué à l’ouverture de la séance du mercredi 16 juin.

Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.