Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est naturellement avec beaucoup de sérieux et de sens des responsabilités que nous avons examiné ce projet de loi.
La commission des affaires économiques s’est appuyée sur l’expertise et la compétence reconnues de quatre rapporteurs spécialistes de leur domaine : Anne-Catherine Loisier pour les sujets concernant la consommation, l’alimentation, l’agriculture et la forêt, dans le prolongement des travaux menés sur la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Égalim) dont elle était l’un des rapporteurs ; Dominique Estrosi Sassone pour le volet logement, spécialiste de ces questions, qui a notamment été rapporteure la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ÉLAN ; Daniel Gremillet, président du groupe d’études « Énergie » et rapporteur de la loi Énergie-climat ; et enfin Jean-Baptiste Blanc pour le volet artificialisation des sols, dans le prolongement du groupe de travail qu’il a animé depuis le début de l’année.
Je voudrais, dans le temps beaucoup trop limité qui m’est imparti, relayer leur voix afin de donner à cette intervention une portée générale, et afin aussi de rendre hommage à leur travail passionné, fait d’écoute et de réflexion avec leurs collègues des différentes commissions et avec les administrateurs.
Madame la ministre, notre préoccupation constante a été d’améliorer l’efficacité de ce texte. Nous partageons en effet avec le Gouvernement l’idée qu’une transition vers une économie plus sobre en carbone n’est pas une option, mais une nécessité absolue.
Nous souhaitons une transition écologique ambitieuse, créatrice de valeur et d’emplois. C’est une priorité identifiée depuis longtemps par notre commission. De ce point de vue, l’opposition entre l’économie et l’environnement est pour nous un total contresens. Le dérèglement climatique et la destruction de la biodiversité sont des dangers majeurs pour l’économie et, à l’inverse, la transition écologique est un formidable gisement de croissance et d’emplois. Pour la mener, la France dispose de nombreux atouts.
Mes chers collègues, n’oublions pas que la France se distingue d’ores et déjà par un très faible niveau d’émissions de gaz à effet de serre. Elle dispose, par ailleurs, de très nombreux acteurs économiques, également très performants, puisqu’ils sont des leaders mondiaux en matière de croissance verte !
C’est pourquoi nous avons la conviction que la transformation de notre économie se fera grâce au dynamisme des entreprises, des agriculteurs, de tous les acteurs, et grâce au sens des responsabilités des consommateurs, bref grâce aux Français.
Nous souhaitons une transition qui se fonde sur les découvertes scientifiques, sur l’innovation, l’entrepreneuriat, la liberté et la responsabilité individuelle. L’avenir, c’est pour nous une croissance verte et vertueuse.
Pendant trop longtemps, la France a amélioré son empreinte carbone en délocalisant ses émissions, puis en important massivement des biens, notamment industriels. Or désindustrialiser la France, ce n’est pas décarboner la planète.
C’est pourquoi nous souhaitons une transition écologique qui soit compatible non seulement avec la compétitivité des entreprises françaises et avec notre souveraineté, mais aussi avec notre responsabilité morale dans le monde.
De même, dans le secteur agricole, veillons à ce que nos exigences environnementales, légitimes, ne renchérissent pas le prix des denrées alimentaires. Veillons aussi à ce que, en créant les conditions d’une concurrence tellement déloyale, elles ne favorisent pas toujours plus les importations en provenance de pays qui ne les respecteraient pas !
Oui, il existe une complémentarité entre l’objectif à atteindre d’une économie plus décarbonée et la recherche d’une plus grande souveraineté économique !
Vous l’aurez compris, notre commission a visé, dans l’examen de ce texte, un juste équilibre entre des préoccupations environnementales et économiques, auxquelles j’ajouterai, évidemment, des préoccupations sociales.
La crise des « gilets jaunes » nous a en effet montré le risque de créer des laissés-pour-compte de la transition écologique. Nous avons eu à cœur, grâce à nos amendements, d’y embarquer tous les Français et dans tous les domaines. Telles sont les convictions qui ont animé notre commission.
Par conséquent, quel jugement portons-nous sur ce texte ? Je dirai sobrement qu’il comporte des dispositions de portée inégale. Il fixe indéniablement des objectifs pertinents et prévoit certaines mesures utiles, alors que d’autres visent selon nous davantage l’affichage que l’efficacité. En outre, certains articles sans portée juridique relèvent plus de l’effet d’annonce que de la loi.
Enfin, le projet de loi fait des impasses que nous avons cherché à combler, notamment dans le domaine de l’énergie ou dans celui des forêts, cher à Anne-Catherine Loisier.
Le texte que nous examinons aujourd’hui, issu des travaux de la commission, a donc été à notre sens considérablement enrichi, puisque nous avons adopté 200 amendements !
Qu’avons-nous cherché à faire ? Le premier objectif a été de relever l’ambition du projet de loi initial. Sous l’impulsion des rapporteurs, quand cela était possible et utile, nous avons rapproché certaines échéances, et élargi certaines cibles ou le champ d’application de certaines mesures. Je pense notamment, chère Dominique Estrosi Sassone, à la rénovation énergétique des logements, à l’affichage environnemental, ou à la lutte contre la déforestation importée.
Nous avons deuxièmement cherché à combler les angles morts du texte. Il nous a semblé important de muscler le volet énergétique, dans la mesure où la décarbonation de notre économie passe en premier lieu par celle de notre mix énergétique. C’est pourquoi nous avons ajouté des dispositions relatives à l’hydroélectricité, à l’hydrogène renouvelable et bas-carbone, et au nucléaire.
De la même façon, nous avons ouvert le sujet de la connaissance de nos sous-sols, dans le cadre de la réforme du code minier. À l’heure d’une transition économique inédite, reposant sur le numérique et sur les batteries électriques, il est inenvisageable de ne pas connaître les richesses de nos propres sous-sols, et de seulement compter sur l’exploitation de ceux des pays en voie de développement, dans des conditions environnementales et sociales souvent loin d’être vertueuses.
C’est une question de souveraineté, mais je vous le dis, c’est aussi une question de morale.
Nous avons prévu, troisièmement, des dispositions pour accompagner les ménages les plus précaires et les petites entreprises dans cette transition. La commission a adopté des amendements qui tendent à lutter contre la précarité énergétique en améliorant l’accès aux aides, en facilitant la réalisation de travaux, en garantissant un reste à charge minimal, ou en rendant possible la gratuité des « accompagnateurs Sichel ». Les pouvoirs publics doivent préserver le pouvoir d’achat des plus modestes dans cette transition, à défaut de quoi nous nous heurterions à une opposition frontale à tout changement !
Nous avons adopté, quatrièmement, des amendements pour recalibrer certains dispositifs. Je pense, par exemple, à la liste des produits à privilégier dans la restauration collective, qui est aujourd’hui trop restrictive. Nous l’avons élargie aux produits locaux et aux circuits courts.
Je pense aussi à l’adoption d’un plan « Éco’Azote », plus incitatif et plus opérationnel que des taxes qui ont comme défauts majeurs – je le redis – de mettre les agriculteurs en situation de concurrence déloyale au sein même de l’Europe, et de les taxer tous, même ceux qui sont bons élèves. Nous ne sommes pas des adeptes de la punition collective.
Nous avons, cinquièmement, souhaité simplifier les dispositifs proposés, chaque fois que cela était possible. Il est en effet paradoxal que la transition écologique se traduise par la multiplication de normes réglementaires qui souvent, voire toujours, freinent les initiatives.
C’est en ce sens que nous avons simplifié les dispositions sur le réemploi des friches, ou sur l’exploitation de la petite hydroélectricité. Il faut veiller, en effet, à ce que cette transition ne se traduise pas par une immixtion croissante dans notre quotidien d’un dirigisme étatique et technocratique qui nous veut du bien, malgré nous, tout en bridant les initiatives les plus vertueuses et les plus innovantes.