Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous y sommes ! Il aura fallu attendre deux ans, depuis l’annonce faite par le Président de la République de la création de la Convention citoyenne pour le climat, en avril 2019, pour que le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets puisse être débattu dans notre hémicycle. Ce projet de loi intervient après une série de textes qui ont amorcé, depuis plus de dix ans, chacun à leur niveau, la transition énergétique et écologique de notre pays.
Depuis 2018, nous avons examiné deux textes importants relatifs à la transition écologique et énergétique : la loi d’orientation des mobilités et la loi AGEC. Le présent projet de loi, lui, traduit l’aspiration des Français à vivre dans un environnement préservé, à se déplacer et à consommer différemment. Avant tout, il permet au Président de la République de cocher la case « climat ».
La transition écologique est nécessaire, mais elle ne saurait être contraignante. Elle doit tenir compte des réalités économiques et sociales de notre pays ; c’est la définition même du développement durable. C’est au législateur que revient la tâche de définir ce qui est à la fois indispensable, raisonnable et acceptable. C’est un subtil équilibre. Nous devons être attentifs à ce que la transition ne devienne pas l’exclusion. C’est pourquoi le fruit de nos travaux ne saurait être frappé du sceau du dogmatisme. Je l’ai souvent dit dans cet hémicycle, ce chemin vers une économie décarbonée et respectueuse de l’environnement ne se fera pas sans intégrer l’ensemble des acteurs et chacun de nos concitoyens dans les réflexions et dans l’action.
Pour en venir au texte, je dirai que ce dernier souffre de sa construction difficile et des attentes qu’il a légitimement suscitées. La Convention citoyenne pour le climat a fait part de sa déception quant à la prise en compte par le Gouvernement des mesures qu’elle avait proposées, les jugeant insuffisantes et déplorant une forme de trahison puisque le Président de la République s’était engagé à les reprendre « sans filtre ».
Selon l’avis rendu par le Haut Conseil pour le climat, ce projet de loi manque de portée stratégique et ne contribuerait pas à atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Lors de son audition au Sénat dans le cadre du projet de loi constitutionnelle, j’ai fait part au garde des sceaux d’une certaine incohérence entre la volonté affirmée de modifier la Constitution sur la question environnementale et ce texte, taxé d’être insuffisant par presque tous les acteurs. Ce n’est donc pas une surprise si le projet de loi, qui comptait 69 articles lors de son dépôt à l’Assemblée nationale, a été transmis au Sénat avec 218 articles, soit plus du triple.
Je rappelle, une fois de plus, que le temps dont nous avons disposé pour examiner ce texte est tout simplement insuffisant. Pour preuve, le Gouvernement n’a pas eu la possibilité d’évaluer l’impact environnemental des nouvelles mesures votées à l’Assemblée nationale, et ce malgré les recommandations du Haut Conseil pour le climat.
Je dois vous avouer que, en examinant la nouvelle version de ce texte, j’ai été d’abord frappé par la faible portée normative des différentes dispositions. On navigue très souvent entre des mesures symboliques ou anecdotiques ; je pense notamment à la suppression de la publicité aérienne et aux nombreuses demandes de rapport.
Les objectifs fixés par l’accord de Paris sur le climat – réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici à 2030 par rapport à 1990 et neutralité carbone d’ici à 2050 – semblent tout simplement inatteignables au regard de la portée normative du texte. Nous avons souhaité mettre l’accent sur ce manque d’ambition à travers un amendement tendant à insérer un article additionnel avant le titre Ier A, rédigé collectivement et soutenu par la plupart des groupes politiques.
Il n’est pas dans les habitudes du Sénat de se résigner devant un projet de loi dont l’étude d’impact comporte de nombreuses zones d’ombre. Le Haut Conseil pour le climat a demandé au Parlement de compléter et d’améliorer la portée des mesures : c’est ce que nous avons décidé de faire ici. Nous avons souhaité, via le travail en commission, redonner au texte une véritable ambition ; en bonne intelligence et en responsabilité avec tous les groupes politiques, nous en avons retravaillé chaque aspect.
À ce titre, je souhaite saluer le travail des commissions saisies au fond et pour avis, de mes collègues rapporteurs, en particulier Marta de Cidrac, Philippe Tabarot et Pascal Martin pour la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui ont eu à entendre et à examiner les positions de plus de deux cents acteurs. Je tiens également à saluer le travail essentiel accompli par les personnels du Sénat, notamment ceux de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ; je les remercie de leur mobilisation.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 1 960 amendements ont été déposés en commission, 697 ont été adoptés. Je n’oublie pas les 1 800 élus locaux qui se sont mobilisés sur ce sujet via une consultation en ligne proposée par le Sénat. Si nous avons le rôle de définir la politique en matière de transition écologique, ces élus ont, quant à eux, la tâche de la décliner dans nos territoires et sont une force de proposition.
Ce travail d’écoute et ces nombreuses modifications permettent, avant l’examen en séance publique, de présenter un texte davantage en adéquation avec les objectifs climatiques. Je ne reviendrai pas sur les mesures votées en commission, qui ont été détaillées, pour la plupart, par les différents rapporteurs.
Les présidents de groupe de la majorité sénatoriale, les présidents de commission et les rapporteurs ont su traduire la volonté du président du Sénat d’aboutir à une position équilibrée qui réponde aux objectifs fixés dans le cadre des négociations climatiques internationales et aux impératifs économiques et sociaux. Les débats qui vont suivre devraient conforter ces orientations – je m’en félicite !
Mes chers collègues, madame la ministre, je vous remercie par avance de votre présence et de vos riches contributions.