Intervention de Étienne Blanc

Réunion du 14 juin 2021 à 16h00
Lutte contre le dérèglement climatique — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Étienne BlancÉtienne Blanc :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que l’influence des activités humaines sur le climat, en raison des émissions de CO2 et des gaz à effet de serre, fait l’objet d’un accord quasi unanime, il est tout de même bien curieux que le Gouvernement puisse présenter un texte si faible, qui n’atteindra pas les objectifs qu’il annonce.

Ce texte provient de la crise dite « des gilets jaunes », laquelle engendra une bien curieuse institution : la Convention citoyenne pour le climat. On dit que cette instance fut constituée par tirage au sort. Mais, lorsque le sort ouvre la porte à plus de 50 % de représentants d’associations, de militants proches des milieux environnementaux, lesquels recueillent à peine 10 % des voix aux élections nationales, on ne peut s’empêcher de penser que, finalement, le sort a de bien mauvaises manières…

Pour les Grecs, au temps de la démocratie athénienne, le tirage au sort était absolument insoupçonnable. Il n’était pas le fruit du hasard : c’étaient les dieux qui choisissaient à la place des hommes, lesquels ne pouvaient pas choisir. D’ailleurs, madame la ministre, pendant le long débat qui s’annonce, vous ne manquerez pas de nous dire à quel dieu nous devons ce résultat aussi surprenant qu’improbable !

Mais voilà que, désormais, les tirés au sort se rebellent. Ils se rebellent contre un texte qu’ils jugent notoirement insuffisant.

Les Français pensaient qu’en 2020 le palais de l’Élysée avait enfin trouvé le système démocratique idéal, celui sur lequel le monde réfléchit depuis Platon, et que le génie créatif de La République En Marche avait trouvé la martingale permettant, ainsi, de lutter contre le changement climatique. Rien que cela ! Patatras ! Cela n’a pas marché comme on l’espérait. Mais c’était à prévoir. Le constituant de 1958, lui, l’avait bien prévu, puisqu’il écrivait dans l’ordonnance du 17 novembre : « Il est interdit d’apporter des pétitions à la barre des deux assemblées. »

En fait, vous avez confondu consultation et décision. Dès lors, le texte que vous nous présentez contient une foule de mesures anecdotiques, brouillonnes et désordonnées, produites par des lobbies divers et par des associations qui, s’ils sont actifs, sont issus d’un sort sur lequel pèse évidemment le soupçon. De surcroît, nous le savons, la mise en œuvre de cette foule de mesures sera coûteuse, pour des résultats marginaux.

Ce texte contient plus de trente-cinq mesures d’interdiction, sur la base desquelles votre administration ne manquera pas de produire une réglementation foisonnante. Il va bien falloir qu’elle s’assure que les interdictions et les sanctions qui les accompagnent seront mises en œuvre. On le sait, en la matière, au ministère de l’environnement, on ne fait pas dans la demi-mesure ; en tout cas, on ne manque pas de ressources.

Pour contrôler la publicité dans les échoppes et dans les magasins ; pour former, sensibiliser, éduquer – surtout rééduquer – dans tous les domaines ; pour inspecter les cantines scolaires et leurs frigidaires ; pour s’assurer que les échantillons de parfum ne seront distribués qu’à bon escient ; pour surveiller et contrôler les agriculteurs, déjà accablés par une réglementation qu’ils n’arrivent pas à suivre, vous allez bien sûr créer des postes de fonctionnaires. Surtout, vous allez produire des normes, encore plus de normes, toujours plus de normes ! Le respect du Parlement aurait d’ailleurs mérité que vous nous fournissiez une étude d’impact précise, digne de ce nom, pour mesurer l’ampleur des conséquences financières de ce projet de loi.

Enfin, ce projet de loi est une belle occasion manquée. Vous auriez dû l’organiser en partant des sources du réchauffement climatique, qui sont aujourd’hui parfaitement identifiées, chacune contribuant à hauteur d’environ un tiers : l’habitat, le transport et l’industrie.

Nous le savons, en l’état des données actuelles de la science, c’est l’électricité qui permet d’apporter une réponse solide : utilisée directement ou indirectement avec la filière hydrogène, elle permet des activités humaines, économiques ou industrielles absolument neutres en émission de carbone. Mais, pour produire cette électricité, la filière nucléaire est indispensable, sauf à poursuivre le massacre de nos paysages, par l’implantation d’éoliennes produites d’ailleurs pour la plupart en Chine, ou par la couverture de panneaux solaires, désormais exclusivement produits en Chine eux aussi, puisque la filière européenne n’existe plus. Las, les dieux qui ont influencé le sort de la Convention citoyenne pour le climat semblaient ne pas connaître, ou en tout cas ne pas soutenir, cette filière contemporaine, qui est désormais absente du présent texte.

Alors, nous allons discuter et améliorer ce projet de loi. Nous allons travailler sur un certain nombre de mesures utiles : l’artificialisation des sols, l’écotaxe régionale ou l’isolation des logements, par exemple. Mais, d’ores et déjà, nous le savons, votre texte n’est pas à la hauteur des enjeux. Pis encore, il va créer une nouvelle déception, dans une démocratie déjà bien fatiguée !

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