Intervention de Alain Néri

Réunion du 25 octobre 2011 à 14h30
Service citoyen pour les mineurs délinquants — Suite de la discussion en procédure accélérée et rejet d'une proposition de loi

Photo de Alain NériAlain Néri :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la rapporteure, mes chers collègues, oui, la délinquance des mineurs est un problème réel et important, mais il ne date pas d’aujourd’hui, même s’il est particulièrement d’actualité.

En effet, dès 1945, à la Libération, le Gouvernement s’en était occupé en mettant en œuvre l’ordonnance relative à l’enfance délinquante. La description donnée de l’enfant en danger était d'ailleurs claire : est en danger tout enfant dont la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation sont compromises.

Le traitement d’un tel sujet appelle à l’évidence l’élaboration d’un projet ambitieux et réfléchi pour les enfants et adolescents en difficulté. Or la proposition de loi que nous examinons est avant tout un texte d’affichage. C’est pourquoi je conteste son contenu et réfute son opportunité.

Pourquoi proposer une nouvelle réforme de l’ordonnance de 1945 alors que vous affirmez, monsieur le ministre, qu’un code de la justice pénale des mineurs est quasiment achevé ?

Il est parfaitement illogique et inopportun d’apporter à l’ordonnance de 1945 de nouvelles modifications, qui ne pourront que nuire à sa lisibilité et à sa cohérence.

Sur le fond, la proposition de loi qui nous est soumise est inutile. En effet, l’article 10 de l’ordonnance de 1945 permet déjà le placement de mineurs dans des établissements et dans des institutions d’éducation, de formation professionnelle ou de soins, relevant de l’État ou d’une administration publique habilitée.

Pour toutes ces raisons, il n’y a pas lieu de créer un nouveau dispositif législatif, si ce n’est pour faire du spectaculaire et obtenir un effet d’annonce au travers d’un texte de circonstance, à quelques mois de l’élection présidentielle.

À l’origine, les centres relevant de l’EPIDE avaient pour vocation d’assurer l’insertion professionnelle et sociale de jeunes en difficulté scolaire, sans qualification professionnelle ni emploi, en danger de marginalisation, mais volontaires pour s’engager dans un projet éducatif global, c’est-à-dire une véritable école de la deuxième chance.

Le texte qui nous est soumis prévoit de mêler à ces jeunes volontaires de jeunes délinquants, qui devront choisir entre la prison et l’entrée dans un tel centre. Ce serait transformer une structure d’insertion en structure de sanction, en alternative à l’enfermement.

Les jeunes accueillis étant différents, l’approche pédagogique ne peut être la même. Il faut individualiser les parcours d’éducation et de formation pour être efficaces. Ce n’est pas la nouvelle modification de l’ordonnance de 1945 qui nous est proposée qui permettra de pallier l’absence d’éducateurs en milieu ouvert, prêts à intervenir dès le début de la déscolarisation ou l’apparition de difficultés en matière d’autorité parentale, ni celle de structures de rééducation adaptées.

Monsieur le ministre, pour mettre en place une véritable politique de prévention, il faut radicalement changer les orientations de votre action en direction des services de la protection judiciaire de la jeunesse. Depuis trois ans, vous avez supprimé 400 postes en leur sein. À lui seul, le budget de la justice pour 2011 a organisé la disparition de 117 postes. Quant à votre projet de budget pour 2012, il semble poursuivre sur cette lancée. Paradoxalement, il y est prévu que les crédits des centres relevant de l’EPIDE diminueront de 5 millions d’euros, passant de 85 millions à 80 millions d’euros.

De plus – cerise sur le gâteau ! –, le directeur de l’EPIDE, à qui vous aviez reconnu de nombreux mérites, vient d’être remercié du jour au lendemain, sans explication. Mais peut-être allez-vous enfin, monsieur le ministre, nous en donner une ?

En réalité, il est urgent de redonner aux services de la protection judiciaire de la jeunesse les moyens d’exercer leur mission, car, sans nier les qualités des uns et des autres, il faut rappeler ce vieux principe d’efficacité : à chacun son métier !

S’agissant de la jeunesse, et plus particulièrement des jeunes en difficulté, on ne peut se satisfaire de textes de circonstance, ni de bricolages en tous genres. Organisez une remise à plat totale de ce texte, monsieur le garde des sceaux, ordonnez la réalisation d’une étude d’impact sérieuse, afin de dresser un bilan des besoins humains et financiers que requiert le traitement d’un problème d’une telle importance.

Donnons-nous les moyens de développer des politiques de prévention propres à éviter que ne soient gâchées les vies d’un trop grand nombre de jeunes citoyens. De surcroît, la mise en œuvre de telles politiques engendrerait de grandes économies pour l’État, en ces temps de crise financière, et donnerait une nouvelle chance, une nouvelle espérance, à de nombreux jeunes.

Donnons également à la justice les moyens de faire appliquer rapidement ses décisions, au lieu de la critiquer injustement. C’est ainsi que, ensemble, nous retrouverons le chemin de la cohésion nationale. Tel est le vœu que formulent les sénatrices et sénateurs socialistes.

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