secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, chargé des retraites et de la santé au travail. - Madame la présidente, madame et monsieur les rapporteurs, mesdames et messieurs les sénateurs, je suis heureux d'être ici et de vous consacrer le temps que vous souhaiterez pour échanger sur cette proposition de loi qui, vous l'avez dit, madame la présidente, porte sur la santé au travail et suit désormais son parcours parlementaire.
Cette audition constitue un temps d'échange précieux pour vous apporter le regard du Gouvernement, tant sur sa méthode originale que sur son contenu. Je voudrais tout d'abord, madame la présidente, saluer l'engagement de votre commission sur les questions de santé au travail et, en particulier, celui de Mme Gruny et de M. Artano.
Le rapport d'information que vous avez réalisé tous deux en 2019 a, je crois, largement ouvert la voie à l'accord national interprofessionnel (ANI) sur la santé au travail et à la proposition de loi dont nous allons débattre aujourd'hui.
Je tiens également à souligner la qualité et la richesse du travail que nous avons pu réaliser avec Mmes Charlotte Lecocq et Carole Grandjean, rapporteures de la proposition de loi à l'Assemblée nationale. Charlotte Lecocq, vous le savez, a également été sollicitée dans le cadre de rapports sur la santé au travail, notamment celui remis en 2018, en commun avec Bruno Dupuis et Henri Forest.
Je sais pouvoir compter sur l'engagement de l'ensemble de la commission des affaires sociales en faveur de la prévention et de la rénovation de notre système de santé au travail. Au-delà des propositions individuelles qui pourront émerger au cours des débats, je formule le voeu que nous puissions collectivement construire un consensus le plus large possible sur cette réforme au sein du Sénat.
Je voudrais prendre quelques instants pour revenir sur le caractère novateur de ce texte, tant dans la méthode que dans le contenu.
Cette proposition de loi a été déposée le 23 décembre dernier, quelques jours seulement après la signature de l'accord national interprofessionnel. Elle constitue un vecteur pour traduire dans la loi cette fructueuse négociation.
Comme vous le savez, celle-ci a été menée sur proposition du Gouvernement à partir de mars 2020, sur la base du document d'orientation transmis aux partenaires sociaux par Muriel Pénicaud.
La signature de l'accord national interprofessionnel sur la santé au travail par le Medef, la CPME, l'U2P, la CFDT, Force ouvrière, la CFE-CGC et la CFTC doit nous permettre de trouver des terrains de convergence, car il existe une très large adhésion des partenaires sociaux à cet accord.
Le Gouvernement se félicite de cette méthode inédite de transposition, qui devra veiller jusqu'au bout, à l'issue de la navette, au respect des équilibres qui ont été trouvés. C'est là toute la difficulté pour le législateur, à l'Assemblée comme au Sénat. Je sais que vous avez la volonté de respecter l'équilibre qui a été trouvé entre les partenaires sociaux, qui y sont très sensibles - et c'est légitime.
Cet accord, conclu dans la nuit du 10 décembre dernier, ne se limite pas malgré tout à un ensemble de procédures législatives : un chantier réglementaire important est engagé. Il doit associer les partenaires sociaux et s'accompagner d'une appropriation de ces dispositions par les acteurs de terrain. Je pense par exemple à la mise en place de la nouvelle gouvernance en santé au travail, aux travaux sur l'offre socle, dont je sais que les rapporteurs auront à coeur de parler, à la certification des services de prévention et de santé au travail, ou même à la prévention de la désinsertion professionnelle, pour ne citer que ces exemples.
Voilà pour la méthode.
S'agissant du contenu, nous constatons avec cette proposition une accélération de la transformation et de la modernisation de notre système de santé au travail. Il est vrai que c'est une tâche de long cours qui trouve sa déclinaison dans cette proposition de loi.
Je pense que nos échanges devraient nous permettre d'approfondir certains des objets de la proposition de loi. Dans l'immédiat, je veux souligner ici quelques éléments que je trouve particulièrement significatifs, comme le renforcement de l'approche préventive, qui marque l'entrée de la prévention en santé au travail et à la traçabilité de l'exposition aux risques professionnels, certes collective mais très importante, notamment en matière de risques chimiques.
L'amélioration de la qualité des prestations des services de santé au travail interentreprises (SSTI) constitue aussi un grand pas en avant, grâce à la définition d'une offre socle de services qui devrait être déployée pour l'ensemble des entreprises, quelle que soit leur taille. Nous voyons bien l'avancée que cela représente. La question qui nous est posée par toutes les entreprises est de savoir ce que cette cotisation amène à l'employeur. C'est souvent visible pour les grandes entreprises et peut-être pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI), mais la question se pose également pour les TPE-PME.
Je pense aussi que la création d'une procédure de certification de ces services, associée à la transparence des tarifs, devrait permettre de soutenir les efforts de qualité et de savoir ce que l'on trouve en face de la cotisation.
J'ai dit tout à l'heure un mot de la lutte contre la désinsertion professionnelle. Je préfère parler de maintien dans l'emploi. Deux dispositifs me paraissent importants en la matière : la visite de mi-carrière, qui permet de vérifier l'adéquation entre le poste et l'état de santé, et le rendez-vous de liaison, qui a fait l'objet de plusieurs échanges à l'Assemblée nationale pour aboutir à un consensus.
Le terme n'est peut-être pas forcément le plus ajusté, mais c'était l'expression de la volonté de vos collègues de l'Assemblée nationale et des partenaires sociaux, lorsqu'on est loin de l'emploi pour des raisons de santé, d'avoir un échange tripartite entre médecin du travail, employeur et salarié, de manière à préparer le retour à l'emploi. C'est souvent parce que certaines situations durent qu'on a du mal à retrouver un emploi.
Avec le portefeuille que je porte depuis plus d'un an, j'ai pu mesurer la très forte attente des salariés des entreprises envers les services de santé au travail. Je sais que vous en avez aussi conscience. Il est intéressant de constater les attentes réciproques et la façon dont la crise sanitaire a pu interpeller les uns et les autres dans leurs attentes et leurs pratiques.
La santé au travail est totalement intégrée dans le système de santé publique, notamment avec la vaccination contre la Covid-19.
Je le répète, je pense que les acteurs sont prêts à accepter les évolutions présentées dans la proposition de loi. Je ne vous surprendrai pas en vous disant que le Gouvernement la soutient résolument, et je ne doute pas que nous parviendrons, à l'issue de nos débats, à trouver un consensus.
Le Gouvernement est cependant réservé sur le document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP) pour toutes les entreprises, quelle que soit leur taille. Je suis moi-même fils d'artisan. Demander au boulanger d'Armentières, quel que soit son engagement en matière de prévention des risques au travail, d'écrire un programme pluriannuel dans son domaine me semble relativement décalé par rapport à la réalité que vivent ces entreprises.
Je partage votre intérêt pour cette proposition de loi et je suis à votre disposition pour en débattre.