Intervention de Laurent Pietraszewski

Commission des affaires sociales — Réunion du 15 juin 2021 à 17h00
Proposition de loi pour la prévention en santé au travail — Audition de M. Laurent Pietraszewski secrétaire d'état auprès de la ministre du travail de l'emploi et de l'insertion chargé des retraites et de la santé au travail

Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État :

La question de la durée de conservation du document unique d'évaluation des risques professionnels est en effet pertinente par rapport à la durée de vie moyenne d'une entreprise. L'ANI est relativement silencieux sur ce sujet, et on ne trouve pas beaucoup plus d'éléments dans les débats en première lecture.

Il s'agit de questions extrêmement pragmatiques : un grand dispositif informatique de conservation des données doit être développé et représente aussi un coût : qui va payer ? L'idée des partenaires sociaux est d'assurer la traçabilité collective, notamment des risques chimiques. Il faut qu'ils continuent à travailler sur ce sujet et nous disent comment ils veulent procéder. Je ne suis pas persuadé que ce soit au législateur ni même à l'exécutif que je représente de trancher. Il faut évidemment se donner les moyens de ses ambitions, et je partage donc vos interrogations.

En second lieu, vous l'avez dit, il ne s'agit pas de dire que les PME ne conduisent pas d'études des risques. Il doit y en avoir de la même façon qu'ailleurs. Pour reprendre l'exemple du boulanger, il doit fournir des gants pour éviter à ses salariés de se brûler en sortant les baguettes du four à sole. Ce sont des éléments extrêmement concrets de la vie de tous les jours. On ne peut demander à ce même boulanger de rédiger une note sur la programmation pluriannuelle de la prévention autour du four à sole !

Seulement 38 % des PME remplissent le document unique. Mon ambition est de convaincre tout le monde de la nécessité d'en rédiger un. Si on ajoute des contraintes, je crains qu'on soit en dessous de 38 % ! Il faut donc s'adapter aux PME.

J'ai eu la chance de travailler dans une très grosse entreprise : j'ai écrit moi-même, à l'époque, plusieurs documents avec les membres du CHSCT. Cela faisait partie de mon travail, avec l'ingénieur prévention, de rédiger les mesures adaptatives. Un boulanger ne va pas payer un ingénieur qualité pour écrire un programme pluriannuel, mais il doit protéger ses salariés des brûlures.

Votre troisième question concernait l'offre complémentaire de services par rapport à l'offre socle. L'offre socle ne peut pas être, au regard de la loi, une offre a minima. Elle doit couvrir impérativement l'ensemble des obligations qui existent pour les services de santé au travail. Si un service de santé au travail, pour des raisons économiques, ne souhaite pas imaginer une procédure compliquée, son offre socle ne sera pas validée.

Par exemple, réaliser une mesure du bruit d'un atelier fait partie de l'arsenal que peut proposer la médecine du travail. Si on lui demande de venir mesurer chaque poste tous les ans, il s'agit d'une offre complémentaire. Si on lui demande de mesurer une fois l'insonorisation, cela fait partie de l'offre socle. Il en va de même concernant les poussières.

On pourrait aussi considérer que la vaccination n'a pas à figurer dans l'offre socle. Ce sont des questions qui doivent être posées.

J'ai particulièrement apprécié votre proposition concernant les cellules pluridisciplinaires : une approche territoriale est extrêmement pragmatique. Lorsqu'on doit effectuer des reclassements, ceux-ci sont réalisés en effet par territoire, par bassin d'emplois. Les cellules de lutte contre la désinsertion professionnelle ou de maintien dans l'emploi sont des SSTI. Qu'est-ce qui les empêche de discuter ensemble ? Les services de santé au travail sont certes déjà très territorialisés, mais je trouve l'idée intéressante, même si elle n'est pas exprimée ainsi dans l'accord.

Par ailleurs, les services de santé au travail autonomes (SSTA) des grandes entreprises ont des rapports directs avec le médecin du travail pour accompagner les salariés en matière de maintien dans l'emploi. Ce sont ces sociétés qui auront plus de facilités à maintenir leurs salariés dans l'emploi, grâce aux rendez-vous de reprise et de mi-carrière. Ces leviers seront sans doute plus faciles à actionner par les SSTA, les SSTI pouvant davantage agir par le biais des cellules de maintien dans l'emploi.

S'agissant des travailleurs indépendants, la loi, si elle est votée, leur ouvrira la possibilité de recourir aux services de santé au travail. Certes, cela ne peut être financé par d'autres, mais ce sera proposé dans l'offre complémentaire et le service de santé au travail devra le justifier. Mes parents étaient indépendants : ils auraient peut-être trouvé cela très sympathique, mais il faut rester soucieux des équilibres de notre protection sociale.

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