Intervention de Laurent Pietraszewski

Commission des affaires sociales — Réunion du 15 juin 2021 à 17h00
Proposition de loi pour la prévention en santé au travail — Audition de M. Laurent Pietraszewski secrétaire d'état auprès de la ministre du travail de l'emploi et de l'insertion chargé des retraites et de la santé au travail

Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État :

Tout d'abord, une expérimentation est en cours concernant le suivi des salariés du particulier employeur. Il n'est pas question pour moi de créer un service de santé au travail national : les services de santé au travail sont des services de proximité.

Vous me demandez de vous détailler le contenu du décret qui portera sur ce sujet : nous allons inciter au rattachement de proximité. Nous suivons avec intérêt l'expérimentation qui est actuellement menée, mais nous en sommes aux prémices. On n'est pas en situation de pouvoir la généraliser.

Ce sujet est complexe, et c'est d'ailleurs une très bonne chose que la Fédération des particuliers employeurs de France (FEPEM) se penche sur ce sujet, car on se retrouve parfois avec des salariés qui ont cinq ou six employeurs. Cela pose la question de la cotisation, du suivi, du type de tâches qui est réalisé. La FEPEM souhaite trouver une solution, mais la réponse n'est pas unique et il faut suivre l'expérimentation.

Quid du médecin du travail et des salariés protégés ? Je parle d'expérience : dans les entreprises, cela ne fait pas débat, le médecin du travail est tenu par sa déontologie. Il ne faut pas penser que les médecins du travail ne respectent pas le secret médical.

Je rappelle que la médecine du travail est une spécialité. Lorsque j'étais employeur, jamais un médecin du travail ne m'a communiqué d'éléments concernant la santé de mes salariés. Leur rôle est de dire à l'employeur que la santé du salarié n'est pas adaptée au poste de travail, mais l'employeur n'a pas à savoir pourquoi. Ne nous faisons pas peur avec cette question. Les médecins du travail respectent leurs obligations.

Par ailleurs, il existe dans cette proposition de loi tout un dispositif sur les infirmières et infirmiers de pratique avancée (IPA). Ils agiront sous la délégation et sous le contrôle du médecin du travail. Les choses sont claires. Il s'agit d'un levier de prévention, et c'est bien là qu'on attend l'ensemble de l'équipe pluridisciplinaire.

Je ne voudrais pas donner le sentiment de tout voir en rose, mais je trouve que cette proposition de loi apporte des améliorations. Je suis favorable aux équipes pluridisciplinaires. Madame la sénatrice se posait la question des effectifs d'IPA. On sait bien qu'on n'a pas beaucoup plus de ressources en médecine du travail qu'on en a en médecine générale. Les choses vont évoluer, mais cela va prendre un certain temps. On a libéré le numerus clausus et on sait qu'il faut attendre plusieurs années pour que les choses bougent.

Nous devons donc nous organiser pour que le temps médical, aussi bien en médecine du travail qu'en médecine générale, soit le plus utile possible. C'est tout l'intérêt de ces équipes pluridisciplinaires : plus on aura recours à celles-ci, plus on dégagera du temps médical rationalisé.

J'y crois beaucoup. Le médecin du travail reste celui qui anime et dirige cette équipe pluridisciplinaire. On m'a fait remarquer que tous les médecins du travail ne sont pas forcément des managers. Ce n'est en effet pas si facile que cela. On doit peut-être prévoir des formations. Le sujet n'est pas tabou. Ces équipes ne comptent pas un trop grand nombre de personnes. La proximité y existe bel et bien.

Concernant la RQTH, on peut tout à fait conduire des partenariats. Il n'y a pas de lien entre la réforme en profondeur de la santé au travail et les Cap emploi, mais j'entends bien qu'il peut y avoir un rapport opérationnel entre les deux. Les cellules de maintien dans l'emploi et de lutte contre la désinsertion professionnelle peuvent et doivent bien sûr travailler avec l'ensemble des acteurs qui interviennent en matière de handicap. C'est sur le fond un des éléments qu'on attend d'eux afin de réaliser un maillage entre les différents intervenants. On ne trouve en effet jamais seul une réponse en cas de difficulté de maintien dans l'emploi.

Quelques précisions s'agissant de la formation et des postes de l'ECN. J'ai eu moi-même l'occasion d'être formé et c'est encore le cas tous les jours. Je suis tout à fait d'accord pour prévoir des formateurs. Cependant, la moitié des postes que l'on offre ne sont pas pourvus. Nous partageons la même ambition, mais il faut aussi des réponses sur le terrain.

Pour ce qui est de la formation en alternance, c'est quasiment le cas pour tous les internes en médecine du travail, qui font beaucoup de stages dans cette spécialité. Plus de la moitié s'effectue dans des services de santé au travail, au moins deux ans sur quatre. Quand on a choisi cette spécialité, on a été en contact avec ses pairs. Il est important de le rappeler. C'est d'ailleurs une obligation européenne.

Pour les collaborateurs médecins, la formation peut être adaptée en fonction de l'expérience et des acquis. Des généralistes qui veulent devenir médecins du travail ont pu, pour des raisons de background personnel et professionnel, avoir à connaître des éléments de médecine du travail. En général, quand on a de l'appétence pour le sujet, c'est qu'on a déjà construit professionnellement un certain nombre de choses.

Monsieur le sénateur Savary, vous avez raison de dire que cette visite de mi-carrière s'opère à 45 ans, mais on pourrait en décider autrement dans les branches. Je me souviens qu'on recevait autrefois un livret destiné aux seniors. J'en avais rédigé un et sa réception m'a permis de comprendre l'effet que cela pouvait produire lorsqu'on le recevait !

Il ne s'agit surtout pas de sortir du débat qu'on a eu il y a dix ans. Ce n'était selon moi pas du tout l'ambition du législateur d'alors de stigmatiser les personnes de plus de 45 ans, plutôt de créer un échange. Dans le cas présent, on le fait sous un angle extrêmement précis, celui de la santé au travail, afin de déterminer si l'état de santé du travailleur est en cohérence avec le poste et de savoir quelles évolutions envisager.

Je me souviens des débats au sujet des retraites : la question est effectivement de savoir comment évolue notre employabilité au regard d'un certain type de métiers - je dirais même d'activités. On comprend bien que quelqu'un qui monte des murs en béton ou qui travaille sur les toits, à un moment donné, en fonction des situations personnelles, n'est plus au meilleur endroit pour travailler.

Cela permettra de mettre en perspective les parcours professionnels et d'anticiper une éventuelle dégradation de la santé. On se retrouvera du coup avec moins de monde dans la cellule de prévention de la désinsertion professionnelle. C'est là notre difficulté : ces cellules ont d'autant plus d'intérêt aujourd'hui qu'on n'a pas beaucoup d'actions préventives. On est plutôt dans le curatif. Il faut donc que l'on actionne ces deux leviers afin de pouvoir construire un parcours de vie professionnelle en lien avec sa santé. Ce n'est pas tabou. On peut se dire les choses, sans pour autant pointer les plus de 45 ans - et j'en fais partie !

Nous sommes sûrement quelques-uns ici, mais nous faisons un job un peu différent.

Vous m'avez également posé la question des outils et de la technique. L'interopérabilité existe entre les différents outils. On doit pouvoir passer l'écueil de l'informatisation que vous avez évoqué.

Pour ce qui est du DMP et du DMST, il y aura une possibilité. La loi le prévoit. Ce n'était pas dans l'ANI. C'est un élément qui a été porté avec force et conviction par vos collègues de l'Assemblée nationale, avec un assez large consensus. Ils ont cadré les choses, en prévoyant une autorisation, afin que l'accord soit éclairé. En effet, le médecin du travail est aussi le médecin qui déclare l'inaptitude - ou l'aptitude. Il faut donc que le salarié soit pleinement conscient de ce qu'il fait. Il s'agit d'une autorisation qu'on doit donner à chaque fois. Vos collègues rapporteurs de l'Assemblée nationale ont réussi à convaincre les autres députés.

Quant à l'agrément, c'est un peu l'arme atomique. On pourrait vérifier ensemble combien ont été retirés et dans quelles conditions, monsieur le sénateur. Si on retire l'agrément à un service de santé au travail, cela pose un problème pour tous les salariés qui sont suivis par celui-ci. Il ne faut le faire qu'en cas d'événement très important, sous peine de casser la machine et de causer indirectement préjudice à des salariés et à des employeurs.

L'ANI a donc mis en place une certification. Son avantage vient du fait que l'on va pouvoir délivrer des certifications avec ou sans réserves, alors qu'on ne peut octroyer un agrément avec des réserves. La certification offre davantage de souplesse et va surtout, contrairement à l'agrément, intégrer des dispositions comme celles qu'on a évoquées, comme l'offre socle et l'offre complémentaire, qu'on n'a pas aujourd'hui avec l'agrément.

J'entends ce que vous dites, mais je tiens à vous rassurer. J'aurais pu me poser la même question que vous il y a quelques semaines. J'ai instruit les choses, et je vois bien la souplesse que cela introduit. L'enjeu est de faire progresser collectivement les services de santé au travail. Il faut donc le faire avec un autre outil que l'agrément.

Certaines questions portaient sur les offres complémentaires. Celles-ci peuvent être soumises à concurrence, mais il s'agit pour les employeurs de mesures destinées à protéger la santé des salariés. Ce n'est pas un élément de marketing, plutôt un élément utile et concret. Cela se fait avec les partenaires sociaux. Je comprends que le sujet puisse nous séparer, mais pas tant que cela, car je partage la conviction que c'est la qualité du dialogue social qui fait que cela fonctionne bien dans l'entreprise.

Concernant les CHSCT, je ne peux pas dire ni laisser dire qu'on aurait perdu des prérogatives en matière de protection.

On a créé des commissions spécialisées dans les entreprises où existent des risques de type Seveso ou dans les entreprises au-delà d'un certain nombre de salariés. Pour le reste, je préfère personnellement faire une réunion d'une journée avec les mêmes personnes que deux fois une demi-journée avec des gens qui changent de casquette durant l'heure du midi. On gagne un peu de temps et on est plus efficace. Je crois que les choses fonctionnent mieux et qu'on ne peut considérer cela comme une source de dysfonctionnements en matière de protection de santé. C'est plutôt une simplification destinée à agir plus vite.

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